Et voilà un long chapitre, que j'avais dans la tête depuis bien longtemps !
<<Chapitre précédant<< Sommaire >>Chapitre suivant>>Chapitre 98 Le long d’un chemin herbeux encadré par d’immenses rangées d’arbres, le speeder avançait rapidement. La végétation, déjà tassée par de nombreux passages, s’aplatissait entièrement à son passage. Ses phares allumés évitaient toute mauvaise surprise dans la lumière diffuse du crépuscule.
Après une longue progression, le véhicule parvint à une clairière s’ouvrant sur une haute barrière, dans laquelle était percé un élégant portail. Un petit groupe attendait au pied d’un des piliers, deux femmes et un homme, tous humains.
Le speeder s’arrêta au pied de la barrière. Les portes du véhicule s’ouvrirent alors, et trois hommes en sortirent, lentement, laissant leur chauffeur seul. Celui de tête – le plus petit des trois – s’avança vers les gardes. Les deux groupes se toisèrent un instant, puis l’une des femmes prit la parole.
— Ça faisait longtemps, Antilles.
Wedge esquissa un sourire.
— Depuis Hoth, au moins. Comment vas-tu, Ors ?
— Je me débrouille.
Elle fit un signe à l’attention de ses agents, qui reculèrent. Elle les suivit un instant du regard, ce qui permit à Corran de la détailler. Elle portait ses cheveux sombres en catogan, et un teint couleur miel qui faisait ressortir ses yeux sombres et brillants.
— Qu’est-ce que tu fais sur Rathalay ? Tel que je te connais, tu n’es pas du genre à prendre des vacances. Surtout en pleine guerre. Et avec une telle compagnie.
Corran poussa un sourire audible.
— Si on était en permission, je viendrais ici avec ma femme, pas mon commandant.
— Je ne peux qu’être d’accord, renchérit Myn Donos.
— C’est une belle bande de rigolos que tu as là, lança Jan Ors, amusée. Mais tu ne m’as pas répondu.
— Je suis venu voir ton « client », expliqua Wedge.
— Il est censé être au secret.
— Je sais. On est passés par le secteur Tapani avant de venir ici.
— Qui t’a aiguillé ?
Wedge eut une moue entendue.
— Je vois, commenta Jan, légèrement agacée. Et je n’aime pas ça. Les Renseignements Impériaux sont toujours à sa recherche pour s’en débarrasser. Il en sait trop... J’ai cinq hommes déployés en permanence, plus un contact en continu avec la base sectorielle.
— Et tu m’as
moi.
Sous le coup de la surprise, ils se tournèrent vers le nouvel arrivant. Émergeant de l’orée de la forêt, un homme solidement charpenté se dirigeait vers eux. Barbe courte et regard perçant, il portait une tenue civile qui semblait plus pratique qu’esthétique. On aurait pu croire qu’il s’agissait d’un banal pilote ; mais son énorme blaster Bryar laissait entrevoir sa vraie nature.
Surtout, il y avait en lui autre chose, que Corran fut le seul à détecter. Une force – la Force ? – se dégageait de lui. Une aura que le Corellien avait ressentie par le passé chez Luke Skywalker, même si elle était ici différente, moins canalisée, moins puissante, plus fuyante.
— Salut, Kyle, lui lança Wedge. J’aurais dû deviner que tu étais là. Corran, Myn, je vous présente Kyle Katarn.
— Des Rogues ? demanda l’homme.
— Corelliens, en plus, confirma Antilles. Officiellement, nous sommes en mission secrète sur Tralus pour des affaires concernant le Diktat.
— Et la vraie raison ?
— Han Solo a découvert l’existence d’un non-humain portant l’uniforme des Grands Amiraux de l’Empire. Et il pense qu’il est à l’origine de nos récents revers.
Jan et Kyle échangèrent un regard.
— Ça ne me dit rien qui vaille, marmonna Katarn.
— Moi non plus, admit Ors. Très bien, Wedge, on va te faire entrer.
