Bonsoir à tous, comment allez-vous ?
Allez, on continue avec Oreste Tissan pendant la campagne de Mygeeto, peu de temps avant l'avènement de l'Empire

!
La bataille de la Vallée du Serpent était achevée depuis quelques heures et la nuit était tombée sur le champ de bataille jonché d’épaves de véhicules de combat et de corps. Les clones ramassaient leurs morts, prenaient soin de leurs blessés et dégageaient le chemin pour rallier les forces du général Mundi et débuter le siège de Mathalfel.
Oreste s’était détourné de ce spectacle et avait rédigé un rapport de la bataille à l’intention de Maître Mundi. Bien évidemment, il avait survolé le détail de ses actes peu glorieux, son maître devait tout ignorer de son attirance pour les ombres.
Des canonnières avaient atterri pour emmener autant d’hommes que possible pour l’opération spéciale que Oreste avait prévue. Le corellien vociféra avec Pelo pour faire accélérer le mouvement. Ils décollèrent lorsque l’embarquement fut terminé.
Le Jedi fixa encore une fois les lueurs des nanolampes des clones qui quadrillaient la Vallée du Serpent avant qu’elles ne disparaissent englouties par les sommets des sapins, revêtus de leur pâle coiffe blafarde. Il serra la poignée froide qui lui permettait de conserver son équilibre, malgré les balancements de la canonnière secouée par les derniers battements de la tempête en déclin.
- Nous serons arrivés sur l’objectif dans cinq minutes, le prévint Pelo.
Il inspira un grand coup et de la vapeur s’échappa de ses narines. Cette neige lui faisait regretter la douceur de Corellia, l’affection paternelle de son mentor Nejaa Halcyon, l’amour de sa mère et de sa compagne Beliem.
Beliem… elle lui manquait tellement, son visage était le rayon de soleil de sa vie et d’une meilleure promesse de l’avenir. Il s’accrochait à l’espoir que rester enfin auprès d’elle, ferait de lui un homme meilleur, libéré de ses tourments.
Tu as d’abord une mission à accomplir, lui rappela sévèrement la petite voix dans son esprit.
Oui, il devait s’assurer que les villageois muuns n’avaient aucune responsabilité dans l’embuscade meurtrière que les séparatistes leur avaient tendu dans la Vallée du Serpent. Ils avaient déclenché cette guerre, emporté tellement de systèmes dans cette spirale de violence sans fin… détruit de si nombreuses familles, fait peser une ombre incertaine sur le bonheur de Beliem. Il ne leur pardonnerait jamais.
Si ces muuns étaient coupables d’une quelconque sympathie pour le camp séparatiste, il ferait s’abattre sur eux le juste châtiment. Même si cela l’écartait un peu plus de la voie des Jedi, il devait s’assurer de la loyauté des clones sous son commandement.
- Le Cerbère d’Agamar a-t-il détecté du mouvement ennemi, là où nous allons ?
- Négatif, monsieur. Rien à signaler.
Oreste projeta ses sens loin de lui et ne perçut pas de menace immédiate. Bien, il ne jetterait pas ses hommes dans un nouveau piège.
- Trente secondes, objectif en vue. Vos ordres, commandant Tissan ?
- Coupez toute retraite possible, aucun villageois ne doit s’échapper.
Sur un ordre de Pelo, les canonnières s’écartèrent les unes des autres et se posèrent de part et d’autre du village de quelques centaines d’âmes, encaissé dans le creux d’un vallon, à l’entrée de la Vallée du Serpent.
Le rugissement des moteurs avait attiré l’attention des autochtones, Oreste l’avait senti. Depuis sa position, il les observait en train de s’égailler dans leur masure, saisissant leur progéniture pour les mettre à l’abri et s’enfermer à l’intérieur. Ce qui paraissait être une attitude ordinaire de civils soucieux de se préserver de la cruauté de la guerre, devenait suspect aux yeux du corellien. Ce comportement pouvait même constituer une preuve suffisante.
