Petite nouvelle que j'avais envie d'écrire depuis longtemps et que je me suis dit que je posterais. J'espère qu'elle vous plaira !
Avec difficulté, Ark’tan se hissa sur une banquette à moitié tachée et s’y assit en travers, le dos posé contre le mur et un bras étalé sur une table crasseuse. Il était épuisé et ses membres tremblaient de fatigue. Il posa une main sur sa tunique poisseuse de sang. Il avait été touché, et à plusieurs reprises. Cette fois, il ne s’en sortirait probablement pas. Le souffle court, il ferma les yeux un instant et s’autorisa un répit.
Autour de lui, la cantina avait été complètement saccagée. Des impacts de tirs de blasters ornaient désormais les murs aux couleurs criardes. Au sol, les quelques clients qui n’avaient pas pu s’échapper se mélangeaient aux clones tombés au combat dans un amas de corps sans vie. Ark’tan les observa un à un. Ici, un homme s’était effondré sur une chaise. Là, un clone reposait, assis au sol contre une banquette, les mains serrées sur son fusil-blaster, inanimé. De l’autre côté du comptoir avait roulé une tête encore casquée. Il détourna le regard.
Sa jambe glissa de la banquette et son pied botté toucha le sol. Ark’tan serra les dents. Il avait été touché à la cuisse et la douleur se répandit brutalement dans tout le membre. Il ne prit pas la peine de se rassoir correctement. Sur la table voisine de celle où il s’était affalé, reposait sa bure de Jedi. D’un brun clair, elle avait été relativement épargnée par les combats. Il avait même oublié qu’il l’avait laissée là. Tout s’était passé si vite.
Et puis, en tournant la tête, Ark’tan vit Tripp s’installer sans un bruit sur la banquette en face de lui. Il semblait épuisé. Seule la table les séparait. Son armure, striée de bandes d’un marron douteux, était également noircie à de nombreux endroits. Il ôta lentement son casque à visière et découvrit un visage fermé. Seule une ancienne blessure le long de sa tempe témoignait des effets que les combats passés avaient eus sur lui. Ark’tan savait que ces dernières années n’avaient pas été tendres avec lui. Le clone le fixa d’un regard tiraillé. Il avait gardé son arme en main.
- C’est terminé, Général, fit Tripp d’une voix fatiguée.
Ark’tan n’eut pas la force de hocher la tête. Il se contenta de la tourner un peu plus en direction du clone. Contrairement à ses camarades, Tripp n’aimait pas se différencier du modèle original. Ses cheveux bruns et légèrement drus étaient coupés en brosse, sa peau à peine plus foncée que celle d’Ark’tan. Seule une large cicatrice en travers du menton, obtenue sur Muunilinst, faisait la différence avec ses frères d’armes. Il tenait à son matricule et c’était Ark’tan qui avait insisté pour qu’il adopte le surnom de Tripp, beaucoup plus facile à hurler au milieu d’un champ de bataille.
Depuis combien de temps se connaissaient-ils à présent ? Deux, trois ans ? Ark’tan se souvenait encore du moment où il avait posé le pied sur le Tempête, lorsqu’il avait rencontré Tripp. Il s’était passé tellement de choses depuis ce moment-là. Telle une vague incontrôlable, les souvenirs affluèrent. Ark’tan sourit. Ce simple geste lui provoqua une toux violente. Il cracha le sang qui lui restait dans la bouche. En face, Tripp n’avait pas bougé, le dos bien droit, le casque posé à côté de lui.
- Tu te souviens de la mission sur Ord Mantell, Tripp ? La République venait de reprendre la planète.
La référence arracha un sourire au soldat. Il passa une main gantée sur son front et son regard brun se perdit dans ses souvenirs.
- Vous aviez passé la soirée à boire autour d’un feu, poursuivit Ark’tan.
Tripp eut un rire franc, suivit d’une toux rauque caractéristique.
- Jay avait tellement bu qu’il ne vous avait pas vu arriver, se souvint le clone. Il dansait sur un caisson d’armement en chantant vos louanges approximatives, ajouta-t-il dans un sourire.
Ark’tan sourit lui aussi. Un sourire triste, plein de regrets. Il se souvint de Jay, avec son crâne mal rasé et son humour douteux. Il reposait certainement dans une position peu honorable, dans un coin de la cantina où Ark’tan ne pouvait pas le voir. Il avait été blessé. Respirait-il encore ? Ou bien s’était-il étouffé dans son propre sang ?
Le regard que lui lança Tripp suffit à lui donner une réponse. Ark’tan le vit ramener son blaster devant lui, presqu’à contrecœur. Ark’tan pouvait le vaincre. Il lui suffisait de rappeler son sabre à lui. Et ensuite ? Aucun d’entre eux ne s’en sortirait. Il irait mourir seul, dans la rue, s’il arrivait toutefois à sortir de la cantina. Tous ses semblables avaient été trahis et tués. Personne ne viendrait le sauver cette fois-ci.
Il jeta un regard à Tripp. Ils se connaissaient trop bien, ils avaient vécu trop de choses ensemble. Ils étaient devenus frères d’armes. Ark’tan s’était défendu face au bataillon complet. Mais Tripp…. Il ne l’avait jamais considéré comme un soldat. C’était un être humain. C’était son ami. Il ne le combattrait pas.
- Je suis désolé pour vos hommes, Commandant, dit-il.
Le clone posa le poing sur la table, le canon de son blaster en direction du Jedi.
- Moi aussi, Ark’tan. Moi aussi.
Et il tira.