J'espère être à la hauteur. Je vous remercie sincèrement pour vos encouragements à vous deux.
A vrai dire, j'ai un peu peur de m'être embarqué dans un projet pas si simple...
On verra bien.
Voici en tout cas le premier chapitre.
Vous souhaitant une bonne lecture.
Chapitre 1 : Origines
Un soleil de plomb, très haut dans le ciel, assommait une vaste vallée de ses rayons brûlants. Même les hautes montagnes de part et d'autre ne parvenaient à projeter une ombre suffisante pour rafraîchir les environs.
- Il n’y a rien d’intéressant ici, pesta Needo avec une voix dotée d’un fort accent et qui modulait dans les aigus. Vous êtes vraiment sûr qu'on ne s’est pas trompé d’endroit, Professeur ? En plus on crève de chaud et on n’est pas assez nombreux pour couvrir tout ce terrain…
Needo était un jeune rodien, dans la vingtaine. Légèrement vêtu, une simple veste en toile beige, la sueur dégoulinait le long de sa peau écailleuse. Assis en tailleur, il portait de larges lunettes protégeant ses yeux globuleux de la poussière ambiante. Il tenait entre ses mains un bloc de terre qui recouvrait encore la majeure partie de ce qui semblait être un artefact ancien. À l’aide d’un stylet-laser bon à jeter au rebut, il retirait minutieusement couche après couche, la terre qui enveloppait l'antiquité. À en juger par sa forme et par les inscriptions gravées dessus, c’était une poterie qui devait remonter aux tout premiers âges de la République, il y a de cela près de 1 000 ans. Un objet certes ancien donc, mais qui était loin d’être rare au point de retrouver des spécimens similaires dans de nombreux musées de la Galaxie. Rien qui ne pouvait bouleverser l’Histoire officielle des Mondes du Noyau, hélas.
- Needo, tu savais très bien à quoi t’attendre en rejoignant l’équipe, répondit Luthen. Et vous autres aussi d’ailleurs, ajouta-t-il en balayant d’une traite de son regard pénétrant son équipe composée d’une trentaine d’étudiants.
Ils étaient tous accroupis au milieu de divers empilements et alignements de pierres, vestiges témoignant d’un monde ancien. Des murets, des pieds de colonnes, des restes de puits. Tout cela avait bien un intérêt archéologique, mais c’était loin d’être suffisant pour Luthen. Il voulait davantage, il voulait autre chose. La poussière venant du sol, aux reflets mauves, dansait au gré du vent sous le soleil rouge de la planète Kuat. Les particules de terre et de silice s’infiltraient dans les narines et imprégnaient les vêtements avec une odeur terreuse pas des plus agréables. Mais tout le monde était logé à la même enseigne à ce niveau. Une odeur “démocratique” se plut à penser Luthen.
Sur ce terrain de plusieurs hectares, toute l’équipe s’affairait à déblayer les gravats, à creuser le sol par strate, à extraire le moindre objet qui pouvait renvoyer à de la civilisation pour ensuite le nettoyer, l’inventorier et le stocker. Une petite armée besogneuse et dévouée à faire progresser la connaissance, dirigée au millimètre par Luthen.
Mais la chaleur était étouffante, à la limite du supportable, que seule une rivière non loin du site de fouilles permettait de limiter de quelques degrés. Elle serpentait à travers la chaîne de montagnes, fertilisant les plaines verdoyantes par son limon, adoucissant les roches dures en quartz et en granit, caressant les berges fleuries en centaurée où prospérait une faune insoupçonnée de mylodons, drochs et autres insectes en tout genre. Le tout sur des centaines de kilomètres avant de se jeter dans un dernier élan dans un océan turquoise de la planète Kuat.
À sa surface, Kuat semblait une planète paisible, préservée de l’urbanisation galopante et de l’industrialisation à tout crin qu’on observait que trop souvent dans les Mondes du Noyau et dont le paroxysme était atteint avec Coruscant, la capitale de l’Empire. Mais les apparences pouvaient être trompeuses. Kuat n’était paisible qu’en apparence.
Assis sur une chaise, portant un chapeau qui en plus de le protéger des ardeurs du soleil, avait l’élégance de dissimuler une calvitie naissante, malgré un âge encore flatteur, 33 ans. Il s’essuya le front avec sa main droite, ce qui ne suffisait pas à arrêter toutes les gouttes qui s’écrasaient une à une sur l’écran de son datapad.
