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Le staff fan-fictions.
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Bon, je sais que c'est hyper démago, et je ne vous mentirai pas : je ne sais si je mènerai la suite de la Doctrine Tarkin à son terme (2004 étant une année hypercharette-deborded à tous points de vue). Mais bon, il n'est pas dit que je n'aurais pas essayé, et nom d'un p'tit bonhomme, j'aurais donc essayé !
Initialement et ce de manière assez fantasmatique, deux épisodes de plus de vingt chapitres chacun devaient suivre la DT. Le premier s'intitule L'Equilibre de la Terreur, et le second, qui boucle définitivement le cycle : L'Armada Sanguinaire. Quoi qu'il arrive, les lecteurs intéressés en connaîtront le contenu : si je n'ai pas le temps de rédiger ces deux bestiaux, je publierai les (longs) résumés avec storyboards empruntés à l'AFP...
En attendant, et en avant-première, je te livre à toi, public adoré auquel je pense du matin au soir et du soir au matin, le prologue de L'Equilibre de la Terreur - un prologue quasiment pas relu, pas corrigé, en l'état donc, rien à battre. Cette FF débute quelques mois après la fin de la DT. La Rébellion a éclaté la gueule de l'Empire à Endor, et tout se barre en couille un peu partout dans la galaxie, tandis qu'une menace inconnue vient de surgir dans les Régions du même nom...
Achtung, néanmoins : ledit prologue comporte des spoilers pour ceux qui n'ont pas lu/achevé la DT. Aussi recommandé-je vivement aux anti-spoilers de ne surtout pas lire les lignes qui vont suivre.
Enfin bon, moi ce que j'en dis... Toutes façons, il n'est même pas exclu que ledit prologue soit ultérieurement refondu...
Allez, zou !
Or donc, PROLOGUE
Le cosmos. Les étoiles. Le vide. Il n’y avait que l’espace. Il n’y avait que l’infini. Il n’y avait que l’immense déception d’un auteur, ulcéré de recourir à une description aussi cliché pour commencer la suite de la Doctrine Tarkin.
Quoique.
Pas tout à fait.
Il y avait quelque chose de plus.
L’endroit où débutait notre récit n’était pas officiellement cartographié. Il relevait de ce que la bureaucratie impériale qualifiait assez pompeusement de « Régions inconnues ».
Les Régions inconnues, c’était tout un mythe, ou mieux encore : l’un des plus irritants fantasmes ayant germé dans les esprits en manque de sensations fortes. Une zone interdite d’où l’on ne revenait pas, un genre d’immense trou noir s’étendant sur des millions d’années lumières, autant que de légendes propagées sur son compte. Les peuplades les plus mystérieuses, les phénomènes les plus étonnants, les trésors les plus anciens nourrissaient les rêves des explorateurs et des simples amateurs de géographie. Les Régions inconnues rappelaient que la civilisation possédait ses limites, que la galaxie n’était pas le centre de l’Univers, que bien des territoires restaient à découvrir, qu’il pouvait exister des formes de vie encore plus fascinantes que celles déjà comptabilisées. En d’autres termes : que les frontières devaient encore être repoussées plus loin, bien plus loin que leur localisation actuelle.
Les Régions inconnues suscitaient les réactions les plus variées. Si d’aucuns croyaient y trouver un avenir meilleur, une sorte de Paradis perdu ayant échappé au machinisme et à la colonisation galopantes, d’autres n’y voyaient que source de menaces et voie ouverte à une invasion extragalactique. Tant que l’ordre et la sécurité n’y règneraient pas, tant que le limes bâti par l’Ancienne République et l’Empire n’y serait pas achevé, ces perpétuels agités ne dormiraient pas tranquille. Cela dit, hormis quelques pirates de l’espace, il n’y avait jamais eu de raid véritablement massif surgi de ce coin de la galaxie, et force était de constater que le calme, depuis des millénaires, y avait prévalu.
D’où cette idée, qui bon gré mal gré avait fait son chemin au fil des siècles, à savoir que si rien n’était venu, c’était tout simplement parce qu’il n’y avait rien à craindre. A force d’attendre, on n’attendait plus rien.
Or donc, l’endroit où débutait notre récit n’était pas officiellement cartographié, mais existait bel et bien sur le plan physique. Le soleil existait. Les cinq planètes qui l’entouraient existaient. Et autour, le vide.
Quoique.
Pas tout à fait.
Il y avait quelque chose de plus.
Eblouis par la lueur de l’astre orangé, qui donnait à leur couleur roche une teinte crépusculaire, plusieurs milliers de vaisseaux de toutes les tailles, des petits coraux skippers aux plus imposants vaisseaux-mondes, demeuraient en orbite autour d’une des cinq planètes de ce système. Ils étaient à dire vrai si nombreux qu’il était inutile de les compter. Mais la masse qu’ils constituaient représentait une capacité meurtrière pratiquement inédite dans l’Histoire.
Ces vaisseaux avaient été envoyés en ce lieu pour perpétuer la plus grande gloire des Dieux, défendre la Suprême Foi, et châtier l’Hérésie. Ces vaisseaux formaient l’avant-garde de la Race Elue, celle à qui la domination de l’Univers était promise. Ces vaisseaux possédaient une particularité majeure. Ces vaisseaux étaient vivants.
La planète qu’ils encerclaient ne connaissait pas sa chance. Elle allait subir la Rédemption des Dieux, vieille coutume consistant en une vague purification des peuplades dites hérétiques, c'est-à-dire suffisamment connes pour ne pas reconnaître l’aveuglante évidence de l’omnipotence divine. Les quelques survivants de ladite purification étaient quant à eux réduits à expier leurs péchés en travaillant à plein temps et gratuitement pour la plus grande joie des Yammosk.
