Après
quelques temps de silence, Plhoenix revient pour un chapitre 5 qui lui est entiérement dédié. Un peu de violence dans ce chapitre, je préfère prévenir.
Bonne lecture
Phoenix est libéré, et retrouve ses anciens frères d’arme : son revolver, son sabre et son Nata-jet. Une longue et difficile quête s’engage alors pour lui : vaincre Nox, leader terroriste, l’assassin de sa famille.
A l’autre bout de la galaxie, sur Omnimantis, la planète QG du mouvement terroriste des « Légion De La Peur», Darde Rosso, un Jedi sorti de sa retraite, et Nox discutent des moyens de l’éliminer. Nox envoie un tueur à gage sur ce qu’il se doute être la première destination de Natazeus : Haakim Valley, l’Avenue du Vice, sur Coruscant…
Chapitre V : Haakim Valley, cité du diable
Sur le Vengeance, au-dessus de Coruscant…
La secousse réveilla Shana d’un sommeil trouble et les deux lueurs bleues que renfermaient ses yeux froids semblèrent éclore dans la pâle lueur grisâtre de sa cabine. Sur sa couchette, ses draps humides de sueur se mêlaient aux couvertures torturées et témoignaient des cauchemars qui l’avaient agité. Elle se prit la tête dans ses mains tremblantes, caressa ses longs cheveux blonds, écrasa quelques larmes qu’elle ne soupçonnait pas, et se leva devant son reflet : en un instant, elle redevint la froide, la ténébreuse Sergent Dix et les rêves tourmentées de petite fille vinrent s’isoler dans un coin retiré de son esprit.
Elle s’habilla et fit une toilette rapide avant de prendre le chemin du Pont, suivant les directives de Thrawn. Son pas rapide traversa les couloirs, les passerelles, et son regard clos fixait sa route sans s’y détacher un instant. Elle distinguait parfois l’éclat feutré de Coruscant au hasard des hublots, et lorsqu’elle pénétra sur le Pont, Thrawn, droit devant la large baie vitrée au panorama saisissant, lui céda un sourire accueillant. Coruscant derrière lui s’imprégnait d’un ferme brouillard, dont la couleur pourpre étincelante en précisait les courbes.
Le Pont Principal était plongé dans une quiétude fade, sale et nébuleuse, d’un silence effleuré par les gazouillements électroniques des ordinateurs stressés. Sentant les regards intrigués des officiers la fixer, elle s’approcha de Thrawn et se mit au garde-à-vous.
- Sergent, fit-il d’un signe de tête. Bien dormi ?
- Très bien, Capitaine. La sortie de l’hyperespace m’a réveillé. Pourquoi restons-nous en orbite de Coruscant ? La procédure Vigipirate n’est pas terminée ?
- Tout se passe comme prévu. Un de nos récents locataires va poursuivre sa route seul.
- Natazeus ?
- Oui. Je compte sur vous pour le mener au hangar 9 où il trouvera le dernier élément de sa… Renaissance, fit Thrawn en souriant. Peut-être pourrez-vous lui glisser qu’aucune de ses actions ne doit m’être inconnu. Aucune. Nos droids médical lui ont administré un mouchard qui nous mettra au courant en temps réel de sa position. Pas un mot de tout ceci, bien entendu. Et vous comprendrez que nous devrons sans cesse contrôler son obédience -il devra nous informer de tous ses faits et gestes.
- Bien, Capitaine. Capitaine…
L’image d’un homme figé dans la haine, cloué dans l’ombre de son passé, sur Panoptika, lui revint à l’esprit.
- De ce que j’en sais, Phoenix n’est pas le genre d’homme à se soumettre à l’autorité. Il se voue uniquement à sa Vendetta - l’Empire lui a fait perdre seize ans de sa vie. Il ne coopérera pas.
- Vous n’avez qu’une vision très réduite des choses, Sergent. En tout cas, bien trop réduite pour tabler sur une véritable connaissance de la situation. N’oubliez pas : la rapidité est l’allié de la faute. Pour le moment, contentez-vous des ordres, Shana : hangar 9. Natazeus.
