Voici la suite et fin de cette deuxième histoire portant sur la vie et l'oeuvre, et en l'occurence pour l'instant la jeunesse de Jocasta Nu. Oui, j'ai attaqué cette histoire en juillet 2010 et oui, je la termine aujourd'hui. Je crois que pour le coup, je vais la dédier à Super-Bern, qui a découvert récemment ma propension convulsive au retard.
– La planète Rolvane compte une colonie républicaine, mais il est attesté que des populations autochtones y ont vécu auparavant. Vous n’avez pas lu les comptes rendus, maître ?
– Si, quelques pages. En diagonale.
– La civilisation qui s’est développée sur cette planète, que ses habitants appelaient Garantoros et non Rolvane, a commencé à prospérer il y a…
– Si tu peux réduire ton discours à trois phrases en y incluant l’existence des passages secrets, je suis preneur, l’interrompit Extor.
– Bien sûr, maître, répondit Jocasta, les lèvres pincées. Il y a longtemps, la planète était partagée entre des peuples qui se livraient à des guerres féroces, d’où la présence des forteresses ou de leurs ruines un peu partout sur le continent où nous nous trouvons. Le célèbre archéologue Sonten Goran a étudié de près ces vestiges, dont cette forteresse-ci, dans un ouvrage que j’ai étudié attentivement avant de venir. Il y est question de passages secrets qui relient tous les bâtiments et le donjon.
– Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant ? Nous aurions pu nous infiltrer par ces passages secrets plutôt qu’en escaladant le mur ? demanda Extor.
– Certaines portions de ces passages se sont effondrées sur eux-mêmes. Sonten Goran n’a jamais trouvé le tunnel qui permettait de s’enfuir de la forteresse.
– Tu as déjà entendu parler de ces tunnels ? demanda Extor à Middler.
– Jamais. Et les pirates ne sont pas au courant, je le saurais.
– Reste à savoir où se trouvent ces passages, et comment on les ouvre, fit remarquer Extor.
– Sonten Goran a dessiné de nombreuses cartes de ce lieu. Y compris les passages dérobés. Tout est dans ma tête. Ainsi bien sûr que le moyen d’ouvrir les portes cachées.
Derrière son masque d’impassibilité, Finis Extor était très impressionné. Et le fit savoir à sa manière.
– Je me demande pourquoi je suis venu, sourit-il à l’intention de sa padawan. Je ne sers à rien, en fin de compte.
Elle lui rendit son sourire, rayonnante, avant de reporter son attention sur Middler. Du respect se lisait désormais dans les yeux du pirate, ce qui manqua de porter Jocasta au septième ciel.
– On y va ? demanda Extor pour chasser le trouble de sa padawan.
Je suis maître Jedi et, alors que je pensais à me retrouver faire du baby-sitting ou presque, j’ai maintenant le sentiment d’être un chien en train d’être promené par son propriétaire. Maître Yoda n’a pas fini de se moquer de moi quand je lui raconterai ça !*
**
Anton sortit son datapad et afficha un plan de la forteresse, avant de s’adresser à Jocasta :
– Nous sommes ici, dit-il en désignant un couloir sur son plan. Montre-moi où se trouve le passage secret le plus proche et je nous y amène.
– Ne faudrait-il pas déjà savoir où le sénateur Garth Arriban est retenu ?
– Euh, oui, bien sûr, acquiesça-t-il. Il est à l’avant-dernier sous-sol de l’installation. Les pirates…
– Ne parle pas d’eux comme si tu ne faisais pas partie de leur groupe, mon garçon, l’interrompit Extor.
– J’essaie de m’en dissocier, justement, rappela Arriban. Bref… Les parties supérieures de la forteresse étant vulnérables à une éventuelle attaque aérienne, les pir…
nous avons décidé de nous installer dans les parties souterraines. Le souci est qu’on risque d’y croiser du monde, mais je suppose que ça ne vous fait pas peur. J’ai entendu parler des prodiges dont vous autres Jedi êtes capables un sabrelaser à la main, et…
– Nous verrons cela le moment venu, rétorqua Jocasta en bombant le torse, fière qu’il puisse la penser efficace un sabrelaser à la main.
Elle ne vit pas son maître lever les yeux au ciel mais entendit son grognement.
– Notre but premier étant de mettre le sénateur Arriban en sûreté, nous devons être discrets. Dans l’idéal, nous repartirions avec lui sans avoir été repérés.
– Je te rappelle que notre mission consiste également à mettre hors d’état de nuire les pirates de Corcxus.
– Certes, maître, mais d’une part nous ne sommes que deux, aussi puissants soyons-nous – elle coula un regard vers Middler à ces derniers mots, espérant découvrir une étincelle d’admiration dans ses yeux –, et il pourrait être intéressant de savoir si ces pirates n’appartiennent pas à une confédération de criminels plus importante. Il serait dommage de mettre hors-jeu du menu fretin s’il peut nous conduire à du plus gros gibier.
– Tu extrapoles beaucoup, Jocasta, répondit Extor. Je ne me souviens pas avoir entendu dire que ces pirates n’agissent pas seuls. Middler, quelque chose à dire sur ce sujet ?
– Je ne fais pas partie de la haute hiérarchie de l’organisation donc je serais bien en peine de vous répondre. Personne n’en a jamais fait mention en public, en tout cas.
– Peu importe, je sais que j’ai raison, affirma Jocasta. J’ai étudié attentivement tous les rapports concernant les activités des Corcxus et dans quatre cas au moins, il est évident qu’ils ne pouvaient pas agir seuls : logistique dépassant leurs capacités, et renseignements trop solides. Soit ils ont des alliés qui les rendent plus puissants, soit ils sont eux-mêmes affiliés à une organisation plus vaste.
– Hum… fit Extor, pensif.