Elle le conduisit à l’écart, vers un poste de garde situé sous l’abri des arbres. Myn les suivit ; Corran allait faire de même, mais Kyle Katarn lui fit signe de rester.
— Je me trompe, ou tu n’es pas un simple pilote ? lui demanda l’homme en parlant d’une voix grave et basse pour que nul autre n’entende.
— Je crois que vous n’êtes pas un simple soldat non plus, répondit Horn en pesant ses mots.
Katarn se fendit d’un sourire.
— Bien vu. Je voulais simplement m’assurer que tu en étais conscient. J’avais l’impression que oui, mais je n’en étais pas certain. C’était… Diffus.
— Je n’ai jamais été entraîné.
— Alors, comment le sais-tu ?
— Luke Skywalker me l’a dit.
Le nom fit tiquer son interlocuteur.
— Et il n’a pas essayé de t’enrôler ?
Le souvenir de la conversation avec le chevalier Jedi revint à l’esprit de Corran. C’était sur Coruscant, au sortir de sa captivité… Le soir où il avait déclenché la guerre du Bacta.
— Si. Mais… J’avais d’autres choses à faire… Un serment à respecter.
— Je vois.
— Et vous ?
— Il a aussi tenté de le faire. Mais je ne l’ai pas suivi. J’ai vu ce que la Force peut faire à l’esprit de ceux qui se laissent corrompre par son pouvoir…
Il se tut quelques instants, puis ajouta, d’une voix plus grave encore :
— Certaines connaissances devraient rester disparues à jamais.
L’écho de la voix de Jan Ors se fit entendre alors qu’elle revenait avec les autres Rogues.
— …et avec ça, vous devriez avoir de quoi entrer ou sortir sans problème.
— Merci, répondit Wedge avec des accents de sincérité. C’est vraiment important qu’on puisse lui parler.
— On verra, répondit Jan, visiblement sceptique.
Le commandant ne sembla pas remarquer ses doutes.
— Merci à tous les deux pour ce coup de main.
Avant de remonter dans leur speeder, Corran jeta un dernier coup d’œil à Katarn, qui le salua d’un signe de tête.
Le portail s’ouvrit et le véhicule démarra. Une fois la barrière franchie, le paysage autour d’eux changea du tout au tout. Les arbres avaient disparu, remplacés par une vaste pelouse uniforme qui semblait presqu’irréelle. Elle s’étendait sur des centaines de mètres en pente descendante vers les rivages d’une mer couleur saphir, sauf devant eux où elle épousait la côte menant jusqu’à un vaste manoir de pierre immaculée qui brillait sous les derniers rayons du soleil.
Mais Corran ne s’intéressait pas à la vue. Il songeait à sa brève rencontre avec Katarn.
C’est étrange, pensa-t-il.
C’est un utilisateur de la Force, mais il ne ressemble pas du tout à ce que j’aurais pu croire. Il est très différent de Luke Skywalker… Le speeder arriva finalement sur un petit parvis d’où montait une volée de marches menant au manoir. Les trois Rogues descendirent de leur véhicule et grimpèrent jusqu’à la porte, qui s’ouvrit à leur approche. À sa grande surprise, Corran vit qu’elle n’avait pas été actionnée par un système automatique, mais bien par un être humain en livrée de majordome ! Une vision bien singulière, qui s’accordait pourtant bien au décor antique et luxueux de cet atrium où le marbre régnait en maître.
— Heu… Bonjour, lança Wedge d’une voix peu assurée au serviteur. Nous venons…
— Vous venez pour me voir.
La voix venait d’au-dessus d’eux ; ils levèrent la tête et virent d’où elle venait.
— Votre arrivée n’est pas passée inaperçue, dit l’homme qui les surplombait. Rathalay est une planète superbe, mais de bien peu d’intérêt pour un homme comme vous, commandant Antilles. N’est-ce pas ?
De son visage pâle encadré par des cheveux noir de jais à la coupe parfaite, il ne se dégageait que confiance en soi, même si une touche de curiosité brillait dans ses yeux gris. Il portait une tunique immaculée, seulement agrémentée de quelques filaments dorés ; elle était si rigide qu’il était impossible de ne pas penser à l’uniforme qu’il revêtait autrefois.
