Eh bien, vous n'y croyiez peut-être plus, mais me revoilà avec une nouvelle contribution dans la poche! Je me suis remis à
Un Simple Policier et j'ai enfin réussi à la terminer ; je vous prierais d'aller relire le premier chapitre
ici, ce n'est pas long et ça fait quand même pas moins de six mois que j'avais laissé l'idée en plan... L'histoire ne fait au total pas plus de dix-sept pages, donc vous seriez gentils de lire tout cela et de me dire ce que vous en pensez
D'une façon générale, j'aimerais lancer un appel à la mobilisation pour ce recueil qui n'a pas l'attention qu'il mérite! Bon, assez parlé, je vous envoie ça :
II.
N'importe quel bon policier le sait, la peur est le meilleur rempart contre la violence. C'est pourquoi notre entrée dans la faculté est pour ainsi dire fracassante ; les portes verrouillées, largement renforcées par les étudiants, cèdent brutalement à l'assaut de mes collègues, et nous nous engouffrons dans un gigantesque hall plongé dans l'obscurité... L'attaque ne se fait pas attendre, évidemment ; il y a quelques cris d'alarme, et une nuée de jeunes gens courent à notre rencontre, équipés de diverses armes de fortune, férocement décidés à nous repousser... Le choc est à la hauteur de leur détermination : nous ne nous laissons pas surprendre, ils sont stoppés net par des coups assénés avec le plus grand professionnalisme dès qu'ils parviennent à notre portée, les imprudents sont vite maîtrisés, attrapés par des mains vigoureuses puis plaqués au sol avant d'avoir pu saisir ce qui leur arrivait...
Si nous sommes si brutaux d'entrée de jeu, paradoxalement, c'est parce que personne n'a envie que les choses prennent une tournure tragique comme l'espère probablement Vader, et ce n'est pas cette présomption de légitime défense pour nous qui va y changer quelque chose, car les lois sont beaucoup moins effrayantes que notre propre jugement... Enfin, je l'espère, parce que sinon, c'est cela qui est vraiment effrayant.
En attendant, les étudiants en prennent pour leur grade, et je ne suis pas le dernier à frapper les jeunes gens qui s'approchent de moi ; ça n'a rien de personnel, je ne suis même pas sûr d'être en désaccord avec eux, mais mes opinions ne comptent pas. Si je refuse de frapper des opposants aux réformes de l'enseignement supérieur, un extrémiste refusera de frapper des membres du Bloc Renaissance Coruscantie, un humain refusera de relâcher un Aqualish, et ainsi de suite... Nous avons tous une fonction à bien différencier des individus que nous sommes.
Du côté des étudiants, c'est la déroute, la plupart d'entre eux tentent de fuir alors que nous nous enfonçons rapidement dans le hall, une masse quasiment compacte de policiers s'efforçant d'intercepter leurs cibles... Décidés à entériner notre avantage, plusieurs de mes collègues commencent à lancer des grenades assommantes, et des groupes de silhouettes noires s'abattent brusquement comme des châteaux de cartes. Une autre fois, nous nous serions peut-être contentés de les mettre en fuite, mais on ne peut pas vraiment s'en contenter avec Vader derrière en train de vérifier que nous sommes de bons élèves...
C'est curieux, quand même, au vu des descriptions de Grellish, je m'attendais à ce que les étudiants soient plus combatifs. Enfin, tant mieux. À présent, ils semblent comprendre qu'il ne leur servira à rien d'essayer de sortir de la faculté sinon à se faire capturer, mais ils préfèrent s'engouffrer en masse dans les escaliers qui mènent, j'imagine, dans les profondeurs de leur faculté... À quoi bon, vraiment ? Mais peut-être veulent-ils nous occuper le plus longtemps possible, histoire d'avoir leur quart d'heure de gloire... C'est pathétique, ils vont faire perdre du temps à tout le monde. Heureusement que nous sommes là pour les ramener sur terre et pour éviter que Vader et ses clones s'en chargent...
« Max, attention, sur ta gauche ! » j'entends me prévenir Neekl.
J'ai tout juste le temps de me retourner avant de prendre en pleine figure un vigoureux coup de poing d'une haute silhouette noire ; je riposte automatiquement d'un furieux coup de matraque, mais mon agresseur a esquivé... Je le vois un peu mieux, maintenant, un grand humain mince à la peau très mate ; mes collègues accourent pour m'aider, mais deux autres types surgissent, lui ressemblant suffisamment pour être ses frères... Je me jette sur le premier, enchaînant un coup de genou droit dans son ventre et d'implacables balayages de ma matraque droit vers sa tête sans me soucier des coups que je reçois ; je le sens qui m'en assène quelques-uns, et il sait s'y prendre, j'ai l'impression que ma tête va exploser, mais lui-même s'effondre sous mes coups... Je crois avoir gagné jusqu'à ce que je le vois se relever, mais cette fois, je vois luire la lame d'un poignard dans sa main...
Soudain terrifié, je recule précipitamment pour éviter le coup... Mais il est dingue, celui-là ! Avant que je n'ai pu tenter de riposter, Neekl est là, une vraie montagne de muscle à la peau aussi sombre que celle de mon agresseur qui le saisit brutalement à la gorge avant de l'assommer une fois pour toutes.
« Ils ne se battaient pas comme des étudiants, ceux-là... grince Neekl.
-Non, j'approuve. Des voyous qui profitent de l'occasion pour foutre un peu plus de bordel, j'imagine...
-Ou pire, réplique mon interlocuteur. Je ne serais pas étonné que certains opposants s'imaginent faire un joli coup d'éclat en tuant l'un d'entre nous... »
Je hoche la tête ; Neekl est un virulent défenseur d'une police puissante pour un ordre strict, je le trouve parfois un peu paranoïaque, mais là, il n'a probablement pas tort, hélas... Quand je pense que nous sommes pris en étau entre ces voyous et Vader... Mais c'est comme ça, quand on essaie de changer les choses, ça doit souvent être le même dilemme pour Palpatine à son échelle...
En attendant, on ne nous laisse guère le loisir de nous imaginer que notre boulot va s'arrêter là ce soir...
« Retrouvez tous ceux qui se sont enfuis ! hurle Grellish quelque part au fond du hall. Retrouvez-les même si ça doit prendre le temps de fouiller toute la faculté, vous m'entendez ? Nous ne reviendrons pas dire à Vader que nous n'en avons pas pris autant que possible !
Je soupire et je suis sûr que beaucoup d'agents font de même, mais nous savons tous que Grellish a raison... C'est ça ou nous retrouver à la botte du BSI. Et ça n'arrangerait les affaires de personne, croyez-moi.