Il avait d’abord cru que Jocasta cherchait un prétexte pour ne pas avoir à affronter directement les pirates, mais il commençait à se faire à l’idée que la petite était très fiable sur certains points, notamment celui de la collecte et de l’analyse de données.
– Très bien, ajouta-t-il. Nous sauvons le sénateur et nous enfuyons discrètement… non sans avoir caché des balises-espions sur plusieurs de leurs vaisseaux. Ça te semble adéquat, Jocasta ?
– Oui, maître, répondit la padawan, fière de voir son maître suivre son avis.
– Jocasta ?
– Oui, maître ?
– Bien joué.
– Merci, maître.
– Mais bride ta fierté, je te prie. Je peux la sentir d’ici et j’aimerais que tu te reconcentres.
– Bien sûr, maître, fit-elle penaude et le rouge aux joues.
Pour se donner contenance, elle se pencha sur le datapad de Middler, se rendit compte qu’elle s’était collée au jeune pirate sans y prendre garde et recula vivement d’un pas. Il leva un sourcil interrogateur face à ce drôle de manège et Extor grogna son mécontentement.
– Ton contrôle, Jocasta. Ton contrôle.
– Oui maître, pardon.
Irritée contre elle-même, elle rejeta toute pensée parasite pour se concentrer sur le plan tridimensionnel affiché sur le datapad. Elle repéra leur position et Middler la indiqua celle du sénateur prisonnier.
De là, elle y superposa mentalement le plan des passages secrets praticables, qu’elle avait mémorisé. Quand elle eut déterminé le parcours qui lui semblait être le meilleur, elle dit d’une voix ferme :
– Suivez-moi.
– Vous êtes sûre de vous ? demanda Middler, inquiet qu’elle lui rende le datapad après l’avoir éteint.
Elle se contenta de lui sourire.
– Je nous couvre, annonça Extor avant de s’emparer de son sabrelaser et de projeter la Force dans toutes les directions, à la recherche de toute forme de vie.
*
**
Ils enfilèrent couloir sur couloir. À trois reprises, Extor détecta des pirates se dirigeant vers eux. Jocasta leur faisait alors prendre des détours, et à deux reprises, ils empruntèrent des portes dérobées pour contourner l’ennemi.
Middler et Extor la suivaient en silence. Le maître ne se sentait pas tout à fait à l’aise. Ce type de manœuvre était aux antipodes de son comportement habituel. Jouer au chat et à la souris n’était pas sa spécialité ; jouer au nexu se jetant sur sa proie était plus dans ses cordes.
À son grand étonnement, une partie de lui se réjouissait de ce changement : depuis que la petite était avec lui, il agissait différemment d’avant, il composait avec elle. Il apprenait une nouvelle approche, ce qui ne pouvait que lui servir, décida-t-il. Pendant toutes les années où il avait été seul, il s’était enfoncé dans un système de pensées dont il ne serait jamais sorti si rien n’avait changé.
Certes, il était très efficace quand même, mais d’une certaine manière, c’était comme s’il avait bridé son esprit, comme s’il s’était fermé à un grand nombre d’options. Les redécouvrir avait un côté vivifiant, si bien qu’il commençait à prendre du plaisir à suivre Jocasta.
Après un énième détour par des dédales dissimulés pour éviter des pirates repérés par les sens exacerbés d’Extor, Jocasta s’arrêta face à une porte dérobée.
– Nous sommes au bon étage. Maître, détectez-vous quelqu’un dans les environs ?
– Une seule personne, à à peu près vingt mètres sur notre droite.
– Hum… Probablement le sénateur prisonnier. On dirait que la chance est avec nous, maître, fit Jocasta en tendant le bras vers le système d’ouverture.
– Un instant, Jocasta, rétorqua Extor. Il y a quelque chose qui cloche. Tout est trop facile.
– Je ne vois pas ce qui pourrait nous arriver, maître. Je vois mal vos sens vous trahir.
– Ce n’est pas le problème. Peut-être suis-je plus soupçonneux que d’habitude car tout se passe trop bien et… j’avoue ne pas être familier de ce type de configuration.
– Parce que vous ne réagissez jamais en douceur, toujours prompt à foncer dans le tas ? se permit de demander Jocasta.
Il lui jeta un œil pensif, presque hésitant.
– Je me le demande. Le moment venu, je me pencherai sur la question. Ma méthode est efficace, mais je reconnais qu’elle est basée sur… la violence. Si elle est contrôlée et tenue en bride par ma discipline Jedi, elle n’en est pas moins de la violence.
Jocasta enchaîna :
– Pensez-vous qu’il soit possible que…
– Non mais arrêtez, tous les deux ! intervint Middler. Vous croyez vraiment que c’est le bon moment pour philosopher ?
Le maître et sa padawan échangèrent un regard penaud mais complice, avant de se sourire.
– On te suit, Jocasta. D’autant que la voie est libre derrière ce mur.
*
**
Ils pénétrèrent dans le couloir vide, aux aguets, et se dirigèrent vers la cellule où le sénateur Arriban était censé être retenu.
Finis Extor ne pouvait empêcher un mauvais pressentiment de l’envahir, alors même que la Force lui indiquait que tout allait pour le mieux. Une seule forme de vie : que pouvait-il arriver ?
Une attaque venant de lasers dissimulés dans les murs ? Voilà qui ne serait pas capable de l’inquiéter. Du gaz ? Il pouvait retenir sa respiration de longues minutes. Il y avait pourtant quelque chose, c’était trop évident. Enfin, il crut comprendre : des droïdes.
Jocasta s’arrêta devant la porte qu’Extor lui indiqua. Une bonne vieille porte en bois, en apparence, munie d’un judas.
La padawan se hissa sur la pointe des pieds pour y jeter un œil. Elle n’avait pas une vue sur toute la cellule, mais peu importait : face à elle, elle reconnut sans mal le sénateur Arriban. Assis contre un mur, les bras au-dessus de sa tête entravés par une chaîne accrochée à un gros anneau au mur, il avait le regard hagard.