Il y avait mieux. Ce monde avait bénéficié d’une faveur particulière, car il n’avait pas été conquis par des troupes de bas étage, ces minables soldats-esclaves reptoïdes certes dignes de confiance mais à la valeur combative plus que douteuse. Non, rien de tout cela. La planète visée avait été surprise, attaquée et annexée par l’Armada Sanguinaire.
A la première heure, les vaisseaux ennemis de couverture avaient été balayés par des nuées de coraux skippers. Les frégates n’avaient rencontré aucune difficulté particulière pour dévaster le bouclier déflecteur de la planète agressée. Le ciel avait littéralement croulé sous les coups des astéroïdes.
A la deuxième heure, les vaisseaux-mondes s’étaient joints aux tirs de barrage, aplatissant les cités, ravageant les plaines et les forêts, pulvérisant les vallées et les montagnes où se nichaient les bases militaires adverses.
A la troisième heure, les frégates survolaient déjà les autres zones survivantes, les transformant en acier fondu à coups de boules de plasma.
A la quatrième heure, le ciel était intégralement occupé par les essaims de coraux skippers, lesquels s’en prenaient avec une redoutable efficacité aux – rares – tourelles antiaériennes restantes, massacrant les batteries légères subsistantes.
A la cinquième heure, les barges de débarquement se posèrent au sol, vomissant des centaines de milliers de guerriers horriblement scarifiés et armés jusqu’aux dents, qui chargèrent l’ennemi en hurlant des imprécations meurtrières. Ils étaient appuyés par des espèces d’énormes ballons avançant sur six jambes courtaudes, agitant avec souplesse de puissantes trompes crachant des rafales de flammes gélatineuses. Les principaux sièges du gouvernement planétaire, pour leur part, étaient investis par des troupes aéroportées, la crème des crèmes de l’armée d’invasion, lesquels atterrissaient sur ces ignobles édifices à l’aide d’énormes créatures dotées d’ailes en forme de V.
A la sixième heure, les derniers carrés de l’armée de terre hérétique, débordés, pris à revers, encerclés, tronçonnés, massacrés, étaient totalement anéantis sur tous les fronts.
A la septième heure, les différents sièges de leur gouvernement étaient totalement occupés. Les Modeleurs étaient déjà sur place, à pied d’œuvre, pour débuter la Rédemption en compagnie des Prêtres. Les premières déportations de prisonniers pour ravitailler les yammosk commençaient. Ceux qui restaient sur place seraient purement et simplement exécutés dans des fosses communes qu’ils creuseraient eux-mêmes.
Terreur et mort, ruines et chaos, larmes et destructions. Ah, le doux arôme de la guerre…
A la vue de ce spectacle extatique que lui transmettaient les vilips, le cœur du Commandant Czulkang Lah se gonfla d’orgueil – comme à son habitude. Debout dans la salle de commandement du vaisseau-monde Kukulkan, le vaisseau-amiral dont il avait récemment pris le commandement – une bien belle promotion dans une déjà bien belle carrière – il se laissa un instant aller à une doucereuse rêverie.
L’Armada Sanguinaire. La plus puissante armée jamais réunie dans tout l’Univers. La simple mention de ces deux mots était à même d’obtenir la reddition des systèmes les mieux fortifiés. Les origines de cette formation de légende, comptant plusieurs centaines de vaisseaux lourds, remontaient aux guerres cremleviennes menées par le Seigneur Suprême Yo’gand. Ce dernier avait rassemblé une Flotte particulière qui devait constituer le noyau des armées Yuuzhan Vong contre les forces ennemies. Seuls y étaient admis les combattants les plus qualifiés et les plus implacables, vétérans de dizaines de campagnes. Y servir était un gage d’avancement social et, selon les Prêtres, constituait le plus sûr moyen d’accéder au rang de Serviteur des Dieux dans l’autre vie. L’Armada Sanguinaire n’avait, depuis, jamais démérité, fer-de-lance des grandes croisades menées hors des Mondes Originels à la recherche de cette Terre Promise qui tardait à être découverte.
C’était très simple. L’Armada Sanguinaire comprenait les meilleurs officiers, les meilleurs soldats, les meilleurs Modeleurs, les meilleurs vaisseaux, les meilleures armes. Et comme son nom l’indiquait, aucun de ses ennemis ne devait s’attendre à une ombre de pitié.
Et Czulkang, du Domaine Lah, en faisait partie. Et il avait été nommé commandant du vaisseau-amiral de la Flotte.
Cette Flotte dirigée par le plus génial chef militaire ayant jamais existé.
Ce songe le ramena à la réalité. Les vilips continuaient d’afficher leurs informations. Les pertes avaient été pratiquement nulles. La résistance adverse avait été vigoureuse, mais ces Hérétiques ne faisaient absolument pas le poids et leur dispositif militaire avait été littéralement taillé en pièces.
Guerre-éclair.
- Excellence ! proclama une voix rocailleuse.
Czulkang Lah se retourna. Un immense guerrier revêtu d’une armure d’écailles argentées et greffées aux os lui faisait face, le visage délicieusement scarifié au point d’être réduit en miettes – à l’exception de ces yeux dans lesquels luisait une volonté de destruction froidement contenue. En guise de salut, il venait de se frapper les épaules en se croisant les poings. Le Commandant reconnut immédiatement sous ces traits brillamment lacérés le faciès du chef de la Garde rapprochée du Maître de Guerre.
