Sergorn a écrit:(Je n'ai pas spécialement souvenir d'une personne impliquée sur Young Indy qui aurait refusé de venir bosser)
Oui, j'ai un peu mélangé avec les gens qui avaient déjà bossé auparavant sur
La Guerre des Étoiles, comme
Lawrence Kasdan, désolé. D'ailleurs, je trouve dommage que Lucas n'ait pas rappelé
Peter Suchistzky, chef-opérateur sur l'
Empire Contre-Attaque et le seul encore en forme et en activité à ce moment. D'ailleurs, son travail avec
Cronenberg n'avait rien à envier à d'autres chef-op' comme
Vittorio Storaro,
Vilmos Zsigmond ou encore
Jordan Cronenwenth, et fut peut-être consulté pour les restaurations ultérieures. En général, quand le réalisateur est mort, il faut s'adresser au chef-opérateur s'il est toujours en vie. Lucasfilm ne devra pas trop traîner pour une éventuelle restauration des versions cinéma.
Sergorn a écrit:Sinon utiliser les films comme "laboratoire" pour la technologie c'est ce qu'à fait Lucas dès le premier Star Wars
Jusqu'à
THX1138 seulement pour tout ce qui est mise en scène, direction d'acteurs et autre. La technologie a toujours été le parent pauvre de l'innovation en matière de cinématographie. De base, c'est rarement par les techniciens et pour le cinéma qu'a été inventé le matériel. Les ingénieurs du son ne sont pas à l'origine du nagra, les chef-op' ne sont pas à l'origine de l'Arriflex*, et les techniciens d'effets spéciaux ne sont pas à l'origine de l'animatronique, pour ne citer que ceux-là.
Je ne considère pas
Star Wars comme un film novateur, ni en 1977 ni après. Même en 1999, une des "innovations" était une extension des techniques de marionnettiste pour Z-6PO (oui, je sais, C-3PO), et les CGI existaient avant (
Westworld). C'est un film révolutionnaire, et ce qui est révolutionnaire n'est pas novateur ou permettant un progrès, car ça consiste à remettre en place des choses anciennes oubliées. Ici, il remet en place l'imaginaire qu'on appelle maintenant pop-culture. Sur le reste,
Lucas, et tous les autres du Nouvel Hollywood, ne sont en rien novateurs. De plus, le volet conte, histoire, et donc scénario (je me doute bien qu'il se faisait violence), a fini par supplanter l'aspect technologique. Je pense comparer
George Lucas (que
Godard raillait en parlant de magasin Darty) au groupe anglais
Pink Floyd. Leur apport technologique était déjà contestable (le VCS3, synthétiseur novateur, fut utilisé avant) et l'apport musical a supplanté son contenant sonore. C'est le talent d'interprétation de
Gilmour et de
Wright et la direction de
Waters qui ont fait la différence, comme avant sur "Echoes", "Set the Controls for the Heart of the Sun" ou "Atom Heart Mother", l'album lunaire ayant été décrié comme disque de test pour matériel Hi-Fi.
GreenLightsaber a écrit:C'était Lucas donc je n'ai aucun problème avec ses retouches. Après tout c'est son œuvre.
Tu vas trouver ça choquant ou idiot, mais je ne suis pas d'accord. Passé un certain stade (que Star Wars a franchi allègrement), les œuvres n'appartiennent plus à leurs auteurs. Parfois, elles sont conçues comme des offrandes, comme c'est le cas chez
Tarkovski**, justement. Ce qu'on appelle la culture, l'histoire, ou l'inconscient collectif si certains préfèrent, finit par prendre le relai et elles ne demandent pas notre avis pour se forger.
Lucas avait invoqué les peintres et les compositeurs de musique classique pour justifier sa démarche mais même eux ont été critiqués. Pierre Bonnard, peintre français, avait demandé à son neveu de retoucher une de ses toiles à sa place car il était sur son lit de mort. Il fallait corriger une erreur de couleur, mais durant l'opération, la signature du peintre a été effacé par erreur. Et lui-même fut vertement critiqué pour ses retouches, qu'il faisait parfois après avoir vendu ces toiles à la mairie de Paris. Il allait donc jusqu'au vandalisme.
Alors, on ne va pas gratter la Joconde pour virer les retouches de de Vinci ni les toiles de Bonnard, mais on peut republier la version originale du Hobbit et ressortir les versions cinéma en HD. Adhéra qui sera sensible aux personnages et au travail de l'époque. Contrairement à ce que prétend Favrau, je suis convainque que des jeunes peuvent admirer un matte-painting à la main. Et ça réglera le problème de la Bibliothèque Nationale du Congrès qui ne se contentera pas éternellement de la copie de 1978 qui a été numérisée telle quelle, sans restauration.
Dans l'intention, tous les artistes sont égaux, mais pas dans le résultat. Et les modifications de Lucas (et même celles de
Scott sur
Blade Runner ou
Cameron sur
Abyss) sont loin de celles de Michel Ange ou de De Vinci. Si Rubens retouchait ses peintures, le résultat est bluffant : certaines toiles avec une bougie pourraient presque préfigurer la photographie.
K.
* Même si la caméra a été créée par un fabricant de caméra, elle ne s'est développée en tant que caméra légère que lorsque les nazis l'ont utilisée pour pouvoir suivre les opérations militaires plus facilement.
**
"La nature aristocratique de l'art [je ne pense pas que le cinéma soit un art avec un A majuscule mais on va passer]
ne délie cependant pas l'artiste de la question de sa responsabilité devant l'auditoire, et même devant l'homme en général. Au contraire ! Avec la conscience particulière qu'il a du temps et du monde dans lequel il vit, l'artiste devient la voix de ceux qui ne peuvent formuler ni exprimer leur vision leur vision de la réalité. En ce sens, l'artiste est effectivement la voix du peuple. Appelé à servir son propre talent, il sert par là son peuple. Aussi, je ne comprends pas du tout le problème de l'artiste "libre" ou "non libre". L'artiste n'est jamais libre, personne n'est même moins libre que l'artiste, parce qu'il est enchaîné à son don, à sa vocation, à son service envers les autres.
Par contre, l'artiste est libre de choisir entre le possibilité de réaliser au mieux son talent ou de vendre son âme pour trente pièces d'argent... Les tourments d'un Tolstoï, d'un Dostoïevski, d'un Gogol n'étaient-ils pas précisément ceux de la prise de conscience de leur rôle et de leur prédestination ? [...]
Je suis convaincu que si un artiste parvient à réaliser quelque chose, c'est qu'en réalité il vient combler un besoin qui existe chez les autres, même si ceux-ci n'en sont pas conscients sur le moment. Voilà comment le public est toujours le vainqueur, celui qui gagne quelque chose et l'artiste toujours le vaincu, celui qui doit payer."Le Temps Scellé.