Introduisons un méchant pour l'histoire et voyons ce que ça donne...
Chapitre 4 : Vénir Edjan Tout au long de cette interminable journée, la colère monta peu à peu en Vénir Edjan. Inquisiteur subalterne basé sur Coruscant, il avait en charge de recevoir quiconque prétendait avoir des informations sur tout ce qui touchait aux Jedi : leurs pouvoirs, leur philosophie, leurs armes… et surtout l’existence d’éventuels survivants de l’Ordre.
Le défilé à son bureau ne s’arrêtait jamais. Son travail était ô combien fastidieux : trier le grain de l’ivraie parmi les informations qui lui étaient rapportées, rédiger des rapports pour les nouvelles les plus intéressantes, les plus prometteuses, rapports transmis ensuite à ses supérieurs, les Inquisiteurs.
Certains jours, et celui-ci en était un, Vénir avait le sentiment de perdre son temps, d’être sous-employé. Aucun visiteur ne lui apporté la moindre information exploitable. Ce n’était pas la première fois, et il en prenait son parti la plupart du temps. Mais pas aujourd’hui.
Ses interlocuteurs avaient été plus que médiocres : flagorneurs inventant des histoires de toutes pièces pour se faire bien voir des autorités, délateurs cherchant à se débarrasser de rivaux, de voisins haïs en leur inventant un lien avec le défunt Ordre Jedi.
Cette mesquinerie généralisée avait assombri l’humeur de Vénir. La colère accumulée exploserait avant la fin de la journée, c’était certain : restait à savoir comment. Peut-être tuerait-il l’un des prochains visiteurs à relayer une rumeur insipide. Ce ne serait pas la première fois, et ces assassinats avaient du bon. Ils lui remettaient du baume au cœur et calmaient ses nerfs éprouvés. Ou peut-être irait-il trouver l’un de ses confrères pour un duel d’entraînement, excellent moyen de libérer sa colère tout en affinant sa relation au Côté Obscur de la Force.
Un Gran entra dans le bureau. Vénir plissa le nez. Cette espèce l’avait toujours dégoûté, avec ses trois yeux fureteurs. Il se demanda s’il n’allait pas le tuer tout de suite. Supprimer ce genre d’horreur sur pattes contribuait sans nul doute à améliorer la galaxie.
– Mes respects, monseigneur, fit timidement le Gran après avoir observé nerveusement les lieux.
L’être se dandina sur ses pieds, peu à l’aise, ce qui faillit arracher un sourire à Vénir. Sentir la peur des autres le réjouissait toujours, lui donnait le sentiment d’être un homme important.
D’un autre côté, Vénir avait agencé les lieux et modelé son attitude de manière à ce que les visiteurs soient toujours mal à l’aise : si lui était assis derrière son bureau, ses interlocuteurs n’avaient pas droit à un siège. Et il les gratifiait toujours d’un regard noir tout en restant mutique. Sans parler des murs du bureau, constellés de scènes de tortures diverses et variées.
Muet, les yeux rivés sur le Gran, expression sévère sur le visage, Vénir alourdit encore l’atmosphère en tambourinant d’impatience avec ses doigts sur le bureau.
Le non-humain détourna vite le regard des yeux jaunes de Vénir et le temps qu’il passerait avec Vénir, il ne retenterait pas cette expérience plus que désagréable.
Il comprit en revanche qu’il devait vite en venir au fait, à cause de l’impatience mal dissimulée de l’Inquisiteur comme de sa réputation sanguine.
Il sortit un comlink de sa poche, l’activa et annonça :
– C’était ce matin, dans les bas-fonds. J’ai croisé ce type…
L’hologramme bleuté d’un humanoïde claudiquant apparut, vêtu d’une capuche en haillons. Le capuchon sur sa tête empêchait de déterminer à quelle espèce il appartenait. Le mot qu’il répétait inlassablement à haute voix résonna dans la pièce : « Jedi ! Jedi ! Jediiii ! ».
– Je suis censé faire quoi ? demanda sèchement Vénir. Traquer cette… chose qui a visiblement sombré dans la folie ? C’est peut-être plutôt toi que je vais dépecer… vivant… pour t’apprendre à me faire perdre mon temps.
Le Gran déglutit nerveusement et trouva le courage de dire :
– Attendez, ce n’est pas tout. Regardez bien, c’est dans quelques secondes !