Si les aéroportés faisaient partie de la crème des crèmes, les membres de la Garde rapprochée relevaient carrément de l’expression « Sourire du Crémier ». La réputation de ces combattants tirés sur le volet et capables de survivre dans les pires conditions n’était plus à faire – on en avait même vus plonger dans des « cuves de bacta », comme disait l’ennemi actuel, pour achever les blessés, ce qui nécessitait un immense courage, car nul n’aurait osé tremper ne serait-ce qu’un doigt cassé dans un liquide aussi abominable. Et Czulkang Lah ne l’avait même pas entendu approcher… Il n’avait même pas ressenti son haleine pourtant splendidement fétide…
Le chef de la Garde était un véritable colosse – même selon la classification vong – qui répondait au nom de guerre de Wertepr Zaak. Sa carrure et son avarice verbale impressionnaient toujours Czulkang Lah depuis son arrivée ici. Le seul à ne pas trembler en sa présence devait encore être le Maître de Guerre Sho-Neyn lui-même. Mais qui avait jamais vu le Maître de Guerre trembler ?
- Qu’y a-t-il, Gardien ? s’enquit Czulkang Lah.
- Il désire vous voir, répondit sèchement Zaak.
Czulkang Lah afficha un air entendu. Il n’était pas question de recourir aux vilips pour contacter le Maître de Guerre – sauf extrême urgence, ou communication du Seigneur Quoreal. Il fallait le voir en personne, ou on ne lui parlait jamais.
- Bien, murmura froidement Czulkang Lah. Je vous suis.
Czulkang Lah attendit de se retrouver derrière Zaak pour déglutir, puis entreprit de marcher à sa suite, arpentant une des coursives constellées de coraux qui parcouraient le vaisseau-monde. Au bout de quelques minutes, ils se retrouvèrent devant une espèce de porte surveillée par deux autres Gardiens. Zaak éleva la main, et, pour citer l’Amiral Cesba, « la muqueuse qui faisait office de porte s’ouvrit avec son habituel bruit d’étirement musculaire ».
Le chef de la Garde fut le premier à franchir le seuil, toujours suivi de Czulkang Lah. Sitôt dans la pièce, ils s’agenouillèrent, nuque baissée. Devant eux, immobile, confortablement assis sur un trône aussi noir que velu – une dernière variété de chaise-mygale très tendance – le Maître de Guerre Sho-Neyn les observait.
Si Wertepr Zaak comptait parmi les plus tatoués et ravagés de peau de l’Armada Sanguinaire, force était de constater que Sho-Neyn le battait à plates coutures. Son armure, resplendissant de mille couleurs, était infiniment plus belle et douloureuse que celle de son Gardien, car formant l’ossature même du Maître de Guerre. Une terrifiante balafre lui barrait son visage bleuté en diagonale, de bas en haut et de droite à gauche. Outre ses greffes qui ne se comptaient plus, son système nerveux avait été jadis infesté de micro-cellules orgips qui dégageaient en permanence de délicieuses ondes de douleur. La fidélité de Sho-Neyn aux Dieux ne pouvait être remise en cause.
Et les Dieux l’avaient bien récompensé…
Intimidé, Czulkang Lah articula la formule rituelle :
- Loués soient les Dieux qui…
- Je suis persuadé que les Dieux vous seront reconnaissants, Commandant, l’interrompit Sho-Neyn en lui adressant un sourire froid. Ils admettront que l’on puisse provisoirement se passer des marques de politesse tant que nous agissons pour leur plus grande gloire. Relevez-vous, tous les deux.
Czulkang Lah et Wertepr Zaak s’exécutèrent. Ce dernier alla jusqu’à reculer de quelques pas, obéissant sans doute à des instructions antérieures.
- Quelles nouvelles de notre nouvelle terre évangélisée ? demanda Sho-Neyn d’une voix douce mais trahissant un degré rare de fermeté sous-jacente.
- Les Modeleurs signalent que la Vongformation vient de commencer, mon Seigneur. Les poches de résistance ont toutes été écrasées.
- Gloire soit rendue aux Modeleurs, sourit Sho-Neyn. En temps normal, j’aurais bien cherché à me renseigner un peu mieux sur l’Histoire de cette planète, mais vous savez que les circonstances nous obligent à faire vite. C’est dommage, en fait. Ce peuple venait à peine de connaître sa Révolution aérospatiale.
- Bien sûr, mon Seigneur.
Czulkang Lah n’ignorait pas ce bizarre intérêt qu’éprouvait le Maître de Guerre pour l’Histoire des civilisations que l’Armada Sanguinaire libérait de l’hérésie. Le commandant du Kukulkan, lui, se sentait fier de ne pas ressentir la moindre attirance pour les mondes infidèles. Sho-Neyn avait certes fait taire ses scrupules en lui assénant d’une phrase le fond de sa pensée – une phrase que Czulkang Lah n’avait jamais oubliée : « Connaître l’Histoire d’une race, c’est connaître la race ».
Et l’on ne pouvait démentir le fait que Sho-Neyn avait usé de cet axiome à merveille – la preuve, encore récemment… Cependant, Czulkang Lah se demandait parfois si cet « intérêt » n’allait pas au-delà de simples considérations militaires. Si le Maître de Guerre ne prenait pas trop de risques à flirter ainsi avec les cultures infidèles. S’il n’abusait pas de ses écrasantes prérogatives pour aller jusqu’à se prétendre l’égal des Dieux. Mais jamais Sho-Neyn n’avait manifesté une telle ambition. Qui pouvait oser suspecter son loyalisme, sinon de pitoyables jaloux ?