C'est ainsi qu'une demi-heure plus tard, nous nous retrouvons à six dans un turbo-élévateur qui nous emmène tout en haut d'une aile de la faculté pour une partie de cache-cache idiote avec des étudiants... Ça s'annonce long et ennuyeux, surtout si l'architecture de cette faculté est aussi déroutante que celle de la faculté de droit où j'ai passé un an avant d'abandonner mes études.
« Soyez prudents, tout de même, nous souffle Shan. Aussi idiot que ce soit de traquer comme ça des manifestants en fuite, n'oubliez pas que certains sont peut-être dangereux... Max en a fait l'expérience tout à l'heure.
Je confirme d'un hochement de tête, puis la porte s'ouvre sur un large couloir désert, plongé dans l'obscurité jusqu'à ce que Shan mette en marche l'éclairage ; un amphithéâtre est indiqué d'un côté, diverses salles de travail probablement plus petites de l'autre.
-S'il y en a à cette étage, ils ont dû se retrancher dans l'amphithéâtre pour avoir la place de nous affronter, remarqua l'un de mes collègues, d'autant qu'il doit y avoir plusieurs issues...
Shan hoche la la tête.
-Oui, on y va... Max, toi et Plihak, allez quand même voir les petites salles, on ne sait jamais ; vous nous préviendrez s'ils sont trop nombreux...
-OK. Bonne chance, sergent.
Plihak, c'est un grand type barbu à la peau pâle et aux cheveux noirs, plutôt mince mais il est plus solide qu'il n'en a l'air. Cynique, provocateur et misanthrope. Et un type plutôt sympathique derrière tout ça, accessoirement. Tandis que nos collègues prennent la direction de l'amphithéâtre au pas de course, Shan s'attarde un instant, l'air de vouloir dire quelque chose sans oser le faire.
-Vous aussi, bredouille-t-elle finalement devant mon regard insistant avant de se retourner.
J'aimerais savoir ce qu'elle voulait dire, mais la jeune femme s'éloigne déjà pour rattraper les autres...
-Tu viens ? me demande Plihak. Il faut qu'on aille sortir les rats de leur trou...
-Ouais, ouais...
Plihak et moi nous engageons dans le corridor qui se rétrécit en nous efforçant de nous faire discrets, contrairement à nos collègues ; nous ne sommes que deux, après tout... Je prend néanmoins le risque de murmurer :
-Tu ne la trouves pas bizarre, Shan, depuis quelques temps ?
Plihak hausse les épaules.
-Écoutes, c'est une femme, je ne suis même pas sûr qu'elle se comprenne elle-même, alors...
Je lève les yeux au ciel.
-Oui, bien sûr, ça tombe sous le sens...
Nous continuons à progresser dans le corridor dans un silence plus professionnel, écoutant aux portes des salles, guettant attentivement le moindre signe de présence ennemie, mais il n'y a rien ; arrivés au bout du corridor, nous n'avons toujours perçu aucun signe des étudiants...
-Personne, et on a pas de nouvelles des autres non plus... Tu veux qu'on ouvre carrément les salles, pour voir ? j'interroge mon collègue à voix basse.
-Si tu y tiens, mais j'ai plutôt l'impression qu'ils ne sont tout simplement pas à cet étage...
-Ils doivent être dans l'amphithéâtre, tout simplement...
-Possible, mais dans ce cas le groupe de Shan devrait être déjà tombé sur eux...
-C'est vrai. On la prévient que nous n'avons rien trouvé ?
Plihak ne me répond pas ; apparemment plongé dans une intense réflexion, il étudie avec attention le couloir complètement vide à part nous et deux grosses armoires au fond. Dans le même temps, mon comlink sonne.
-Max ?
-Oui, sergent ? Nous n'avons repéré personne pour l'instant, et vous ?
-Non plus, l'amphithéâtre est vide...
-Bon... Vous nous rejoignez pour qu'on prenne le temps de visiter les salles, ou on change d'étage ?
-Rejoignez-nous devant le turbo-élévateur et on demandera un autre endroit où chercher, ça suffira... De toute façon, ce n'est pas comme si on trépignait d'impatience à l'idée d'arrêter de pauvres étudiants, pas vrai ?
-Non, c'est sûr.
Je romps la communication ; j'ai parlé à voix haute, mais même si les étudiants sortent de leur trou maintenant, ils auront bientôt affaire au groupe de Shan...
-Plihak ?
-Cette armoire n'a rien à faire ici, déclare brusquement mon collègue en désignant celle en face de nous.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Elle ne ressemble pas du tout à l'autre, pour commencer...
-Tu sais, avec les budgets qu'ils ont en ce moment, ils doivent récupérer un peu tout ce qu'ils trouvent...
-Non mais même... Elle est beaucoup trop encombrante, elle couvre en partie la porte et elle n'est pas si loin du plafond... Moi, je dirais qu'elle a été placé là sciemment pour couvrir une autre porte.
-Je n'en sais rien, mais Shan nous attend...
-Si Shan a des subordonnés à son service et pas des droïdes, c'est pour qu'ils pensent par eux-mêmes, grogne Plihak. Allez, on essaie de la tirer, on verra si elle n'est pas trop grosse... Je parle de l'armoire, bien sûr.
-Bon, si tu veux... Tu prends ce côté-là ? Alors on y va...
Dès que je commence à tirer la masse métallique, je sens quelque chose d'anormal ; c'est beaucoup trop facile, l'effort est conséquent, mais elle me suit néanmoins... Elle est difficile à manœuvrer, mais absolument pas trop lourde.
-Ouais, on dirait que tu avais raison... Elle est vide. Ils l'ont déplacé.
Je recule lentement, tirant toujours fermement l'armoire avec Plihak... Mes doigts glissent, mais c'est faisable...
-Voilà, c'est bon, tu peux lâcher... Viens voir, la porte est là.
-Ah oui, j'admets devant la petite porte grise. Bien joué, mon vieux...
-Ne te fais pas de soucis, toi aussi tu aurais compris tout de suite si tu regardais plus de séries holonet...
-Si tu le dis... Je préviens Shan. Il vaut mieux que nous allions voir d'abord à deux, non ?
-Oui... Ça doit mener à une sorte d'amphithéâtre central où ils ont décidé de tous se regrouper, un truc comme ça... On va voir s'ils sont bien là, et on revient avec les copains.
-En espérant que ce ne soit pas eux qui nous repèrent les premiers...
-Te fais pas de bile, petit... S'ils savaient se battre, ils n'auraient pas besoin de faire des études.
-Tu es irrécupérable... » je soupire avant de saisir mon comlink.