Vénir reporta son attention sur l’hologramme se frayant un chemin parmi une foule compacte, tout en répétant le mot « Jedi » comme une litanie. L’être trébucha et bouscula un Besalisk qui le dépassait de deux têtes. Mauvaise idée. Le non-humain beugla, serra ses quatre poings et en balança un sur l’être à la capuche, qui tomba assis sur ses fesses. Tandis que le Besalisk se ruait sur lui, bien décidé à en découdre, l’autre tendit les bras vers lui, paumes en avant. Alors qu’un bon mètre les séparait, le Besalisk fut stoppé net et fut projeté violemment en arrière sur d’autres gens, ce qui provoqua une nouvelle rixe.
L’être à la capuche en profita pour s’esquiver discrètement. Il disparut derrière un bâtiment aux murs lézardés et aux fenêtres ayant perdu depuis longtemps leurs vitrages.
– Alors, vous en dites quoi ? demanda le Gran. Cet hologramme ne mérite-il pas une récompense ?
Vénir Edjan se retint de justesse de bondir de son fauteuil pour égorger l’hideuse créature vénale qui lui faisait face, mais la raison l’emporta. Les meurtres d’indicateurs devaient rester marginaux afin de ne pas les rebuter à apporter leur collaboration spontanée.
Il ouvrit un tiroir du bureau et en sortit une poignée de crédits, qu’il jeta négligemment en direction du Gran.
– Hors de ma vue, ajouta-t-il avant de se lever et marcher jusqu’à la large baie vitrée dont bénéficiait son bureau. Il mit les mains dans son dos et réfléchit, tandis que le Gran s’empressait de ramasser de l’argent avant de disparaître.
Normalement, je devrais rédiger mon rapport, attendre qu’un supérieur le lise et décide ou non d’agir. Mais… c’est déjà ce que je fais tout le temps et qu’est-ce que ça m’a rapporté ? Rien. Je suis dans une voie de garage. Si je ne me bouge pas, je serai condamné à rester dans ce bureau jusqu’à mort.
Et si j’y allais en personne ?
Sa décision prise, un sourire étira ses lèvres. Enfin un peu d’action, et contre un adversaire maîtrisant la Force, qui plus est ! Ce pouvait être une occasion inespérée de prouver sa valeur, de démontrer qu’il valait mieux que cet insipide travail de bureaucrate auquel sa hiérarchie l’avait confiné.
Bien sûr, il risquait d’être réprimandé pour avoir outrepassé son rôle, mais une prise d’initiative pouvait également lui faire marquer des points auprès de ses supérieurs.
Il enfila sa cape, accrocha son sabre-laser à sa ceinture et sortit. En passant devant sa salle d’attente bondée, il grogna à l’attention de ses visiteurs :
– Allez polluer les autres bureaux, le mien est fermé.
Il prit son comlink et réquisitionna une escouade de Stormtroopers ainsi qu’un landspeeder de transport de troupe. L’équipe comme le véhicule l’attendaient déjà quand il émergea du quartier général de l’Inquisitorius.
Il salua à peine le sergent de l’escouade, lui tendit l’holofilm de l’utilisateur de la Force et annonça :
– Les bas-fonds. Conduisez-nous aux coordonnées indiquées par cet holo-enregistrement.
– À vos ordres, monseigneur.
*
**
Dès qu’il fut au-dessus de son objectif, dans les bas-fonds, le landspeeder ne s’embarrassa pas de fioritures quand il fallut atterrir malgré la foule. Une alarme fut déclenchée et il entama sa descente à la verticale. Il n’y eut pas de victime. Tout le monde s’écarta prestement.
La foule coléreuse resserra les rangs et convergea vers le landspeeder à son atterrissage, prête à en découdre. Vénir fut le premier à poser les pieds au sol, et les protestations se turent à sa vue. Les incursions d’Inquisiteurs dans les bas-fonds n’étaient pas monnaie courante, mais la rumeur de la violence de leurs apparitions s’était depuis longtemps propagée à ces niveaux de la ville-planète.
Les mécontents hésitèrent, certains détournèrent le regard et firent demi-tour. Jaugeant la foule encore nombreuse, Vénir posa ostensiblement la main sur la garde de son sabre-laser, son visage s’éclaira d’un sourire carnassier et ses yeux brillèrent d’impatience.