Depuis des heures, il faisait défiler les informations que son équipe avait collectées sur le site, à la recherche d’un indice qui permettrait de localiser le tombeau de Salun Sikwat, le premier roi de la planète à l’histoire si incertaine qu’il était considéré comme un mythe. Mais jusqu’à présent, les fouilles qui avaient démarré il y a un mois ne donnaient toujours rien sur cette période.
Pour se changer les idées, Luthen leva les yeux au ciel d’un bleu immaculé, ou presque. Seul un détail, à la limite du perceptible, dénotait dans cet aplat d’azur. Une ligne brillante, continue, séparait la voûte en deux à son zénith.
Au-dessus de l’équateur, à des milliers de kilomètres d’altitude, Kuat dévoilait son vrai visage. Un monde totalement métallique, fait de titanium et de duracier, qui en un anneau gigantesque encerclait toute la planète. Plongées dans le vide spatial, des lumières artificielles aux teintes bleutées dessinaient des lignes géométriques, tandis que d’autres, rougeâtres, plus éphémères, jaillissaient comme des geysers puis s’effondraient pour mieux renaître dans un cycle sans fin.
Les chantiers navals de Kuat Drive Yard tournaient à plein régime. Sur l’une des chaînes d’assemblage à ciel ouvert, on pouvait distinguer une armature triangulaire aux dimensions gigantesques, typique des nouveaux destroyers stellaires de l’Empire.
Bien qu’il ait toujours existé quelques concurrents à Kuat Drive Yard dans la construction de vaisseaux spatiaux en général, il était évident que sur les gros tonnages ils bénéficiaient d’un quasi-monopole. Déjà, sous la République, les chantiers de Kuat étaient les seuls mandatés à produire les destroyers stellaires de classe Venator, fers de lance dans la lutte contre les Séparatistes durant la meurtrière Guerre des Clones. Et lorsque vint l’Empire, ce privilège ne disparut pas. Bien au contraire. Les besoins démesurés de la Marine Impériale l’avaient poussé à sécuriser ses contrats avec ses fournisseurs, dont notamment, Kuat Drive Yard. L’exclusivité de l’entreprise sur la production des destroyers stellaires ne fut que confirmée et renforcée via un contrat signé de la main même du Grand Moff Tarkin. Contrat connu aussi comme le “Contrat du Siècle”. C’est ainsi que sous la République ou l’Empire, peu importe le gouvernement ou le régime politique, Kuat Drive Yard n’aurait sans doute jamais à se soucier de son avenir qui était limpide.
Son passé par contre était plus nébuleux, et d’aucuns se demandaient comment ce chantier naval avait pu voir le jour compte tenu de son gigantisme et des technologies nécessaires pour le construire. Pourtant, aussi loin qu’on pouvait remonter dans l’Histoire connue de la Galaxie, les chantiers de Kuat avaient toujours existé. Un mystère. Certaines théories, certes très douteuses, faisaient appel à l’intervention d’une très ancienne civilisation qui aurait apporté au peuple kuati les moyens et le savoir-faire pour une telle entreprise. Mais de cela, aucune trace écrite, aucun vestige, n’avait été trouvé jusqu’à présent.
Datapad à la main, tout en relisant ses notes, Luthen fit le tour de ses étudiants pour s’assurer que tout allait bien. Enfin, ça ce serait l’excuse officielle. En vérité, Luthen brûlait de voir Irine. Il en avait besoin.
Il passa devant Marna, une gamoréenne de petite taille et boulotte, même pour les standards de son espèce, discrète, voire même craintive, à mille lieues de l’image téméraire et impulsive habituellement renvoyée par les tristement célèbres mercenaires gamoréens. Rien à signaler de son côté. Sa parcelle ne recelait pour le moment d’aucun trésor archéologique.
En continuant de marcher, Luthen croisa un groupe de trois Toydariens, ailes baissées, à quatre pattes, grattant le sol à l’aide de truelles pour mettre à jour une voie pavée de marbre. Ils avaient l'air si absorbés que Luthen n’osa pas les déranger et poursuivit son chemin.
À mesure qu’il avançait que ses pensées se faisaient moins claires, plus confuses. Son rythme cardiaque s’était accéléré. C’est à peine s’il prêta attention à Lorence, un Ranat, une espère aux allures de rongeur bipède recouvert de poils longs et soyeux. Il triait ce qui ressemblait à des ustensiles de cuisine d’un temps révolu. Les pas de Luthen se voulaient plus prompts, mais il se retint. Il se devait de rester professionnel, se dit-il.
Luthen inspira profondément. Toujours cette odeur irritante de terre et de poussière, omniprésentes. Mais il y avait autre chose. Une note olfactive nouvelle se détachait de l’ensemble. Une fragrance douce et délicatement sucrée, caractéristique de la fleur de nuit qui poussait dans les déserts comme Jakku. Ce parfum n’était pas étranger à Luthen.
