par Minos » Dim 07 Fév 2010 - 11:04 Sujet: Re: Parodie des Rogues
Episode 4,5 : interlude : la réalité sur cette bête étrange qu’on appelle le pilote
Le pilote est un être appartenant à l’élite. Seul un homme exceptionnel et qui a tout sacrifié peut espérer le devenir un jour. Il y gagne une énorme considération, et il a vraiment, mais alors vraiment trop la classe quand il marche au ralenti vers son engin spatial, tel les vieux astronautes de Space Cowboys et l’équipage minable du nanardesque Armageddon.
Le pilote est grand, le pilote est musclé, le pilote est beau comme un dieu, bien sûr, et a un brushing magnifique que rien ne peut déranger…pas même un cyclone de Force et le port d’un casque intégral dans son cockpit. Il a un uniforme super sexy qui fait se pâmer sur son passage tous les représentants du sexe opposé…et du même, aussi, parfois.
Quand le pilote sourit, on voit ses dents immaculées étinceler et éblouir ceux qui lui font face. Tous ses gestes sont empreints d’une grâce innée. Il parle intelligemment, à bon escient, avec un langage élaboré, car le pilote a de la culture et aime à lire de la philosophie verpine pendant ses rares heures de loisirs.
Mais ce tableau idyllique et propagandesque cache une toute autre réalité…voici donc aujourd’hui révélée pour vous, fidèles lecteurs, la vraie vie réelle IRL quotidienne du pilote de chasse de tous les jours !
Tout d’abord, quand il se réveille, il est comme tout le monde : son sub-radio-réveil retentit à toutes berzingues, il émet un grognement digne de ses lointains aïeux Cro-Magnons, il cherche à tâtons à éteindre, renonce après quelques essais, jusqu’à ce que sa chère et tendre épouse lui dise dans le creux de l’oreille :
– NAN MAIS TU VAS L’ETEINDRE, CETTE SALOPERIE, OUI OU MERDE ?
Et lui se lève enfin, tandis qu’elle se retourne dans le lit en grommelant.
Comme il commence cette belle journée du mauvais pied, et qu’il n’aime pas se faire réveiller comme ça, il affirme son indépendance d’esprit en laissant les vestiges de son petit déjeuner sur la table de la cuisine, et ne refait pas de café après avoir fini la cafetière. Que sa femme se démerde, non mais oh ! C’est qui le patron, je vous le demande ? Et qui paye les factures ? Bon, d’accord, c’est elle qui les paye, mais avec ses sous à lui, alors bon…hein, quoi ? Elle aussi gagne sa vie ? Oui, mais sur l’instant, il ne l’admettrait jamais car il est d’une mauvaise foi pire que la normale, ce qui n’est pas peu dire.
Il se brosse les dents, car le pilote, malgré ce qu’on pourrait croire de prime abord, a aussi une haleine de tauntaun décomposé, surtout après avoir fait la bringue toute la nuit avec ses collègues, aussi grandes gueules que lui. Pour la douche, ce matin, il repassera, car il a trop la flemme. Il se contente d’enfiler une tenue propre et s’asperge de parfum en telle quantité que bientôt, il ne restera plus aucun moustique vivant à un klick à la ronde.
Arrivé à la base, après avoir montré ses papiers à douze reprises, subi l’inquisition de quarante-deux senseurs différents, il peut enfin se rendre au mess des officiers, où l’attendent ses collègues, dans le même pitoyable état que lui. Il se compose alors une tête joviale, un air nonchalant et faussement négligé, et commence alors la grande comédie du matin, et dans laquelle on serait bien en peine de déterminer lequel d’entre eux est le meilleur acteur. Une chose une sûre : c’est du haut niveau !
A les entendre, soit ils ont fait l’amour le reste de la nuit en rentrant chez eux, ou ailleurs, soit ils ont continué la tournée des cantinas jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’aller bosser. En tout cas, tous tentent de faire croire qu’ils sont en pleine forme, et sont obligés de se l’auto-prouver en buvant une tournée de whisky corellien. Si certains, et même beaucoup, ont la nausée et le cœur au bord des lèvres, aucun n’aura le mauvais goût de le faire remarquer. Ils crient joyeusement, se tapent dans le dos, se racontent des blagues salaces. Après tout, il y a des rampants autour d’eux, et ils ont une réputation à entretenir.
Quand vient enfin l’heure du taf, ils se retrouvent tous en salle de briefing. Là, ils peuvent enfin tomber le masque : face à leur commandant, il faut qu’ils aient l’air sérieux. Ils se contentent d’être naturels, et ça passe comme une fleur. Ou presque. Ce qu’ils ne vont pas tarder à apprendre, c’est qu’un holo-photographe gouvernemental est là, un Ithorien, et qu’il lui faut des clichés en vue de la propagande officielle : rien de tel que des pilotes sur les campagnes d’affichage pour recruter en masse.
