Une nouvelle secousse fit trembler l’ensemble de la structure. Des grains de sables chutèrent du plafond en un mince filet. Narrac maugréa tout bas. Quelle catastrophe ! Des années de plans ruinés par de... misérables vers des sables !
Derrière lui, les deux mercenaires trandoshans s’agitaient de plus en plus, jetant des coups d’oeil frénétiques à leur ancien chef. L’ish tibi qui dirigeait la garde de Narrac chez les Défenseurs gisait à quelques mètres d’eux : seul son visage, à demi-noyé dans une tâche de sang, surgissait de sous les gravats.
Tout cela était la faute de cette misérable équipe. Le jawa ignorait comment, mais ils avaient réussi à avoir une jedi dans leur équipe, une togruta. C’était elle, à n’en pas douter, qui avait lâché les vers sur le bunker. Le jawa n’avait pu qu’assister, impuissant, à l’invasion de ses créatures, avant de prendre à son tour le chemin de la retraite, alors que tout s’effondrait autour de lui.
La navette, rampe déployée, était prête à décoller. Le tunnel aux parois blindés qu’elle précédait débouchait, un kilomètre plus loin, à l’air libre.
Tant pis pour le glastinum. J’aurai perdu une fortune, mais tant pis ! Il tirerai assez de satisfaction à savoir que ce monde ne se relèverait jamais de la ruine.
– Xysh, appela-t-il en décrochant son comlink. Xysh, t’es tu chargé d’eux ?
Le jawa attendit un instant, sans qu’aucune réponse ne lui parvint. Il allait l’activer de nouveau, lorsque l’appareil se mit à grésiller.
– Désolé, mais je crois qu’on vous a un peu abîme votre kaleesh, lâcha une voix féminine.
La jedi ! Narrac poussa un cri de rage et de désespoir et envoya le comlink se briser contre des gravats.
Derrière lui, ses deux gardes s’effondrèrent comme des pierres.
Narrac eut juste le temps de faire un pas de côté pour éviter la lame qui lui était destinée. Ses yeux se fixèrent sur celle qui la maniait. Miri lui rendit son regard chargé de haine. Malgré ses blessures, malgré les tortures qu’il lui avait infligé, malgré les doigts en moins, elle avait tout de même trouvé assez d’énergie pour tenter de le tuer. Le jawa ne put s’empêcher de s’en trouver impressionner.
La jeune femme retomba gauchement sur ses jambes, en position accroupie, avant de bondir aussitôt à la manière d’un fauve. Encore une fois, Narrac se contorsionna vers l’arrière, la lame ne lui tranchant qu’un revers de sa manche.
Ça aurait pu être un magnifique combat, songea-t-il. Mais malgré la haine et l’énergie qu’elle mettait dans ses mouvements, ses mouvements n’étaient pas aussi rapide qu’à son habitude. Narrac pouvait sentir, à chacun de ses geste, les blessures qui la faisait souffrir et l’alourdissait.
D’un geste sec, il tira un blaster portatif de sa manche. Trois rayons lasers frappèrent la jeune femme à la poitrine, au niveau du nombril et entre les seins. Elle resta un moment figé, les bras écartés, comme un pantin tenu par ses fils ; puis, elle bascula en arrière et tomba de la rampe. Narrac entendit son corps heurter le sol. Il s’avança jusqu’au bord : la jeune femme gisait dans une position bizarrement tordue, la poitrine soulevée de soubresauts.
Le jawa l’admira ainsi : frêle, chétive, faible. A sa merci. Un sourire de carnassier dévoila ses dents.
– Au moins, j’aurai le plaisir de te voir crever.
Un tir de blaster éclata dans la pièce. Il n’eut pas le temps de réagir qu’une douleur aveuglante lui déchirait le dos et lui traversait la poitrine. Le blaster chuta d’entre ses doigts, ses jambes cédèrent sous lui. Le plafond devint le sol et le sol le plafond. Un léger picotement derrière la tête lui fit comprendre qu’il s’était effondré. On lui avait tiré dessus ! Mais qui ? Qui ?