Inéluctablement attiré, Luthen arriva devant une jeune femme vêtue d’étoffes légères, cheveux blonds, ondulés, dessinant des vagues dorées jusqu’en bas du dos. Elle se retourna vers lui. Ses yeux verts jade grands ouverts pétillaient. Un bref instant passa. Luthen la contempla, puis se racla la gorge.
- Où en est-on, Irine ? demanda Luthen d’une voix faussement autoritaire.
La jeune femme lança un sourire narquois au professeur.
- C’est pas fameux, mais je suis peut-être sur une piste. Par contre, j’aurai sans doute besoin de l’aide du droïde sonde.
- Ça ne devrait pas poser de problème. Mais quelle est donc cette piste ? interrogea Luthen réellement intrigué.
- Je ne sais pas trop, mais je suis tombé sur ce sceau, dit-elle, en pointant du doigt les vestiges d’un mur de pierre sur lequel était gravé un entrelacement de symboles cryptiques pour le profane.
Luthen se pencha, plissant des yeux, le visage perplexe.
- À première vue, on dirait un sceau familial kuati tout ce qu’il y a de plus ordinaire, milieu bourgeois, datant de la République, il y a 500 ans je dirais. Mais certains détails ne collent pas.
- C’est exact, enchaîna Irine. Vous voyez, le nom de la lignée est inscrit dans un cartouche, qui en principe est réservé à des dignitaires de plus haut rang.
- Oui, de bien plus haut rang, murmura Luthen, un peu troublé.
- Comme si un sceau plus récent avait été inscrit par-dessus un sceau plus ancien, compléta Irine qui avait du mal à dissimuler son excitation.
- Il y a une piste en effet, admit Luthen. Puis, il marqua une pause et se retourna. Qu’on amène ici le droïde sonde ! Et que ça saute !
***
Dans une salle blanche, bien éclairée, huit personnes étaient assises autour d’une table circulaire. Tous étaient habillés d’un costume blanc impeccablement taillé, droits comme des “i” dans leur fauteuil, sans dire un mot. La porte s’ouvrit, et une neuvième personne rentra. Tous les autres se levèrent aussitôt.
Cette discipline, cette obéissance, cette autorité, ce statut dont il jouissait désormais, tout cela ravissait Ishin-Il-Raz, Directeur du Comité pour la Préservation de l’Ordre Nouveau, plus communément appelé COMPORN. Sans ascendance particulière, parti de rien, en quelques années il avait pourtant acquis une position on ne peut plus enviable dans l’administration de la Galaxie. Peu d’autres personnes pouvaient s’en targuer. “Les idées sont plus fortes que les armes” se plaisait-il à dire à ses collaborateurs.
Après avoir enjambé les quelques mètres qui le séparaient de son fauteuil, il s'y enfonça, puis fit signe à son assemblée de l’imiter. Tous les autres s’assirent de concert.
Bien, messieurs. Tout d’abord, je tenais à vous annoncer que la cérémonie d’inauguration du COMPORN la semaine dernière a été un franc succès. Près de 15 millions de Coruscantis se sont rendus sur place, et nous avons été suivis par non moins de 95 milliards de personnes sur l’Holonet. Des retours que j’ai pu avoir, l’Empereur était ravi.
Partagaz présent avec ses collègues autour de la table était toujours agacé par la tendance à l’autocongratulation de son supérieur. Celui-ci avait dû jubiler lors de son discours devant une si grande audience.
- M. Partagaz, interpela Ishin Il-Raz, interrompant les pensées de son subordonné. Vous avez l’air songeur. Avez-vous des nouvelles à nous partager ?
- Et bien, comme vous le savez, des manifestations étudiantes ont éclaté un peu partout lors de la proclamation de l’Empire. La police a beau réprimer sévèrement ces initiatives parfaitement illégales, il n’en reste pas moins qu’au lieu de s’estomper, elles prennent de l’ampleur. Actuellement, mon équipe est à la recherche des leaders de ce mouvement.
- Avez-vous des pistes ? demanda le Directeur visiblement intéressé.
- Possiblement, répondit Partagaz d'un ton neutre. Mais je préfère réaliser quelques vérifications d’usage avant de vous faire une présentation détaillée.
Ce qu’omettait de dire Partagaz, c’est qu’il se méfiait par-dessus tout de ses collègues qui n’hésiteraient pas à lui mettre des bâtons dans les roues ou chercheraient à récupérer une partie de son travail. De cela, il n’en était pas question.