Jocasta hocha la tête à destination de son maître, ouvrit la porte et entra... avant de reculer vivement. Le sénateur n’était pas seul dans sa geôle : quatre droïdes à l’air menaçant, jusque-là immobiles et plaqués contre les murs latéraux, hors de vue de qui regardait par le judas, se mirent en branle dès l’intrusion constatée.
– Des droïdes assassins, commenta Extor en passant calmement devant sa padawan, sabrelaser allumé. Comme prévu.
Il ne lui fallut que quelques secondes pour réduire les droïdes en morceaux bons pour la casse. Chacun d’eux eut à peine le temps de se servir des canons-blaster intégrés à leurs bras, et la lame verte d’Extor les intercepta sans mal.
– Il y en a d’autres dans le couloir, annonça Extor.
Renonçant à repérer des formes de vie, pouvoir inutile en la circonstance, il se focalisait désormais sur les sons, et les bruits de pas mécaniques dans le couloir, qu’il percevait converger vers eux, ne laissait place à aucun doute sur la situation.
– Nous sommes tombés dans un piège, fit Jocasta sur un ton inquiet.
– Reste calme, padawan. Rentre dans la cellule et libère le sénateur.
Puis, se tournant vers Middler, il dit :
– Pourquoi ne nous as-tu pas avertis que tes camarades et toi possédiez des droïdes de combat ?
– Je l’ignorais, je vous le jure ! répondit le jeune pirate, sur la défensive. Je vous l’ai déjà dit, je ne suis qu’un grouillot, un sous-fifre. On ne m’a jamais donné l’autorisation de venir à cet étage, j’ignorais ce qui s’y passait comme la nature des systèmes défensifs en place.
– En somme, tu ne nous sers pas à grand-chose.
– Je fais ce que je peux, Jedi. Je suis juste un type normal, qui s’est retrouvé à son corps défendant dans une sale situation, avec les mauvais types, au mauvais moment. Désormais, j’essaie de m’en sortir. Et puis je vous rappelle que sans moi, jamais vous n’auriez su sur quelle planète se dissimulaient les pirates et leur prisonnier.
Extor ne répondit rien, bien campé sur ses jambes dans le couloir, sabrelaser prêt à l’emploi dès que les droïdes surgiraient.
– Le sénateur Arriban est libre, maître, indiqua Jocasta. Il est à peine conscient mais tient à peu près sur ses jambes.
– Et maintenant, Jocasta ? Comment nous en sortons-nous ? demanda Extor.
– Je… Je ne sais pas, maître ! Le passage secret le plus proche est derrière ce corridor, de là où viennent les bruits de pas qui se rapprochent.
– Réfléchis, Jocasta, insista Extor. Ta connexion avec la Force peut nous sauver.
Elle fut incapable de se concentrer, perturbée par le danger s’approchant. Elle finit par hausser les épaules et reconnut son échec :
Je n’ai plus d’idée, maître.
– Hum… se contenta de commenter Extor avant de dévier les tirs des droïdes ayant fini par surgir. Plaquez-vous au sol, il y en a d’autres qui arrivent de l’autre couloir.
– Nous sommes cernés ! fit Middler.
– Peu importe, répliqua Extor. Je peux les tenir en respect jusqu’à la fin des temps. Or je doute qu’ils aient assez de droïdes pour m’occuper durant cet intervalle.
– Peu importe. Quand les pirates ont auront assez, ils penseront peut-être à vous lancer une grenade, où à faire exploser tout l’étage ! continua Middler.
– Si tu as une meilleure idée, gamin, je t’en prie, mets-la en œuvre.
Le jeune pirate se tut.
Le flux des droïdes continuait à arriver, régulier. Heureusement, l’exiguïté des couloirs les empêchait de se déployer, aussi Extor pouvait-il les détruire les uns après les autres sans être débordé.
Il jeta un œil à sa padawan quand il entendit le vrombissement de sa lame s’allumer. Jocasta avait plongé sa lame dans le sol de pierre et entreprenait laborieusement de le découper.
– Tu joues à quoi, Jocasta ?
– Je pense savoir comment rejoindre les passages secrets à partir de l’étage en dessous, maître.
– Parfait. Bien joué, padawan.
Décidément et même sous la pression, la petite avait du répondant, même si en l’occurrence il lui avait fallu un peu de temps avant de retrouver ses esprits. Par contre, pour ce qui était de l’efficacité à découper une ouverture dans le sol, Extor constata qu’elle avait beaucoup de progrès à accomplir.
– Tu penses avoir terminé avant demain ? demanda-t-il.
– Je fais ce que je peux, répondit-elle, concentrée, le front couvert de sueur.
– Laisse-moi faire, padawan.
Extor éteignit son sabrelaser et le rangea à sa ceinture, avant d’exercer quasiment simultanément une poussée de Force de chaque côté du couloir. Les droïdes, balayés et détruits par la puissance du coup, vinrent grossir les débris de leurs prédécesseurs amoncelés aux angles du couloir.
Le maître Jedi avait déjà à nouveau son sabrelaser à la main et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il avait découpé un grand cercle dans le sol.
Les assaillants mécaniques suivants firent leur apparition et il reprit la défense de leur position, tout en criant à Jocasta :
– Donne un coup de boutoir à l’aide de la Force et le sol tombera à l’étage inférieur !
Jocasta se remit de sa surprise et tenta de se concentrer pour obéir à son maître.
Trop long. Beaucoup trop long, pensa ce dernier, qui décida de corser la difficulté, toujours dans l’optique de la pousser à se dépasser.
– Dépêche-toi, Jocasta ! Tout repose sur toi. Si tu échoues, c’est toute la mission qui sera un fiasco total !
Il perçut le regain de doute chez sa padawan, et sut qu’elle n’y arriverait pas.