Il tenta en vain de se relever, mais ses membres lui semblèrent fait de pierre. Au-dessus de lui, le plafond en duracier pleurait du sable. Une légère fissure le traversait, semblable à un sourire, et pendant un instant, Narrac eut l’impression qu’il le lorgnait d’un air moqueur.
Il tenta encore une fois de se mouvoir. En vain. La tête lui tournait.
Lève-toi ! Bordel, lève-toi ! s’injuria-t-il intérieurement.
Mais même son instinct de survie semblait l’avoir abandonné.
Des bruits de bottes sur une surface métallique retentit à la limite de sa conscience. Un instant plus tard, une silhouette incontestablement féminine se dressa au-dessus de lui, protégée par une armure éraflée.
– Désolé petit, mais celle là est avec moi !
La voix moqueuse lui parvint légèrement grésillante. Narrac pouvait imaginer son expression, même si les traits de la femme étaient dissimulés par un casque en forme de tête de mort. Une tête de mort... Narrac eut envie de rire aux éclats, mais seul un gargouillis ignoble franchit ses lèvres.
La mandalorienne resta un instant immobile, puis pointa le blaster qu’elle tenait toujours dans sa main vers sa tête.
– Tes derniers mots ?
Le jawa la fixa, le souffle court. Des milliers d’idées et d’émotions lui traversaient la tête.
Ainsi, c’est comme ça que je vais mourir ? Dans un bunker minable, sur une planète minable ? Toutes ces années à acquérir richesses et pouvoir pour terminer ainsi !
Mais la partie à été exaltante d’un bout à l’autre.– Ton... visage, dit-il alors qu’un sourire douloureux lui étirait les lèvres.
La mandalorienne ne dit rien. De sa main libre, elle saisit le bas de son casque et le retira d’un coup, laissant échapper une cascade de cheveux bruns. Un œil vert se posa sur lui.
– Alors, heureux ?
– C’était un joli tir...
Cette fois, ce fut à la femme de sourire, dévoilant ses petites dents blanches.
– Attends de voir celui là.
Et elle appuya sur la détente.
***
Voilà une bonne chose de faite ! songea la mandalorienne en remettant son casque avant de rengainer son arme. Son regard se détourna de la chose recroquevillée qui gisait devant elle, un cratère au milieu du front. Elle n’arrivait pas à croire qu’un petit jawa ait pu causer autant de soucis à ces nouveaux coéquipiers. Peut-être avaient-ils réussi à leur échapper sur Cato Neimoidia plus par chance que grâce à leurs capacités...
Un brusque tremblement du sol la ramena à la réalité. Ce n’était pas le moment de rêvasser ! Elle n’était retournée dans le bunker au bord de l’effondrement que pour retrouver Miri, qui avait faussé compagnie à Fi, pas pour régler leur compte aux ennemis de son employeur.
Bordel, Miri ! Elle avisa la jeune femme au sol, les yeux fixés sur le plafond, et sauta de la rampe pour s’agenouiller à côté d’elle. Son torse ne se soulevait plus, et son regard semblait vide.
– Allez, ma mignonne, c’est pas le moment de nous quitter !
Il fallait quand même plus de quelques tirs de blasters pour venir à bout d’une ancienne assassin !
Elle lui palpa le cou et finit par trouver un pouls, faible mais toujours là. Elle vivait encore ! La mandalorienne lui fit mettre ses bras autour de son coups, puis, la prenant par la taille, la souleva jusqu’à la mettre en travers de son épaule. La navette de Narrac pouvait être un moyen rapide de remonter à la surface ; restait à savoir si elle aurait le temps de la faire démarrer. Elle avait certes un petit savoir faire pour bidouiller l’électronique, mais le toit pouvait bien lui tomber sur la tête pendant le processus. De plus, elle percevait de drôles d’échos provenant du tunnel. Elle régla rapidement son casque sur la vision thermique et laissa échapper une bordée de jurons. Des vers des sables arrivaient justement par cette sortie, et ils étaient nombreux !