— Vous avez raison, lui accorda Wedge, qui semblait d’un coup plus sûr de lui. Nous voudrions vous parler.
Alors, heureux de sentir l’importance qu’il avait aux yeux d’un des héros de l’ancienne Alliance Rebelle, le Grand Amiral Octavian Grant se fendit d’un mince sourire.
* *
*
— Toute mon existence est à présent surveillée par la Nouvelle République, expliqua Grant en remuant délicatement le contenu de sa tasse de thé.
Il était assis dans un fauteuil à haut dossier et faisait face à son auditoire, installé dans un large canapé. Son majordome achevait de servir les boissons à Corran.
— Merci, répondit celui-ci lorsque l’eau chaude atteignit un niveau suffisant.
Il n’avait jamais raffolé de cette boisson, mais les variétés que le Grand Amiral avait à sa disposition étaient vraiment alléchantes. Des feuilles rares, issues de mondes exotiques ou reculés, en côtoyaient d’autres venues des plus grandes plantations ; il y avait même un peu de thé rose d’Aldérande, la version originale, pas celle recréée après la destruction de la planète.
— Ce sera tout, Gevertonn, dit alors Grant en congédiant d’un geste de la main son serviteur.
L’homme s’inclina et sortit de la pièce, refermant soigneusement la porte derrière lui.
— Un excellent majordome, commenta le Grand Amiral. Et un agent rebelle… Pardon, néo-républicain. Comme tous mes visiteurs.
— Vous êtes menacé, devina Wedge.
— Évidemment, répondit Grant, amusé.
Il semblait être plutôt satisfait à cette idée.
— Et ceux de mes anciens amis qui ne veulent pas me tuer ne m’adresseraient plus la parole, de toute façon. Mais je le savais avant de faire mon choix.
Il acheva de remuer son breuvage, et porta brièvement sa tasse à ses lèvres.
— Délicieux, commenta-t-il. Bien. Que voulez-vous savoir, commandant ? À quel sujet me consultez-vous ?
Wedge se pencha légèrement en avant.
— Les Grands Amiraux de l’Empire. Vous êtes sans doute le mieux placé pour en parler…
— Je peux difficilement affirmer le contraire.
— Vous étiez douze, n’est-ce pas ?
Grant but une autre gorgée avant de reprendre la parole.
— Oui.
— Qui avait-il dans ce groupe ? Pourriez-vous nous le dire ?
Il acquiesça lentement.
— Si l’on prend l’ordre alphabétique… Batch, bien sûr. Martio Batch. Un scientifique de génie, spécialiste des technologies de furtivité. Le destructeur d’Aeten II. Il était en disgrâce au moment de la mort de l’Empereur, à cause du sabotage de l’opération TIE Fantôme par vos forces… On dit qu’il est mort trahi par son équipage. Ensuite, il y avait Declann.
Il fronça les sourcils.
— Il y avait des rumeurs autour de Nial Declann, de ses origines, de ses compétences… Certains prétendent qu’il avait été initié aux voies de la Force par l’Empereur ou Dark Vador.
— Vous y croyez ? demanda Corran, intrigué.
Il avait pris les Grands Amiraux pour de simples militaires, mais la description des deux premiers en dressait un tout autre portrait.
— Ceux qui auraient pu répondre à cette question sont morts à Endor, répondit Grant. Declann compris. Ensuite… Ensuite, il y a moi, bien sûr, dit-il avec un mince sourire. Puis Josef Grunger. Vous êtes Corellien, Antilles, n’est-ce pas ?
— Nous les sommes tous les trois, répondit Myn Donos. Les dégâts causés par Grunger et Pitta lorsqu’ils se sont entretués sont encore présents dans nos mémoires.
— C’est compréhensible. Personnellement, j’ai toujours préféré Josef à Danetta, qui n’avait rien d’un militaire. C’était un idéologue, comme Ishin Il-Raz, d’ailleurs. De purs produits du COMPORN.
