Voici la suite de l'Héritage! J'espère que ça vous plaira!
Pieds ancrés au sol, le dos bien droit, les mains dans le dos, CT-451-46 regardait l’horizon qui s’offrait à lui depuis le petit balcon de ses quartiers. Partout où son regard se posait, il y avait de l’eau. Nur était l’exact opposé de la planète dont elle était le satellite, Mustafar. L’atmosphère de la planète était brûlante, cella de sa lune d’une fraîcheur déconcertante. Mustafar était un monde de feu, Nur était couverte d’eau. Mustafar débordait d’énergie, était en constante activité, piégeait ses visiteurs. Sa lune, quant à elle, était d’un calme à toute épreuve. Car il n’y avait pas de vagues sur Nur. On était loin des océans déchaînés de Kamino où CT-451-46 avait passé son enfance. Ici, les nuages étaient moins menaçants et même une occasionnelle pluie n’animait pas la surface aquatique. Ici, CT-451-46 avait gagné une réputation mais surtout, il avait gagné un nom : Njoka. Un nom qui n’évoquait rien à ceux qui l’entendaient, mais un nom qui revêtait une signification particulière. Un nom qu’en réalité, il gardait pour lui.
Le clone observa le mur sombre à sa gauche. L’humidité ne l’avait pas entamé. On avait appelé ce lieu la Forteresse des Inquisiteurs, mais il était loin, le temps où ces individus faisaient régner l’ordre et la peur dans ce bâtiment. Les Jedi avaient fini par disparaître de l’Empire, et avec eux leurs opposés. Le Grand Inquisiteur était mort cinq ans auparavant et ses subordonnés avaient subi le même sort au cours des années qui avaient suivies. L’Inquisitorius en lui-même avait fini par être démantelé il y avait deux années de cela. Les unités de Purge Troopers qui restaient avaient été réassignées à d’autres services et la Forteresse avait été utilisée pour d’autres projets. Le Seigneur Vador y avait toujours des actifs mais cela faisait longtemps que Njoka ne l’avait pas vu venir sur place. On le disait complètement focalisé sur la traque des leaders de la rébellion. Cela n’étonnait qu’à moitié le soldat : la victoire qu’avait eu cette alliance sur l’Empire un an auparavant n’était pas acceptable. Lors de la bataille de Yavin, ils avaient perdu une arme essentielle, certes, mais ils avaient aussi perdu une pièce maîtresse de leur gouvernement. Le Gouverneur Tarkin était le deuxième homme après l’Empereur, le bras droit, l’homme de terrain. Sa disparition se faisait sentir, surtout dans l’armée.
Njoka abandonna la vue monotone de la surface de Nur pour rejoindre l’intérieur de ses quartiers. Ses appartements n’étaient pas très grands ; tout juste une pièce principale et une salle d’eau, mais ils lui suffisaient amplement. Les murs, froids et gris, restaient dans le style de la Forteresse. Le clone observa son armure noire posée sur une couchette sommaire. Lui et son escouade étaient les derniers Purge Troopers en service. Si les Inquisiteurs avaient disparu et que l’Ordre Jedi était éteint définitivement, il restait parfois des survivants qui avaient échappé à l’œil vigilant de l’Empire. C’est là que Njoka et ses hommes intervenaient. Ils traquaient les quelques poussières que l’Inquisitorius avait oublié dans sa chasse aux Jedi. Mais les cibles devenaient rares et de plus en plus fréquemment, on assignait le clone et son escouade à des missions de renseignements contre l’Alliance. Njoka ne se plaignait jamais. Il avait un rôle au sein de cet Empire et il ne lui appartenait pas de décider lequel. De plus, il était notoire que les rebelles sympathisaient avec les utilisateurs de la Force. Le clone n’oubliait pas son objectif premier : éliminer jusqu’au dernier de ces traîtres.
Il revêtit le bas de sa combinaison. Noire, près du corps, elle garantissait que les différentes parties de son armure s’ajustent bien sur lui. Son reflet attira son regard. Il n’y avait pas de miroir dans son appartement, simplement un mur si poli que le clone en était venu à l’utiliser comme tel. Il se redressa et s’observa un instant. Il n’était pas si vieux – il entamait sa trentième année. Seulement, son corps ressentait les effets du temps différemment. Ce n’était pas un jeune homme de trente ans qu’il voyait dans le mur poli, mais un homme à la barbe blanchissante d’une soixantaine d’années. Et cette vue le répugnait. Elle faisait naître à chaque fois en lui une colère sourde, une haine pour ses créateurs, pour ceux qui avaient décidé qu’ils avaient le droit de jouer avec sa vie pour le bien d’une République corrompue jusqu’à la moelle. Ces gens l’avaient amputé de la moitié de sa vie au nom d’une guerre qu’il n’avait même pas faite, pour des peuples qu’il n’avait même pas rencontrés. Mais plus que cela, il haïssait l’homme que cela faisait de lui. Un homme que l’Empire aurait déjà mis au rebut s’il n’avait pas autant travaillé sur lui-même. Il observa son corps sec, ses muscles tendus. Autant d’efforts qu’il n’aurait jamais dû avoir à fournir aussi tôt dans sa vie. Car si ses réflexes étaient toujours aussi bons grâce à la sélection génétique qu’avaient opérée les Kaminoans, il devait travailler pour que son corps puisse suivre son esprit.