– Euh… Vous êtes sûre que vous en êtes capable ? s’inquiéta Middler auprès de Jocasta, en voyant à quel point ses efforts ne produisaient rien.
La padawan le fusilla du regard, autant parce qu’il avait raison – elle n’arrivait à rien malgré la découpe nette qu’Extor avait pratiqué dans le sol – que parce qu’il la voyait dans une position d’échec, loin de la mettre en valeur.
– Maître… fit-elle, implorante.
– Débrouille-toi, Jocasta, rétorqua-t-il sans cesser d’expédier du droïde. Tu es padawan, il faut que tu apprennes à développer tes dons en situation stressante.
– Mais si je n’y arrive pas ?
– Il faut que tu te désinhibes. Tu échoues notamment à cause de ma présence. Si je n’étais pas là, tu serais obligée de trouver une solution seule. Alors que ton état d’esprit actuel te fait te dire que ce n’est pas grave si tu échoues, vu que je peux prendre le relais. Tu t’appuies sur moi comme sur une béquille, ce qui n’est pas bon pour le développement de tes propres talents.
– Non mais vous êtes fou ? intervint Middler. Tous les pirates sont à nos trousses et vous, vous laissez la petite se débrouiller juste pour lui inculquer une leçon ? Vous n’avez pas remarqué qu’on est en danger de mort, là ? Et vous croyez quoi, une fois que vous aurez dézingué tous les droïdes ? Que les pirates vont laisser tomber ? À l’heure qu’il est, ils ont dû mettre les hangars des vaisseaux sous bonne garde, et le reste des troupes doit converger vers notre position avec de l’armement lourd ! Nous allons tous mourir si nous restons traîner ici, y compris le poids mort pour lequel vous êtes venus !
Le poids mort en question, le sénateur Arriban, releva brièvement la tête, et son regard hagard parcourut les lieux sans se fixer sur quoi que ce soit. Il reposa son front sur le sol en marmonnant des paroles incompréhensibles.
Jocasta fut étonnée de la sortie d’Anton. Focalisée comme elle l’était sur l’utilisation de la Force, les interactions avec son maître et les mises à l’épreuve que celui-ci lui imposait, elle comprit, penaude, qu’elle avait sacrifié la vue d’ensemble de leur mission à des détails. Elle se concentrait sur des morceaux du puzzle et ne voyait plus le dessin global qu’ils formaient. Et il avait fallu un non-Jedi pour le lui montrer.
Elle eut honte. Honte d’elle et de ses échecs, honte de considérer Anton comme un « non-Jedi », terme qu’elle lui avait appliqué de manière péjorative, comme s’il était handicapé ou inférieur, honte de...
– Tu penses trop, Jocasta.
– Pardon, maître.
– La manière dont tu imprègnes la Force de tes pensées force mon admiration, ma padawan, mais les ruminations n’ont pas leur place chez les Jedi, qu’ils soient maîtres, chevaliers ou padawan. Vis dans le présent. Agis ici et maintenant. Le moment venu, à savoir une fois notre mission accomplie, il sera temps d’analyser chaque phase de la mission. Les ruminations n’y auront pas leur place. Comme elles ne l’ont pas maintenant. Elles n’ont jamais leur place. Jamais. Ni maintenant, ni dans le futur, ni même dans le passé. Détache-toi de tout ce qui te tires vers le bas, padawan. Concentre-toi sur l’essentiel. Ici et maintenant.
Pendant que son maître lui faisait la leçon, Jocasta se connecta à la Force, et la voix d’Extor se fit de plus en plus lointaine, bien que toujours audible, presque hypnotique.
– Bien joué, Jocasta, énonça soudain Extor d’une voix claire qui la fit sursauter.
À sa grande surprise, elle vit le cercle de pierre et de béton découpé par son maître flotter dans les airs, et elle fut encore plus surprise de constater que c’était elle la responsable de cette lévitation.
Sous le choc de cette révélation, elle faillit perdre son contrôle, avant de le raffermir. Ça alors ! Un mélange d’instinct, d’abandon à la Force et de volonté consciente ! C’était donc cela, la clé ?
– Je vois que tu commences à saisir, fit Extor en la gratifiant d’un sourire.
– Oui, maître. Je vois le… le
truc, répondit-elle, presque émerveillée de voir ses pouvoirs capables de soulever ce bloc de béton pesant plusieurs centaines de kilos.
Même Middler restait silencieux, éberlué par ce qu’il avait sous les yeux.
– On ne rêvasse pas, tout le monde, reprit Extor. Jocasta, tu descends la première, sabre au clair au cas où il y aurait danger. Je ne sens rien à ce niveau mais on ne sait jamais. Middler, tu lui passeras le sénateur puis tu descendras à ton tour. Je passerai le dernier.
Jocasta sauta sans grâce et rata son atterrissage. Le choc se répercuta dans ses genoux et lui traversa le dos.
Elle parvint néanmoins à garder le contrôle sur le morceau de sol, même si elle sentait sa concentration vaciller peu à peu. Elle ne tiendrait plus très longtemps.
Le sénateur Arriban et Anton Middler l’avaient rejointe quand ses forces abandonnèrent Jocasta. Son maître prit le relais, sauta dans le trou avec grâce et remit le bloc de béton à sa place.
– Et maintenant, Jocasta ? demanda-t-il.
Elle repoussa l’épuisement et la migraine qu’elle sentait poindre sous son crâne et, indiquant une direction, dit :
– Le passage secret est par là.
Ils eurent le temps de s’y engouffrer sans qu’aucun pirate ni nouveau droïde n’ait pointé le bout de son nez.
Maintenant qu’ils étaient en relative sécurité, après avoir échappé au danger des droïdes, ils se permirent de souffler. Sauf qu’Extor, en apparence toujours frais comme un gardon, remit la pression sur sa padawan :
– Tu disais qu’aucun passage secret subsistant ne menait à l’extérieur. Et même si c’était le cas, il nous faut un vaisseau pour fuir or il est évident que les pirates les tiennent sous bonne garde. As-tu des préconisations ?