— Ce que l’Empire a engendré de pire, commenta Wedge.
Corran ne pouvait qu’approuver. Le Comité pour la Préservation de l’Ordre Nouveau était à l’origine des pires débordements de l’ère impériale.
— En matière militaire, sans doute, répliqua Grant, amusé. Il-Raz n’était qu’un agitateur amoureux de l’Empereur. C’est sans doute pour ça qu’il s’est précipité dans la nova de Denarii après Endor. Dommage qu’il ait emporté son vaisseau et tout son équipage avec lui… Ensuite, il y avait Makati.
— Je le connais, signala Antilles. Je faisais partie de la force d’intervention qui s’est frottée à lui lorsqu’il a tenté de s’emparer du Secteur Corporatif.
— Et ça ne lui a pas porté chance, n’est-ce pas ?
Wedge haussa les épaules.
— Ce n’était rien de plus que des escarmouches. À un moment, Makati apparaissait comme l’un des points de ralliement possibles des Impériaux après la mort de Palpatine. Nous nous préparions à intervenir dans le Secteur Corporatif – histoire qu’il ne profite pas trop de sa victoire – quand la nouvelle de sa mort face à l’amiral Krin nous est parvenue. Après ça, la Nouvelle République a voulu jouer la carte de la diplomatie… Mais Zsinj s’est immiscé avant de se tailler une part royale.
Il échangea un regard avec Grant, qui reprit alors ses explications.
— Vous connaissez aussi Pecatti Syn, qui est tombé au combat face à l’amiral Ackbar sur Kashyyyk. L’un des deux seuls tués par l’Alliance, d’ailleurs, avec Osvald Teshik. Lui, vous l’avez exécuté. Mais vous n’êtes pas les seuls à avoir agi ainsi, après tout… Miltin Takel et Rufaan Tigellinus ont aussi été abattus de sang-froid, mais par des Seigneurs de guerre impériaux.
Il prit une autre gorgée de thé et s’enfonça dans son fauteuil, songeur.
— Ça ne fait que onze, remarqua Myn. Et le douzième ?
Une étincelle de colère brilla dans les yeux de Grant.
— Demetrius Zaarin. Brillant. Ambitieux. Traître.
— Le concepteur des Défenseurs TIE, se souvint alors Corran.
— Exactement.
Corran, fidèle à ses habitudes d’enquêteur, récapitula mentalement tout ce que cet interrogatoire leur avait appris.
Donc…Ils sont tous morts, à l’exception de Grant, qui est sous la surveillance de nos agents.
— Vous n’avez pas manifesté beaucoup d’empathie envers vos pairs, dit Wedge.
Le regard du Grand Amiral se fit lointain.
— Non, en effet, murmura-t-il.
Il ferma les yeux un bref instant.
— Je préfère être clair : je suis un noble Tapani, avec tout ce que cela implique. Malgré ma reddition, je reste fidèle à mes idées et à mes amis. Je ne déteste pas tous les non-humains, mais j’estime qu’ils n’ont pas à gouverner cette galaxie. Elle a été façonnée par les humains, pour les humains.
Corran serra les dents pour éviter de répliquer à Grant. Quand on avait pour amis des non-humains aussi remarquables qu’Ooryl Krygg, Nawara Ven ou Asyr Sei’lar, l’humanocentrisme extrême des Impériaux donnait davantage envie de vomir qu’autre chose.
— Par ailleurs, je conserve une certaine affection pour mon vieil ami Ardus Kaine. Mais les autres Grands Amiraux…
Il soupira légèrement.
— L’Empereur s’est toujours cru éternel. Il n’a jamais pensé à sa succession, seulement à régner, encore et toujours. Quand il a créé notre grade, il ne l’a pas fait pour améliorer l’efficacité de sa flotte. Ni même pour l’apparat. C’était de la politique, seulement de la politique.