Zeyyna ne perdit pas de temps et courut dans le couloir d’où elle était venue. Quelle idée avait eu la jedi de déchaîner ses créatures !
Si je survis, je lui passe le savon de sa vie ! jura-t-elle.
D’une commande vocale, elle activa le comlink intégré à son armure.
– Fi, j’ai Miri avec moi. Mais on a des vers aux fesses : j’espère que vous êtes prêts à décamper !
– On est prêt, répondit le Mastarien de sa voix posée
Elle coupa la communication. Toujours aussi bavard...
Elle évita de justesse une nouvelle pluie de débris venu du plafond et continua à courir, malgré ses blessures. Son combat contre le kaleesh avait été particulièrement difficile, le colosse ayant le revers particulièrement piquant. Ses coups lui avaient laissé une douleur aux côtes mais aussi - plus embêtant - au mollet. Elle tentait donc de ménager son membre endolori, lui donnant une démarche semi-sautillante. Par Mandalore, qu’elle devait avoir l’air ridicule. Heureusement qu’Aanksol n’était pas là pour la voir courir ainsi dans ces couloirs, où il serait payé sa tête pendant des mois. Mais c’était ça ou risquer de voir ses jambes faillir sous elle, ce qui aurait marqué sa mort et celle de son « colis ».
Ce serait dommage, elle est plutôt pas mal, songea-t-elle avec un sourire sardonique.
Des tirs de blasters à répétition éclatèrent à quelques pas sur sa gauche. Zeyyna tourna la tête devant la porte à demi-effondrée en passant devant. Une vingtaine de mercenaires ouvraient désespérément le feu sur la dizaine de vers qui s’avançaient vers eux. Les créatures semblaient davantage décontenancés que blessés par leur tentative, balançant leur immense tête de gauche à droite.
Désolé les gars, il fallait pas parier sur le mauvais rancor... Devant elle, elle distingua enfin sa porte de sortie. Au-delà du couloir s’ouvrait une salle circulaire au toit en dôme, auparavant traversé de multitudes de barres et de pilliers en duracier. L’assaut des vers avaient fait s’effondrer une partie du dôme, ouvrant une ouverture sur l’extérieur. De forme ronde, elle n’était grande que de deux mètres de diamètres, ce qui était toutefois amplement suffisant pour elles deux.
– Réjouis-toi, ma jolie : tu es sauvée ! s’exclama la guerrière en tapotant l’arrière-train de sa demoiselle en détresse.
Au moment où sont jetpack commençaient à les élever à quelques mètres du sol, un des murs sur sa droite explosa. Un vers d’environ dix mètres émergea des décombres en lâchant un cri. Zeyyna étouffa un juron et poussa la puissance au maximum. La sortie se rapprochait. Derrière elle, elle entendit la créature se tendre dans sa direction : la mandalorienne fit une brusque embardée et ses mâchoires claquèrent près de son oreille. Elle éclata de rire tout en jetant un regard derrière son épaule, pour voir l’animal retomber sur le sol, défait. Ses dents étaient passés si près qu’elle avait crû qu’il allait lui arracher la tête.
Non, songea-t-elle en continuant à rire de soulagement,
ce n’est pas un gros vers qui aura ma peau aujourd’hui ! Au-dessus d’elle, Zeyyna vit le cercle pourpre de l’extérieur se rapprocher et grandir, grandir, jusqu’à engloutir tout le plafond. Puis, elle surgit enfin de l’ouverture et déboucha à l’air libre.
Un vent frais pénétra sous son casque et la guerrière inspira profondément. Dans le ciel, même les étoiles semblaient disparaître derrière la présence imposante de la troisième lune de Mastaria, et les dunes avaient pris un reflet violet.
Elle parcourut quelques mètres au-dessus du sol avant de se laisser tomber sur le sable. Le silence du désert était brisé par le bruit assourdissant d’un réacteur. A quelques mètres devant elle, un cargo à la forme grossière faisait chauffer ses réacteurs. La forme massive de Fi se découpa au sommet de la rampe ; forme qui se mit à courir vers elle. La mandalorienne déposa l’assassin devant elle. Sa poitrine mince se soulevait faiblement.
