Allez, c'est reparti !
Sommaire >>Chapitre suivant>>Prologue Quatre semaines après la proclamation de la Fédération Impériale. Le crépuscule tombait déjà sur Coronet quand le speeder arriva à destination. L'engin au profil élégant ralentit progressivement jusqu'à s'arrêter totalement sur le parvis menant à l'entrée du restaurant. Aussitôt, deux agents de sécurité approchèrent pour accueillir leur prestigieux client.
Jan Stefside s'extirpa du véhicule avec difficulté. Ces derniers jours, sa hanche le faisait souffrir comme rarement auparavant. Il devait consulter son médecin, mais il n'avait pas encore eu le temps de le faire ; ses journées toutes entières étaient consacrées aux négociations en cours.
Encadré par les deux vigiles aux aguets, il gagna rapidement la porte qui s'ouvrit devant lui. Huit serveurs l'attendaient en formant une haie d'honneur ; le directeur de l'établissement en personne se tenait face à lui pour le recevoir.
Si le Diktat pense que tout ce décorum suffira pour que je me range à ses vues, il se met le doigt dans l’œil, songea Stefside avec un dégoût qu'il camoufla au plus profond de lui-même.
Tout ce qu'il laissa voir à son hôte fut un sourire de circonstances, aussi chaleureux que sincère.
— Le Nova Nova vous souhaite la bienvenue, annonça le directeur en s'inclinant légèrement. Votre table vous attend.
— Merci, répondit Jan avec un signe de la tête.
Il répondit à l'invitation de l'homme en le suivant dans leur parcours entre les tables déjà occupées. Il remarqua qu'on se retournait sur son passage ; soit il était déjà connu, soit il ne tarderait pas à l'être... Les clients du Nova Nova venaient de l'élite de la société corellienne. Obtenir une réservation dans l'établissement nécessitait généralement de s'y prendre plusieurs mois à l'avance ; mais quelques privilégiés, comme Jan, pouvaient en obtenir une sur demande quand bon leur semblait.
Il arriva finalement à sa table habituelle, où l'attendait déjà son invité du soir - sans doute le plus intéressant de tous ceux qu'il avait rencontrés au cours du mois écoulé. Il lisait un holojournal et ne releva la tête que lorsque Jan s'assit face à lui.
— Vous êtes en retard, remarqua-t-il avec sa voix tranchante.
— C'est exact. Veuillez m'en excuser.
L'holojournal s'évanouit alors, permettant à Stefside de regarder son interlocuteur dans les yeux.
— Je suppose que le Diktat y est pour quelque chose ?
— C'est un euphémisme. Il est... réticent à écouter les positions contraires à ses convictions.
— Daclif Gallamby a toujours été un imbécile, répondit Rostek Horn en buvant une gorgée de vin.
Émettre un tel avis à voix haute était un crime de haute trahison, mais ce n’était pas le genre de considérations qui arrêtaient l’ancien dignitaire de la CorSec. Horn avait la réputation d’être un homme dangereux, capable de causer des ennuis à n’importe quel ponte du système… Et tous s’arrangeraient pour qu’il reste en vie le plus longtemps possible, au cas où. Il avait suffisamment laissé entendre que des dossiers supposés perdus pourraient réapparaître s’il disparaissait prématurément.
Reposant son verre, il désigna la table.
— J'ai passé commande pour moi ; on m'a dit que c'était déjà fait pour vous.
— J'ai mes habitudes au Nova Nova. L'omelette tralusienne est mon plat préféré... J'en prends toujours une quand je viens ici le soir. Le midi, je varie.
— C'est ce qu'on appelle être fidèle à un plat.
— Ma foi, j’aime tellement cette omelette que si je devais un jour être condamné à mort, c'est ce que je demanderais à avoir comme dernière volonté !
Ils rirent ensemble, même si pour Stefside, accablé par la fatigue de la journée, le cœur n'y était pas.
La réputation d’efficacité des serveurs du Nova Nova n’était pas usurpée : Stefside était assis depuis moins de trois minutes quand l’entrée fut déposée devant eux. Ils la dégustèrent en entamant une conversation sur les nouvelles de Coronet : travaux de voirie, résultats sportifs, et même quelques potins sur leurs connaissances communes. Le plat suivit en silence, l’ambassadeur savourant avec délégation sa fameuse omelette.
— Alors, reprit Horn au moment où le dessert arrivait, vous aviez dit vouloir me parler… Et j’imagine que vous avez d’autres sujets de conversation que ceux qui nous ont occupés jusqu’ici.
— Oui, Rostek, en effet.
