Tyra a écrit:J'ai relu 5 fois et je ne comprends pas.
Bien et Mal correspondent à des valeurs, si tu défend l'un ou l'autre, la neutralité n'existe pas, peu importe la raison.
Deuxièmement,
SW, comme nombre de contes parle de l'humain, l'humain n'est pas neutre et il est construit par son vécu. La fin de
ROTJ montrait un équilibre entre la volonté de vaincre le Mal qui gangrène la galaxie mais tout en étant capable de lâcher prise. Mettre en scène un pur avatar vide de toute substance humaine juste là parce que elle est une héroïne, ça ne raconte rien sur l'humain et ça n'a aucun intérêt je trouve.
Enfin, quand Luke vient pour ramener son père, c'est pour un but personnel et pour le bien de tous. Il se livre pour laisser ses amis opérer leur mission sans attirer Vador à eux, il tente du coup dans le même temps de suivre sa conviction, faites de valeurs positives pour repousser les ténèbres à l'intérieur de son père et donc, en conséquence celles du monde.
Comme disait Qui-Gon : "notre attention détermine notre réalité". En opérant à faire une bonne chose, Luke travaille pour le bien de tous, même si ça part de quelque chose de personnel, ce que nous pourrions tous essayer de faire à notre échelle.
Effectivement, choisir le Bien n'est pas une abstraction. Il y a toujours une raison personnelle dans Star Wars. Quand Luke veut sauver Vader, c'est en cohérence avec tout ce qu'accomplit le personnage, notamment dans
ROTJ. Sa loyauté lorsqu'il vient sauver Han, sa tolérance lorsqu'il empêche Han de se servir de son blaster face aux Ewoks. On a un choix du bien qui s'incarne dans l'action, dans des actes. Et qui est récompensé.
Mais Luke a suivi avant tout un cheminement. C'est un bon gars à la base, mais ce n'est pas nécesserairement le goût du bien qui le propulse dans cette aventure. Il y a une curiosité, une forme d'exaltation, l'idée de marcher sur les traces d'un père "fantasmé", un refus de l'injustice aussi quand son oncle et sa tante sont tués... avec en plus l'influence d'Obi-Wan. Le Luke de
ANH n'est pas encore celui de
ROTJ.
Rey suit un cheminement différent. Déjà, à la base, contrairement à Luke, elle ne choisit pas de partir à l'aventure. Ce qui va bouleverser son destin, c'est déjà à la base... sa compassion. Elle vient en aide à BB-8 face à Teedo, puis refuse de le vendre sur le marché, alors que ça lui assurerait un certain confort de subsistance. Mais ce n'est pas juste. Donc Rey, bien que vivant dans un monde sans foi ni loi, a déjà une éthique qui la distingue des autres. Et c'est cet acte de compassion qui l'embarque ensuite dans l'aventure, aventure qui va se transformer en quête personnelle.
TLJ vient nous montrer que la compassion de Rey - qui agissait comme une boussole vers le Bien dans
TFA - peut aussi être une faille et la diriger vers le Mal. Ce qu'illustre sa révolte agressive contre Luke sur Ahch-To, sa colère face à l'injustice qu' a subi Ben Solo. Mais la confrontation sur le Supremacy lui ouvre aussi les yeux sur les dangers de l'excès de compassion, car Ben Solo reste Kylo Ren.
TROS nous ramène à une Rey compassionnelle et à un compassion salvatrice (elle soigne le Serpent qui épargne la bande, elle soigne Kylo/Ben qui vient ensuite l'épauler dans son combat face à Palpatine puis la ressusciter). Donc Rey est davantage récompensée pour ce qu'elle est à la base - une jeune femme compassionnelle - que pour son cheminement et son parcours.
Le parcours moral de Rey en fait, c'est de rester fidèle à elle-même, à ce qu'elle est depuis le départ. Rey est le Bien, Rey est naturellement gentille. Sa filiation avec Palpatine n'est qu'un artifice puisque Rey n'a rien de naturellement mauvais. Ses conditions de vie sur Jakku auraient pu en faire quelqu'un de mauvais, mais non, elle est déjà une bonne personne. C'est ce qui fait que l'anti-essentialisme de
TROS est factice et n'imprime pas.