- Je suis heureux de voir que vous partagez mes regrets, reprit Sho-Neyn sans se départir de son amusé. Les Prêtres me font souvent part de leurs reproches (le Maître de Guerre esquissa un mince sourire qui révéla en partie sa dentition de squale). Mais je ne vous ai pas fait venir pour vous tenir un cours. Nous avons en effet un visiteur qui tient à nous tenir un exposé sur nos adversaires. Et je veux que vous y assistiez.
Le regard de Sho-Neyn se tourna vers la droite de la salle. A quelques mètres de lui, un autre guerrier tout de sombre vêtu, le visage tapissé de cicatrices, exécuta une vague courbette à l’attention de Czulkang Lah. Un détail facial attira l’attention de ce dernier : le visage de l’individu était creusé d’une orbite vide à l’endroit où devait se trouver son œil gauche…
- Je vous présente Nom Anor, déclara le Maître de Guerre avec une feinte grandiloquence. Le brillant adjoint de notre non moins brillant Exécuteur Kut-Shaan.
Czulkang avait appris récemment l’existence de ce Kut-Shaan, ayant été briefé à ce sujet quelques semaines plus tôt. Quarante ans auparavant, des agents d’infiltration avaient été dépêchés dans la galaxie voisine pour constituer une Cinquième Colonne qui, le jour venu, ouvrirait à l’avant-garde vong les portes de ces mondes infestés d’Hérétiques. Kut-Shaan avait poussé l’audace et le génie jusqu’à devenir le plus proche Conseiller de l’Hérétique en Chef, une espèce de Seigneur Suprême baptisé « l’Empereur ». Et il avait soigneusement organisé la guerre civile qui, à présent, ensanglantait ces territoires susceptibles de connaître la Rédemption des Dieux.
Rien à redire : les manœuvres de Kut-Shaan s’étaient traduites par une réussite impeccable, encore que nombreux, parmi le Haut-Commandement, l’accusaient d’avoir passé trop d’années parmi les Infidèles, au point qu’il aurait été infecté par eux… Czulkang y croyait à demi, mais Sho-Neyn, de toute évidence, n’accordait aucun crédit à ces rumeurs. Il avait d’ailleurs confirmé personnellement Kut-Shaan dans ses fonctions d’Exécuteur, à la tête du nouveau réseau d’espionnage Yuuzhan Vong au sein de la galaxie-cible. Kut-Shaan était peut-être le seul à pouvoir rivaliser intellectuellement avec Sho-Neyn, et le Maître de Guerre respectait trop la compétence d’autrui pour la brider ou la brimer. Sans doute y avait-il aussi un désir de manifester sa solidarité avec un véritable héros si durement contesté par la Caste des Prêtres.
- Nom Anor ? répliqua Czulkang, surpris. Mais où se trouve l’Exécuteur Kut-Shaan ?
- En mission, répondit Nom Anor. Il m’a chargé de vous exposer les grandes lignes de son plan d’action.
- Un plan que je devine fascinant, opina Sho-Neyn. Nous vous écoutons.
Nom Anor jeta un regard condescendant à Czulkang avant de se lancer :
- Comme vous le savez, la galaxie que notre avant-garde a découverte quarante ans plus tôt était régie par un système politique connu sous le nom d’Empire. Cet Empire était régi par un politicien impie qui avait imposé un pouvoir personnel fondé sur l’exercice d’une réputée formidable puissance militaire…
- … une réputation fondée, murmura Sho-Neyn (et Czulkang sut qu’ils pensaient à la même chose).
- Appuyé par les Dieux, reprit prudemment Nom Anor, l’Exécuteur a favorisé l’émergence d’une guerre civile qui oppose actuellement les Légitimistes, ou Impériaux, aux Républicains, ou Rebelles. L’Empereur a été tué par les Rebelles et ses meilleurs vaisseaux détruits. A l’heure où je vous parle, la balance semble avoir penché en faveur de la Rébellion.
- Une histoire passionnante, opina Sho-Neyn. Dommage que la Caste des Prêtres soit toujours d’avis qu’il faille éradiquer la culture des civilisations que nous combattons.
- Sur quoi, nos amis Ssi-Ruuk ont fait irruption aux frontières de l’Empire, poursuivit Nom Anor.
Sho-Neyn éclata de rire – ce qui parut rapetisser Nom Anor. Mais Czulkang Lah savait qu’il y avait là de quoi rire.
Les Ssi-Ruuk cumulaient deux tares : ils adoraient les machines ; ils avaient été vaincus. Là encore, tout s’était joué à la vitesse de l’éclair : au terme d’une campagne depuis inscrite au programme des Académies de Guerre, Sho-Neyn avait annihilé l’élite de l’armée Ssi-Ruuvi, anéanti leurs principales colonies, négligeant leur monde capitale, Lwhekk, laissé sans défense – la dégustation pouvait attendre, car il était d’autres ennemis à vaincre, du moins un en particulier. Du coup, ces Lézards infidèles étaient en fuite à travers l’espace. Et voici que l’on croisait leur route de nouveau…
- C’est là qu’intervient le plan que l’Exécuteur soumet à votre approbation, dit Nom Anor.
- Je commençais à m’impatienter, fit le Maître de Guerre.
Nom Anor fit comme s’il n’avait pas entendu – dans le cas contraire, il se serait lamentablement écroulé à la façon d’une loque infâme.