Jusque-là, il avait été très satisfait des prestations de Jocasta, aussi aurait-il parfaitement compris qu’elle renonce à son rôle de leader, qu’elle s’abrite derrière son maître reprenant les choses en main à sa manière.
Elle le surprit à nouveau quand, après être restée immobile une minute, les yeux mi-clos, auréolée de la Force, elle répondit :
– Notre groupe est déséquilibré, maître.
– Comment cela ?
– De nous quatre, il y a un intrus. Vous.
– Moi ?
– Vous êtes trop fort, vous êtes parfaitement capable de vous débrouiller seul pour nous faire sortir tous quatre. D’un côté, il y a vous, et de l’autre, il y a trois poids morts à votre suite.
– Je ne suis pas un poids mort ! s’insurgea Middler, vite remis à sa place par Extor.
– Silence, le pirate. Continue, Jocasta.
– Vous êtes moins efficace par rapport à d’habitude parce que vous avez des gens à protéger. Mais sans les poids morts que nous sommes, vous serez à nouveau au summum de vos capacités. Donc nous devons nous séparer. Vous tout seul d’un côté, et nous de l’autre.
– Hum… Comme tu l’as souligné, je suis capable de vous veiller sur vous. Mais si je ne suis plus là, qui veillera sur vous et sur le sénateur ?
– Anton sera ravi de ne plus se sentir inutile, répondit-elle en coulant un regard vers l’interpelé.
Si elle espérait gagner des points auprès du jeune humain en lui conférant un rôle plus important, elle en fut pour ses frais : son expression bougonne demeura.
– Je m’occuperai de faire avancer le sénateur, le temps qu’il… et moi-même récupérions nos forces.
– Cela ne change rien, reprit Extor : si vous êtes attaqués, je doute que vous soyiez capables de vous défendre avec efficacité.
– Nous ne serons pas attaqués, car c’est là que vous intervenez. Nous trois, nous allons descendre encore d’un niveau via les passages secrets, puis un autre par les couloirs conventionnels, jusqu’à rejoindre une poterne notée sur le plan. De là, nous serons dehors et pourrons commencer à fuir, à pied.
– Vous n’irez pas loin, commenta un Extor dubitatif. Et la poterne est peut-être lourdement surveillée. Et je ne vois toujours pas comment j’interviens.
– C’est très simple : vous foncez dans le tas, ce qui permettra d’attirer sur vous toutes les forces vives de la forteresse. C’est ainsi que nous, de notre côté, ne devrions pas rencontrer de résistance en fuyant, ou alors simplement symbolique.
– Je vois. En gros, je sers de diversion ?
– Pas seulement. Non seulement vous devrez attirer l’ennemi loin d’ici, mais il vous faudra également voler un vaisseau et venir nous chercher ensuite afin que nous puissions tous fuir.
– C’est… très malin, Jocasta. Je suis impressionné. Ce plan me paraît viable. Allons-y ! Le temps joue contre nous !
Jocasta, toute à son plan, oublia de s’enorgueillir des compliments de son maître et enchaîna :
– N’oubliez pas que selon mes analyses, les Pirates de Corcxus n’agissent pas seuls. Ils ont des alliés, des subordonnés ou en sont eux-mêmes. Vous devrez donc poser des mouchards sur les vaisseaux que vous épargnerez.
Aucun problème, sourit-il, tout en pestant intérieurement contre lui-même :
bon sang, j’avais oublié ce laïus sur les pirates faisant partie d’un groupe plus grand. Décidément, je manque de discipline et de discernement dès que je sors de mon domaine d’expertise. – Combien de mouchards possédez-vous, maître ?
– Hum… quatre.
– En voici huit autres, maître, sourit Jocasta en les lui tendant.
Il fronça les sourcils devant l’insolence dessinée sur les traits de sa padawan. Depuis avant leur départ, elle avait prévu ce cas de figure et s’était équipée en conséquence. Tout le contraire de lui-même, ne vivant que dans l’instinct.
– Efface ce sourire arrogant, grogna-t-il. Et… bien joué.
Finis Extor alluma son sabrelaser, fit un signe de tête à sa padawan, et s’élança dans le couloir en hurlant.
– Waouw, commenta Middler. Il est… impressionnant. On dirait un buffle géant de Terval VI.
– J’espère juste qu’il sait ce qu’il fait, corrigea sèchement Jocasta. Il n’a même pas pris la peine d’étudier les plans de la forteresse avant de partir.
Elle était injuste envers son maître et le savait pertinemment : grâce à la Force, nul doute qu’il parviendrait à atteindre le hangar des vaisseaux. Mais s’appuyer uniquement sur son instinct avait quelque chose de dérangeant aux yeux de Jocasta, si habituée à réfléchir avant tout et incapable de suivre la même voie de la Force que son maître.
– Allons-y, Anton. Aidez-moi à soutenir le sénateur Arriban. Avec un peu de chance, nous ne ferons pas de mauvaises rencontres.
Jocasta l’espérait de tout cœur. Elle était au bord de l’épuisement mais continuait à avancer, pour deux raisons : impressionner le jeune et séduisant pirate repenti… et savoir que bientôt, son maître les rejoindrait avec un vaisseau pour qu’ils puissent quitter la planète.
– Vous ne pouvez rien pour le sénateur Arriban ? demanda Middler, las de traîner l’édile républicain.
– Vu l’état d’épuisement dans lequel il se trouve, non : quelques bons repas et une bonne dose de sommeil salvateur, voilà ce qu’il lui faut.
– Je croyais que les Jedi avaient des dons de guérisseurs ?
– C’est une spécialisation au sein de l’Ordre, et je ne la possède pas.
