Oranan a écrit:Pour ma part la principale raison qui me fait détester ces idées de spin off vient de cette tendance maladive à vouloir à tout prix "étendre un univers" avant même d'avoir une vraie histoire à raconter.
Bien qu'ayant aimé "Solo", je suis plutôt d'accord avec toi sur ce point. Il y a un côté histoire prétexte pour développer un univers et des interactions entre personnages. Il y a des choses que j'ai vraiment beaucoup appréciées dans "Solo", qui est sans doute le premier Star Wars à réellement se préoccuper des répercussions de la dictature impériale sur le peuple, la collusion entre l'Empire et la pègre (qui était juste effleurée dans
ESB...), etc...
Mais je peux concevoir tout à fait que l'histoire que raconte ce film puisse paraître totalement anecdotique à certains. Pour ma part, j'aime la façon dont le film aborde certains thèmes comme la liberté et cette façon très subtile, douce-amère, de traiter la relation entre Han et Qi'Ra, mais l'histoire en elle-même n'a rien d'essentiel. Et ce qu'on apprend sur le personnage de Solo non plus.
On sent effectivement les limites du processus créatif là : Lucasfilm est allé voir Kasdan en lui disant "ça te dirait de raconter une origin story sur Han Solo", ce n'est pas Kasdan qui est allé voir Lucasfilm en disant "j'ai une super histoire à raconter sur la jeunesse de Han Solo". Et Rogue One, je pense, souffre du même souci.
Je pense que c'est le constat qu'ont fait Disney et Lucasfilm en annonçant l'arrêt des Star Wars Stories. Histoire de revenir à la base - une bonne histoire - plutôt que de partir sur un concept autour duquel on va créer une histoire.
Le terme à la mode c'est "Marvelisation", et d'ailleurs ça veut dire quoi ? A mon sens, et j'invite humblement les plus experts à me reprendre si je dis une connerie, c'est la mise au second plan de l'épopée tragique (les classiques grecques) et des grands thèmes Shakespeariens au profit de récits pop et fourre-tout (mais oui je sais Star Wars est pourtant un pilier de la culture pop). Plutôt que d'être plongés dans des univers où c'est à nous spectateurs d'en saisir les codes, nous sommes désormais pris par la main dans des histoires balisées, entrecoupées de clin-d’œil et de punchlines calées autour des grandes lignes du récit, que les scénaristes semblent ne pas vraiment assumer. Kylo Ren est tragique et sombre ? Accordons une séquence légère avec ce Hux. Le First Order est sur le point d'oblitérer la Résistance ? Oui mais Poe fait des blagues avec (encore) ce Hux. Tony Stark meurt à la fin d'Avengers ? Oui mais Thor est un geek avec une bedaine. Il y a confusion entre "laisser respirer" avec "dédramatiser le récit" au point de neutraliser ce dernier.
Mais je crois que ça a toujours été le cas dans les Star Wars. Et pas seulement sous Disney. Les Ewoks étaient une forme de dédramatisation dans
ROTJ (même si on montrait qu'ils pouvaient mourir). Les Gungans aussi dans
TPM.
AOTC fourmille aussi de blagounettes pas forcément réussies.
Jar Jar Binks est un enfer, mais il a le mérite de ne servir qu'à faire rire (les enfants).
C'est quand même lui qui propose de donner les pleins pouvoirs à Palpatine dans
AOTC... soit l'un des moments les plus dramatiques de la saga.
Vador et Palpatine n'ont pas de séquences légères.
Le combat Yoda / Palpatine dans
ROTS a ses instants burlesques de "décompression" dans
ROTS.
Le souci ne vient donc pas vraiment de ce mélange des genres humour/tragédie... les pièces de Shakespeare avaient aussi leurs instants drôles, voire burlesques (voir Falstaff dans "Henry IV" ou Pistol dans "Henry V").
Je pense en revanche que Star Wars touche désormais les limites inhérentes aux démarches artistiques dites "post-modernes" qui jouent sur le recyclage de certains codes culturels, leur réinterprétation ou leur déconstruction (c'est aussi, à mon sens, le souci que rencontrent depuis quelques années des cinéastes comme Tarantino ou les frères Coen, qui à force de s'amuser à recycler et déconstruire finissent par sonner creux).
Que la postlogie continue à fonctionner comme ça, ce n'est pas un souci, puisqu'elle s'inscrit en cela en cohérence avec la prélogie qui était déjà elle-même une sorte de scénario inversée de la trilogie originelle, avec citation, relecture, mélange et inversion des codes de cette même trilogie (ainsi que des films qui ont marqué et inspiré Lucas). Abrams et Johnson sont restés dans cette démarche un peu "arty", jusque dans les citations des influences lucasiennes (David Lean dans
TFA ou Kurosawa dans
TLJ).
Mais avec la conclusion de la saga Skywalker, il faut maintenant passer à autre chose. Réinventer de vraies histoires au cinéma, avec de nouveaux personnages, dans un nouveau contexte. En gros, faire du Star Wars en oubliant Star Wars. Mais c'est loin d'être évident.
En revanche, la télévision (ou la VOD) peut être un bon outil de développement de l'univers, complémentaire du cinéma.