- Comme vous le savez sans doute, les Ssi-Ruuk avaient conçu l’idée de débarquer dans cette galaxie en s’emparant de la place-forte impériale de Bakura. La résistance imprévue de ce secteur les a contraints au repli.
- Je les admire beaucoup moins depuis, commenta Sho-Neyn avec cruauté.
- Notre intervention les a placés dans une situation critique, ajouta Nom Anor. Ils alignent encore une flotte nombreuse, mais ils savent qu’ils ne feront pas le poids face à l’Armada Sanguinaire. Il leur faut envahir la galaxie, nous devancer, pour prendre le contrôle des populations et les soumettre au supplice de la… je n’ose prononcer ce mot honni…
- « Technition », répondit froidement Sho-Neyn.
- … merci, mon Seigneur, sourit péniblement Nom Anor. Leur seul espoir est de transformer la galaxie en vaste réserve de « cyborgs », afin de nous combattre.
- Ce qui peut, de leur point de vue, se comprendre, approuva le Maître de Guerre. Continuez.
- L’Exécuteur prévoit de les attirer dans un piège. Voyez vous, mon Seigneur, un secteur planétaire se trouve particulièrement dévasté par la guerre civile. L’ancien Empire était, je le rappelle, fondé sur la prééminence de la race humaine sur toutes les autres races et l’Empereur avait décidé d’envoyer dans ce secteur baptisé « Pureté »…
- Quel nom grotesque, murmura Czulkang Lah avec aigreur.
- … un nombre élevé de colons humains pour y assurer la domination sur les espèces dites « inférieures », acheva Nom Anor. Il s’agissait également de renforcer le contrôle humain sur une zone assez proche de ce que les Hérétiques nomment les « Régions inconnues ».
- J’imagine que l’effondrement du pouvoir central a poussé les « inférieurs » à prendre les armes… hasarda Sho-Neyn.
- Parfaitement, mon Seigneur. La guerre menace d’anéantir toute trace de vie sur ces planètes. Et les Ssi-Ruuk le savent. L’Exécuteur, en se faisant passer pour leur allié mandaté par le défunt Empereur, les a persuadés de s’attaquer au secteur « Pureté ». Ils croient qu’ils n’y rencontreront qu’une résistance limitée. Le problème, pour eux, est que le Gouverneur du secteur a pris contact avec la Rébellion pour négocier la paix et rattacher « Pureté » à la « Nouvelle République », comme ils disent. Les Ssi-Ruuk ont donc tout intérêt à prendre l’offensive avant que la paix ne soit rétablie. Et l’Exécuteur compte mettre en échec le processus de paix.
- Je ne comprends pas, grommela Czulkang Lah. Pour qui travaille l’Exécuteur ? Nous, ou ces bâtards infidèles ?
L’œil de Nom Anor se riva dans le regard de Czulkang Lah. Ce dernier comprit qu’il venait de se faire un ami de plus – mais il n’avait pas été nommé Commandant du vaisseau-amiral pour se faire dicter sa conduite par un borgne qui passait le plus clair de son temps chez les Hérétiques !
- L’objectif de l’Exécuteur est d’attirer les Ssi-Ruuk dans une bataille avec les forces de l’Empire et de la Nouvelle République, révéla Nom Anor après un court silence lourd d’implications. Les Impériaux lutteront contre les Rebelles et les autochtones, les Ssi-Ruuk s’ajouteront à la confusion, tout ce beau monde s’exterminera de la plus belle manière. Peu importe qui gagnera cette bataille : l’Exécuteur souhaite simplement y déchaîner un bain de sang qui affaiblira mutuellement chaque protagoniste de l’affrontement. A la suite de quoi l’Armada Sanguinaire n’aura plus qu’à apparaître dans le système. L’Exécuteur compte sur votre génie, mon Seigneur, pour anéantir les survivants. Vous disposerez alors d’une bonne base de départ pour l’invasion de la galaxie, et vos différents ennemis auront été considérablement laminés du fait de leurs stupides animosités.
- Comment l’Exécuteur compte-t-il s’y prendre pour enrayer le processus de paix ? demanda courtoisement Sho-Neyn.
Nom Anor leur détailla le projet. Au terme de cette explication, Sho-Neyn hocha la tête en guise d’approbation.
- Je reconnais bien là l’esprit tortueux de l’Exécuteur, confessa-t-il avec humour. Cela étant dit, je dois émettre deux objections. La première touche aux objectifs qui nous ont été attribués. Les ordres du Seigneur Suprême Quoreal sont en effet très clairs. Nous devons nous contenter d’établir de solides positions dans les… comment disiez-vous… ah oui, les « Régions inconnues ». Il n’est pas question d’envahir cette galaxie sans de nouvelles instructions.
Czulkang Lah réprima un frisson d’irritation. A l’heure actuelle, la controverse devait battre son plein chez les instances dirigeantes. Pour des raisons assez étranges, le Seigneur Quoreal s’était montré on-ne-peut-plus réticent à donner l’ordre d’invasion, une fois la galaxie découverte voici quelques décennies. On s’était contenté, à l’époque, d’envoyer quelques espions – dont l’actuel Exécuteur. Après tout, il ne coûtait rien, ou presque, de semer la pagaille chez ces gens là – tant que Yun Harla s’arrachait le pied [trad. : "prenait son pied"] …
Mais l’envoi en première ligne de l’Armada Sanguinaire, au vu des directives émises, ne se justifiait guère. Czulkang Lah suspectait les opposants du Quoreal d’avoir éloigné du centre de décision une armée dont la fidélité au Seigneur Suprême ne faisait aucun doute. Le commandant du Kukulkan, en bon militaire, méprisait ces considérations de basse politique – seul comptait le devoir qu’il rendait aux Dieux. Ce qui ne l’empêchait pas de se poser des questions. Si le Seigneur Suprême ne tenait pas à envahir la galaxie, il devait avoir ses raisons. De très bonnes raisons…
- Il est un deuxième élément, ajouta Sho-Neyn. Mitth'raw'nuruodo.