Phoenix Natazeus n’était plus le cadavre méphitique pétrifié dans sa torpeur, le prisonnier aux seize ans d’agonie, mais ses traits tirés renfermaient encore leur temps de torture, de viol et de faim. Rasé, lavé, coiffé et habillé d’un impeccable dolman de jais, il paraissait presque fringuant. Mais son corps était raidi par la glace de sa haine et son regard placide taisait ses moindres émotions.
Au détour des couloirs et des passerelles, un silence tendu dominait leur marche, et à mesure qu’ils avançaient, les mots prenaient un sens désuet, trop propre et trop insolite pour rompre l’aphasie. Ce fut en entrant dans le hangar 9, une remise trahie d’ombres et de gazouillements stridents d’astromécanos à l’ouvrage, qu’une émotion déchira enfin la face impassible de Natazeus : au milieu des pièces, des ailerons et des moteurs brillait un éclat écarlate qui éveilla en lui… il ne savait pas trop.
C’était un Jet fin, d’une couleur rouge sombre mais éclatante, comme si l’appareil était rongé par les flammes. Il avait l’odeur du vent, des tempêtes, de l’aventure, comme des sensations matérielles soudées à son métal. Son nettoyage récent n’avait suffi à effacer les traces de décennies d’oubli et de solitude d’acier. Shana comprit qu’elle avait sous les yeux un autre emblème de la Légende de Phoenix Natazeus : le Natajet.
Le Jet lâcha un pépiement stupéfait.
Un halo de lumière l’enveloppa et souleva un mince tapis de poussière. A nouveau, le Jet miaula sa surprise.
- C’est votre vaisseau ? Demanda Shana en suivant Phoenix.
Elle ne reçu, pour toute réponse, qu’un rapide acquiescement. Phoenix s’installa sur son Natajet, et ses mains gantées caressèrent doucement le métal de la carrosserie. Il avait l’impression de retrouver un vieil ami, et de renouer avec des émotions qu’ils pensaient confinées à tout jamais dans le passé… quand il activa le Natajet, il avait repris la couleur fauve, le regard pétillant de ses vingt ans. Le moteur ronronna et le vaisseau plana à dix centimètres du sol. Au-dessus des commandes, une silhouette bleutée apparût et la voix grésillante de Thrawn s‘éleva dans le hangar.
- Vous reconnaîtrez sans mal votre ancien véhicule, Phoenix. Je suppose qu’avec votre sabre et vos revolvers, rien ne manque à votre arsenal.
Les yeux de Phoenix se noyaient dans le rouge écarlate de son Jet, et ses doigts en effleuraient la carrosserie, lentement…
- Quand je l’ai quitté, il était en piteux état.
- En effet, nos techniciens ont dû changer à peu près tout. Mais l’encéphale interne est restée intact. L’hyperdrive approche la classe 0,5, et les canons blasters et ioniques ont doublé d’efficacité.
- Vous m’impressionnez, Thrawn, fit Phoenix sombrement. Une charmante attention de votre part.
Derrière son timbre marbré, sa voix était humide, tremblante…
- Et j’espère que vous saurez être reconnaissant, acheva le chiss. Vous avez carte blanche, Phoenix. Bonne…
Mais ses paroles furent voilées dans le grincement métallique des sas. L’éclat brillant de Coruscant s’invita dans le hangar, et le réacteur du Jet rugit un râle de fumerolle noiraude.
Une fine aura violette cerna son vaisseau (elle maintenait l’oxygène entre ses mailles) et ses moteurs vrombirent d’impatience.
- Fonce, camarade, on est reparti comme au bon vieux temps, marmonna Phoenix.
Le jet approuva d’un sifflement.
Ses mains se posèrent brutalement sur les commandes, et, sans jeter un seul et dernier regard derrière lui, le Natajet fila dans l’air, propulsé dans l’atmosphère de Coruscant, balayant la cime des nuages dans un long filet de poussières argentées…
Le Natajet fendait de nouveau les airs…
Phoenix Natazeus était bel et bien de retour.