Ses vis-à-vis comprirent. Ils se cherchèrent un meneur, celui qui aurait le courage de briser le fragile équilibre, de lancer la révolte. Ils n’en trouvèrent pas. Ils se dispersèrent.
– Sergent, appela Vénir.
– Oui, monsieur ?
– Scannez le bâtiment. Voyons si nous pouvons débusquer notre pseudo Jedi.
– À vos ordres, monsieur, répondit le Stormtrooper en braquant son scan vers sa cible. Trente et une formes de vie, monsieur, réparties sur les quatre étages et les deux niveaux souterrains.
Vénir fut déçu. S’il voulait contrôler tout le monde de manière conventionnelle, il allait devoir diviser ses troupes : une équipe à l’intérieur, une autre pour garder la sortie. Ça allait prendre du temps, pour un résultat de toute manière non garanti. L’holo datait de quelques heures, rien ne certifiait que l’être s’y trouvait encore.
Vénir se résolut à utiliser la Force. Elle lui donnerait la certitude de la présence de sa cible. Revers de la médaille, l’autre ressentirait également cette intrusion.
– Guettez une réaction sur le scan, sergent, ordonna Vénir avant de déployer la Force vers le bâtiment.
– L’un des points sur le scan vient de bouger, monsieur.
– Au sous-sol ?
– Oui, monsieur.
– C’est lui. Je sens la Force en lui. On y va ! Et n’oubliez pas, je le veux vivant. Vous en répondez tous sur votre vie !
– Compris, monsieur.
Sabre-laser à la main, Vénir se rua dans le bâtiment décrépit et puant, repaire de squatteurs dont il était parfois difficile d’identifier l’espèce, ces pauvres hères semblant aussi délabrés que le bâtiment lui-même.
– Monsieur, notre cible est en mouvement.
– Dans notre direction ? demanda Vénir.
– Non, monsieur, il reste en bas mais court à l’opposé. Il a peut-être un moyen de s’échapper. Un trou quelconque dans la structure.
– Cela n’arrivera pas, fit Vénir, péremptoire.
Il se drapa dans le Côté Obscur et se laissa griser par la sensation de sa toute-puissance. Il se sentait vivant, comme jamais depuis des années. Pourquoi donc n’avait-il pas saisi plus tôt l’opportunité de fuir son maudit bureau et sa non moins maudite paperasse ?
Il distança vite les Stormtroopers, sauta de plusieurs mètres dans le vide pour pallier à l’absence d’escalier, détruit à cet endroit. Il se reçut souplement en bas, soulevant un nuage de poussière et faisant fuir de petites créatures indiscernables qui piaillèrent leur mécontentement d’être dérangées.
Derrière lui, il entendit les Stormtroopers dérouler les cordes qui allaient leur permettre de descendre en rappel. Il ne les attendit pas. Il était un serviteur des Sith, il n’avait besoin de personne d’autre que lui-même.
Il s’ancra par la Force à sa cible et, guidé par cette balise, se jeta dans les sombres couloirs. Il ne fut pas long à trouver sa cible, qui avait cessé de courir pour se recroqueviller contre un mur.
« Jedi… Jedi… Jediiiiii… » murmurait l’être en hochant la tête et le haut de son corps lorsque Vénir se retrouva face à lui.
Quand l’autre s’avisa de sa présence, il rassembla la Force et, comme sur l’holo-enregistrement, lança un coup de butoir sur Vénir. Drapé dans la Force et nanti d’une puissance supérieure à la loque qui l’attaquait, l’Inquisiteur absorba complètement l’attaque.
Il sourit, tendit ses paumes vers la forme au sol et dit :
– C’est comme ça qu’on fait.
Il déchaîna la Force sous la forme d’une poussée. L’être en haillons fut violemment plaqué contre le mur, sur lequel des lézardes apparurent en étoile. Vénir baissa les bras. Sa cible glissa au sol, inconsciente.
Des pas et des cliquètements métalliques montèrent du couloir derrière Vénir, accompagnés de respirations rauques.
– Sergent ? demanda Vénir.
– À… vos ordres… monsieur, répondit l’officier, essoufflé.
– Embarquez cette chose et conduisez-la dans une geôle de l’Inquisitorius.
– Oui… monsieur.
Une excellente journée, en fin de compte, décréta Vénir. Il s’était autorisé une mission sur le terrain, et celle-ci avait été couronnée de succès. Il décida de continuer à pousser sa chance : à son retour, il mènerait lui-même l’interrogatoire…