- Euh… qui ? demanda honteusement Czulkang Lah.
- Thrawn, traduisit Nom Anor.
- Ah, ouais, fit Czulkang Lah évasivement. Mitterandouleurodo… Euh…
La campagne contre Thrawn durait depuis déjà quelques semaines. Elle pouvait se résumer ainsi : une succession d’affrontements se soldant par des matches nuls, mais ayant pour conséquence un repli continuel de la Flotte impériale. Les pertes vong étaient néanmoins élevées. Pour la première fois de sa vie, jamais Sho-Neyn n’était parvenu à prendre son adversaire en défaut. Thrawn faisait décidément preuve d’une souplesse tactique impressionnante, profitant au maximum des capacités de manœuvre de ses troupes. Sho-Neyn avait beau multiplier les offensives, il n’avait jamais réussi à obtenir une victoire décisive. Tout au plus savait-il que Thrawn manquait de soldats, ce qui le contraignait à une retraite qui n’en finissait pas. Peu importait, à vrai dire : il fallait résoudre ce problème de manière urgente. Il n’était pas question de laisser s’éroder la réputation d’invincibilité de l’Armada Sanguinaire. Le moral de l’armée ne s’en remettrait pas, à plus ou moins long terme. Et de toute évidence, Thrawn, qui n’avait jamais vaincu Sho-Neyn sur le champ de bataille, avait parfaitement assimilé cet enjeu.
- L’Exécuteur prévoit de le faire assassiner, déclara Nom Anor. Je me suis porté volontaire pour cette mission.
- Je suis certain que vous vous accomplirez avec brio cette œuvre remarquable, répondit Sho-Neyn. Mais j’y oppose mon veto.
Ce fut comme si le sol se dérobait sous les pieds de Nom Anor. Czulkang Lah se retint d’émettre un gloussement.
- Mon Seigneur, balbutia Nom Anor, je…
- Taisez-vous ! gronda tout-à-coup le Maître de Guerre.
Le ton employé par ce dernier figea net Nom Anor. Czulkang Lah se racla ce qui lui restait de la gorge. Cet éclat de voix aussi vif que brutal avait instantanément refroidi l’ambiance.
- Thrawn ne fait pas partie de ces ennemis que l’on élimine en dépêchant des assassins. Nous devons le vaincre, non en faire un martyr. Pour tuer Thrawn, il faut tuer sa réputation.
Et comment comptez-vous vous y prendre ? demanda en pensée le Commandant. Nom Anor gardait le silence.
- L’Exécuteur nous a transmis de précieuses informations sur le Grand Amiral, reprit Sho-Neyn d’une voix plus posée. C’est un amateur d’art, et il se plaît à percer à jour la mentalité de ses adversaires en étudiant leur culture. Nul doute qu’il ait eu accès à certaines données nous concernant, sous forme de cadavres de nos soldats ou de corail skipper capturé, par exemple.
C’était en l’occurrence le point faible majeur des Yuuzhan Vong : leur armement était une œuvre d’art à lui tout seul. Chaque arme, chaque armure, chaque « engin » était unique, conçu avec patience, voire avec amour… Thrawn ne devait avoir guère eu de difficulté à se faire une opinion sur ses ennemis. Mais le Haut-Commandement l’avait découvert trop tard.
- En d’autres termes, poursuivit le Maître de Guerre, la stratégie de Thrawn, pour élaborée qu’elle soit, n’est qu’une variante aboutie de cette conception selon laquelle vaincre l’ennemi passe par une connaissance anticipée de ses projets et ses mouvements.
Czulkang Lah, intrigué, prêta l’oreille – enfin, le lambeau d’oreille… C’était la première fois que Sho-Neyn se laissait aller à de tels constats.
- Toute la science militaire du Grand Amiral, conclut le Maître de Guerre, se définit par ce maître mot : prévoir. Si nous ramenons les théories de ce Chiss à des proportions toutes basiques, Thrawn compte sur la prévisibilité de ses adversaires pour les battre. Et nous en avons, d’un certain point de vue, fait les frais.
Le cœur de Czulkang Lah s’emballa. Une puissante intuition venait de transpercer son cerveau – et il savait que Sho-Neyn y songeait. Mais cette intuition ouvrait la voie à des potentialités ô combien terrifiantes – religieusement s’entend. Prévisibilité…
- Que mon Seigneur veuille bien m’excuser, bredouilla médiocrement Nom Anor. Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir. Tout mouvement militaire, toute stratégie, toute tactique comporte une dose de prévisibilité. C’est l’essence même de la guerre d’obéir à des règles immuables.
Sho-Neyn répondit à cette remarque par un sourire glacial.
- Quelle touchante naïveté que voilà, observa-t-il onctueusement. Souvenez-vous pourtant du mot du grand Yo’gand : « L’art de la guerre est tout d’exécution ». Il faut s’adapter à toutes les situations. Voire innover totalement. Si Thrawn cherche à prévoir nos mouvements, nous allons agir en conséquence.
- Comment ? s’enquit Nom Anor.
- J’ai mon idée, répondit Sho-Neyn avant de se tourner vers Czulkang Lah. Commandant, je suis persuadé que vos professeurs ne vous auront jamais enseigné de tels préceptes.
