Mon mois d'avril aurait dû être rythmé par les concours, mais comme tout le monde, il faudra attendre. Alors, je me suis dit que c'était le moment de ressortir cette petite nouvelle écrite en 2017 du placard. Je prévoyais de la publier le long d'un été, mais ce confinement forcé est probablement plus opportun.
Et pour quelques Jagganath de plus (vous l'avez ? vous l'avez ?) se déroule en 3611 BBY, comme ceux qui me connaissent pouvaient s'en douter. Nous sommes donc une trentaine d'années après le début de SWTOR (auquel il n'est nullement besoin d'avoir joué, même si les attentifs peuvent toujours remarquer des références par-ci par-là) et un an avant le début de La Tourmente de l'Ordre (qu'il n'est nullement besoin d'avoir lu, mais ne vous privez pas ). La guerre entre l'Empire Sith et la République fait encore rage, mais ce n'est pas le sujet. Je ne fais aucune référence à mes précédents écrits, en revanche cette nouvelle fourmille de préparations pour des projets futurs (le tome 2 de la Tourmente de l'Ordre qui arrivera... un jour, et l'autre projet que j'ai tellement teasé partout que tout le monde sait de quoi il en retourne et qui arrivera peut-être dans une autre vie ). Comme l'auront compris les deux qui suivent au fond, elle évoquera en partie le Jagganath des Trandoshans, mais peut-être pas de la plus avantageuse des manières.
Je compte la publier en 7 6 (courtes) parties, parmi lesquelles la suivante est de loin la plus longue (EDIT du futur : en fait non c'est la dernière la plus longue). Au rythme d'une partie le samedi et une autre le mercredi, nous allons donc passer ensemble un joyeux avril confiné ! Dernière chose : j'ai écrit cette nouvelle en plein dans mon délire de faire apparaître des lecteurs, je ne trouve plus aujourd'hui que ça soit une si bonne idée, mais comme c'est fait... Vous verrez !
Bonne lecture !
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Dans l’indifférence générale, le groupe de Biths termina son morceau et en débuta un autre très entraînant. Il parvenait presque à faire oublier l’ambiance nauséabonde qui régnait dans la cantina. Celle-ci était bondée. Les murs et le plafond placé très bas suintaient et peu de lumière filtrait à travers la poussière qui voletait dans l’air tandis qu’un intense brouhaha résonnait, achevant de rendre cet endroit cauchemardesque pour les claustrophobes.
La majorité des clients étaient des Trandoshans. Logique : ces reptiles étaient l’espèce native de la planète. On observait cependant de très nombreuses autres races : beaucoup d’Humains, des Rodiens, des Niktos, toute la pègre de la galaxie semblait s’être donnée rendez-vous. Le tenancier lui-même était un Duros à l’allure peu recommandable. L’endroit était extrêmement mal famé, on aurait dit que toutes les transactions illégales de la galaxie se déroulaient ici.
A droite, on entendait des contrebandiers discuter de la marchandise qu’ils devaient livrer aux Hutts. A côté d’eux, des chasseurs de primes étudiaient leur prochaine cible. A une autre table encore, des pirates préparaient leur embuscade d’un vaisseau marchand. Dans un coin, un vieux Trandoshan semblait observer la cantina. Il n’avait rien commandé mais son âge le rendait trop respectable pour que le tenancier n’ose le mettre dehors.
Accoudée au comptoir, Aleï se sentait légèrement nauséeuse. Tout irait bien, c’était la millième fois qu’elle était contrainte de se rendre dans ce maudit endroit. La jeune fille mourait de soif mais elle savait bien qu’elle n’aurait pas à boire. Scrutant la porte, la jeune Humaine attendait un visiteur. De nombreux clients qui entraient la prenaient pour ce qu’elle n’était pas, lui adressant des yeux évocateurs. Elle les fusillait du regard les uns après les autres, si bien qu’ils ne l’importunaient pas.
Enfin, le visiteur tant attendu se montra. C’était un Humain à la peau mate, une électro-lance dans le dos et un lourd blaster à la ceinture. Il la remarqua et lui adressa un regard interrogateur. Après un salut respectueux de la tête auquel il ne répondit pas, Aleï lui indiqua une table à l’écart des autres, à laquelle se trouvait un Trandoshan qui leva son verre en voyant son invité. C’était Lek Svaal, le maître d’Aleï.
Il n’y avait que deux types de personnes à travers la galaxie qui pouvaient appeler quelqu’un « maître » : les apprentis des deux ordres de la Force, Sith et Jedi, et les esclaves. Comme Aleï aurait aimé appartenir à la première catégorie !
La jeune fille continua d’observer Lek et son visiteur, et écouta distraitement leur conversation.
« Lek ! s’exclama l’Humain en s’asseyant en face du Trandoshan. Ça fait un petit moment ! Tu travailles toujours pour la Sith ?