* * *
Malgré l’aura protectrice du NataJet, un vent frais et sauvage ébouriffait ses cheveux, et les formes timorée de Coruscant, baignée dans la clarté du Soleil Artificiel, se précisèrent brusquement quand les vapeurs laiteuses du ciel s’épuisèrent dans les lueurs dorées.
Il reconnut aussitôt cette odeur infâme qu’il vomissait déjà seize années plus tôt. Coruscant était souillée, souillée jusqu’à l’os et puait la corruption. Le Mal qui se répandait comme un venin dans la Galaxie avait trouvé son noyau dans les hauts gratte-ciels sans âmes surplombant l’étendue urbaine.
L’aquarelle lumineuse brossée par l’éclat levant du soleil se couchait sur les dunes urbaines, caressant les hauts buildings aux cimes rivales. La circulation serpentait la métropole, tout avait le goût du neuf, de l’ennui, la plaine citadine flairait la merde, cette nouvelle couleur de gris, d’un Empire sur le déclin, ondulait comme une vague sur ce que la dictature pouvait encore sauver…
Une fourmilière. C’était ça, Coruscant. Une fourmilière pleine d’illusions.
Le NataJet fila la courbe étroite du Palais Impérial, et bondit vers la silhouette déchirée du Sénat, dont la coupole s’étirait dans un trou béant. Les cendres jonchaient le cadavre de métal, mais Phoenix n’y porta pas attention : il augmenta sa vitesse vers les brumes opalines qui s’étendaient lointaines. Les lumières se tamisèrent, comme éteintes par le silence, et il s’engagea dans une obscurité grise. Alors, les rumeurs de la ville s’éteignirent et une pluie drue caressa l’aura lumineuse du NataJet.
Devant lui s’étendait l’ombre, le noir et l’effroi - il quittait une fourmilière pour la tanière d’un fauve.
Il venait d’entrer dans le territoire de la peur, du vice et du crime : Haakim Valley, cité du diable.
* * *
Depuis seize ans, rien n’avait changé. Haakim Valley s’était figée dans sa misère, dans sa terreur malsaine, dans la même odeur de cadavre et de sang, que rien ne pouvait abolir. Aucune lumière ne résistait à l’obscurité sur l’immense étendue sombre et vaporeuse, d’où s’élevaient les effluves fétides de l’alcool et du sang, et tout n’était que chaos et fracas. Une épaisse fumée ondoyait au-dessus des bars et des maisons closes, un oblong canal d’immondices s’écoulait sur les pavés marécageux, sur les rixes bombées d’alcool animant l’avenue de clameurs vulgaires, tout le fatras du vice sévissait dans les ténèbres de la vallée. C’était le boulevard des assassins, des dealers, prostituées, contrebandiers, pillards et escrocs. Le carrefour de la perversion. Ce que l’humanité avait engendré de plus sale, de plus vil et odieux était une longue avenue plongée dans les ténèbres et la puanteur : Haakim Valley.
Lorsque le NataJet toucha terre, un râle de poussière se souleva autour et s’évanouit aussitôt. La rue était bondée et la foule s’agitait près de lui : une empoignade peu platonique entre deux twi’leks annonçait un peu de sang frais à couler sur les pavés. Une vieille prostituée twi’lek agonisait sur le bitume, atrocement mutilée. Deux jeunes filles vendaient leur corps au plus offrant pendant que leur père se languissait d’un peu de datari pour sa saoulerie nocturne. Deux zabraks nus dévoraient une humaine au beau milieu d’un bain de sang.
Spectacle ordinaire de la vallée d’Haakim. Et seize ans sur Panoptika en rendait la vision tout à fait tolérable.
Phoenix descendit du Jet, caché dans une ruelle déserte isolée de l’avenue principale, et les enceintes émirent aussitôt un sifflement de crainte.
- Ne t’inquiètes pas, je ne serai pas long. Tu as assez de bombes à protons dans tes réservoirs pour faire sauter Coruscant. Tu n’as pas perdu de ta précision en seize ans, non ?