Il se promit qu’il saurait la vérité.
Oui, fais confiance à ton instinct, l’encouragea la petite voix.
Les véhicules républicains se posèrent autour du village, en formation serrée de manière à bloquer efficacement toute entrée et sortie. Les clones sautèrent promptement dans la boue enneigée, se haranguant en mando’a.
- Bougez-vous le shebs ! Jurait Pelo.
Après avoir posté des sentinelles afin de prévenir toute surprise, le Jedi investit le village avec le reste des troupes. Pelo ordonna que tous les villageois sortent de leurs habitations pour contrôler leur identité.
Pétrifiés de terreur, aucun des muuns n’obtempéra. Avec la permission de Oreste, les soldats s’approchèrent pour défoncer les maigres portes à coups de crosse et extirper de force les résidents qu’ils jetèrent impitoyablement dans les rues. Levant les mains en l’air, les humanoïdes se laissèrent docilement conduire vers la place principale, au cœur du village.
Assaisonnés de coups de poings et de coups de bottes, cela allait de soi. Les familles se tenaient par les bras, les enfants contre leurs parents qui les rassuraient en leur murmurant quelques mots doux alors que le froid les tenaillait entre ses pinces cruelles.
Ce même froid qui avait envahi le cœur de Oreste, lui ôtant toute pitié à l’encontre de ces civils que l’écho de la guerre avait rattrapés.
Les quelques dizaines de villageois furent regroupés puis encerclés par les clones au milieu du village sous ses yeux, Pelo lui confirmant que personne ne manquait à l’appel.
- Qui les représente ? Répondit le corellien.
L’officier tonna en direction de la foule :
- Qui vous représente ?
Dans un silence oppressant, une silhouette fendit les rangs, vêtue d’une toge mauve et s’appuyant sur une canne. La vieille muun aux rides profondes, soutint le regard distant du clone puis celui du Jedi, légèrement en retrait.
- Je suis la Préfète Sandari, votre présence n’est pas nécessaire ici. Il n’y a que des chasseurs et des cueilleurs, qui cherchent à survivre tant que possible.
- La ferme, trancha Pelo.
- Capitaine, le rappela à l’ordre Oreste.
Il prit la place de Pelo pour faire face à la Préfète.
- Nos troupes viennent d’être attaquées dans la Vallée du Serpent et nous avons subi de lourdes pertes, expliqua-t-il.
- Nous sommes désolés de l’apprendre, jeune Jedi. Mais c’est ce qui arrive inévitablement quand on amène le malheur avec soi.
Les yeux du corellien acquirent une plus grande dureté.
- Votre village étant proche du lieu de la bataille, nous vous soupçonnons d’avoir aidé les séparatistes de quelque manière que ce soit.
Il perçut dans la Force, le changement subtil d’atmosphère qui planait au-dessus de cette petite assemblée. Un accroissement sensible d’angoisse qui gagnait tous les villageois, y compris chez la matriarche qui devint consciente que ses prochains mots pourraient décider de leur sort à tous.
- Mais il n’y a ni combattant ni droïde dans notre village, insista-t-elle. Nous n’avons rien à voir avec les combats.
Oreste le sut avant que la petite voix ne lui confirma :
elle ment.
- Nous verrons, coupa-t-il sans chaleur. Passez tout le village au peigne fin, fit-il impérieusement à ses soldats.
Des hommes retournèrent vers les masures pour les fouiller. Des bruits de tables, de chaises renversées puis de meubles forcés leur parvenaient. Des muuns baissaient vers les yeux vers le sol gelé, craignant d’avance d’affronter le courroux de leurs geôliers. La tristesse ridait un peu plus le front de la Préfète, pressentant qu’un malheur allait s’abattre sur sa communauté.
Le corellien découvrirait bientôt la vérité, la petite voix le lui chuchotait.