Derrière la porte, Plihak et moi commençons à descendre un long escalier plongé dans l'obscurité ; je pensais que nous arriverions vite à destination, mais ce n'est pas le cas, aussi je me demande pourquoi quelqu'un s'était ennuyé à bâtir un si long escalier plutôt que de tout simplement le remplacer par un turbo-élévateur...
« Je crois que je sais où nous allons, me signale doucement Plihak. Quand la Guerre des Clones a commencé à traîner en longueur, certains bâtiments se sont dotés d'issues de secours sans turbo-élévateurs ni aucune technologie électronique, pour tromper les détecteurs des droïdes en cas d'attaque... Mais je ne savais pas la faculté si récente...
-Peut-être que la première a été détruite pendant le bombardement, alors ils l'ont transféré dans ce bâtiment? je suggère.
-Possible, oui... Mais tais-toi, on arrive. »
En effet, en-dessous de nous jaillit une lumière d'un jaune crû dans l'encadrement d'une porte ouverte... Après avoir consulté mon collègue du regard, nous nous accroupissons et continuons à progresser lentement... Une fois parvenu juste au-dessus de l'entrée de la salle, craignant d'arriver directement en face de la porte ouverte et d'être repéré, je m'agrippe des deux mains à la rambarde pour sortir de l'escalier sur le côté, les jambes pendantes dans le vide... Plihak suit le même chemin et, estimant la hauteur suffisamment faible, nous nous laissons tous deux tomber dans le vide... Je me reçois sur le sol avec un bref éclair de douleur, personne ne semble faire attention au bruit... Une conversation animée semble en effet avoir lieu à l'intérieur de la salle entre deux voix féminines pendant que Plihak et moi nous glissons juste à côté de l'encadrement, accroupis dans l'obscurité... Nous distinguons des tables à l'intérieur de la salle, de l'autre côté...
Le plus simple serait sûrement de prévenir immédiatement Shan que les étudiants sont bien là, mais c'est que je suis curieux, et Plihak ne fait rien de son côté non plus... Si on nous pose des questions nous pourrons toujours soutenir que nous avons progressé très lentement vers la salle pour ne pas nous faire repérer...
Ceci dit, je ne suis pas sûr de pouvoir argumenter de quelque façon que ce soit en face de Vader...
« C'était le dernier groupe à évacuer, normalement, signale une voix masculine parlant avec un accent exotique, coupant la conversation entre deux femmes que j'avais crû entendre. Je crois qu'il faut se faire à l'idée que les autres se sont tous fait prendre.
-Les prisonniers sont sortis, au moins ? demande l'une des voix féminines.
-Oui, aucun problème à craindre de ce côté-là.
-Tu te doutes bien que je ne le ferais pas dans le cas contraire, renchérit la deuxième voix féminine. Je suis avec vous de tout cœur. C'est bien pour cela que je dois le faire.
La première femme soupire.
-Je déteste déjà l'idée de les abandonner, mais...
-Ça faisait partie du plan dès le début et ils le savaient, affirme sèchement la deuxième voix féminine.
-Oui, d'accord pour ça, j'ai dit que je n'aimais pas cette idée, c'est tout ; mais tu ne peux pas me demander d'aller jusque-là ! Je t'ai dit que j'étais prête à jeter toutes mes forces dans la bataille, je suis prête à faire des sacrifices, mais pas ceux-là ! Il y a des limites !
-Et pourquoi donc ? Si c'est tout ce qui marche ?
Je réfléchis tout en écoutant les paroles des étudiants...Si je comprends bien, cette salle donne sur une sortie secrète comme l'avait supposé Plihak, et la plupart des étudiants ont déjà fuis... Je me glace en pensant à la réaction de Vader, pourvu qu'on réussisse à rattraper les étudiants d'une façon ou d'une autre... De toute façon, excepté en ce qui concerne ceux encore à l'intérieur, je n'y peux plus grand chose.
Enhardi par l'idée qu'ils ne sont probablement plus si nombreux à l'intérieur de la salle, je risque un rapide coup d’œil vers l'intérieur... J'ai le temps de voir une sorte de grand amphithéâtre donnant sur de multiples issues, sans doute un refuge en cas de bombardements ; à l'intérieur, une poignée de jeunes gens sont assis sur les tables. Je distingue un Zabrak, une jeune humaine aux cheveux châtains et un jeune homme à l'expression buté qui me parut être de la même famille, tous trois assis en face d'une autre femme un peu plus âgée aux cheveux d'un noir de jais, je lui donne à peu près mon âge, et d'un Elomim qui observe la discussion avec une sorte de sourire narquois... Je me retire alors que Plihak passe à son tour la tête à travers l'encadrement ; il me fait la moue en se détournant, comprenant aussi bien que moi ce que signifierait la capture de si peu d'étudiants...
Autant continuer à écouter... Mon comlink vibre, mais je ne lui prête aucune attention...
-Peut-être parce que ça s'appelle un assassinat ? intervient sur un ton glacial une nouvelle voix que je présume être celle de l'humain.
Je sens un frisson me parcourir... De quoi parlent-ils ? Que projettent exactement ces étudiants maintenant qu'ils ont permis l'évasion de leurs camarades ?
-Ça s'appelle un acte de résistance contre l'oppression, martèle la deuxième femme, dont un second coup d’œil furtif m'apprend que c'était celle aux cheveux noirs. Mettez-vous en tête que nous n'avons pas le choix, nous défendons notre liberté et celle de la Galaxie par le seul moyen possible ! Abandonnez toutes ces distinctions infantiles...
-Ce n'est pas le seul moyen possible, soupire la première femme.
-Si, ça l'est, et si tu crois le contraire, ils te tueront ! J'essaie de garder mon espoir vivant, Sophill, j'essaie vraiment de continuer à croire en une Galaxie meilleure, mais tu sais aussi bien que moi que nous ne pouvons pas combattre ces assassins avec des manifestations et des pétitions ! Les étudiants en philosophie ont essayé, et nous avons tous vu le résultat ! Et maintenant, ils s'imaginent qu'ils ont gagné à nouveau... Mais cette fois, ces brutes de policiers vont comprendre à qui ils ont affaires ; cette fois, toute la Galaxie va être forcée de regarder le problème en face ! Nous devons montrer que nous sommes là, montrer à quoi nous sommes forcés à cause de la tyrannie de Palpatine !