Dicvisat per reganat. C’est du haut galactique, précisa-t-il en voyant l’air perplexe de ses interlocuteurs. Diviser pour régner. L’Empereur a utilisé les Grands Amiraux pour diviser la flotte en douze parties, incapables de s’unir pour le renverser. Nous devions nous détester ! Et c’est ce qui s’est passé. La relation entre Grunger et Pitta correspondait exactement à ce qu’il attendait de nous.
— Et vous avez accepté le poste en sachant cela ? s’étonna Corran.
— On ne pouvait rien refuser à l’Empereur, se défendit Grant. J’ai été choisi pour acheter le soutien du secteur Tapani et de la puissance Maison Mecetti. C’était un bon arrangement. De tous, celui qui méritait sans doute plus le poste était ce pauvre Teshik. Un homme de valeur, compétent, que l’Empereur a envoyé à la mort à cause d’intrigues de cour.
— Vous avez dit que la Nouvelle République l’avait exécuté, rappela Myn.
— Question de point de vue. Elle a exécuté ce qui restait de Teshik. C’était plus une machine qu’un homme, après cette regrettable bataille contre les Hapiens. Selon la volonté de l’Empereur.
Il croisa les mains, signe d’impatience.
— J’ai déjà exposé mon point de vue à la Nouvelle République sur mes collègues. J’ai délivré tout ce que je savais de nos protocoles tactiques et de nos bases secrètes dans l’espace sous mon commandement. Si vous êtes là aujourd’hui, c’est pour une autre raison, n’est-ce pas ?
Wedge acquiesça lentement.
— Effectivement. Tous ces Grands Amiraux étaient des humains, n’est-ce pas ?
Grant eut alors une réaction qui surprit totalement Corran. Alors que l’ex-Impérial était resté jusque-là parfaitement maître de lui-même, il se figea soudainement.
— Il est donc de retour, lança-t-il d’une voix presque timide.
— Qui ça ? demanda Antilles, insistant.
— Thrawn.
Thrawn. Le nom résonna dans la pièce pendant quelques secondes.
— Alors, il existe, comprit Myn. Le général Solo avait vu juste.
— On dirait bien, oui, confirma Wedge avant de se tourner vers Grant. Pourquoi n’en avez-vous jamais parlé ?
Le Grand Amiral parut embêté.
— Pour être honnête, j’espérais qu’il soit mort, répondit-il finalement. Je vous ai fait part de mes convictions, n’est-ce pas ? À mes yeux, il est indigne qu'un non-humain ait accédé à ce rang. Ce n’est qu’un usurpateur, malgré ses hauts soutiens.
— C’est le tacticien à l’origine de Derra IV, n’est-ce pas ?
— Thrawn est bien plus qu’un simple tacticien. Je dois reconnaître qu’il dispose d’un certain… Talent en la matière, avoua Grant à regret. Il faisait partie d’un cercle privé de conseillers de l’Empereur. Et il pouvait faire preuve à certaines occasions d’un opportunisme impressionnant. Lorsque Zaarin a trahi, Thrawn a rassemblé un certain nombre de fidèles de l’Empereur pour lancer la contre-attaque victorieuse. C’est suite à ces actes qu’il a été nommé Grand Amiral.
— Comment se fait-il qu’il n’attaque que maintenant ? demanda Corran. Palpatine est mort depuis bientôt cinq ans !
— Difficile à dire. En fait, cet être est un mystère. Je n’ai jamais découvert quelle était son espèce. Rufaan – le Grand Amiral Tigellinus, qui le détestait plus encore que moi – disait que c’était un hybride, le fruit de l’union entre un humain et une duro. Je n’y ai jamais cru, et les faits m’ont donné raison. Il n’y a aucune trace de lui dans quelque académie que ce soit, pas de lieu de naissance répertorié, rien ; tout est placé sous le sceau du secret. Tout ce que je sais, c’est que suite à une cabale menée par ses opposants les plus virulents à la Cour – Rufaan en tête – l’Empereur a décidé de l’exiler dans les Régions Inconnues, pour mener une mission de cartographie.
L’idée sembla l’amuser.
— Donc il a achevé cette tâche… supposa Myn.