– Comment va-t-elle ? demanda le Mastarien en fronçant les sourcils.
– Elle est gravement blessée, mais vivante. Je vais bien aussi, merci de t’en soucier.
– Je vais l’emmener à bord, répondit-il en ignorant sa pique.
Il tendit une main à Zeyyna et la releva d’un simple mouvement du bras. Zeyyna le remercia d’un grognement, sa jambe la tirant abominablement. Du sable coulait le long de son armure comme autant de fleuves. Fi prit aussitôt Miri dans ses bras et se dirigea vers le cargo d’un pas rapide.
Au même moment, quelque chose surgit du sabre quelques pas derrière elle. Elle tourna la tête en même temps que Fi et se retouva face à une père d’yeux scintillants. Le ver devait être encore jeune, car il mesurait à peine deux mètres, et incroyablement affamé. Zeyyna vit sa s’ouvrir en croix, dévoilant une rangée circulaire de crocs. Il était trop près pour qu’elle dégaine son blaster : elle pouvait rouler sur le côté pour l’éviter, mais le ver se jetterait alors sur Fi. Le mastarien tenait son amie dans ses bras : dans ces circonstances, il n’aurait pas la possibilité de se mettre à l’abri.
Zeyyna fit alors la seule chose qu’elle pouvait faire : elle tendit la main pour l’arrêter. Les dents de la créature se refermèrent sur ses doigts, lui arrachant un cri de douleur, mais elle ne céda pas. De son autre main, elle dégaina son arme et ouvrit le feu. Le lombaire eut un brusque mouvement vers l’arrière, un liquide verdâtre suintant de son œil crevé, avant de se jeter sur sa proie avec rage.
Je vais vraiment me faire bouffer par un ver, songea la mandalorienne en voyant les crocs envahir son champ de vision et une odeur pestilentielle lui envahit les narines.
Elle se prépara à affronter la mort... lorsqu’elle sentit quelque chose l’entourer à la manière d’un cocon protecteur et la tirer vivement mais avec douceur jusqu’à la rampe. Une paire de bras se referma sur elle. Le ver releva la tête en poussant un sifflement - sifflement qui se transforma en cri lorsque les réacteurs du vaisseau crachèrent leur pleine puissance, brûlant sa carapace exposée. L'appareil s’éleva rapidement dans les airs : le ver - réduit à un point minuscule - disparut dans le sable.
Les bras qui retenaient la mandalorienne se desserrèrent autour de sa poitrine.
– On dirait que je t’ai sauvé la mise, Mandalorienne, lui glissa Kira d’une voix moqueuse.
– Sauver par une jedi, se plaignit Zeyyna d’un ton où perçait néanmoins le respect.
Les deux femmes pénétrèrent à l’intérieur même du vaisseau et Kira referma la porte derrière eux. La pièce que découvrit la mandalorienne était plutôt petite, et presque entièrement occupée par de multiples caisses, ne laissant que des passages réduits pour circuler. L’aspect lui évoqua le vaisseau pénitentiaire où les avait cloîtrés les néimoidiens de la Guilde Marchande après leur capture en orbite autour de Cato Neimoidia - dont Zeyyna les avait fait évader en explosant l’une des parois.
De l’autre côté, les murs se rapprochaient, jusqu’à ne former qu’un espace réduit d’à peine plus d’un mètre qu’occupait entièrement une porte. Une fenêtre située à leur mi-hauteur lui permit d’apercevoir le casque du Gand, penché sur les commandes du cockpit. Elle était contente de voir qu’il était là : de tout le groupe, il était celui qu’elle connaissait depuis le plus longtemps. Certes, c’était un mercenaire qui n’hésitait pas à mentir, tuer, torturer, racketter et trahir. Mais elle l’aimait bien.
– Où avez-vous trouvé ce vaisseau ?