Le Jet ronronna une réponse et se lova entre un dépotoir et une collection de cadavre frais.
Il s’avança dans la venelle malfamée, pianota sur son NataCom, noué au poignet, et derrière lui, une fine aura bleu électrique encercla le NataJet, apte à faire vite déchanter les intéressés de la bécane. Un rat téméraire s’électrocuta aussitôt, et se consuma en une boule de poils carbonisés.
Au sortir de la ruelle, deux silhouettes lui barrèrent le chemin. Le premier était un chagrien de grande taille, aux yeux menaçants. Il tenait dans sa seule main valide de longues chaînes agressives, humides d’un sang frais. L’autre nettoyait un petit couteau aiguisé et observait Phoenix de deux yeux amoureux, comme le plus beau moyen d’achever une soirée dans un divertissement sanguinolent…
- Tu vas où ? Fis le premier en cajolant ses chaînes.
Pas de réponse. Phoenix se raidit devant eux et tapota le fourreau de son sabre -pas encore…
- C’est… un Jet Corelli6 derrière ce fils de pute… Mikey, on a gagné notre soirée.
-
Fais un pas vers ce Jet et t’auras pas assez de doigt pour compter les membres que je vais te couper. Dégage.
- Tu le prends comme ça mec ? Tu veux savoir qui on est ?
-
J’aime bien savoir qui je vais tuer.
- Mikey l’Éventreur et Ricardo La Fine Lame. Tes bourreaux. Tu vas connaître l’Enfer.
-
Après vous.
La lame perça l’air et trancha des mains, des jambes, pénétra la chair et décima des os. Le souffle rageur du vent étouffa les râles et balada le sang sur l’avenue.
- Bonne nuit.
Il lui sembla pénétrer sous une épaisse couverture de brouillard, et son goût abject, mélange de vapeurs d’alcool et de luxure sanglante, caressait la nuit et son uniforme ébène. Ses deux yeux noirs brillaient d’une lueur qu’il avait gardé enfouie pendant seize ans : la détermination signait son regard d’une rage impénétrable -et revoir Haakim Valley faisait remonter des souvenirs tout aussi vieux à la surface . Il ne laissait pas ses yeux s’égarer dans la ruelle où tout n’était que viol, meurtre, rixes et débauches saignantes. Il retrouvait la Cité du Diable comme il l’avait quitté : l’obscénité de béton, de marbre et de pierre qui empestait le mort et l’exécration.
Dans la rue bondée où se jouaient les enseignes des échoppes et des bars, son pas rapide et sûr se fraya sur une route abrupte et il franchit la colline de Haaklust vers la Plaine de Haakdar, celle foulé par les téméraires, et la nuit se fit plus imprécise, plus froide, plus étrange, car il venait de pénétrer dans le plus morbide de l’obscène, dans le plus terrifiant de l’horreur, dans le cœur du mal…
Les rues étaient désertes, et la nuit trahissait quelques silhouettes au hasard des avenues. Des cadavres putréfiées, les yeux grands ouverts dans l’obscurité, accueillait le visiteur de leur regard figé dans la mort. De ce qui était brume ou nuit, rien n’était certain. Même la pluie et la lumière n’osaient s’aventurer sur ce territoire… Haakdar transpirait la perversité.
Ses pas cognaient le bitume, violant le calme traître de la nuit, un vent félon striait la ruelle, et devant lui se dressa bientôt la première étape de sa Renaissance : la Shad Box.
* * *
Il frappa.
Tout est calme, endormi. En apparence.
Le grincement sec du loquet s’ouvrant brusquement.
Deux yeux gris apparurent au-delà du loquet, dévisageant avec soupçon le visiteur trempée, ancrée dans la hâve nuit obscure.
Un grognement.
- Je suis Phoenix Natazeus. Je viens voir Joe.
Un nouveau grognement amusé accueillit sa demande, étouffé par la porte. Des rumeurs de fêtes et de rixes devinaient les habituelles activités de la Shad Box ; vue l’heure, Phoenix flairait que les sectes, les prostitués et les pédophiles n’en étaient qu’aux amuse-gueules.