Je sens mon sang bouillir de colère ;
ces brutes de policiers se battent tous les jours pour empêcher cette planète de sombrer dans le chaos et les protéger des vraies brutes de Palpatine ! S'ils ne veulent pas de nous, autant laisser ces imbéciles d'étudiants à Vader ! Mais je suis aussi troublé par toute cette amertume dans la voix de la jeune femme... Est-ce qu'on en est à ce point-là ? J'ai conscience des défauts de l'Empire, mais je trouve dérangeante l'idée qu'on puisse lui vouer tant de haine...
-D'accord, d'accord, admet la dénommée Sophill, mais les agents des FSC n'y sont pour rien si Palpatine a décidé de broyer toute la Galaxie sous son joug ! Ils font leur boulot comme ils le faisaient sous la République, c'est tout !
-J'ai choisi mon camp, ils peuvent choisir le leur, lâche son interlocutrice. S'ils ne le font pas, c'est parce qu'ils sont aussi lâches que tout le reste de la Galaxie qui regarde sans rien faire Palpatine devenir le pire despote de l'Histoire... Face à quelqu'un comme lui, rien ne s'est jamais accompli sans faire couler le sang et tu le sais.
-Peu importe qu'ils n'aient pas la force de se rebeller contre leurs supérieurs... Tu me demandes d'agir comme ce que nous combattons... Ce n'est pas pour cela que nous avons fondé le réseau Dalsa Blanche...
-Ça s'appelle la guerre. Oui, on va agir comme eux et j'en suis désolée, mais ils ne nous laissent pas le choix si nous voulons vivre libres, si nous voulons que nos enfants vivent libres ; nous en avons le droit ! Ils nous en donnent le droit ! Le système Impérial écrasera tout ce qui résiste à son pouvoir si nous ne le faisons pas ! La peur du sang est tout ce qui empêche le régime de tomber, comme toutes les tyrannies qui l'ont précédé... Et si nous échouons, nous nous devons de tomber les armes à la main.
-En tuant des innocents ?
-Des innocents ? Qui est innocent ? Le gentil comptable qui partira à la retraite demain après avoir été un salarié modèle doublé d'un père de famille exemplaire a sur les mains le sang de toutes les victimes de Palpatine.
-C'est bien gentil, toutes vos discussion philosophiques, commente une autre voix masculine, sans doute le Zabrak ou l'Elomim, mais on a plus trop le temps, là... Sophill, toi et ton frangin, dégagez ou mourrez, parce que nous, on a bien l'intention de le faire.
-Ce n'est pas ce qui était prévu à l'origine, souligne l'humain.
-Ulrike... Ne fais pas ça. Je t'en prie. Je sais que tu n'es pas un monstre... Ne deviens pas comme eux...
-Je vais devenir ce qui permettra d'abattre le pouvoir Impérial. Rien de plus, rien de moins. Tu comprendras, le jour où tu auras vu celui que tu aimes assassiné par l'Empire pour rien... Si tu trouves encore cela normal à ce moment-là, c'est que tu mérites d'être l'esclave que Palpatine veut faire de toi.
-Et tu crois que quelqu'un trouvera normal de tuer tous ces gens ! s'exclame Sophill, épouvantée.
-Mais j'espère bien que non ! Ils ne trouveront pas cela normal, non, et ils seront forcés de se demander pourquoi nous l'avons fait ; ils verront que nous sommes en guerre, et ils devront choisir leur camp !
-Tu es folle !
-Je préférerais, Sophill, je préférerais... Mais si ce n'était que ça, tu n'aurais pas si peur ; si tu as peur, c'est parce que tu sens bien que loin d'être folle, je vois enfin la réalité telle qu'elle a toujours été... La réalité, c'est que nous sommes menacés de tout perdre, menacés par Palpatine, menacés par tout un système mis en place dès la République, menacés par tous ceux qui servent ce système comme les FSC... Nous allons enfin riposter, nous allons enfin nous défendre. »
Plihak et moi nous retournons l'un vers l'autre dans la pénombre, effarés... Ça tombe sous le sens :
ils vont faire sauter la faculté ! Ils veulent nous tuer ! Ces jeunes sont complètement cinglés, comment avons-nous pu penser un seul instant à retenir nos coups contre eux ?
Je me sens m'enflammer sous le coup de la peur et de la colère... Nous avons essayé de les protéger, et en réponse, eux vont tous nous tuer, me tuer moi, tuer mes collègues, Shan, Plihak, Neekl... Nous devons à tout prix les en empêcher et leur montrer ce qu'ils méritaient...
Ulrike est la plus folle de tous, et pourtant c'est elle qui a raison, la vérité m'apparait maintenant dans toute son horreur : nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre parce que ces fous ont décidé de tuer sans pitié tous ceux qui servent l'Empire... L'Empire m'a beaucoup déçu, mais qu'est-ce que cela valait encore face à la violence que ces étudiants s'apprêtent à déployer ? Entre Vader et eux, voilà que nous sommes perdus dans l'ombre de tous ces fanatiques, elle nous étouffera tous si nous ne faisons rien...
J'inspire profondément tandis que Ulrike exhorte encore Sophill et son frère à quitter les lieux...
« On y va tout de suite, j'indique à Plihak. Je sais qu'ils sont cinq, mais on a pas le temps de prévenir Shan...
-OK, on y va.
Nous nous relevons prestement et nous engouffrons dans l'amphithéâtre, le sang brûlant d'agir...
-Rendez-vous immédiatement ! ordonne Plihak.
-Attention, les flics !
Le jeune humain aux cheveux châtains se jette sur moi, manifestement paniqué, mais malgré sa détermination, il n'est pas du tout de la même trempe que le voyou qui m'a agressé dans le hall, un coup de matraque bien placé me suffit à l'assommer.
-Filez ! ordonne le Zabrak, aux prises avec Plihak.
Les mains bloquées par le non-humain tandis que les trois autres étudiants cherchent à gagner une sortie dans le coin opposé de la salle, Plihak décoche un puissant coup de pied dans l'entrejambe de son adversaire pour le forcer à lâcher prise... Je cours vers la sortie à la poursuite des autres tandis que Plihak étale son adversaire de quelques coups de poings énergiques ; je ne suis pas sûr de pouvoir rattraper les deux jeunes femmes et l'Elomim... Je pourrais leur tirer dessus, évidemment, et ils le mériteraient sûrement, mais je n'en ai pas le courage...
Tout en poursuivant ma course dans un couloir sombre, je saisis mon comlink :
-Sergent Frankland, nous avons suivi les escaliers jusqu'à une sorte d'amphithéâtre qui donne accès à des sorties dissimulées, des étudiants sont en train de s'enfuir à peu près au niveau de...
-C'est bon, Max, je sais où vous êtes, le seigneur Vader a fait part à Grellish de ces issues secrètes, nous avons des gens pour les accueillir... On attendait juste que les rats quittent le navire.