Les soldats revinrent, du butin plein les bras. Des armes de guerre, massivement utilisées par les miliciens locaux séparatistes, du matériel médical… et un massif appareil de communication à courte portée.
- Nous l’avons découvert sous le plancher, expliqua un des clones au Jedi.
Les armes en soi ne constituaient pas une preuve majeure mais cet émetteur, par contre… Oreste serra involontairement le poing autour de la crosse de son sabre laser. Une énergie glacée émanait de son âme pour se répandre dans tout son corps.
La haine avait prise sur lui.
- Vous l’avez utilisé pour prévenir les séparatistes de notre arrivée, lança-t-il face aux villageois otages.
Aucun ne lui répondit, de peur de déclencher une violente réaction.
- Maître Jedi, je comprends votre colère, déclara la Préfète en s’avançant. Je suis prête à en assumer toute la responsabilité mais je vous supplie d’épargner les miens. Ils ne font que m’obéir.
La petite voix se moqua :
quelle noble tentative.
- Ils ont choisi de vous obéir, la sentence sera la même pour tous.
Les terribles mots du Jedi éveillèrent l’effroi dans les yeux de la Préfète. Des murmures implorants parcoururent la foule apeurée.
- Mais vous êtes un Jedi ! Vous ne pouvez pas…
- Je suis un Jedi et je sers la République, que votre sédition met en danger. Cette guerre que vous avez déclenché, n’a que trop duré.
- Il y a des enfants, vous oseriez leur faire du mal ?
Les yeux verts et gris du corellien se promenèrent sur tous les villageois, s’attardant sur les enfants muuns confus et hébétés.
- Il n’y a pas d’innocents dans cette guerre, martela-t-il. Vous partagerez tous le même sort.
La matriarche comprit qu’il ne fléchirait pas. Les clones resserraient l’étau autour de leurs prisonniers, ôtant le cran de sûreté de leur fusil blaster.
- C’est ce que la République est devenue, souffla la Préfète avec résignation.
- Nous la sauverons des séparatistes, Préfète, lui assura le capitaine Pelo.
Par fierté, Sandari ne daigna pas lui accorder la moindre attention, continuant de soutenir le regard du corellien.
- Et qui la sauvera de criminels comme vous, Jedi ?
Oreste crispa la mâchoire, il ne pouvait pas reculer sans se ridiculiser devant ses propres troupes. Il devait aller jusqu’au bout.
- Procédez, capitaine.
- À vos ordres, commandant.
Le Jedi recula pour laisser sa place à Pelo. Il se détourna pour ne pas voir la suite, alors que l’officier ordonna implacablement à ses hommes.
- Soldats, en position.
Les villageois tentèrent de dissuader leurs bourreaux.
- Épargnez les enfants ! Épargnez-les ! Les suppliaient-ils.
Leurs cris de détresse rebondissaient sur ces armures blanches insensibles au désespoir alors que les armes étaient pointées dans leur direction, prêtes à rugir. Oreste ferma les yeux et se coupa de la Force, éteignant même cette petite voix qui l’accompagnait toujours.
- Feu à volonté, lâcha Pelo.
Oreste garda les paupières closes, serrant les dents pour ne pas voir ce qu’il entendait. Les détonations mêlées aux cris d’agonies des muuns qui s’effondraient les uns sur les autres, rejoignant un à un le néant glacé de l’abîme.
Se retirer de la Force lui permit de ne pas ressentir ces morts. Puis il se demanda pourquoi il en avait été réduit à cette impitoyable extrémité. Alors il laissa le visage de Beliem se matérialiser dans son esprit. Il s’imaginait qu’elle le regardait et lui souriait. Oui, c’était pour elle qu’il le faisait, pour son bonheur dans une galaxie libérée de la guerre et de la terreur séparatiste.
Ce qui se passait dans ce village de Mygeeto, était un mal nécessaire.