Stefside estima inutile de prendre des pincettes ; Horn n'était pas sensible à la flagornerie.
— Vous savez sans doute que je coordonne des négociations entre le Diktat et la Fédération Impériale...
— Tout le Clair Ultime ne parle que de ça.
— Vraiment ?
— Le club se dispute sur la position à suivre : l'adhésion, l'indépendance à tout prix, un statut particulier...
— Et vous... ?
Horn mit un certain temps avant de répondre. Il but une autre gorgée de vin, reposa son verre, le fit tourner entre ses doigts.
— Mon petit-fils est un pilote de la Nouvelle République, rappela-t-il. Ma position n'est pas objective.
— Je le sais.
— Ce... Comment s'appelle-t-il, déjà ? Poldrei ? Il a peut-être de bonnes intentions, mais l'Empire reste l'Empire. Je ne le porte pas vraiment dans mon cœur. Il combat mon petit-fils et a libéré le meurtrier de mon fils.
— Je le comprends, Rostek.
Il hésita, puis ajouta :
— Je me souviens parfaitement de Nejaa.
Le regard de Horn se fit glacial.
— J’ose espérer que vous vous souviendrez aussi de votre promesse à ce sujet.
Oh, il s’en souvenait, évidemment. Jan Stefside gardait un excellent souvenir de la période d’incertitude qui avait suivi la bataille de Coruscant, puis la chute de l’Ordre Jedi et la proclamation de l’Empire. Quelques jours à peine au cours desquels le sort de la galaxie avait définitivement basculé. Comme la plupart des Corelliens, il n’avait connu la Guerre des Clones que de loin. Il avait espéré que le conflit épargnerait son secteur natal, qui rejoindrait à nouveau la République une fois les hostilités achevées. N’était-ce pas ce que Corellia avait souvent fait, pendant les conflits alsakanis ?
Mais Palpatine avait changé les règles. Pendant les jours qui avaient suivi son annonce, le flou le plus total avait régné sur la planète. Qui gouvernait ? Le sénateur en place, Garm Bel Iblis ? Le Diktat, Dupas Thomree ? Ou même le gouverneur nommé par la République-devenue-Empire, Fliry Vorru ?
C’est pendant cette période d’incertitude que le commissaire Horn était venu trouver Stefside, jeune officier administratif de la CorSec doté d’un accès bien utile à l’état-civil de Coronet. Jan n’avait pas mis longtemps avant d’accepter la requête. S’il ne connaissait pas Halcyon autant que Rostek Horn, il avait travaillé avec lui sur une mission, suffisamment longue pour qu’il en vienne à estimer le Jedi.
Et, pour achever de le convaincre, le commissaire avait sous-entendu qu’il pourrait donner un petit coup de pouce à son ascension.
On peut dire qu’il a tenu parole, songea Stefside en se remémorant son parcours. Promu assistant personnel du Diktat Dupas Thomree, il avait été choisi pour représenter Corellia sur Coruscant suite à la disgrâce du sénateur Spince. Il y était resté après la chute de l’Empire, jusqu’à l’avènement d’Isard… Un parcours de choix pour un modeste bureaucrate de Coronet.
— Je sais ce que ce secret vaut, et je sais ce que je lui dois, annonça-t-il tout de suite pour tempérer l’hostilité inquiète de Rostek Horn. Je n’en ai jamais parlé à quiconque. Mais ce que je sais également, c’est que la situation a changé. Carth Poldrei n’est pas hostile aux Jedi. Il en a côtoyé un autrefois, et il ne croit pas aux horreurs qui ont été dites à leur sujet. Il n’y aura pas de nouvelle Purge si le Diktat adhère à la Fédération, bien au contraire.
— Permettez-moi de rester prudent à ce sujet. J’en ai trop vu pour me fier simplement à la nature humaine et aux espoirs de mes amis.
— Je comprends, répondit Stefside en inclinant la tête en signe d’acceptation.
— Tant mieux. Donc, la raison de votre invitation… ?
Opiniâtre, le vieil homme restait focalisé sur son sujet. L’ambassadeur serra les dents, jeta un discret coup d’œil aux alentours et se pencha vers son interlocuteur, croisant les doigts pour que son brouilleur de capteurs sonores fonctionne.
— Le Consul m’a demandé de faire adhérer Corellia à la Fédération, mais j’ai l’impression de ne pas avancer d’un iota, avoua-t-il à voix basse. Gallamby parle beaucoup, mais j’ai l’impression que son esprit est ailleurs et qu’il me tient occupé pendant que ses fidèles livrent une autre lutte. Je suis hors-secteur depuis bien trop longtemps pour savoir ce qui se trame dans les coulisses à Coronet. Et vous êtes l’un des meilleurs connaisseurs de la politique corellienne, grâce à vos réseaux.