-Ah ? Eh bien ça aurait été gentil d'intervenir avant, alors, ces tarés allaient faire sauter la fac !
-Quoi ? s'étrangle Shan. Attendez-moi, j'arrive de votre côté !
-Arrêtez-vous, c'est un piège ! hurle Sophill d'une voix stridente, devant moi.
Évidemment, ils m'ont entendu aussi... Je vois les trois silhouettes noires se retourner brusquement vers moi et je me prépare à les intercepter, de toute façon Plihak ne doit pas être bien loin derrière... Soudain, je vois la femme aux cheveux noirs, Ulrike, sortir un objet noir d'une poche de son pantalon... Terrifié, j'ai tout juste le temps de me jeter sur le côté avant que ne jaillisse une salve rouge mal ajustée. Les trois jeunes gens me passent devant sans davantage se soucier de moi. Un peu plus et j'y passais, il faut vraiment qu'on les arrête...
-Plihak, fais gaffe, ils sont armés ! je préviens en hurlant alors que je retourne dans l'amphithéâtre, sur les talons des étudiants...
Cette fois, plus d'hésitations à avoir, je sors mon arme de service... J'aperçois Plihak qui fait de même, mais les étudiants lui passent devant sans même le regarder...
-Arrêtez-vous ou nous tirons ! ordonne mon collègue, sans obtenir la moindre attention.
Ils sont perdus de toute façon, car ils ont à peine le temps de se faufiler entre les tables que surgissent Shan et deux autres de mes collègues par la porte où Plihak et moi sommes passés juste avant.
-Arrêtez-vous ! ordonne Shan.
L'Elomim se fige, apparemment désespéré, mais les deux femmes poursuivent leur course vers Shan... Qui s'écarte pour les laisser passer.
Stupéfaits, les deux autres agents s'apprêtent à se lancer à la poursuite d'Ulrike et Sophill dans les escaliers, mais Shan leur barre la route et assène même un coup de matraque au premier d'entre eux !
-Shan, arrêtes, qu'est-ce que tu fais ? je crie.
Le premier agent est un peu sonné, mais le second saisit Shan par les épaules avant de lui attraper la gorge... La policière ne se défend pas. Plihak et moi accourons.
-Shan, qu'est-ce que tu...
-Il n'y a personne là-haut ! s'exclame furieusement l'agent qui retient ma supérieure. Personne, ils étaient tous partis les attendre aux issues secrètes, il n'y avait que nous six pour les empêcher de fuir par ici ! Et elle les a laissé s'échapper !
-Shan, tu sais qu'on parle de terroristes, là ? je questionne, choqué.
-Elle a fait ce qu'il fallait, contrairement à vous tous, grommelle l'Elomim, mais personne ne lui prête attention.
À quel point faut-il être dément pour laisser s'échapper des gens qui projetaient de tous nous tuer... Sophill, à la limite, mais laisser s'échapper Ulrike la fanatique... Je n'arrive pas à croire que c'est Shan qui a fait cela... Elle reste muette, on lui libère la gorge, nous sommes bien assez nombreux pour la maîtriser, de toute façon.
-Laissez-la partir, nous demande Plihak. Elle a foiré, on est bien d'accord, mais c'est une des nôtres quand même, on ne va pas la laisser à Vader...
-Elle nous a trahi ! se révolte l'un de mes collègues.
-Oui, mais on ne va pas l'abandonner à une hiérarchie délirante qui ne comprend rien à notre boulot ! Max, t'es d'accord avec moi, non ?
Je regarde Shan, laquelle ne dit toujours pas un mot... Elle paraît nous observer avec un mélange de terreur et de pitié...
-Je ne sais pas...
-Elle reste là ! On ne va pas risquer notre boulot et encore moins nos vies pour une traîtresse !
Et soudain, alors que nous sommes toujours en train de discuter, indécis, soudain il n'y a plus aucun choix ; une nuée d'autres agents des FSC menés par Grellish surgissent par les issues secrètes pour envahir l'amphithéâtre, et derrière viennent les soldats-clones... Mon cœur se serre lorsque je regarde à nouveau Shan. Et derrière les soldats, eh bien...
-Seigneur Vader ! s'exclame l'un de mes collègues. Recevez toutes nos excuses, mais le sergent Frankland a empêché la capture des agents ennemis...
La haute silhouette de métal noir s'avance vers nous, mon cœur bat un peu plus vite à chaque fois que j'entends siffler sa respiration inhumaine...
-Sergent Frankland, énonce lentement la voix désincarnée...
Shan ne répond toujours pas, mais elle a pâli, beaucoup pâli.
-Vous avez une explication à nous donner ? interroge Vader.
-Si je dois vous la donner, c'est que vous ne la comprendrez pas de toute façon, parvient à murmurer Shan, blême.
Grellish approche à son tour.
-Seigneur Vader, soyez assuré que l'ensemble du corps des FSC condamne fermement l'action irréfléchie du sergent Frankland... Nous la ferons durement punir, et nous nous assurerons que tout agent qui voudrait lui emboîter le pas sache qu'il n'a pas sa place parmi nous...
-Ce ne serait pas utile, Capitaine, car ce n'est pas dans les FSC que n'ont pas leur place ceux qui s'opposent à l'Ordre Nouveau, mais bien dans cette Galaxie toute entière. Il ne doit rien exister en-dehors de l'Empire.
Nous échangeons des regards discrets entre agents des FSC, mal à l'aise ; nous savons très bien ce qu'a essayé de faire Grellish, il a essayé de sauver Shan et notre organisation toute entière... Je ne comprends pas comment Shan a pu faire une chose pareille, mais j'ai trop peur de ce que Vader pourrait lui faire... Eh, c'est peut-être une traîtresse, mais ça reste Shan, la Shan gentille et courageuse que je connais depuis mon entrée dans les FSC... Je la connais. Je tiens à elle. Ce n'est pas une étudiante anonyme, encore moins une folle furieuse comme Ulrike...
Vader nous balaye tous du regard.
-Le sergent Frankland est le symbole de tout ce qui ne va pas chez les FSC, de votre mécanique sclérosée incapable de s'adapter à l'Empire... Ces jeunes gens vous auraient tous tués sans hésiter, et elle, toujours sous l'emprise des vieux mensonges des Jedi, elle les a aidé à s'échapper... L'Empire ne peut tolérer que des gens au cerveau si limité aient le droit de vivre ; si vous ne faites pas partie de la solution, vous faites partie du problème.