- Toujours, Ognaj, lui répondit son interlocuteur. Après tout, c’est elle qui m’a rendu riche.
- Tu devrais quand même faire des contrats avec d’autres commanditaires, objecta le dénommé Ognaj. Tu feras quoi si elle meurt ?
- T’inquiète, répondit le Trandoshan, celle-là ce n’est pas n’importe qui. Et puis, j’ai gagné largement assez d’argent pour m’offrir une retraite tranquille. Bon, il y a toujours cette prime de qui tu sais, mais je sais me défendre, ajouta-t-il en riant.
- Je n’en doute pas, sourit l’Humain. Bon, si tu m’en disais plus sur cette mission ?
- Bien sûr, approuva Lek. La même commanditaire que d’habitude, donc, et on sépare la prime comme à chaque fois : la moitié pour moi et l’autre à diviser entre toi et ton équipage. »
Ognaj hocha la tête.
« La cible ? demanda-t-il.
- Naos Loh, répondit son interlocuteur en posant sur la table le petit portrait holographique d’un Zabrak. Marchand d’armes assez important pour l’effort de guerre de la République : il vend des blasters aux rebelles des mondes impériaux. Bien sûr, la République ne reconnaît pas publiquement qu’il travaille pour elle, c’est pourquoi elle ne le protège pas. Il est retranché dans une petite villa à la campagne sur Corellia, protégé par des dizaines de droïdes de combat perfectionnés.
- Ça marche, accepta l’Humain. Quel est le plan ?
- Toi et tes gars, vous distrayez les droïdes, expliqua Lek. Pendant ce temps, moi et le mien on s’infiltre à l’intérieur et je me charge de la cible et de sa famille. Ensuite, je désactive ses droïdes depuis son poste de contrôle et on se retrouve… »
Aleï n’écouta pas la suite de la conversation. Je me charge de la cible et de sa famille… et de sa famille… Ces quelques mots rappelèrent douloureusement à la jeune esclave comment elle s’était retrouvée dans cette situation.
Aleï avait vécu une enfance heureuse sur une Balmorra libérée de l’Empire. Certes, son père était souvent absent mais il revenait tout de même régulièrement pour s’occuper d’elle et, du point de vue de l’enfant naïve qu’elle était, ses parents étaient les meilleurs de la galaxie. Sa mère était toujours avec elle à la maison. Leur droïde de protocole lui faisait cours. Il était également programmé pour jouer avec elle, ce qui avait très tôt poussé la jeune Humaine à le considérer comme un troisième parent.
Mais un jour, tout avait basculé. Son père était rentré nerveux, bien plus qu’à l’accoutumée. Même la jeune enfant de dix ans qu’elle était l’avait remarqué tout de suite. Si, en le voyant préparer ses défenses, Aleï s’était réjouie de ce qui lui semblait être un jeu, elle avait vite compris que ce n’était pas le cas. Il s’était barricadé et avait demandé à sa mère de l’emmener au sous-sol pendant qu’il défendrait la maison. Son père l’avait embrassée ainsi que sa mère et leur avait demandé de s’abriter. Elle ne l’avait jamais revu.
Alors que la fille bombardait de questions sa mère en pleurs, une véritable tornade était entrée au sous-sol. La mère d’Aleï s’était affaissée sous ses yeux, une brûlure circulaire sur la poitrine. Une silhouette reptilienne s’était penchée sur la petite fille et avait dit quelques mots que celle-ci n’avait pas compris car elle ne connaissait pas cette langue. A présent que c’était le cas, il semblait à la jeune fille que Lek avait dit quelque chose ressemblant à :
« Un petit bout d’Humain ? Je pourrais bien utiliser une esclave. »
Tout était ensuite devenu noir et elle s’était réveillée à bord du vaisseau de Lek. Aleï avait vite compris qu’il lui fallait obéir si elle voulait éviter les punitions de son maître. Elle eut un regard de dégoût vers le bracelet électrique qu’elle portait au poignet droit. Il pouvait lui infliger des décharges de toutes les intensités imaginables. Pour éviter qu’il soit retiré, des pointes s’enfonçaient dans sa chair, de sorte que, même si elle parvenait à l’ouvrir, elle ne puisse pas le retirer sans s’arracher la peau.
Le Trandoshan était particulièrement cruel avec elle. Au moindre petit écart, le bracelet se rappelait durement à sa mémoire. Et qu’elle ne s’avise pas de pleurer en sa présence ni de le contester de quelque manière que ce soit ou il sortait le fouet laser.
Aleï sortit de ses rêveries quand Lek fit un signe vers elle. La jeune fille s’approcha rapidement de sa table pour demander en quoi elle pouvait lui être utile.