– Dans un des hangars de Narrac, lui apprit Kira. L’occasion était trop belle pour la laisser passer !
Le sourire de la togruta mourut lorsqu’elle baissa les yeux sur la mandalorienne. D’un geste inquiet, elle lui prit le bras.
– Ta main...
Zeyyna baissa les yeux. Il ne restait presque plus rien de son membre, mis à part quelques bouts de chair qu’on avait du mal à prendre encore pour des doigts, et qui restaient vaille que vaille accrochés à son poignet par quelques morceaux de peaux. Du sang gouttait à un rythme régulier de la blessure.
– Je crois que je l’ai perdue en chemin, lâcha-t-elle d’un ton ironique.
Les blessures étaient le lot de tous les mandaloriens, et une source de fierté pour les guerriers.
– Assis-toi, je vais chercher la trousse, lui intima la jedi.
– Pas besoin, je vais survivre.
– Vas t’asseoir, lui ordonna-t-elle d’un ton qui ne souffrait d’aucune contestation.
La mandalorienne lâcha un juron dans sa langue natale et dépassa la togruta, qui en profita pour lui claquer les fesses. La mandalorienne se retourna vivement
– A charge de revanche, lui lança la jedi d’un ton moqueur avant de tourner les talons.
Zeyyna prit place sur une des caisses et en profita pour regarder les autres membres du groupe. Miri était allongée sur un lit médical, situé dans une alcôve tout en longueur creusée dans le mur de gauche. De multiples appareils médicaux étaient branchés sur elle, et des compresses recouvraient ses blessures. Debout devant cet niche, Fi la veillait d’un œil protecteur, comme un nexus protégeant ses petits. Lenya, qu’ils avaient récupérés dans le bunker, semblait perdue dans ses pensées. Assise sur une caisse, elle fixait le plafond d’un œil lointain.
Kira revint finalement avec la trousse de secours et s’agenouilla à hauteur de sa main mutilée. Elle sortit un bandage induite de kolko qu’elle s’empressa de nouer autour. Zeyyna sentit un picotement se répandre le long de son bras et tressauta instinctivement.
– Ne bouge pas, lui intima-t-elle d’un ton sans réplique.
– Tu es encore plus mignonne quand tu es autoritaire, lâcha la mandalorienne.
Pour toute réponse, la togruta leva les yeux au ciel et noua le bandage avec plus d’ardeur. Elle fouilla ensuite dans la trousse et en sortie une seringue .
– Attention, ça va piquer...
– Je suis une guerrière mandalorienne, jedi ! Il en faut plus po...
Le liquide injecté lui arracha un cri, suivit d’une portée de jurons colorés qui firent pouffer la jedi. La mandalorienne en oublia bien vite son amour-propre blessée.
Tu m’as sauvé la vie, Kira, je ne l’oublierai pas. – Elle s’en sort bien ? demanda Zeyyna à Fi.
Le Mastaria détourna le regard qu’il gardait sur Miri pour la fixer.
– Moins bien que si elle ne nous avait pas faussé compagnie. C’est une chance que les tirs n’aient pas été mortels.
L’homme à la peau sombre passa une main las sur son visage.
– Avec tout ce qui s’est passé, nous n’avons pas pu lui dire pour Ukel, lâcha-t-il avec abattement.
Le professeur Ukel Anto... Zeyyna n’avait jamais eu l’occasion de lui parler. Elle l’avait uniquement entraperçu alors qu’elle poursuivait l’équipe sur Cato Neimoidia. Un togruta, comme la jedi. Tout ce qu’elle avait appris de lui, elle l’avait entendu de la bouche de Fi, de Faahiëo ou de son Prince. Ils parlaient tous de lui comme d’un jeune homme gentil et passionné, un cœur noble et pur.