Le loquet se verrouilla.
Toc toc. A nouveau.
Grognement.
- Laissez-moi entrer. C’est un ordre. Et un conseil.
Une fois encore, le loquet se ferma sur sa demande et Phoenix laissa planer quelques instants s’écouler dans le creux de la nuit.
Ses mains empoignèrent ses revolvers et il mitrailla l’entrée -
un corps tombe lourdement, quelqu’un crie.
D’un violent coup de pied, Phoenix défonça la porte et entrée dans un mince vestibule, où un wookie saignée agonisait. Il apaisa ses souffrances d’un seul tir et entra dans un monde qu’il avait quitté seize ans plus tôt…
La Shad Box était le lieu de rencontre hebdomadaire des factions sectaires, des fanatiques de tous les vices, aux penchants sexuels douteux, désireux de s’adonner à la folie de leur âme dans les normes d’Haakim Valley. Des moffs, des amiraux, des bourgeois, des sénateurs ou des magnats de l’économie galactique s’y retrouvaient pour affaires (de pulsions et d’argent).
Les cris du wookie avait alarmé les regards et tous étaient posés vers le nouveau visiteur. Phoenix Natazeus, dans son impeccable dolman noir, traversa le long hall tamisé vers le bar où une vieille connaissance le dévisageait.
- Qu’est-ce… Phoenix ?
- C’est moi, Tom, fit-il en s’immobilisant devant le bar. Où est Joe ?
- Tu prendras un verre ? T’avais pas besoin de tuer ce pauvre Lowee, c’était sa dernière nuit de garde avant sa retraite.
- Je n’ai pas le temps de faire dans le détail. Une autre fois pour le verre. Où est Joe ?
- Il est ici mais il ne prend que sur rendez-vous, tu sais bien qu’il…
- Il fera une exception, qu’il le veuille ou non.
- Ok, admit Tom en posant le verre qu’il nettoyait (il s’approcha de Phoenix). Évite les scènes s’il te plaît, c’est le genre de trucs qui plaisent à Haaklust mais pas ici à Haakdar.
Deux gardes à l’uniforme arborant les armoiries de ‘Dar se présentèrent derrière lui, hésitant à empoigner leur blaster.
- C’est bon les mecs, il a un rendez-vous avec Joe. Et débarrassez le plancher du cadavre.
- Merci, Tom, dit Phoenix ponctuant d‘un signe de tête.
- Ça te coûtera un verre.
* * *
L’office de « Joe » était une petite pièce rustique aux lumières tamisées, et rien n’avait changé en seize ans : même tapisserie à l’effigie de la mégalomanie de Joe, même bibelots horribles témoins de son mauvais goût, même gigantesque fauteuil entouré par trois charmantes filles de joie qui assouvissait chaque désir d’une petite boule de graisse rieuse, aux petits yeux fins mais qui accueillirent Phoenix avec un étonnement simulé.
Joe, en plus d’être le plus gros trafiquant de tout Coruscant (et le plus petit), tenait une réputation solide d’excellent informateur. Du haut de son mètre dix, il jeta un regard impérieux sur Phoenix.
- Tu savais très bien que j’allais venir, dit Phoenix, inutile de feindre ta surprise - qui t’as mis au courant ?
Le nain corpulent lové sur le cuir de son fauteuil fit signe à ses employées de s’éloigner un peu et joignit ses mains potelées.
- Tu crois bien que je connaissais la nouvelle de ta libération avant même que t’entendes le cliquetis dans la serrure ! J‘avais bien mis mon garde wookie au courant. J’ai l’impression que je peux annuler son pot de retraite…
- Tu peux. Beaucoup de gens sont au courant ? Moi qui comptais jouer sur l’effet de surprise…
- Bah va falloir trouver un plan B, Phoen’. Le prend pas mal, mais permet-moi de te demander de déguerpir
vite fait bien fait, illico presto, de facto !