Le commandant baissa la tête en signe de déférence.
- Cela étant dit, reprit le Maître de Guerre, nous approuvons sans réserve aucune le plan de l’Exécuteur concernant le système « Pureté ». Vous avez toute latitude pour le mener à bien. Il nous faudra certes passer par le cadavre de Thrawn entre-temps, mais ne soyez pas inquiet à ce sujet.
Nom Anor s’agenouilla, regard cloué au sol.
- Il en sera fait selon vos désirs, mon Seigneur.
- Et selon les projets de l’Exécuteur, acheva Sho-Neyn. Vous disiez qu’il était en mission, n’est-ce pas ?
- Oui, mon Seigneur, répondit Nom Anor. Une mission particulière.
Les Clonetroopers arpentaient les couloirs, encadrant des groupes d’enfants qui les suivaient avec peine, les amenant dans une vaste pièce d’une magnificence telle que la Propagande ne tarderait pas à la qualifier de scandaleuse. En dépit des récents événements, la vaste salle étincelait encore d’une propreté digne des locataires du lieu, au point que le reflet des envahisseurs se dessinait parfaitement sur le parquet d’une limpidité cristalline qu’ils piétinaient allègrement. Ca et là cependant, quelques tâches de sang avaient maculé les piliers bleutés environnants, mais rien de véritablement dramatique. Un spécialiste des lieux aurait instantanément reconnu le hall central du défunt Temple Jedi.
Mais le calme habituel des locaux avait laissé place au maelström. En quelques minutes, tout s’était précipité dans une atmosphère enfiévrée. Les Clonetroopers étaient partout, vociférant, hurlant aux enfants de se tenir tranquilles. Certains devaient être traînés sur le sol jusqu’au point de rassemblement, pleurant et gémissant. Un Clonetrooper attrapa l’un d’eux par le col, le jeta violemment sur la masse de ses congénères.
Les enfants étaient à peine réveillés et il avait été difficile de les faire quitter leurs chambres. La plupart s’étaient assis par terre, à côté de leurs pauvres ballots, un peu de linge noué dans une serviette. Les plus âgés s’efforçaient de consoler les plus jeunes – on comptait même des nourrissons parmi eux – sans réel succès. Les Clonetroopers tentèrent alors de faire l’appel. Mais aucun enfant ne répondait à aucun nom. Même la Force ne les aidait pas à comprendre – et peut-être était-ce là le plus pathétique.
Les Clonetroopers renoncèrent à poursuivre l’appel. Le groupe d’enfants, qui comptait plusieurs dizaines de personnes, formait une espèce de cercle malhabile, au centre du hall. Les soldats reculèrent, tout autour d’eux. De sinistres déclics retentirent alors, par delà les pleurs et les cris.
Ils avaient armé leurs blasters.
Ce fut alors que les enfants prirent peur. Ils paraissaient avoir deviné ce qui allait leur arriver et se mirent à sangloter, appelant à leur secours les Maîtres – ces Maîtres qui devaient assurer leur formation et faire d’eux des Jedi.
Mais les Maîtres n’étaient pas là. Les Maîtres avaient cessé d’exister – et pour ceux qui existaient encore, ne tarderaient pas à subir le même sort, le sort de tous les traîtres…
- Mon général ?
L’exquise voix féminine tira Kutchann de ses rêveries. Il se rappela alors où il se trouvait.
C’était cela. Il se tenait debout, carré, massif, profile d’aigle, dans le salon de sa nouvelle propriété, un luxueux ranch d’une planète perdue de la Bordure extérieure où il avait récemment trouvé refuge. Kutchann avait une fois de plus revêtu son uniforme de général impérial, comme par le passé, de même que le camouflage ooglith longue durée qui lui donnait ce maintien aristocratique – ils n’allaient pas tarder, et c’était ainsi habillé qu’il voulait les recevoir.
Celui qui avait exercé, jusqu’à l’an dernier, les fonctions de Directeur-Adjoint de l’Ubiqtorate réduisit le volume de son holo-lecteur – les vilips n’étaient pas adaptés au visionnage des enregistrements de caméras du Temple Jedi – et revint à l’autre vision holographique qui patientait sur son bureau, devant lui.
- Rassurez-vous, ma chère, la tranquillisa-t-il d’une voix froide. Je n’ai pas perdu un mot de votre rapport d’activité.
La forme à laquelle il s’adressait hocha la tête en signe de satisfaction. Indéniablement, son allure en jetait et lui donnait un charme qui n’aurait certes pas déplu aux mâles humains. Car il s’agissait d’une femme, une femme revêtue d’une combinaison mauve extrêmement seyante qui mettait en valeur ses formes gracieuses, tenue surmontée d’une cape noire du plus bel effet – mais tous les Seigneurs Noirs, même féminins, se devaient de porter une cape noire. Et dans sa main droite reposait fermement le manche de ce qui ressemblait à une espèce de fouet dont la lanière avait été soigneusement enroulée…
Cette femme devait être belle – ou l’avoir été. Mais son visage était dissimulé derrière un foulard noir qui lui recouvrait le nez et la bouche, lui enserrant les cheveux pour n’en rien montrer. Kutchann en connaissait les raisons, enfin la raison, laquelle se décomposait en deux mots.
Luke Skywalker.
- Croyez-vous que tout se passera comme prévu ? insista-t-elle.
- Pas d’inquiétude, répliqua Kutchann. Vous devrez veiller sur nos amis de « Pureté ». Et je vous garantis que vous aurez votre revanche sur Skywalker. Mais pour le moment, il ne faut rien précipiter : laissons l’ennemi agir à notre place. Quand le gibier sera pris au piège, vous n’aurez plus qu’à sortir de votre tanière.