Je frissonne à ces terribles paroles... Quand on entend ça, on a vraiment l'impression d'être insignifiant, une pauvre petite chose qui ne peut que supplier les monstres de la laisser vivre... Lorsqu'il se retourne vers Shan, je me mets à supplier intérieurement pour qu'elle s'en sorte vivante... Et s'il doit lui faire quelque chose, pas maintenant, par pitié, je ne peux pas voir une femme souffrir, encore moins une amie...
Je repense aux paroles de Ulrike...
« J'ai choisi mon camp, ils peuvent choisir le leur »... Et si là, maintenant, j'ouvrais le feu sur le seigneur Vader ? Et si je le tuais ?
-Et tout problème doit être réglé, conclut Vader, indifférent au tourbillon émotionnel qui m'agitait...
Je regarde Plihak, qui a l'air aussi troublé que moi... Nous sommes probablement nombreux à nous demander ce que nous devons faire en cet instant... Que va faire Vader, pour commencer ?
Et puis je vois, épouvanté, Shan se soulever légèrement du sol, comme soulevée par un formidable poing invisible... Un cri étranglé jaillit de sa bouche, elle étouffe... Horrifiés, nous nous retournons tous vers Vader, lequel n'a pas bougé mais regarde fixement Shan...
Il l'étrangle sans même la toucher. À ce moment-là, je ne peux plus rien faire, je suis paralysé par effroyable vision... Je ne suis rien, nous ne sommes tous rien face au pouvoir de Vader, mon corps tout entier se révolte contre cette folie qui voudrait me pousser à affronter un tel pouvoir, et je reste là, glacé... Mon cerveau enregistre chaque image de la scène, mais je sais maintenant que je n'aurais jamais le courage d'agir...
C'est une traîtresse. C'est une traîtresse, je me martèle. Et Vader est le seul à pouvoir nous protéger des gens comme Ulrike. Ils nous auraient tous tués. Mais qui est-ce que je crois tromper ? Je ne veux pas mourir, c'est aussi simple que cela... Je ne sais pas qui me fait le plus peur entre les terroristes rebelles et Vader, mais je veux vivre...
Shan ne sera bientôt plus, si personne ne fait rien. Sa bouche se déforme, ses yeux nous appellent désespérément à l'aide. Seule la respiration effroyablement régulière de Vader se fait entendre, la mise à mort se déroule dans un silence assourdissant. Shan voudrait crier, elle doit respirer, mais l'air ne dépasse pas sa gorge, alors elle reste crispée dans un rictus de douleur, s'efforçant de se raccrocher à la vie pour ne pas tomber dans le vide infini... Mais il n'y a rien à faire, parce que Vader a décidé qu'elle ne méritait pas de vivre... Nous fixons son visage intensément, guettant avec un voyeurisme malsain l'instant précis où le manque d'air aura neutralisé son cerveau... Vader doit resserrer son étau au fur et à mesure car nous finissons par entendre quelque chose se briser, et les traits agonisants de Shan se relâchent soudain ; la poupée au cou brisé retombe soudain sur le sol.
Shan n'est plus rien. Ce n'est plus une amie, ce n'est plus une collègue, ce n'est même plus une traîtresse, ce n'est plus qu'un corps sur le sol.
-Emmenez-la si vous le voulez, sinon qu'elle demeure ici, lâche laconiquement Vader, comme si ce qu'il vient de faire est parfaitement ordinaire.
Je suis sûr que nous sommes tous incapables de nous détacher de la scène qui vient de se dérouler sous nos yeux pour revenir dans le présent... Toutefois, j'interpelle Plihak.
-On s'occupe d'elle ?
-C'est le moins qu'on puisse faire, j'imagine, me souffle-t-il.
C'est vraiment troublant de le voir aussi sonné... D'habitude, il semble que rien ne puisse l'atteindre... Nous saisissons le corps de Shan.
Il est encore tiède.
Portant le corps, nous sortons avec les autres de la faculté par les fameuses issues secrètes... Dehors, d'autres soldats clones nous attendent avec la foule des étudiants capturés. Leurs armures et leurs blasters dénoncent toute la mascarade, tout ce qui s'est passé ce soir n'a rien à voir avec une opération de police, et l'Empire n'a rien à voir avec les gouvernements que la Galaxie a connu jusqu'alors... Sur ce point, au moins, Palpatine n'a pas menti.
Alors que nous nous éloignons de la faculté, j'aperçois quelque part sur le toit d'un immeuble au-dessus la silhouette indistincte d'une jeune femme vêtue de blanc qui nous observe de loin... Ulrike ? Il faut vraiment qu'elle soit folle pour être restée si près de nous. Voit-elle que celle qui l'a sauvée ne marche plus ?
J'apprendrais plus tard que les dons de Vader lui permettent probablement de sentir la présence ennemie au-dessus de nous, et qu'il savait même probablement depuis le début ce que Ulrike et ses camarades projetaient avant de nous envoyer dans cette maudite faculté.
III.
Tout le reste de cette tragique soirée, je n'ai de cesse de me demander dans quel cauchemar je suis tombé ; qu'est-ce qui arrive à cette Galaxie, et qu'est-ce qui m'arrive à moi, pour commencer ? Moi et mes collègues nous disons au revoir sans rien ajouter, n'importe quel mot mal placé à propos de Shan, à propos de Vader, à propos de ce que nous aurions dû ou n'aurions pas dû faire, nous plongerait dans des abîmes de folie insondables... Je rentre chez moi par un speeder-bus complètement vide à cette heure-là, ça fait bizarre sachant qu'on a du mal à respirer dedans le reste de la journée... Comme si j'étais le dernier être pensant sur Coruscant malgré toutes les lumières de la cité galactique que j'aperçois par les vitres... Le dernier à penser et ressentir dans un monde artificiel, beau mais entièrement fabriqué par l'Empire... Je frissonne.
Les dernières expressions du visage de Shan ne me lâchent pas, comme si elle était encore là, devant moi...
Elle est morte. Je ne la verrais plus, elle est partie pour l'éternité là où personne ne pourra la retrouver... C'est long, l'éternité.
J'ai l'impression que je vais m'effondrer sur place... Quel est ce monde qui s'offre à mes yeux, maintenant, quelle est cette vie qui va être la mienne... Une vie faite de peur, non plus seulement la peur des criminels comme autrefois mais aussi la peur des seuls à pouvoir me protéger contre eux... Et pourtant, servir l'Empire est la seule solution, je l'ai su en écoutant Ulrike... Il faut choisir son camp, on fait partie du problème si on ne fait pas partie de la solution... Mais quel monde sinistre. La réflexion devrait me paraître infantile, elle l'est sûrement, mais elle sape en moi toute énergie, tout espoir...