La séance holo-photo prend toute la matinée. L’ithorien devait être payé 1500 crédits pour ce travail. En fin de compte, il en réclamera 17 523, car il dut passer sept semaines non-stop à retoucher tous les clichés 3D. Avec la tête qu’ils affichaient, les pilotes auraient fait fuir tout candidat potentiel à l’engagement dans l’armée. Peut-être même qu’ils auraient déclenché des désertions.
Vient l’heure de manger, au réfectoire de la base. On entend qu’eux et leur jovialité de mise, alors qu’intérieurement ils pleurent devant le rata immonde qui leur a été servi. Ce truc nauséabond, qui ressemble à du plastique fondu et qui baigne dans une sauce grasse et gélatineuse, est censé convenir à une large variété d’êtres d’espèces différentes. Mais ils n’ont pas encore trouvé l’espèce en question à ce jour.
L’après-midi arrive enfin, et là ça ne rigole plus. Le pilote va enfin pouvoir s’adonner à son activité favorite, sa passion, que dis-je son sacerdoce, que tout le monde lui envie : le Pilotage !
C’est pas comme on croit, en fait. D’abord, il faut se fringuer, et ça prend une demi-heure, à deux : il faut s’assurer que les combinaisons soient étanches et ses différents éléments bien emboîtés. Ensuite, bonjour la galère pour marcher jusqu’aux chasseurs. Comme les costumes sont trop étroits et leur compressent les parties, ils sont obligés d’adopter une démarche arquée, et du coup, d’un geste instinctif, ils se mettent à rouler des épaules parce que le tableau fera bien viril à l’ancienne.
Et enfin ô oui enfin, voilà que le pilote est harnaché dans son cockpit, prêt à défier les lois de la gravité et à s’envoler avec grâce dans l’azur immaculé qui lui tend les bras qu’il n’a pas. Enfin presque…car d’abord, c’est les procédures de départ, ce qu’on appelle communément la check list (à prononcer Tchèque Liste, parce que ça rend super bien à l’oral, et que nos pilotes le valent bien, avec leurs cheveux).
S’ensuit une longue litanie entre le pilote et la tour de contrôle :
– Bouclier avant ?
– OK.
– Compensateur d’inertie ?
– OK.
– Ailerons latéraux bâbord ?
– OK.
… (une demi-heure se passe) …
– propulsion auxiliaire ?
– OK.
– OK, ici tour de contrôle, feu vert pour décollage.
C’est évidemment à ce moment que le pilote se rend compte qu’il a une envie pressante, et qu’il lui est impossible de quitter son cockpit. Heureusement, les combinaisons sont prévues pour, et il n’a pas le choix. Tant pis, il macérera un peu ! (et bon appétit à mes chers lecteurs sont qui sont en train de se sustenter en même temps qu’ils lisent ces lignes).
Une fois dans les airs, l’entraînement commence et est très strict : exercices de tirs, de repérage sur les senseurs, manœuvres classiques comme hardies. Tout est réglé comme du papier à musique. Aucune créativité n’est demandée, juste de l’exécution. Rien de plus chiant.
Quand l’entraînement prend enfin fin (nan, nan, je ne suis pas bègue), et que pilote peut s’extirper de son cockpit, il pue, sa combinaison lui colle à la peau, il est ankylosé de partout. Bref, il a le moral dans des chaussettes de Hutt. Après une douche dans les vestiaires, froide car il y a toujours des problèmes de plomberie, il peut enfin rentrer chez lui.
S’il a de la chance, sa femme le regardera avec passion, dévouement et énorme intérêt et lui demandera avec émotion et amour :
– Alors, ta journée s’est bien passée ?
Et lui répondra alors, avec un air supérieur et extrêmement sérieux :
– Je ne peux pas t’en parler, chérie, secret-défense !
Mais la plupart du temps, la question de sa chère et tendre sera plutôt :
– Nan, mais t’as vu l’heure ?
Ou :
– Ne me dis pas que tu as encore oublié de faire les courses ?
Ou :
– Fais moins de bruit, mon feuilleton vient de commencer sur le Holonet !
Alors, notre vaillant et héroïque pilote va dans la cuisine et se sert deux doigts (de Rancor) de whisky corellien. Dès que le dîner sera fini, il appellera les copains, qui sont bien plus intéressants qu’une vie rangée à la maison, et ils repartiront en goguette pour oublier leur triste et lamentable vie.
Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n'être pas fou.
Blaise Pascal.