— J’en doute. En fait, je doute même qu’il ait jamais été affecté à cette mission. Comme je vous l’ai indiqué, Thrawn avait une relation particulière avec l’Empereur. Un lien difficile à définir… J’ai quelques hypothèses à ce sujet, si cela vous intéresse, ajouta-t-il en jetant un coup d’œil à Wedge.
— Nous sommes preneurs, assura fermement le commandant.
— Tout indique que Thrawn est arrivé au sein de l’Empire déjà formé pour la stratégie. L’Empereur s’est très vite intéressé à lui… Je pense que c’est un ambassadeur.
— Un ambassadeur ? répéta Wedge, étonné.
— Un envoyé d’une autre civilisation, née dans les Régions Inconnues. Peut-être suffisamment puissante pour que l’Empereur ait préféré les avoir comme alliés plutôt que comme ennemis. C’est une piste possible.
— Et comment pouvons-nous lutter contre lui ? demanda Corran.
Ces digressions lui semblaient de peu d’intérêt face à la menace que ce Thrawn semblait constituer pour la Nouvelle République.
— En redoublant de prudence, répondit Grant. Il fait preuve d’une grande intelligence, pour un non-humain. Trop grande, peut-être. Quand vous pensez échapper à l’un de ses pièges, vous vous précipitez dans un autre, plus finement tendu et bien plus mortel que le premier. Il possède la patience et l’humilité, deux qualités essentielles à tout stratège digne de ce nom. Si le sort des armes ne lui est pas favorable, il concède la défaite et rassemble ses forces en prévision d’une autre attaque, qu’il gagnera.
Sur ces mots, il but une nouvelle gorgée de breuvage, vidant complètement sa tasse.
— Si Thrawn est effectivement de retour, la Nouvelle République risque de ne pas pouvoir tenir. Il est capable de retourner la situation… Vous avez besoin de quelqu’un qui le connaît bien, qui a étudié ses actions passées.
Les Rogues le regardèrent avec scepticisme.
— Vous êtes en train de proposer vos services ? demanda Wedge, d’un ton prudent.
— En effet, confirma-t-il. Je rêve de l’affronter depuis des années. Pour enfin savoir qui de lui ou de moi est un véritable Grand Amiral.
Le commandant posa sur Grant un regard indéfinissable, qui resta fixe pendant de longues secondes avant qu’il ne se décide à répondre.
— Entendu, dit-il. Je transmettrai le message.
* *
*
— Tu as vraiment l’intention de le faire ? demanda Corran alors que le speeder les ramenait vers l’entrée du domaine.
Ils venaient de prendre congé de Grant, resté avec ses pensées dans le salon de son élégante demeure.
— J’ai promis de rapporter ses paroles à la Nouvelle République, rappela Wedge, et je m’y tiendrai.
— Et si elle acceptait ?
— Elle ne le fera jamais, devina Myn. Le risque serait trop grand. Grant est connu pour son humanocentrisme. Le recruter pour affronter un Grand Amiral impérial non-humain ? Ce serait la porte ouverte pour une nouvelle guerre civile.
— C’est aussi mon avis, approuva Wedge.
Ils arrivèrent au niveau du portail, qui s’ouvrit à leur approche. Katarn et Ors les attendaient déjà. Wedge ouvrit la vitre du côté passager.
— Alors ? demanda Jan en passant la tête.
— Nos craintes sont confirmées, soupira le commandant. Nous devons retourner sur Coruscant au plus vite…
Le couple accusa le coup en silence.
— Vous pouvez les prévenir de notre arrivée ?
— Oui, bien sûr, répondit Jan.
— Si Mon Mothma a besoin de mes services, dites-lui que je suis disponible, lança Kyle. Je suis peut-être resté à l’écart trop longtemps…
— Entendu. Prenez soin de vous…
Le speeder allait repartir, mais Katarn empêcha la fenêtre de remonter.
— Une dernière chose, justifia-t-il, son regard se posant sur les trois Rogues à tour de rôle. Que la Force soit avec vous.
Puis la vitre se referma, non sans laisser passer quelques mots supplémentaires.
— Vous allez en avoir besoin…