– Tant pis, soupira Middler.
Tandis qu’ils avançaient lentement en direction de la poterne que Jocasta savait exister d’après les plans qu’elle connaissait par cœur, la padawan n’en oublia pas de projeter ses sens autour d’eux afin de ne pas se faire surprendre, que ce soit par un ennemi organique ou mécanique. Même s’il lui était de plus en plus difficile de maintenir sa concentration.
De loin en loin, ils entendaient des tirs de blasters, ainsi que des explosions. Entendre ses sons, émanations de violence et de bataille, mettait pourtant du baume au cœur de Jocasta. Son maître devait leur en faire baver.
Autant Finis Extor trouvait de plus en plus intéressant son nouveau rôle de pédagogue auprès de sa padawan, autant il fut ravi de la solution qu’elle avait proposée, à savoir le séparer du groupe.
Enfin, il pouvait laisser libre cours à sa propre approche de la Force, sans avoir à se soucier de la sécurité de ses compagnons. Finis les faux-semblants, il avait l’occasion de se défouler. Et il ne s’en priva pas.
Le rugissement bestial qu’il poussa en quittant les autres n’avait pour but que de décontenancer les pirates et attirer l’attention sur lui. Plus il aurait d’ennemis aux trousses, plus ses camarades auraient de chances de quitter les lieux sans être inquiétés : le sénateur était trop affaibli par les épreuves qu’il avait subi pour être autre chose qu’un poids mort, Anton Middler n’avait rien de remarquable, il ne résisterait pas longtemps face à ses ex-camarades, et Jocasta, quant à elle, avait beaucoup puisé dans ses réserves jusque-là.
À partir du moment où Finis Extor eut des pirates en ligne de mire, il se drapa de la Force et passa à l’action.
Virevoltant plus vite que ne pouvaient le suivre des yeux, son sabrelaser formait un infranchissable rideau défensif vert, sur lequel tous les tirs de blaster étaient immédiatement renvoyés à leurs auteurs.
Les quelques droïdes rescapés de la première vague d’attaque ne furent bientôt plus que carcasses fumantes, et remplacés par des êtres organiques, ce qui ne changea rien pour le maître Jedi : il chargeait, esquivait et renvoyait les tirs.
Quand les pirates sortirent l’artillerie lourde, blasters-mitrailleurs et, plus loin dans le couloir, canon-blaster sur trépied, Extor hésita l’espace d’une seconde sur la conduite à tenir… sans cesser de courir sus à l’ennemi, et sans même se rendre compte que son sabrelaser avait quitté sa main et volait vers les pirates. L’arme de lumière fit des ravages dans les rangs ennemis avant de revenir se loger dans la main de son propriétaire légitime, qui ne s’était toujours pas arrêté et qui eut beau jeu d’achever les survivants.
Chez Extor, ce type d’événement, où l’instinct prenait ses décisions et agissait avant même que le cerveau ait fini d’analyser une situation et préparé une riposte, était plutôt courant, et il n’avait jamais eu à s’en plaindre : son intelligence arrivait invariablement aux mêmes conclusions que son instinct… sauf que ce dernier prenait la bonne décision beaucoup plus vite.
Les pirates de Corcxus ne faisaient pas le poids et le comprirent très vite. Être sûr de sa force, caché derrière des dizaines de droïdes de combat, était une chose. Se retrouver en première ligne face à un Maître Jedi inarrêtable et dispensateur de mort, en était une toute autre.
Les pirates rompirent peu à peu les rangs, la peur l’emportant sur la discipline. La panique les emporta et chacun courut bientôt pour sauver sa peau, le moral brisé.
Finis Extor ne les lâchait pas mais commença à s’inquiéter. Il devait lancer des balises-espions sur le plus de vaisseaux pirates possibles avant leur fuite, seul moyen d’avoir une meilleure idée de leurs connexions avec d’autres groupes liés à la pègre galactique. Mais si les pirates les plus importants du groupe fuyaient les premiers en abandonnant leurs hommes, il ne pourrait pas retracer leurs déplacements et mettre la main sur du plus gros gibier.
Il fut rassuré en arrivant dans le vaste hangar : il y avait peu d’emplacements vides parmi la petite flotte hétéroclite surtout composé de vaisseaux de transport légers. Il dut s’employer à détruire deux canons-blaster montés sur trépied et qui l’arrosèrent d’un feu nourri dès son apparition. Les quelques secondes nécessaires à cette action permirent malheureusement à deux vaisseaux de fuir.
Toutes les portes menant au hangar vomissaient des pirates, hurlant et se bousculant afin d’être sûr d’avoir une place dans l’un des vaisseaux. Ils ne faisaient même pas cas de la présence du Maître Jedi.
Les rats-womps quittent le désert, se dit Extor.
Sabrelaser levé, il était prêt à se défendre en cas d’attaque, mais cessa sa propre offensive. Il ressortait des conversations paniquées des pirates que leur otage sénateur avait été libéré, qu’un Jedi avait détruit tous les droïdes de combat, et que leurs propres chefs avaient fui les premiers. Bref, que tout était perdu.
Avec l’aide de la télékinésie, Finis posa tous ses mouchards sans être dérangé. Et il n’eut plus qu’à attendre que le hangar se vide. Quand les derniers pirates eurent fuis, non sans lui jeter des regards anxieux en passant non loin de lui – mais aucun ne fut assez téméraire pour tenter de s’en prendre à lui –, quatre vaisseaux étaient encore à quai. Il n’avait que l’embarras du choix pour s’en aller à son tour récupérer ses trois compagnons.
Il calma sa respiration, éteignit son sabrelaser et le rangea à sa ceinture.
Fin de la mission ! Une belle réussite.