Un enfant Muun s’extirpa de sous les cadavres de ses parents, ses vêtements et sa peau grise terne maculés de leur sang. Il rampa entre les corps, avant de se lever subitement et de se mettre à courir à toute vitesse.
La peur de la mort lui donnait des ailes de Thranta mais le sauverait-elle pour autant ? Pelo le remarqua en premier.
- Ne le laissez pas s’échapper !
Le capitaine montra l’exemple, en épaulant son fusil. L’enfant foulait le sol à grandes enjambées mais à peine avait-il quitté la place qu’un trait ionisé le frappa entre les omoplates pour ressortir de sa maigre poitrine.
Il ne comprit pas l’intense douleur qu’il ressentait à l’impact, tandis qu’il titubait, ses perceptions engourdies. Il fut projeté face contre terre, par les autres tirs de blaster, et la neige teintée de son sang commençait à recouvrir son minuscule cadavre. Aucun autre enfant n’avait obtenu grâce.
Deux clones s’approchèrent et s’assurèrent de sa mort en visant la nuque. Leur besogne faite, ils rejoignirent leurs camarades qui tiraient sur le tas de cadavres qui trônait sur la place du village. Au-dessus de cette pile de chair funeste, des mains continuaient de s’agiter vers les cieux sombres. Les doigts fins remuaient, pour implorer encore une dernière fois de l’aide.
Quelques détonations ponctués de flash éphémères… tout fut terminé.
Pelo revint vers le Jedi corellien.
- Commandant, nous avons terminé.
Oreste rouvrit alors les yeux sur le carnage qu’il a refusé de regarder. Puis il se connecta à la Force, la prolongeant vers les victimes dont il ne détecta aucun signe de vie. Malgré sa répugnance, il plongea ses yeux dans ceux de la Préfète, qui semblait le fixer d’un air accusateur malgré la mort qui l’avait figé.
Il se consola en se rappelant qu’il l’avait fait pour Beliem, pour la retrouver quand la guerre sera finie.
- Évacuez les hommes, capitaine.
- Oui, commandant.
Pelo sonna le rappel et les clones se regroupèrent dans l’ordre pour quitter le village supplicié. Oreste saisit son comlink.
- Tissan aux canonnières, tenez-vous prêt à faire feu quand nous aurons quitté le village.
Les clones gagnèrent les entrées du village, quadrillant rigoureusement les environs. Au-dessus d’eux, les canonnières passèrent en rase-mottes pour déverser tout leur arsenal sur les masures abandonnées.
Les missiles et les roquettes explosèrent, répandant en quelques secondes un incendie généralisé qui dévasta tout le village. Des projectiles incendiaires furent lancés sur les cadavres agglomérés sur la place. Tout trace de ce qui venait de se passer, devait disparaître.
Le corellien et ses hommes regardaient les flammes aussi écarlates que le sang qui avait été versé, s’élever vers les nuages lourds et sombres. À travers eux, la guerre avait détruit ce havre de vie et d’harmonie rude.
Les canonnières se posèrent ensuite pour les embarquer et les ramener vers le gros des troupes qui les attendaient dans la Vallée du Serpent. La guerre se poursuivait, d’autres vies seraient perdues tant que Mygeeto resterait aux mains des séparatistes.
- Quel rapport devons-nous envoyer au Cerbère d’Agamar sur ce qui s’est passé ? Lui demanda le capitaine à côté de lui.
- Seulement ceci. Ce village a été détruit par les séparatistes car ses habitants ont été soupçonnés de nourrir de la sympathie pour la République.
Il sentit peser le regard de l’officier avant que celui-ci n’acquiesça en silence. La guerre était assez cruelle, pour brouiller les responsabilités dans un miasme indéchiffrable. Tant qu’elle durerait, il s’enfoncerait dans les ténèbres.
Toujours un peu plus dans les ténèbres.
Voilà, j'espère que cela vous a plu !
Allez, à mardi prochain

!