J'arrive à mon immeuble, bien ordinaire, mais je ne lui en demande pas plus. Lorsque je monte dans le turbo-élévateur, je me demande déjà où je vais trouver la force d'en sortir... De renouer le contact avec le monde. D'admettre qu'il a changé. Mais, non sans soupirs de découragement, je parviens à me traîner jusque chez moi... Il est grand temps que je dorme...
Quand j'étais petit, j'avais l'impression que le simple fait de dormir pour passer à une autre journée pouvait venir à bout de tous les problèmes... Je pénètre dans ma chambre... Ma compagne, une jeune femme très aimable que j'ai connu en faculté de droit, est-elle encore éveillée ? Ça m'étonnerait, vu l'heure, mais elle en serait capable... J'ai ma réponse lorsque j'entends son murmure dans l'obscurité :
« Ça va ? Vous êtes restés tard... Des problèmes particuliers ?
Des
problèmes particuliers ? Si elle savait !
-Je... Je préfère ne pas en parler pour le moment, chérie. Je suis... Très fatigué. »
Comment pourrait-elle comprendre... J'ai déjà assez de mal moi-même à accepter l'ide de cette nouvelle galaxie qui se construit sous mes yeux... Je crois que personne ne peut comprendre ce que l'on ressent lorsqu'on est ainsi prisonniers de l'ombre sinistre de gens comme Vader ou les étudiants fanatiques... Nous sommes pris dans un combat de géants, ils se fichent complètement de nous broyer, tout à leur lutte absurde...
Si c'est cela, être dans l'ombre des héros, croyez-moi, je me passerais bien de héros. Comment peut-on accepter de vivre dans une telle oppression ? Comment ? Car le plus effrayant, c'est que c'est bien ce que je m'apprête à faire.
La veille, nous avons failli perdre la vie à cause d'une bande d'étudiants en Histoire, notre supérieure a été exécutée par celui qui devait la protéger, et aujourd'hui, nous allons travailler au commissariat comme s'il s'agissait d'un jour ordinaire. Non, ce n'est pas tout à fait vrai, je suis venu nettement plus tôt, aujourd'hui. La raison n'en est pas un excès de zèle, mais je n'ai dormi que deux heures, et impossible de me rendormir ensuite... Par ailleurs, la seule idée de parler à ma compagne de ce qui s'est passé hier, de lui dire que j'ai regardé tuer une collègue sans rien faire, ça me rend malade ; seuls ceux qui y étaient peuvent comprendre. Je ne me suis jamais senti faire à ce point corps avec les FSC... Nous sommes tous pareils, au fond, pris en étau entre Vader et les rebelles...
À l'holonet Coruscanti, d'après ce que j'ai pu voir ce matin, on ne parle plus que de la tentative manquée d'attentat et de ce réseau Dalsa Blanche, qui serait apparemment très influent parmi les étudiants... On décrit Ulrike et ses camardes comme des monstres sanguinaires, je ne peux pas vraiment en vouloir aux journalistes, mais cela me fait un peu mal au cœur pour Sophill et l'autre humain... J'espère que lui ne s'en sortira pas trop mal et qu'elle ne se fera pas prendre, à propos.
Je ne suis pas le seul à être venu plus tôt cette fois ; je croise Plihak et Neekl, entre autres. Nous ne devrions rien avoir à faire avant un moment, nous allons nous asseoir dans un coin désert pour pouvoir discuter tranquillement.
« Vous n'avez pas beaucoup dormi non plus, j'imagine ? je leur demande.
-Tu me connais assez bien pour savoir que je n'ai pas pour habitude de faire du zèle, assure sombrement Plihak.
Neekl hoche la tête.
-Shan était vraiment une bonne flic, et c'était quelqu'un d'aimable... Ça fait vraiment mal de savoir qu'elle a fini comme ça, elle ne le méritait pas...
De telles paroles ont un certain poids dans la bouche du féroce partisan de l'Empire qu'est Neekl...
-Ne m'en parles pas, je soupire, elle avait tout de suite fait en sorte que je m'intègre bien aux FSC, dès que je vous ai rejoint... Je ne supporte pas l'idée que nous l'avons perdue. Mais ce n'est même pas ça, le pire ; je commence sérieusement à me demander combien de temps je vais pouvoir continuer à faire ce boulot... Ce n'est plus la même chose qu'il y a trois ans, bordel, ces étudiants ont vraiment de quoi faire peur, et Vader aussi... Et si c'est nous qui nous faisons étrangler devant tout le monde, la prochaine fois ? Si c'est l'un de vous deux, je devrais le laisser faire aussi ?
-Écoutes... Comme je viens de le dire, j'avais vraiment du respect pour Shan. Elle méritait mieux que ça. Mais franchement... Elle avait pété les plombs. Elle a laissé s'échapper deux terroristes dangereuses, et ce alors même qu'elle savait qu'elle n'avait aucune chance de s'en sortir... Ce n'était pas une trahison, ce qu'elle a fait était idiot, c'était un suicide ; elle ne supportait plus son boulot. Ça devait arriver.
-D'accord avec toi, approuva Plihak, mais ce n'était pas une raison pour l'abandonner à Vader... Elle était des nôtres, Vader n'avait aucune idée de qui il jugeait, il n'avait pas à faire ça. J'en ai marre de ces dignitaires Impériaux qui croient pouvoir tout faire mieux que tout le monde ; les autorités de la République étaient peut-être incompétentes, mais elles laissaient la police et la justice faire leur vrai travail, elles, au lieu de tout transformer en opération de propagande géante !
-Dis-moi franchement, Plihak... je demande anxieusement. Tu penses que nous aurions dû essayer de faire quelque chose contre Vader ? Si nous nous y étions mis tous ensemble, il n'aurait rien pu faire, même avec tous ses pouvoirs mystiques...
C'était une pensée étrange, sachant à quel point j'étais paralysé par la peur lorsque Vader étranglait Shan sous mes yeux... Mais c'est que nous attendions tous qu'un autre donne le signal de la révolte...
-Ça aurait été la dernière chose à faire, grogna Plihak. Shan était des nôtres, mais toi, Neekl et tous les autres, même cet abruti de Grellish, vous l'étiez tout autant ; on aurait peut-être pu neutraliser Vader, et après ? Après, c'était les soldats clones, petit. Et eux, ils ne sont pas du genre à se rebeller. On se serait fait massacrer, tu crois que c'est ce que Shan aurait voulu ?
-Non, bien sûr. Mais... Maintenant que nous savons qui nous commande, je me demande si je ne devrais pas tout simplement démissionner... On va se retrouver pris en étau entre Vader et des dissidents encore plus allumés que lui...