*
**
Pendant les quelques jours nécessaires au retour vers Coruscant, le sénateur Arriban reprit peu à peu ses forces. Jocasta éprouvait une grande fierté pour le rôle qu’elle avait joué dans la mission, surtout en voyant le sénateur Arriban plus vivant chaque jour, souriant et affable, les yeux brillants d’espoir retrouvé. Il ne tarissait pas d’éloges sur l’Ordre Jedi en général, et sur Finis Extor en particulier. Ce dernier s’isola très vite dans sa cabine, lassé par les compliments dithyrambiques, qui lui semblaient déplacés : il s’était contenté d’accomplir son devoir, de remplir sa mission. Les couronnes de laurier tressées ne l’intéressaient pas.
Jocasta aurait voulu profiter de l’exigüité des lieux pour passer le plus de temps possible avec le jeune et séduisant pirate, Anton Middler, mais celui-ci s’isola dans sa cabine le plus clair du temps.
À ses yeux, elle s’était beaucoup investie dans cette mission, avait dépassé ses limites, trouvé des solutions ayant même impressionné son maître mais cela n’avait, à son grand dam, pas suffit à la rapprocher d’Anton. Elle en était très déçue.
Elle qui avait rêvé d’apprendre à mieux le connaître, à le voir s’intéresser à elle… Certes, elle suivait la voie des Jedi et de telles émotions étaient aux antipodes de ce qu’on lui avait appris, mais même lorsque le côté rationnel de son esprit lui soufflait à quel point son attitude envers le jeune adulte était ridicule, elle ne pouvait s’empêcher de choyer ses émotions, ses rêves d’adolescente. C’était si nouveau pour elle, si grisant qu’elle refusait de tourner le dos à ces sensations.
Pourtant, elle aurait dû savoir qu’Anton ne la regarderait pas comme elle le regardait. À ses yeux, elle devait être quelconque, coincée et peu avenante, comme elle-même s’était toujours vue. Quoi de plus logique qu’il lui tourne le dos ?
Pourtant… Si elle s’était dévouée à lui et que lui-même lui avait ouvert des horizons nouveaux, qui sait ce qu’ils auraient pu vivre ensemble ?
Jocasta soupira. Elle ne le saurait jamais.
Elle prit conscience de ne plus être seule et se retourna brusquement. L’étincelle de joie qui avait spontanément enflammé son regard s’éteignit à la vue de son maître, adossé au mur de la coursive, bras croisés, yeux inquisiteurs braqués sur elle.
– Et bien non, Jocasta. Je ne suis pas
lui, Jocasta.
Nul reproche dans sa voix, juste une constatation, énoncée sur un ton doux.
– Pardon, maître. Je…
– Oui, tu es troublée. Je le sais, je le sens. Tu viens de participer à ta première mission en tant que Padawan, un test à l’issue duquel je dois décider si tu as oui ou non l’étoffe de devenir une Padawan à part entière. Or voici que tu te rends compte que c’est tout l’univers et ses possibilités infinies qui viennent de s’ouvrir à toi, et les perspectives qu’il offre peuvent être grisantes pour une jeune fille ayant passé sa vie cloîtrée dans une prison dorée jusque-là.
– Je ne suis qu’une idiote, maître. D’un côté, je suis plutôt satisfaite de ma conduite lors de cette mission. J’ai l’impression de pouvoir me faire une place à vos côtés, même si dans mon propre registre. Et d’un autre côté, je me sens si faible, si vulnérable, si dépendante des autres. Songer que des gens comptent sur moi juste parce que je suis censée maîtriser la Force est une responsabilité terrifiante. Et je la maîtrise si peu…
– Tu n’es que Padawan, Jocasta. Il est normal que tu aies besoin des autres. tu es en apprentissage. Personne ne te demande de te comporter comme…
– Comme vous ?
– Si tu entends par là « comme un ours solitaire qui défonce tout tout seul dans son coin, ce qui lui permet de réussir toutes ses missions », oui, sourit-il.
Elle lui rendit son sourire.
– Pourtant, je sens que vous n’êtes plus cet ours, maître. Vous avez eu le tact, l’intelligence de me faire une place à vos côtés, sans que je me vois réduite au rôle de faire-valoir, simple suiveuse voire boulet inutile. Et pour cela, je vous remercie infiniment.
– Disons que ma réflexion te concernant a évolué. En revenant au Temple Jedi après toutes ces années à agir seul, j’étais persuadé qu’il me fallait un élève qui soit quelque chose comme mon clone. Aussi, quand Maître Yoda m’a fortement encouragé à ne serait-ce que faire une seule mission avec toi, j’étais persuadé que c’était une perte de temps.
– Et aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?
– Que ce diabolique nain vert est plus retors que jamais ! Et que comme d’habitude, il avait raison. Nous sommes plus forts en nous nourrissant de nos différences, Jocasta. Tu possèdes tes propres bases dans la Force, et elles sont solides, et je compte bien t’aider à les développer.
– Merci, Maître. Mais franchement, êtes-vous sûr que j’ai moi-même quelque chose à vous apporter ?
– Bien entendu. Les solutions que tu avances sont aux antipodes des miennes, mais peuvent tout aussi bien marcher. Ce qui nous donne plus d’options, et en avoir plus que pas assez est toujours une bonne chose, tu ne crois pas ?
– Mais vos propres solutions ont toujours bien fonctionnées. Pourquoi vouloir en changer ?
– Parce qu’à force, je m’enferme dans un schéma de pensées, de réactions, dont je me révèlerai incapable de sortir si je n’y prends garde. Je deviens prévisible, et j’atrophie mon imagination. Tu penses différemment de moi, ce qui ne t’empêche pas d’être efficace pour autant. Ce qui nous place sur un pied d’égalité.
– Comment cela ?
– Mon instinct me commande. Ton intellect te guide. Qu’arriverait-il si nous parvenions à développer une voie, notre propre voie, ou nos deux composantes se nourriraient mutuellement ? Notre panel de réactions possibles serait bien plus important qu’il ne l’est actuellement. Nous serions face à une myriade de choix lors de nos missions, contrairement à maintenant, et ainsi…
– En multipliant les choix, nous multiplierons nos chances de faire le bon ?