Au final, pourquoi Rey est une bonne personne ? On n'en sait rien. On pourrait penser qu'on est dans une logique "rousseaussiste" qui veut que l'homme naît bon et ne soit corrompu que par les institutions sociales. Dans ce cas, la solitude de Rey sur Jakku l'aurait "protégée" de la corruption du monde. Sauf que
TFA nous montre que le monde de Rey sur Jakku est un monde sans foi, ni loi, et que même si elle vit à l'écart du village, ce monde représente son quotidien, sa réalité.
Autre hypothèse, est-ce que Rey est une bonne personne parce qu'elle a eu des parents aimants, comme semble nous l'indiquer
TROS ? Le problème, c'est que le rapport de Rey à ses parents est pour le moins confus et obscur chez elle. Dans
TFA, on nous dit qu'elle a été abandonnée mais qu'elle croit que ses parents reviendront un jour, pour finalement reconnaître chez Maz qu'ils ne reviendront pas, ce qui la bouleverse. Dans
TLJ, elle admet que ses parents étaient peut-être des mauvaises personnes, des alcoolos qui l'auraient vendus. Puis dans
TROS, elle se souvient enfin avoir eu des parents aimants qui ont été assassinés. Toute cette confusion nous empêche de penser que Rey est devenue une bonne personne grâce à ses parents dont le souvenir est vague, obscur, imprécis et s'apparente au départ, chez elle, à une forme de déni de réalité.
Après, on peut estimer qu'il n'y a pas d'explication à être quelqu'un de bien. C'est le hasard, c'est aléatoire. Mais quelle morale en tirer ?
Dans l'OT, Luke est un mec bien, parce qu'il a eu une enfance protégée, avec un oncle et une tante aimantes. Même s'il ressent des frustrations, normales à son âge, il sait les gérer car c'est un type équilibré, structuré.
Dans la prélo, Anakin est un bon gamin à la base parce qu'il a eu une mère protectrice et aimante qui lui a permis de sublimer en quelque sorte sa condition d'esclave. Mais la séparation de la mère va être ressentie brutalement et le conduire en partie vers le côté obscur. On voit aussi que contrairement à Luke, Anakin gère mal ses frustations, peut-être justement parce qu'avec Shmi, il n'était jamais frustré. Elle lui apportait toujours satisfaction. Anakin a un côté enfant-roi.
Là, la psychologie de Rey est quand même assez difficile à cerner. Parce qu'à la base, le cocktail environnement violent / abandon / solitude / déni donne rarement quelque chose de positif. Et dans
TFA, on voit bien qu'elle est seule, qu'elle n'a même pas quelqu'un au village sur qui compter, qui aurait pu être sympa avec elle et lui transmettre des valeurs de solidarité, d'entraide, etc...
Non,
TFA nous dit que Rey a survécu seule, qu'elle est devenue ce qu'elle est seule. Et
TFA nous dit qu'elle y est parvenue en se créant une fiction, en s'enfermant dans une forme de déni. L'attente de ses parents donnait un sens à sa miséreuse existence. En soi, ce n'est pas inintéressant. Ça rappelle un peu la petite héroïne du "Labyrinthe de Pan" de Guillermo Del Toro, qui se réfugie dans un monde imaginaire pour fuir une réalité douloureuse.
TLJ était en cela cohérent puisqu'on voyait une Rey se construire de nouvelles fictions : s'imaginer une éventuelle parenté avec Luke ou avec quelqu'un qui justifierait sa sensibilité à la Force (d'où sa quête des parents lorsqu'elle tombe dans la grotte), s'imaginer un Kylo Ren qui reviendrait du côté clair parce qu'elle a ressenti une compassion mutuelle, des sentiments partagés... mais ces fictions volent en éclat dans le film. Et Rey renoue avec ce qui a toujours fait sa force : son instinct de survie. Le Supremacy, le côté obscur, c'est la mort (Rey s'y est rendue dans un cercueil) et si elle veut vivre, elle doit fuir, rejoindre ses amis sur Crait. La Résistance, même mal en point, c'est la vie.
