Ce one-shot prolonge l'épisode 10 de la première saison où les prisonniers se jettent à l'eau vers la liberté.
Il y aura donc du spoiler. A ne pas lire si vous n'avez pas vu l'épisode 10.
Vous souhaitant une bonne lecture.
Une seule issue
- Je ne sais pas nager.
- Quoi ?
- Je ne sais pas nager...
Cassian essaya de se rapprocher de Kino, mais emporté par la foule, tomba du haut du promontoire avec tous les autres dans les eaux régales de Narkina V.
Les vaguelettes et l'écume jaillissante de tous ces plongeons esquissaient les traits typiques de ces tableaux postclassiques de l'Ancienne République, ce mouvement artistique issu d'Aldérande visant à se défaire des contraintes du réalisme et du classicisme en vigueur jusqu'alors.
Vu de haut, le spectacle était magnifique. "Enfin libres" se dit Kino en les regardant tous nager. Tous. Sauf lui.
Il expira puis s'assit lentement devant cet horizon inatteignable. Ses pieds pendant dans le vide. Le regard perdu dans un ciel bleu teinté d'orange. Le soleil n'était plus à son zénith.
217 jours qu'il lui restait. Il y avait cru. Il enviait Ulaf désormais.
Puis, des bruits sourds se firent entendre en cadence. Ils s'approchaient. Kino ne se retourna pas.
- Suivez le programme ! entendit-il. La voix semblait hésitante.
Une douce brise caressait son visage. Kino ne put s'empêcher d'inspirer de grandes bouffées d'air frais à travers ses narines. Il y avait cette légère odeur d'iode qui lui rappelait ses vacances dans la station balnéaire de Spira avec sa femme et son fils. Il économisait pour que tous les ans, durant la période des grandes pluies de Donovia, lui et sa famille puisse profiter d'un peu d'exotisme et de soleil. C'était le seul luxe que pouvait lui permettre sa petite boutique de blasters.
- Suivez le programme ! entendit-il une nouvelle fois. Le ton se faisait plus ferme. Et la voix était accompagnée de petits crépitements électriques.
Kino ferma un bref instant les yeux puis se releva. Le soleil irradiait sa peau d'une apaisante chaleur. Pas un nuage dans le ciel. C'était une belle journée.
Il se retourna, dos à la mer, et aperçut trois gardiens tout de noir vêtu tenant des bâtons électriques. Deux d'entre eux tremblaient imperceptiblement.
- Nul ne sert de résister. Vous êtes seul. Vous êtes cerné. Rendez-vous. Suivez le programme !
L'officier, un homme aux cheveux blancs, le visage ridé mais encore ferme s'était désormais ressaisi. Sa voix avait repris confiance.
C'était la même personne qui l'avait "accueilli" d'une décharge électrique le premier jour lors de son arrivée à la prison. Ce même premier jour où il avait compris qu'il n'y aurait pas moyen pour lui de s'échapper d'une prison entourée par la mer. Et pourtant, il s'était laissé convaincre par Keef.
Kino leva les mains et les posa derrière sa tête. Son regard était fixé sur celui de l'officier.
- On baisse les yeux, prisonnier !
Kino s'avança d'un pas.
- Suivez le programme ! Baissez les yeux !
Puis d'un autre. Et soudain, se jeta sur le garde à sa gauche, s'empara du bâton pour frapper aussitôt l'autre garde dans l'estomac. Avec l'extrémité électrifiée, il envoya une décharge sur le premier garde qui hurla de douleur avant de s'effondrer.
- Neutralisez-le ! gronda l'officier qui tenta de reculer.
Mais ni une ni deux, Kino se jeta sur lui, passant dans son dos, pour coincer le bâton sous la pomme d'Adam de l'officier. Kino resserra son étreinte autant qu'il le pouvait en serrant des dents. L'officier suffoquait, se débattait. Le garde encore debout, impuissant, tentait de s'approcher de Kino qui reculait, s'approchant dangereusement du rebord du promontoire.
Le teint de l'officier devint livide. Il ne respirait plus.
C'est alors que Kino fut pris d'une grande douleur. Le garde venait de lui planter une forte décharge entre les côtes. Kino relâcha son étreinte. Le corps de l'officier tomba lourdement sur le sol, inerte. Kino fit un pas en arrière juste avant le vide. Puis vacilla.
Ses yeux étaient attirés par le bleu du ciel. Son corps lui, attiré par le bleu de l'eau.
Il repensa à cette nuit. Ivre. Broyant du noir sur ses affaires déclinantes. Il revenait chez lui à bord de son speeder clinquant. Le dernier symbole de sa réussite. Il était tard mais sa femme était encore debout. Elle l'attendait dans la cuisine. S'ensuivit une longue dispute où fusèrent des noms d'oiseaux. Kino gifla violemment sa femme qui répliqua avec autant de rage. Furieux, Kino sortit son blaster et sans réfléchir appuya sur la gâchette. Son fils, réveillé par le bruit, se tenait derrière lui, pétrifié par la terreur et l'effroi. Puis plus rien.
Le corps de Kino tomba violement dans les flots provoquant une grande gerbe d'eau. Puis il s'enfonça doucement dans les profondeurs de Narkina V. Il ne savait pas nager, mais ce n'était plus important en cette si belle journée.
- Merci Keef.
Depuis le commencement, il l'avait toujours su. Il n'y aurait qu'une seule issue.