- Je m’attendais à plus de coopération de ta part, Joe. Seize ans ont fait passer ta mémoire pour aussi petite que tu es.
- Ouais bah laisse ma taille où elle est, tu veux. Je pourrais te dire des trucs sur ce que j’ai fait pendant ces seize ans qui te ferais regretter d’être sorti de Panoptika ! D’ailleurs, c’était comment là-bas ?
- A peu près aussi accueillant qu‘ici, décrit Phoenix. Manquait tes bibelots pour que l‘atmosphère soit aussi sinistre.
- J’espère que t’es pas venu pour te foutre de la gueule de mes bibelots, menaça Big Joe. Mes gardes connaissent des techniques de combat que même le nom te ferait peur, baby.
- Je suis ici pour des informations. Je ne sortirai pas d’ici avant de les avoir, le temps qu’il me faudra pour les obtenir dépend du degré de souffrance que tu supporteras.
- Cher ami, fit Joe avec un large sourire. Regarde un peu autour de toi : Big Joe, myself, est l’homme le plus protégé de tout Coruscant. Tu as à peu près autant de chance d’approcher ton sabre de ma gorge que de chier un œuf en or sur le crâne de Palpatine. Alors mesure ton langage mon p’tit ou le trou que mes hommes feront dans ton crâne sera assez grand pour y loger un destroyer.
- On verra ça. Dis-moi tout ce que tu sais sur Nox.
- Hmmm… Nox, hein ? Tsss laisse tomber mon gars. Nox est un de mes plus gros clients et même si je t’aime bien, ou tout au plus te tolère, même pas ma mère me ferait lâcher le morceau. Va prendre un verre, et prend-toi une maison en bord de mer… Bye bye !
- Joe, c’est la dernière fois que je te le demande. Où est Nox.
Joe éclata d’un petit rire nerveux et tenta sans succès de dissimuler sa crainte.
- Heu… fais le calcul, Phoen’ : t’es seul et y’a deux gardes armés jusqu’aux dents derrière toi. Tu tentes de me faire une seule égratignure et mes chiens auront de la purée rouge à bouffer demain matin.
D’un seul geste, que seize ans sur Panoptika n’avait réussi à effacer l’efficacité, le revolver de Phoenix pointa la tempe d’une des filles.
- Tu tiens à tes employés, Joe ?
- Gardes !
La danse véloce et agile du sabre de Phoenix Natazeus s’agita autour des deux gardes, et deux nouveaux morts s’ajoutèrent à la liste des interventions musclées de sa nuit.
Le silence s’installa, contemplant ébahi un Phoenix Natazeus droit comme un i, le regard clos, ses deux yeux griffés de haine et de détermination.
- Ok, concéda Joe en fixant les cadavres encore chaud de ses gardes. On peut discuter.
- Joe, ta grandeur d’âme me touche. A défaut de…
- Laisse ma taille tranquille, je te le dirai pas une troisième fois ! T’es un chieur, Phoen’, t’es un vrai chieur, et j’espère que Nox te cassera la gueule.
- Tu es trop gentil, Joe. Où est Nox ?
- Cassez-vous les filles (elles exécutèrent sans broncher, prenant leur distance avec les deux sabres saignants d’où coulait encore la sang noir des gardes). Reste pas debout, Phoen’, assied-toi, ajouta Joe en désignant une petite chaise devant son trône de cuir.
- Tu me prends vraiment pour un con, Joe. Seize ans sur Panoptika n’ont pas abruti mon cerveau. Il y a une trappe juste sous cette chaise. Merci, je préfère rester debout.
- Ok, comme tu veux, mais tu as peut-être soif. Sers-toi y’a de la vodkamino derrière toi. Et les glaçons à droite.
- La Vodka est toujours noyé dans le cyanure, chez toi.
Le poing de Joe heurta la table. Le front plissé, la boule de graisse le fixa avec haine :
- Putain décidément seize ans de prison t’ont pas lavé la mémoire. Soit, mais tu vas être déçu, je ne sais presque rien sur Nox.