– Exactement. Quelqu’un me tire dessus au blaster, je lui renvoie le tir, de préférence sur un point vital. Et toi, tu fais quoi ?
– Je fais plutôt confiance à la télékinésie pour le désarmer, le pousser ou le faire trébucher. Enfin, je pense. Je n’ai jamais eu l’occasion d’être confrontée à ce genre de cas en situation réelle.
– Quoi qu’il en soit, nous voilà avec différentes options. Que penses-tu de la mienne ?
– Elle semble efficace, Maître. Mais elle est… létale. Létale pour la partie adverse, or c’est une manière de procéder qui va à l’encontre des préceptes Jedi. Du moins, c’est ce qu’on m’appris.
– On a coutume de dire qu’en cas de légitime défense, un Jedi a le droit de prendre une vie s’il ne peut faire autrement. Ce n’est pas satisfaisant pour les défenseurs de la vie que nous sommes, mais c’est ainsi. Le but n’étant pas tant de tuer que de se débarrasser d’un obstacle qui nous empêche de sauver encore plus de vies.
– La différence me semble plutôt subtile.
– Pas tant que ça. En fait…
– Vous pouvez ergoter tant que vous voulez, Maître, le coupa-t-elle sèchement. Dans la situation que vous décrivez, que le Jedi ait ou non de bonnes intentions, il tue.
– Certes, mais…
– Il tue. C’est inacceptable.
– Il y a des cas où malheureusement, il est inévitable que…
– Vous avez tué des pirates pendant notre mission ?
– Quand j’ai chargé direction le hangar, oui.
– Ne pouviez-vous pas, puissant comme vous l’êtes, l’éviter ?
– Si, bien sûr, mais je risquais de perdre un temps fou. Peut-être qu’ils auraient eu le temps de tous s’enfuir, et donc commettre bientôt de nouveaux méfaits. Et s’ils étaient tous partis avant mon arrivée, je n’aurais pas pu placer les mouchards sur leurs vaisseaux. Sans parler du fait que nous aurions eu l’air fin s’il n’y avait plus eu un seul vaisseau pour nous.
– Ça fait beaucoup de « peut-être ». la mort des pirates, elle, n’est pas « peut-être ». n’avez-vous pas été vers la solution la plus simple pour vous, Maître, au détriment d’une plus compliquée mais qui aurait eu le mérite d’épargner des vies ?
– Je… Je dois bien admettre que tu as raison. J’ai privilégié mes options habituelles, celles que je suis depuis tellement d’années, d’instinct. Et c’est bien pour cela que ta présence à mes côtés est appréciable, rafraîchissante et porteuse de changements pour moi. de bons changements. Qui feront de moi un meilleur Jedi. Un meilleur homme.
Jocasta ne put répondre, la gorge serrée d’émotions. Qu’un Jedi aussi puissant que son Maître ait le courage de reconnaître, et de la manière la plus simple et sincère possible, qu’elle, petite Padawan au gros manque de confiance en elle, avait tant à lui apporter…
Elle renifla, ravala les larmes qu’elle sentait monter, et s’inclina profondément devant Finis Extor.
– C’est un honneur de me tenir à vos côtés, Maître. J’essaierai de ne jamais vous faire honte.
– Ta honte, je m’en fiche, petite. Tout ce que je veux, c’est ton efficacité.
– Vous l’aurez, Maître, je vous le promets !
– Et tu fais quoi de ce jeune pirate, Jocasta ? Tu ne pars pas à son bras explorer la galaxie, sans parler d’explorer les voies de l’amour ?
– Mais, maître… commença-t-elle, rouge comme une pivoine.
– Parce que si ton engagement de future Jedi n’est pas total, autant renoncer ici et maintenant et on n’en parle plus. Ça nous évitera de nous faire perdre du temps à tous les deux. Alors, tu choisis quoi ? De te rouler nue dans l’herbe avec un amoureux pendant qu’une brise tiède vous caresse les cheveux ? Ou d’affronter des armées de suceurs de cerveaux avec un simple sabrelaser – que tu as du mal à maîtriser – à la main ?
– Maître ! Vous n’êtes qu’un sale butor !
– J’aime présenter les choses de manière simple, les choix s’avèrent du coup assez limpides à faire. Alors, tu choisis quoi ? À moins que tu aies besoin de temps pour réfléchir ?
– Je serai Jedi, rétorqua-t-elle, glaciale. Tel est mon destin.
– Tu t’avances beaucoup, jeune Padawan. Le long est long pour y parvenir, et…
– Peu m’importe. Je le serai, je le sais. Pour une simple et bonne raison.
– Qui est ?
– Je viens de vous traiter de butor.
– Je ne vois pas le rapport.
– Il y a quelques mois, Maître Yoda m’a dit que le jour où je serai capable d’insulter un Maître Jedi, le manque de confiance en moi qui me freine tant ne serait plus qu’un lointain souvenir.
– Ce vieux diablotin manipulateur a dit ça ? sourit Extor.
– Oui. Et cessez de le tourner ainsi en dérision. Il en vaut dix mille comme vous !
– Dix mille ? Que d’exagération. Ton esprit rationnel n’est déjà plus ce qu’il était.
– Dans ce cas, je vais y remédier tout de suite en méditant. Seule. Alors hors de ma vue ! Allez vous trouver une occupation constructive. Je ne sais pas, moi, allez respirer l’air en dehors du vaisseau et sans scaphandre, par exemple.
– À vos ordres,
Maître, répondit-il en s’inclinant devant elle, avant de s’en aller tout sourire.
Elle commence à s’affirmer. C’est bon signe pour la suite. Pour elle. Pour moi, en revanche, je sens que ce sont les débuts des ennuis…