Il passa une main sur son visage, où un large tatouage rouge barrait son œil droit depuis le front jusqu’à la mâchoire avant de se masser légèrement la nuque, où un autre tatouage, celui-ci beaucoup plus gros, prenait racine avant de s’étendre tout le long de sa colonne vertébrale sous la forme d’un serpent-dragon pourpre. Ce souvenir-là, il n’avait pas envie de s’attarder dessus. Il retira sa main, passa le reste de sa combinaison avant de commencer à placer les différentes parties de son armure. Il mit ensuite sa cagoule et tenait son casque en main lorsqu’il accrocha son propre regard dans la surface du mur poli. Là où autrefois il voyait le regard de ses semblables, il apercevait désormais le visage d’un tout autre homme. Un jeune homme au même regard sombre que lui. Azzio Solar. Ce n’était censé être qu’un appât pour attraper une cible plus importante, un pion que le soldat voulait utiliser pour aller dans les endroits où lui ne pourrait pas mettre les pieds. Une infiltration aussi longue n’était pas envisageable pour son escouade et Solar était un parfait compromis : un bon à rien avec suffisamment de passif pour avoir un point de pression et pas d’attaches pour le freiner dans sa mission. Un élément dont on pourrait se débarrasser plus tard. Et puis Njoka avait révisé son jugement.
La première chose qui l’avait frappé chez lui avaient été ses yeux et l’éclat qui brillait dans son regard. Le même qu’il avait vu chez ses semblables, le même qu’il avait eu autrefois. Et cet éclat l’avait perturbé. Le jeune homme n’avait à priori rien d’extraordinaire, mais ce que Njoka avait vu en lui avait éveillé des doutes, des soupçons. Il avait commencé à rechercher plus en détails le passé de ce Solar, sans trouver quoi que ce soit d’intéressant. Et pourtant, les doutes subsistaient. Le soldat inspira lentement. Il était à ce qu’il savait le dernier clone encore en vie, à servir un Empire qui lui avait trouvé un but. Il avait un héritage à léguer. Et si ce garçon se révélait être ce qu’il pensait, alors Njoka en ferait son successeur.
La salle de réunion des Inquisiteurs n’appartenait plus aux Inquisiteurs que de nom. Lorsque l’Inquisitorius avait définitivement disparu, la plupart des installations qui leur avaient été dédiées avaient été réassignées à d’autres groupes. Leurs quartiers de commandement avaient été laissés à Njoka et ses hommes. L’Empire avait beau clamer que les Jedi n’étaient plus – et en un sens, il disait vrai, les adeptes de cet Ordre déviant n’étaient plus qu’un lointain souvenir dans l’opinion publique – la traque du moindre survivant était une priorité dans les ordres de mission des Purge Troopers. Cette organisation avait un jour tenu la galaxie dans sa main et en avait profité pour la modeler à son image. Il était d’importance vitale que jamais plus cela ne se reproduise. L’Empire avait mis un terme aux abus de l’Ordre Jedi et Njoka veillerait à ce que cela reste ainsi.
Vêtu de son armure intégrale, Njoka marchait d’un pas assuré dans les couloirs aseptisés de la Forteresse. Il ne croisa qu’une paire de sous-officiers en uniforme vert-olive qui s’arrêtèrent pour le saluer avant d’arriver à l’entrée de la salle de réunion. Aussitôt, les portes coulissèrent et Njoka entra, découvrant la large table de réunion, les sièges disproportionnés qui l’accompagnaient et les hommes de son escouade installés de part et d’autre de la pièce. Le clone nota aussitôt qu’aucun d’eux ne portait son casque. Lui ne l’ôta pas. Il s’agissait plus pour lui d’un symbole que d’une réelle protection, même si cela avait permis de maintenir son identité secrète durant toutes ces années. Ses hommes, eux, savaient qui il était et d’où il venait, mais ce n’était pas le cas du reste des militaires avec qui Njoka avait eu l’occasion de travailler, et il tenait à ce que cela reste ainsi. Il était notoire que les clones vieillissaient plus vite et la réputation qu’il s’était bâtie pâtirait d’une telle révélation. En revanche, ses hommes avaient été recrutés parmi les troupes d’élites de la marine et ne voyaient visiblement pas la nécessité d’un tel anonymat.
Les portes se refermèrent derrière le commandant et aussitôt, les quatre hommes se redressèrent et saluèrent avant que Njoka leur indique d’un signe de tête qu’ils pouvaient reprendre leurs positions. Le clone ne perdit pas de temps.