- Vas-y quand même. Je te rappelle que tu mens très mal, Joe. Si je le vois, tu te retrouveras avec un membre en moins. Et celui qui te sert le plus, si tu vois ce que je veux dire.
- Tu me prends pour un sournois ? Mes infos sont plus fiables que les bâtons de la mort de Dex. Nox est sur une planète reculée, un ancien centre impérial, le « Q16 ».
- Rien d’autre ?
- Non.
- Rien d’autre ? Répéta Phoenix en le fixant.
- Non ! Et là s’arrête ta p’tite enquête, mon mignon : pas si facile d’avoir des infos sur le Q16. Je ne sais ni ce qu’on y faisait, ni sur quelle planète il se trouve. Et crois-moi, si Big Joe Levinscrass ne sait pas quelque chose, c’est que n’importe quel gungan ne peut mettre le doigt dessus.
- J’ai des relations. Tu le fréquentes toujours ?
- On peut dire ça comme ça, admit Joe en s’enfonçant dans son fauteuil. Des relations de travail, assez discrètes si tu vois ce que je veux dire. Je suis pas particulièrement fan de l’idée de traîner avec l’ennemi numéro 1 de l’Empire. Pas bon pour le business…
- Quand l’as-tu vu pour la dernière fois ?
- Tu veux te cacher derrière un buisson et l’avoir par surprise à notre prochain rendez-vous ? Laisse tomber, je l’ai pas vu depuis six mois, et on pas eu de contact depuis. C’est un leader terroriste, maintenant… il préfère flirter avec la rébellion qu’avec mes filles, si tu vois ce que je veux dire…
- A ce propos, tu trouves pas ça étrange que Nox ait soudain pris goût à la Résistance ? Je le connaissais mieux que quiconque : c’est un opportuniste, pas un leader.
- Un sacré fils de pute, en tout cas. Mais bon en affaire. Ma femme disait qu’il marchandait mieux qu’un Hutt.
- Ta femme ? Surpris que votre couple ait résiste à… toi.
- On est dans un phase de « pause ».
- Pause ?
- Depuis huit ans. Elle est avec son amant sur Naboo à se la couler douce au bord des lacs. Que veux-tu, l’idée de se faire tromper une dizaine de fois par jour l’enchantait plus au bout d’un temps.
- Tu n’as pas essayé de faire un effort, Joe ?
- Tu crois qu’être le baron de la prostitution galactique et faire vœux de chasteté sont compatible, toi ? Lâcha Joe avec un large sourire.
Phoenix rangea ses sabres et ses revolvers.
- Merci, Joe. Merci…
Sortant du bureau, la voix caillouteuse de Joe s’éleva derrière lui :
- Tu nages en eaux troubles, Phoenix. et Nox est un gros poisson. Bonne chance quand même…
- Je suis bon pêcheur. A plus.
* * *
La même nuit calme et trompeuse, toujours cajolée dans une froide couverture brumeuse, s’étendait sur Haakim Valley, et quelques silhouettes furtives trahissaient l’obscurité. Au loin se devinaient les hauts buildings de Galactic City, comme éteints dans la tempête.
Phoenix avança dans la pénombre des échoppes. A quelques kilomètres de là, sa vie avait basculé, seize ans plus tôt, quand trois cadavres signés de la main de Nox se figeaient dans la pâle lueur d’un feu agonisant… Il lui semblait que la même nuit humide et glaciale veillait sur lui : revoir les mêmes couleurs de son passé, sentir les mêmes odeurs et toucher la même colère qui l’animait cette nuit-là accentuait son sentiment…
Cette nuit-là, son cœur s’était arrêté de battre. Son cœur déchiré pourrissait dans sa poitrine. Une seule chose l’animait. Une seule.
Et c’était bien suffisant.
La haine. La Haine.
- …
Sa respiration est coupée nette. Ses yeux s’ouvrent sous la douleur. La lame pénètre sa chair. Du sang coule sur les pavés. Un homme abat sa dague sur son dos. Son sang se glace, ses yeux se ferment, son crâne va exploser…
Souffrances.
Puis plus rien.