Sa mort lors de l’attentat au Conseil des Treize les avait chamboulé ; le Prince, notamment, en avait été particulièrement secoué, le scientifique étant celui duquel il se sentait le plus proche par la personnalité. Mais, comme il l’avait confié à Zeyyna, il ne pouvait laissé les autres voir son abattement outre-mesure, sans quoi tous en seraient découragés. Et d'après ce qu'elle savait, l’assassin s’était particulièrement attachée au chétif togruta. Peut-être qu’après avoir appris sa disparition, elle regretterait d’avoir survécu...
Zeyyna s’apprêtait à dire quelque chose, lorsqu’un choc à côté d’elle la fit se retourner. Kira venait d’ouvrir l’une des caisses que contenait la soute, révélant une grande quantité de cristaux à la couleur sanguine. Fi lâcha un soupir d’admiration et se fraya un chemin jusqu’à elle.
– Qu’est-ce que c’est ? demanda la jedi.
– Du glastinum à l’état pur, souffla le Mastarien. Narrac doit l’avoir pillé dans les réserves des Défenseurs.
– Si c’est le cas, il va tenter par tous les moyens de le récupérer, ajouta Lenya en se mêlant soudainement à la conversation.
– Il ne tentera rien du tout, leur apprit Zeyyna. Je l’ai tué.
Un silence pesant suivit cette déclaration, teinté d'incrédulité. Puis, le visage de Fi sembla s’illuminer.
– Dans ce cas, nous n’avons plus qu’à nous occuper des Bourreaux pour ramener la paix.
Tout en disant cela, son regard flotta sur les murs du vaisseau - comme s’il voyait sur les parois la vision d’une Mastaria reconstruite et florissante. C’était particulièrement touchant.
Oui, la paix allait revenir sur cette planète. Zeyyna ferait tout pour que Son Prince monte sur le trône. Certes, elle avait été engagé par lui et un mandalorien ne brisait jamais ces engagements, mais il y avait plus : elle croyait en lui. Après avoir servi pendant des années durant des criminels et des politiciens corrompus pour des crédits, c’était un honneur et un privilège de servir un dirigeant honorable.
– Mon maître devrait bientôt arriver sur Mastaria, lança Kira d’un ton enjoué. Maintenant que le jawa ne peut plus nous causer d’ennuis, je crois que le pire est derrière nous !
***
« N’importe où, n’importe quand... Nous sommes là ».
La voix du panneau publicitaire débitait le même slogan en boucle d’une voix désincarnée. Depuis des années qu’il passait devant, Darvan Danthson n’y faisait même plus attention.
– Bonjour Dael, salua-t-il sa secrétaire d’un geste de la main. Vous êtes resplendissante aujourd’hui.
La jeune femme baissa les yeux en rougissant et ramena une mèche de ses cheveux blonds - que mettait particulièrement en valeur son costume intégralement noir - derrière son oreille.
– Merci monsieur. Nous avons reçu de nouvelles données. Je vous les aies laissé sur votre bureau.
– Parfait, dit-il en franchissant la porte.
La pièce était à l’image du reste du complexe : d’une blancheur clinique et immaculée. Darvan avait toutefois posé son empreinte dans cet espace où il passait une bonne partie de ses journées, par l’ajout d’une plante verte originaire de Dantooine.
Comme lui avait annoncé sa secrétaire, une puce de données était posée sur son bureau. Darvan prit place dans son fauteuil transparent à haut dossier et ne fut pas étonné que Dael ait légèrement décalé la plante en venant déposer les fichiers. Il jugea inutile de la rabrouer pour un si petit détail, alors qu’elle mettait autant d’énergie à la tâche. Il plissa les yeux et fit légèrement tourné le végétal jusqu’à ce qu’elle se trouve pile dans l’axe de la fenêtre aux vitres teintées qui donnait sur l’extérieur. De cette manière, le soleil venait légèrement flatté les feuilles et rehaussait leur vert d’un éclat doré magnifique.