— Je l’étais, corrigea Horn. Depuis la dissolution de la CorSec, mon influence s’est considérablement réduite. J’ai assez peu de contacts au sein du Service d’Ordre Public.
— Je ne peux pas croire que vous êtes sur le carreau, contra Stefside. Ce n’est pas votre genre.
Horn le regarda intensément, comme s’il se livrait à une évaluation approfondie.
— Pourquoi vous aiderais-je à lutter contre mon petit-fils ? demanda-t-il finalement.
— Cela n’a rien…
— Cela a tout à voir, trancha Rostek Horn. J’ai peut-être perdu de mon influence ici, sur Corellia, mais je garde des informateurs hors-monde qui m’aident à voir au-delà des bulletins officiels du Diktat. La Fédération a peut-être remporté de grandes victoires sur la Nouvelle République au-dessus de Kuat et Bilbringi, mais depuis, c’est le statut quo. Ces batailles ont coûté cher.
— L’offensive a été stoppée le temps que de réorganiser nos forces, expliqua Stefside.
— Et elle reprendra d’autant plus vite si Corellia et ses colonies se joignent à la Fédération, n’est-ce-pas ?
— Je l’ignore. La stratégie n’est pas mon domaine. Tout ce que je peux vous dire, c’est que le Consul Poldrei ne veut pas l’extermination des partisans de la Nouvelle République. Il prône bien au contraire la réconciliation de la galaxie, mais sous un système différent qui ne risque pas de s’effondrer à la première crise interne. Si vous avez des nouvelles de la Fédération Impériale, vous devez bien en avoir de la Nouvelle République, non ? Vous savez ce qui se passe sur Coruscant ?
— J’ai eu quelques échos, en effet.
— Si les choses ne s’arrangent pas, il y aura bientôt une guerre civile au sein même de leur hiérarchie.
— Vous présumez peut-être un peu vite…
— Mais vous savez comme moi que Bel Iblis n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Si quelqu’un est capable d’aller jusqu’au bout, c’est bien lui.
Horn fut contraint d’acquiescer.
— Très bien, je vais vous apporter un peu d’aide. Vous avez raison, il se trame quelque chose. Quelque chose de gros. J’ignore encore précisément de quoi il s’agit, mais les indices se multiplient.
— De quel genre ?
— Des disparitions de matériel et d’hommes, quelques assassinats qui, pris séparément, ne veulent pas dire grand-chose, mais vont dans un même sens quand on lit entre les lignes… Il y a quelqu’un qui veut prendre le dessus sur Gallamby. J’imagine qu’il lit les signes, lui aussi. Il a planifié le meurtre de Thomree…
— C’est ce que dit la rumeur…
— C’est ce que confirment mes sources, corrigea Horn. Il a planifié ce meurtre et comprend qu’un complot est en cours contre lui. Quelques-uns de ses partisans les plus fidèles sont tombés malades, d’autres ont connu une fin tragique. Le dernier carré des fidèles reste à ses côtés, mais les autres se font très discrets. Ils doivent sentir que le vent tourne.
— De quel côté ?
— Bonne question, mais je ne peux pas vous répondre. Je pense que le complot est mené par des Corelliens, mais avec l’appui d’une puissance extérieure. Ce n’est pas le genre de la Nouvelle République de pratiquer l’assassinat… Vous êtes sûr que votre Consul n’est pas sur ce coup ? Il semble être coutumier du fait, à présent.
Stefside fronça les sourcils. L’allusion à peine voilée que Horn venait de faire à l’opération Renaissance – l’exécution des principaux Seigneurs de Guerre voisins du territoire impérial pour annexer leurs possessions – le mettait face à ses propres doutes. Même s’il comprenait les arguments de Poldrei sur cette action, il en désapprouvait le principe, car elle compliquait à présent toutes les négociations qu’il pouvait engager. C’était assurément une tâche indélébile sur le certificat de naissance de la Fédération Impériale. Il espérait néanmoins qu’elle s’estomperait avec le temps.
— Je lui poserai la question, assura-t-il, sarcastique.
Cette fois, Horn ne semblait pas réceptif à l’humour.
— En attendant d’avoir la réponse, méfiez-vous, conseilla-t-il. Dans les coulisses de Coronet, on meurt moins souvent d’un tir de blaster en pleine face que d’un coup de poignard dans le dos.