Est-ce que l'arc de Rey était bouclé à la fin de
TLJ ? Pas tout à fait. Il fallait passer dans le 3e acte de l'instinct au choix et à la réflexion éthique. Est-ce que que
TROS y parvient ? Je suis très partagé. D'un côté, le film nous montre une Rey qui réfléchit davantage à ses actes et à leurs conséquences mais qui agit encore trop par instinct ou en réaction. Ce qui fait qu'elle ne progresse pas.
Dans
ROTJ, le plan de Luke pour libérer Han peut paraître un peu tarabiscoté, mais il a une importance fondamentale pour nous montrer la progression du personnage. Cette fois, Luke ne réagit plus, il anticipe, construit, pense, calcule et suit une éthique : la violence ne sera que le dernier recours. Même chose avec les Ewoks, même chose lorsqu'il se confronte à Vader et Palpy. Tout n'est pas maîtrisé, Luke manque parfois de perdre le contrôle, mais il est constamment dans une attitude réfléchie.
Et c'est ça qui manque à Rey dans
TROS. Parce qu'elle reste dans l'impro. Elle n'a pas de plan. Elle ne réfléchit pas vraiment (Luke sera obligé de le faire à sa place quand elle se réfugie sur Ahch-To). On a toujours affaire dans ce film à la Rey de
TFA. Et c'est ce qui ennuyant.
Dans un autre topic, j'avais décrit comment Rey s'inscrivait dans le parcours archétypal d'une héroïne de conte de fée (►
postlogie-f114/comment-rey-boucle-son-voyage-de-l-heroine-dans-tros-t20403.html). A la réflexion, je me demande si
TROS ne transforme pas cet archétype en stéréotype en limitant son héroïne à ses facultés instinctives et à sa compassion. L'héroïne ne serait ainsi que compassionnelle, instinctive et pragmatique, mais pas vraiment stratège, ni capable de penser ses actions et celle des autres. Un paradoxe pour un film supposément "féministe".
Ou alors cette postlogie est totalement méta et veut nous raconter l'histoire de Kathleen Kennedy chez Lucasfilm depuis 2012
Lorenki a écrit:100% d'accord avec toi DRIII. Cette idée de mal "humain" on la retrouve dans la dernière saison de GoT où les Marcheurs blancs ne s'avèrent être que des chimères et où le véritable Mal s'avère être les humains et leurs ambitions, pas une figure mythique surnaturelle. Et ça aurait pu superbement bien fonctionner pour la postlogie avec Hux et Kylo Ren, Hux incarnant le mec blessé dans son orgueil par les humiliations de Kylo Ren lui vouant pour cela une haine et une jalousie féroces, et de l'autre Kylo, le leader rempli de doutes toujours plus en conflit avec lui-même et incapable d'assumer ce rôle qu'il s'est choisi. La Résistance montrerait au contraire des gens capables de laisser leurs ambitions de côté er de s'allier pour un but commun et qui ferait ainsi le poids face au PO. On resterait dans les valeurs de Star Wars sur l'importance de l'amitié et de l'union mais en amenant celles-ci de façon différente.
La comparaison avec GoT est intéressante.
Mais dans un sens, c'était aussi ce que nous disait l'OT. Une fois que Vader reprend conscience de qui il est, renoue avec son humanité, Palpatine n'est plus ce sorcier surpuissant et effrayant. Il le saisit et le balance dans le puits comme une vulgaire poupée.
C'est aussi ce qu'essaie de nous dire la prélogie. Le Mal se nourrit de nos propres renoncements, de nos propres ambitions, de nos propres névroses. Après, je trouve que le "complotisme" de la prélo dilue un peu trop les choses. J'aurais personnellement préféré un Palpatine moins stratège et plus opportuniste dans la prélo.
Et là, dans un sens,
TROS renoue avec le "complotisme" de la prélo, avec un Palpatine méga-puissant, tapi dans l'ombre depuis le départ, attendant son heure. Bon après son plan est assez peu lisible dans
TROS