Puis, il s’empara de la puce. Il l’étudia un instant entre ses doigts d’un air distrait, avant de l’enfoncer sur le côté de son crâne. Des tableaux de données apparurent devant ses yeux. Il déboutonna les deux premiers boutons de son uniforme, verrouilla la porte de son bureau, puis caressa d’un geste discret l’implant électronique qui courait de sa tempe jusqu’à sa mâchoire. Un fleuron technologique qu’il s’était fait installé une semaine avant : le système, plus amélioré, reposait sur le modèle que la Division avait fait installé contre leur gré à ses agents dormants, lui permettant de voir à travers leurs yeux et d’entendre avec leurs oreilles. Mais personne ne voyait à travers celui de Darvan, il s’en était assuré. Après tout, il était au sommet de la chaîne alimentaire : personne ne lui donnait d’ordres, et tout au plus le conseil d’administration de l’entreprise se permettait de lui adresser de « judicieuses recommandations », mais même eux n’osaient aller plus loin.
Une simple pression sur l’appareil et la mélodie ombrageuse du groupe Darth Kyber retentit dans ses tympans. Darvan Danthson esquissa un sourire et fit craquer ses phalanges. Maintenant, le vrai travail commençait.
Avec des gestes saccadés rythmés par la musique, il tria, calcula, croisa les courbes et les tableaux, multiplia, géra tout ce qu’il avait de données. Les Leksende pouvaient bien prétendre détenir le vrai pouvoir dans la Galaxie, Danthson savait ce qu’il en était. Le vrai pouvoir se trouvait là, dans les coulisses, dans les tableaux de fournitures et les chiffres d’approvisionnements.
Au milieu des chiffres et des tableaux qui se succédaient dans sa rétine, il remarqua un rapport qui retint immédiatement son attention. D’un geste de sa part, le Darth Kyber s’évanouit pour laisser place à la mélodie plus lente et sinistre de Movecraft, le compositeur aveugle d’Umbarra qui, d’après la légende, avait sombré dans la folie. Le morceau était particulièrement adapté à son humeur.
Darvan ouvrit le fichier :
« Rapport Interne à la Division 7
A Directeur Danthson
Mastaria
Agent RodiaT302
Confirmation mort trafiquant d’armes Na’rrac’sev. Tué par l’équipe du professeur Ukel Anto (individu décédé)
Situation planète chaotique. Danger potentiel pour nos mines de Glastinum évalué à 5. Conseil d’administration doit être informé.
Test salivaire effectué sur verre de dénommé Kanno (fichier n°04071977) . Confirmation : gestation enfant d’environ trois mois. D’après durée : enfant probable de l’apprenti sith Washas Kodank (individu décédé). Présence Prince Valor (individu recherché) confirmée : amant actuel de Kanno.
Demande instructions. »Le Directeur se rejeta contre son dossier. Il parcourut du regard le rapport une seconde fois, réfléchit quelques instants avant d’envoyer sa réponse :
« Inutile d’informer Conseil d’Administration. Danger sous contrôle. Gardez œil sur équipe du professeur Anto.
Envoie équipe intervention. Priorité sur individue Kanno (fichier n°04071977) et son enfant (individu à naître). Doivent être récupérés vivants. Intérêt vital pour Division 7.
Éliminez Valor. »Le directeur se rejeta une nouvelle fois dans son fauteuil, regardant d’un œil rejoui les rayons du soleil jouer sur sa plante. Un enfant sensible à la Force... Quel avantage pour la Division 7, et quelle source de possibilités. S’ils pouvaient l’étudier, ils pourraient mener à terme les recherches menés par le professeur Anto. Ainsi, leur supériorité technologique serait à jamais assurée.
Ses pensées se tournèrent vers Valor. L’individu avait travaillé pour eux durant des années : s’il leur avait révélé son identité, ils auraient pu le mettre sur le trône de sa planète en un claquement de doigt, en échange de l’extraction du glastinum. A la place, il avait choisi de leur dérober un vaisseau. Quel imbécile.
A présent, son sort était réglé. Ce n’était pas, pour Danthson, une vengeance ou une manière de réparer un amour-propre mis à mal par la trahison d’un subalterne des plus minimes. Non, il était question de faire passer un message. Et un message fort simple.
Personne ne volait Czerka sans en payer le prix.