- Et alors renaîtra l’Ordre Sith, conclut son interlocutrice avec emphase.
- L’Ordre Sith n’a jamais cessé d’être, Major Shira Brie.
- Mon général…
Kutchann sourit. Il n’ignorait pas qu’elle détestait être appelée par ce nom – ce nom qui pourtant était le sien, du moins à l’époque où elle travaillait encore pour l’Ubiqtorate, avant que Vador ne la remarquât et en fît son Adepte, avant qu’elle ne croisât la route de Luke Skywalker, avant que… qu’elle ne devînt ce cyborg rafistolé par les meilleurs chirurgiens de l’Empire.
Après Endor et la mort de son Maître – fort heureusement, elle ne connaissait rien des responsabilités de Kutchann en la présente espèce – « Shira » avait tenté de lutter, à sa manière (donc inefficace) contre la Rébellion, mais avait échoué. Elle n’avait que de justesse échappé à la mort – et Kutchann l’avait retrouvée, comptant bien mettre ses talents à profit.
- Bien sûr, Dark Lumiya, s’excusa-t-il faussement. Je vous taquinais.
Un son étouffé retentit d’une pièce adjacente au salon. Kutchann ne détourna pas la tête. Ils ont fait vite…
- Je dois vous laisser, chère amie, déclara-t-il. Ils ne vont plus tarder, à présent. Je vous recontacte dès que possible.
- Bonne chance, lui dit Dark Lumiya avant de disparaître.
Kutchann rangea dans un tiroir le lecteur holocom, et revint à l’enregistrement.
Les Clonetroopers n’étaient pas encore passés à l’acte. Ils venaient d’être rejoints par un homme tout de noir vêtu, jeune d’allure et d’apparence. Ses cheveux blonds formaient dorénavant une séduisante crinière qui en disait long sur sa personnalité. Un manche de sabrolaser pendait à son ceinturon. Les Clonetroopers se plantèrent au garde à vous.
Kutchann l’avait immédiatement reconnu – et se demanda avec amusement ce qu’aurait éprouvé Dark Lumiya à la vue de ce spectacle, du moins de son futur Maître à l’époque où il se faisait encore appeler Anakin Skywalker.
Tout autour du salon, les sons se firent plus nombreux. Un bruit de verre brisé détonna. Tout à coup, plusieurs déflagrations éclatèrent, les portes furent fracassées, et un épais nuage de poussière emplit les lieux, précédant plusieurs silhouettes sombres qui se mirent à gueuler dans cette horrible langue qu’était le basic…
- Mains en l’air !
Mains en l’air…
- Restez où vous êtes !
Mains en l’air…
Restez où vous êtes…
Kutchann se tourna posément vers les importuns, époussetant son uniforme, redressant le menton. Une masse de types armés de blasters venait de débarquer et le tenait en joue, regards furieux, traits tendus, mâchoires serrées. Ils portaient l’uniforme des commandos spéciaux de la Nouvelle République. Vingt gars, exactement. Vingt blasters braqués sur lui.
- Mains en l’air ! beugla l’un des soldats, décidément original.
D’un coup d’œil, Kutchann les jaugea. Expérimentés au regard des critères d’ici, il ne pouvait le démentir. Il n’en aurait fait qu’une bouchée s’il l’avait voulu – oui, malgré son âge. Mais il ne les tuerait pas.
Lentement, presque narquois, il éleva les bras. Un individu fendit alors la foule des soldats – galons de capitaine. Petit, la quarantaine passée, les tempes grisonnantes, les yeux malins.
- Comme nous nous retrouvons, mon général, sourit le type.
- Capitaine Acritt ! déclara le « général ». Depuis votre… disons, « départ » de l’Ubiqtorate, je me suis toujours demandé ce que vous étiez devenu. Pensez donc, un élément aussi brillant !
Le dénommé Acritt baissa les yeux, jouant la fausse pudeur.
- Vous êtes trop flatteur…
Kutchann revint aux soldats.
- Et j’imagine que vous êtes venu me mettre aux arrêts, c’est bien cela ?
- Vous imaginez juste, répondit poliment Acritt. Je suis chargé de vous lire vos droits, vous savez, la procédure habituelle, hein…
- Pas la peine, l’interrompit son ex-supérieur. Je les connais déjà.
- Merci. Avant que nous vous embarquions, avez-vous une requête à formuler ?
Le regard de Kutchann erra vers le lecteur des enregistrements du Temple Jedi. Le jeune homme tout de noir vêtu venait de clamer un ordre. Les Clonetroopers ouvrirent le feu sur les enfants. Des cris atroces déchirèrent le silence ambiant.
Les yeux de Kutchann se vrillèrent à nouveau dans ceux d’Acritt.
- J’ai en effet une faveur à vous demander, dit-il. Je désire m’entretenir personnellement avec la Conseillère Leia Organa d’Alderaan.
Une lueur de scepticisme illumina le regard d’Acritt.
- Qui vous dit qu’elle y consentira ?
Sur l’holo-écran, le jeune homme tout de noir vêtu mitraillait d’ordres les Clonetroopers, lesquels pataugeaient dans la mare de petits cadavres à la recherche de blessés qu’ils avaient pour mission d’achever. Kutchann ne vit pas cette image, mais il la connaissait par cœur.
- Ne vous en faites pas pour cela, sourit-il. Je sais qu’elle acceptera.
A çuivre... (?)