— Des nouvelles de l’atout ? demanda-t-il.
Ce fut Archie qui lui répondit. Assis à la table sur le siège le plus proéminent de la pièce, le soldat blond avait les yeux rivés sur un datapad.
— Il a pris contact avec le groupe, expliqua-t-il. Il vient de nous envoyer ses premières informations.
— Parfait, fit une voix sarcastique dans le fond de la salle. Ça ne lui a pris que quatre jours.
Njoka tourna lentement la tête vers le soldat qui venait de parler. Il s’agissait de Neuf, l’un des jumeaux de l’escouade. Seule sa crête et son bouc le différenciait de son frère, Huit. Les deux portaient des implants cybernétiques au visage censés améliorer leurs perceptions sensorielles, qui partaient de leurs arcades sourcilières pour descendre sur la pommette de leurs joues et remonter vers les deux tempes. Tous deux avaient un goût prononcé pour la violence et leurs performances physiques n’avaient d’égales que leur tendance au meurtre. Neuf, moins froid et méthodique que son frère, gardait tout de même le profil d’un psychopathe pathologique. Njoka ne savait pas comment ces hommes en étaient arrivés à servir l’Empire ni comment ils avaient réussi à rester au sein d’une organisation aussi ordonnée que l’armée impériale. Il ne connaissait même pas leurs véritables noms, si toutefois ils en avaient un. En revanche, il avait gagné le respect des deux soldats et un simple mouvement de tête coupa Neuf dans son élan. Njoka le vit regarder au sol sans dire un mot. Cela le satisfit et il reporta son attention sur Archie.
— Garde-le à l’œil, dit-il en parlant de l’atout. On ne fait que commencer.
Le soldat acquiesça et Njoka leva les yeux vers le dernier membre de son escouade. Le teint sombre, ses cheveux drus tressés et relevés sur le haut de son crâne, Sly n’avait rien du profil typique du Purge Trooper. Trop porté sur l’humour, trop peu ordonné… Il n’aurait pas été le premier choix de Njoka. Mais la qualité de ses tirs et l’extrême précision dont il pouvait faire preuve avait convaincu le clone qu’il s’agissait d’un élément indispensable de son escouade.
— Et le Twi’lek ? demanda le commandant.
— Rien à signaler de ce côté-là. Mud’jifar n’a aucune idée que Solar est en vie, répondit son subordonné.
Njoka acquiesça.
— Bien. Fais en sorte que les choses restent ainsi. Il ne faudrait pas qu’il vienne compromettre nos opérations.
Ni la suite. La mission se déroulait somme toute relativement bien. Njoka se tourna vers Huit, adossé à un siège de la pièce. Le soldat au teint pâle jouait avec une lame aiguisée qu’il s’amusait à faire tourner et retourner entre ses doigts gantés. Le regard de Njoka ne lui fit pas arrêter son manège. De toute son escouade, Huit était le plus instable et donc le plus dangereux.
— Qu’en est-il de notre objectif principal ?
Un rictus mauvais étira les lèvres du soldat et son regard de glace se posa sur la visière du clone. Mais il reprit rapidement une expression neutre.
— Aucune nouvelle, dit-il finalement. Le canal que nous avions piraté n’est visiblement plus utilisé.
— Ils ont probablement compris qu’il s’agissait de nous, renchérit Neuf. Ils ont dû abandonner la fréquence.
Njoka grinça des dents.
— Continuez de surveiller leurs communications. Ils finiront par lâcher quelque chose, ou bien Solar nous apportera les informations dont nous avons besoin.
La mention du nom de leur atout fit tiquer Huit. Njoka le remarqua sans s’arrêter dessus mais il se promit qu’il creuserait la question. D’un geste, le clone mit fin à la réunion de son escouade.
— Cette mission sera longue, mais tenez-vous prêts. Les choses peuvent se déclencher au moindre moment, conclut-il.
Les quatre hommes acquiescèrent d’un seul mouvement et Njoka les vit quitter la pièce un à un. Il ne resta bientôt plus qu’Archie, qui se dirigea vers son supérieur. Le jeune homme était le bon élève de son escouade – le plus jeune aussi. Il ne remettait jamais ses ordres en question et Njoka savait qu’il pouvait compter sur lui en toutes circonstances. Il tendit un holodisque à son commandant.
— C’est tout ce que j’ai pu trouver. Solar est un homme discret, c’est difficile de reconstituer son passé, dit-il.
Njoka se saisit du petit objet et le fit tourner entre ses doigts, tentant de cacher sa fébrilité.
— Mais vous trouverez des choses intéressantes, termina le soldat.
Njoka se contenta d’acquiescer d’un mouvement de la tête, laissant Archie quitter la pièce. Il gardait les yeux rivés sur l’holodisque. Enfin, Solar allait lui livrer ses secrets.