* *
*
Stefside songeait encore aux paroles d’avertissement de Rostek Horn en arrivant en vue de sa suite. Avançant à un rythme modéré, pour ne pas forcer sur sa hanche souffrante, il approcha de la porte et glissa dans la serrure son cylindre d’identification.
— Bonne nuit, messieurs, lança-t-il à l’intention de ses gardes du corps avant de prendre congé.
Les deux hommes allaient passer la moitié de la nuit à veiller à l’entrée de la chambre, avant d’être relayés par une nouvelle équipe qui assurerait la surveillance jusqu’à l’aube. Tous faisaient partie du détachement qui assurait sa sécurité depuis le début de cette mission de négociation.
Il traversa l’antichambre d’un pas lent en retournant dans sa tête ce qu’il avait appris le soir même. Ainsi, Gallamby était bien responsable de la mort de Thomree… Et il craignait à présent de subir le même sort.
Malgré les allégations de Rostek Horn, Stefside ne soupçonnait pas Poldrei de mener un double jeu. Le Consul n’avait aucun intérêt à agir ainsi à présent… À part s’il soupçonnait Gallamby de s’opposer à toute idée de ralliement à la Fédération Impériale.
L’inquiétude avait fait naître un début de migraine, et il songea avec agacement qu’il allait sans doute devoir prendre quelques cachets pour pouvoir dormir sereinement. Il franchit les portes menant à son bureau, lequel donnait accès à la chambre.
La pièce était plongée dans la pénombre, à peine éclairée par la vie nocturne de Coronet, bien moins flamboyante qu’autrefois. L’éclairage automatique semblait en panne. Jan Stefside soupira et reprit sa laborieuse progression, passant devant sa massive table de travail.
Il était arrivé au milieu de la pièce quand il perçut un mouvement sur sa gauche – derrière le bureau. Une ombre s’éleva, occultant un peu plus la lumière venue de l’extérieur.
L’ambassadeur sentit son cœur battre à toute vitesse.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il sous le coup de la surprise.
Puis, d’un ton plus autoritaire, il ajouta :
— Je vais appeler la sécurité !
La remarque amusa l’inconnu, qui lâcha un gloussement.
— Je vous en prie, n’en faites rien, dit-il d’un ton badin qui ne laissait paraître aucune inquiétude.
Stefside, lui, sentait sa tension monter en flèche. Il porta la main à sa ceinture pour saisir son comlink… Mais se trouva incapable d’achever son geste. Malgré toute la volonté qu’il y mettait, il ne parvenait pas à toucher l’appareil.
— J’ai dit : n’en faites rien, reprit l’inconnu.
Il s’éloigna du fauteuil dans lequel il avait attendu, au cœur de l’obscurité, pour s’approcher de son interlocuteur désormais terrorisé. Comme il contournait le bureau, une lueur soudaine illumina la pièce et dévoila à Stefside les traits d’un homme plutôt jeune, aux cheveux sombres et touffus. Il portait une veste de pilote noire sur une combinaison de vol à peine plus claire.
— Vous ignorez qui je suis, n’est-ce pas ?
— Vous ne vous êtes pas présenté.
— Mon nom est Sedriss, indiqua l’intrus.
Il se fendit d’un sourire qui aurait pu être charmant si le contexte n’avait pas été aussi inquiétant.
— Vous ne l’avez sans doute jamais entendu, poursuivit-il. Comme beaucoup de monde dans cette galaxie. Mais ça changera.
— Vous êtes là pour me menacer, Sedriss ? demanda Stefside en tentant de paraître plus assuré qu’il ne l’était réellement. Vous voulez m’intimider, me faire du chantage ?
— Ce serait amusant, concéda l’homme. Mais une vraie perte de temps…
Il porta la main à la ceinture et en décrocha un cylindre argenté qui fut aussitôt familier au Corellien, même s’il n’avait pas vu cette arme depuis des années. L’ambassadeur sentit la panique le gagner.
— Et mon temps est précieux, décréta Sedriss, catégorique, en activant son sabre-laser.
Sans hésitation, d’un revers nonchalant, il fit partir sa lame écarlate vers la tête de Jan Stefside.
L2-D2 a écrit:Bon, pour 4 d'entre eux, c'est bon. Siveline, c'est bien la fille de Poldrei, pilote au sein des Rogues c'est ça?
Yep !
L2-D2 a écrit:En revanche, Anthara Brenko, ça ne me dit rien... On l'a vu dans le tome 1?
C'était l'assistante du Moff - désormais Consul - Poldrei dans les parties 3 et 4.