-Justement ! affirme fermement Plihak. On se sortira de là ensemble ou on ne s'en sortira pas, mais si nous commençons à nous abandonner les uns les autres, on ne s'en sortira pas ! Les imbéciles idéalistes qui tournent le dos à tous ceux qui ont besoin d'eux parce qu'ils croient tout savoir mieux que tout le monde, non merci, hein, on a déjà donné, le réseau Dalsa Blanche est là pour ça. Écoutes, ça me fend le cœur de te reconnaître ça, mais t'es un type sympa et ça fait un moment qu'on bosse ensemble, même chose pour Neekl même si c'est un pro-Impérial fini, même chose pour plein de types au sein des FSC, alors tant qu'il y aura des gens que j'estime pour servir au sein de la police de Coruscant, je serais avec eux. Et puis, c'est quoi qu'il nous reste comme alternative, sinon ? On peut passer du côté des opposants complètement barges du genre Ulrike, et ils sont bien pires que Vader, ou on peut devenir de futures victimes innocentes. Cette Galaxie part en morceaux, il faut bien que quelqu'un y remédie, et on est assez bien placés pour ça, dans les FSC, c'est encore nous qui sommes du côté de la loi ; t'as une copine, non ? Et tu auras peut-être des enfants, un jour. Si tu veux qu'ils vivent dans une Galaxie sûre, il faut faire quelque chose dès maintenant, aussi atroce que ce soit. Choisis ta place. La mienne, j'ai déjà décidé qu'elle était avec vous. Alors ne me lâches pas.
Je ne sais quoi répondre, touché par la franchise de Plihak... Mais l'idée de rester au service d'un régime qui commence sérieusement à m'inquiéter par solidarité avec mes camarades me paraît très étrange... D'un autre côté, c'est vrai que c'est pire en face, et si je démissionne, ça n'arrangera pas les affaires de grand monde. Encore une fois, si on ne fait pas partie de la solution, on fait partie du problème...
-Tu ne peux pas quitter les FSC comme ça, tu en fais partie, conclut Plihak avec un haussement d'épaules. Ton travail n'est pas seulement ta fonction dans la société, c'est aussi une bonne partie de ta vie... Et puis, ça servirait à quoi ? Tu aurais le courage d'entrer en résistance, tout seul ? Tu vas te faire flinguer sans servir à grand chose et tu le sais très bien. Sachant qu'à ta place je ne compterais pas trop sur l'aide d'Ulrike et ses potes...
-Non, j'admets, non, je n'en aurais pas le courage, et non, je n'abandonnerais personne... C'est juste que... C'est vraiment trop dur d'admettre qu'on en est au point où on peut regarder une collègue se faire étrangler sans rien faire...
Neekl reprend la parole :
-Les gars... Ne vous leurrez pas. Évidemment que la construction de l'Empire va avec son lot d'injustices, et évidemment que ça fait mal ; mais
ça en vaut la peine. L'objectif final, c'est d'éradiquer la violence et les injustices, de créer quelque chose de contrôlé, de rétablir un ordre durable, et
ça, ça mérite ce que nous endurons... Les rebelles n'apportent que le chaos avec eux, mais ils n'ont jamais rien réussi d'autre ; on a construit un pouvoir au service de tous à l'échelle de la Galaxie, ça a été la République, et maintenant, si on accepte tous de faire des sacrifices, nous passerons à l'étape supérieure... C'est l'aboutissement logique de la République, pas une rupture. Construire cela, ça demande du courage, mais je suis sûr que vous en avez.
-Ouais... Enfin, tout ce baratin, ça ne m'a jamais convaincu, remarque Plihak. Tu me diras, je n'étais pas très convaincu par celui de la République non plus, et encore moins par celui de la Confédération des Salauds Intéressés...
-Pitié, les gars, ça fait deux ans que vous avez sans arrêt la même conversation, je signale.
-Bon, bah en tous cas vous connaissez mon point de vue sur le sujet, rappelle Neekl, mais je vais vous dire autre chose, alors, c'est que personne aujourd'hui n'est en mesure de gérer une Galaxie, personne d'autre que l'Empire. Si vous ne croyez pas en l'Empire, dommage pour vous, mais le jour où quelqu'un d'autre aura les moyens de maintenir en ordre trop de systèmes pour qu'on puisse les compter, vous me ferez signe... Abattre le pouvoir Impérial à l'heure actuelle, c'est abattre l'ordre ; vous êtes flics comme moi, vous savez ce que font les gens quand il n'y a plus personne pour les surveiller... Et ça, c'est bien pire. Les gens qui n'approuvent pas Palpatine le savent très bien, et c'est pour cela qu'ils ne font rien contre lui... Prenez-en de la graine.
-Ça, par contre, je suis d'accord avec toi, l'appuie Plihak. Le réseau Dalsa Blanche et tout ce qui s'en rapproche, c'est juste des imbéciles qui veulent jouer aux héros sans connaître rien à rien... On peut parler de lutte des classes, de lutte des espèces, des genres ou de je ne sais quoi d'autre tant qu'on veut, mais le fait est que pour que l'oppressé prenne vraiment les armes contre l'oppresseur, il faut qu'il ait l'impression de pouvoir améliorer son sort en cas de victoire... Il faut qu'il ait certaines capacités, ce qui se traduit bien souvent par des connaissances... Le savoir, c'est le pouvoir, et pour l'instant, il ne reste personne parmi les opposants à l'Empire qui en ait suffisamment pour fédérer une action massive.
-Autant être réaliste, ça ne sert à rien de se révolter contre quoi que ce soit si on est seul à le faire, à part à se faire tuer, j'énonce, désabusé. Et je ne veux pas me faire tuer pour rien...
-Non, et ça ne fait pas de toi un monstre pour autant, me rassure Plihak. N'importe qui ferait pareil.
-Je trouve quand même ça terrible, Shan est morte, et nous allons faire comme si de rien n'était... j'explique.
-On va surtout faire en sorte de ne laisser tomber personne, Max... L'amitié, l'amour, la solidarité, c'est peut-être démodé, tout ça, mais c'est à peu près tout ce qui nous reste à une époque où l'injustice et la violence sont de règle... C'est ce qui fait que nous continuons à vivre et que nous restons humains dans cet enfer... Toute cette conversation restera entre nous, hein, Neekl ?
-Bien sûr ! Ça va, je ne suis pas un agent du BSI, non plus... Tu l'as dit toi-même, quand on est dirigés par des gens comme Vader, les amis, c'est tout ce qui reste... Bon, on retourne bosser ?
-Ouais, on y retourne. » j'approuve avant de me lever.
Une nouvelle journée de travail commence.