« Ramène-nous deux verres, lui ordonna froidement Lek en déposant une pile de crédits sur la table. Le tenancier a l’habitude, il sait exactement de quoi. »
Aleï s’inclina profondément – elle savait qu’elle aurait eu droit à une décharge sinon – et prit les crédits avant de se rendre au comptoir. Même de dos, elle put sentir le regard de l’Humain la dévorer des yeux. Elle faillit vomir.
Tout en récupérant les verres au comptoir, elle écouta le dialogue entre les deux partenaires.
« Tu sais qu’elle devient très jolie, ta petite esclave, murmura Ognaj.
- J’ai pu m’en apercevoir, répondit froidement Lek. Apparemment, elle correspond fortement aux standards humains. Elle a pu me rapporter un peu d’argent. Ça me permet de compenser ce qu’elle me coûte en nourriture. »
Une nouvelle fois, Aleï faillit renvoyer son dernier repas. Lek était riche comme peu de chasseurs de primes pouvaient rêver de le devenir et il se plaignait des frais que lui procurait la bouillie infâme qu’il faisait avaler à Aleï tous les jours ! Certes, cette bouillie était nourrissante et l’empêchait d’être trop mince mais, par la Force, qu’elle était infecte ! Tous les jours à tous les repas depuis cinq ans ! Peut-être était-ce même pire que le bracelet électrique…
Mais bien pire que tout cela, il y avait la manière que son maître avait de lui faire « gagner de l’argent ». Depuis un an, il la louait – un être vivant pouvait-il décemment être loué ? Il semblait que oui – au cousin du tenancier de la cantina où ils se trouvaient. Pour un salaire de misère, elle devait se trémousser devant des inconnus. Tous ses cauchemars n’étaient faits de leurs regards immondes et de leurs mains dégoûtantes qui tentaient de la toucher. Elle se sentait si sale. C’était bien simple : à chaque fois qu’elle retournait au vaisseau après avoir « gagné de l’argent », elle vomissait sur le chemin.
Récupérant les boissons, elle entreprit le chemin du retour vers la table, un verre dans chaque main, mais entendit la suite de la conversation qui la transperça de douleur.
« D’ailleurs, elle commence à avoir de la valeur, poursuivit le Trandoshan. Je pense que je devrai en profiter pour la vendre, elle ne me sert pas à grand-chose sur le vaisseau.
- Tu n’as pas tort, approuva Ognaj. Et à qui penses-tu la vendre ?
- Sûrement à Nusora, lui confia Lek.
- Hum, commenta l’Humain en la dévorant des yeux sans aucune pudeur, nul doute qu’elle fera des heureux. »
Nusora… La jeune Humaine se figea en entendant ce nom. Pitié… Pas lui… Pas… Oh non !
Dans sa surprise, elle avait laissé tomber un verre qui s’était brisé au sol. Levant des yeux apeurés vers son maître, elle vit qu’il avait déjà attrapé le boîtier dans sa main. Aleï se résigna mais cela ne l’empêcha pas de crier quand la décharge traversa son corps et la fit lâcher le deuxième verre qui se brisa à son tour.
La plupart des clients de la cantina se levèrent et lui crièrent des insultes sans aucune compassion, par pur plaisir de faire comme les autres.
« Eh, Lek ! s’écria le tenancier Duros, sans le moindre regard pour la pauvre esclave. Qui va payer pour les verres cassés ?
- Ne t’inquiète pas, susurra le Trandoshan, je vais la prêter à ton cousin.
- Non, s’il vous plaît, maître, supplia Aleï de sa petite voix toute douce. Laissez-moi un autre moyen de me racheter de ma faute.
- Tu feras ce que je te dis ! » répliqua Lek.
Ne pas pleurer, sinon ça serait le fouet laser. Ne pas pleurer. Ne pas pleurer. Ne pas pleu…
A l’instant où les larmes allaient lui monter aux yeux, une voix tonitruante résonna depuis le fond de la cantina.
« Assez ! »
C’était le vieux Trandoshan qui observait la cantina sans mot dire jusque-là. Il se leva péniblement en s’approchant du comptoir. Tous les Trandoshans s’écartèrent respectueusement sur son passage. Il semblait être vénéré par ceux-ci.
« Je paierai pour elle, déclara-t-il en déposant une pile de crédits sur le comptoir avant de poursuivre en direction de Lek qui l’observait avec une animosité manifeste. Je peux bien me le permettre, n’est-ce pas, Lek ? »
Celui-ci ne répondit pas. Le vieux Trandoshan s’en alla en s’appuyant sur sa canne et Aleï regarda son maître avec des yeux apeurés. Visiblement, il détestait celui qui avait payé pour elle. Elle craignait de tout son être la punition qui allait s’ensuivre.
« Retourne au vaisseau ! » lui ordonna abruptement son maître.
La jeune fille ne se le fit pas dire deux fois et quitta la cantina au pas de course. Néanmoins, quand elle passa la porte, Lek ne put se retenir de lui infliger une dernière décharge.
Suite >>>>>>>>