Zeyyna
De gros nuages noirs avaient envahis le ciel, jetant une ombre grisâtre sur les alentours. Une fine bruine ne tardait pas à tomber à la manière d’un voile s’agitant au vent, se transformant en grosses gouttes au contact de sa visière et dégoulinant tout du long. Zeyyna les essuya d’un geste sec. Les autres avaient plus que besoin de sa vision.
Au moins, cette pluie devrait les rendre moins repérable, songea-t-elle.
Pour le moment, elle ne faisait que mettre en valeur la déchéance qui entourait le QG des Défenseurs. Les immenses bâtiments en pierre qui devaient jadis respirer la noblesse dressaient à présents leurs sommets à demi en ruine. Tout ce qui avait de la valeur - objets et pierres précieuses, peintures dorés, sol en marbre, avaient depuis longtemps été dérobés par des pillards. L’éclatement de certains dallages montraient encore leur passage à coup de marteau. De l’époque dorée dont Fi ne cessait de leur rabâcher les oreilles, il ne restait plus que ces fantômes sur lesquels une fine poussière noire s’était déposée. Malgré la pluie, Zeyyna pouvait sentir l’odeur des décharges de lasers dans l’air.
Mandalore ressemblera-t-elle un jour à ça ? se demanda-t-elle.
Nos descendants marcheront-ils parmi les ruines de notre grandeur ?Elle secoua la tête : ce n’était pas le moment de jouer aux philosophes. Elle se leva et sauta de la corniche où elle se trouvait pour atterrir sur le toit quelques mètres en dessous. Elle se réceptionna souplement, sans presque un bruit lorsqu’elle sentit sa jambe gauche s’engourdir brusquement. Son pied dérapa sur la surface mouillée et se sentit partir en arrière pour glisser le long du toit en patte. Elle arqua brutalement le dos en poussant un grognement et se stabilisa de justesse. Lentement, elle ramena sa jambe gauche et avança doucement jusqu’à une surface en triangle formant le dessus d’une antique fenêtre sur laquelle elle se hissa. Depuis son combat contre ce guerrier Kaleesh, des crampes impromptues la prenait parfois, souvenir d’une blessure encore récente. Mais le pire, c’était sa main. Mécaniquement, la mandalorienne baissa les yeux sur son moignon. Un crochet remplaçait à présent sa main droite. La mandalorienne l’avait bricolé à partir de divers pièces trouvées chez Fi, sous le regard protecteur de Kira. Lorsque la jedi lui avait demandé pourquoi elle ne se faisait pas simplement posé une main artificielle, elle avait sourit.
– Ce que tu as perdu et qui a été perdu, tu le referas de tes mains : Tel est la Voie. Et puis, je ne risque pas de trouver une prothèse sur cette planète minable.
La plupart du temps, elle ne sentait rien, mais il arrivait que la blessure la fasse souffrir attrocement. La nuit dernière, elle s’était réveillée en la sentant brûler. Seule la fierté l’avait empêché de hurler à pleins poumons. Elle avait donc serré les dents pendant de longues minutes, son membre pressé contre sa poitrine, jusqu’à ce que la douleur se rendorme. Elle connaissait bien ce phénomène. Son grand-père avait perdu ses deux jambes lors de la Grande Chasse. Lorsqu’il regardait ses entraînements d’adiik, il lui disait parfois, le regard lointain :
– Voilà vingt cinq ans que j’ai perdu mes jambes, et voilà vingt cinq ans que je rêve chaque nuit que je les aies toujours. Et que je me réveille le mâtin, je peux encore les sentir. Alors, j’essaie de me lever. Et puis, je me souviens.
Une file de silhouettes surgit d’une ruelle adjacente en contrebas, se frayant un chemin au travers de colonnes à demi effondrées. Zeyyna porta une main à son casque et sa vision fit aussitôt une embardée. A présent, à travers un mince rideau de pluie elle les distinguait aussi bien que si elle s’était trouvée uniquement à un mètre de distance d’eux.
Kira était à la tête du groupe, vêtue de sa tenue de jedi, son sabre laser se balançant à sa taille. Ses sourcils froncés de concentration, elle jeta un coup d’oeil rapide aux rues qui s’ouvraient à elles. Fi la suivait de près, servant par son imposante taille de bouclier à la troisième personne, vêtu pour sa part d’une grande cape brune à capuche. Aanks’ol fermait la marche, la tête tournée pour surveiller leur arrières. Lenya et Miri étaient restées dans leur repaire : leur état était encore trop précaire pour leur faire prendre part à cette mission. L’assassin, surtout, l’inquiétait. La nouvelle de la mort du professeur Anto l’avait poussé dans un état psychologique instable : elle s’était mise à hurler à pleine gorge, pendant de longues minutes, avant d’éclater en sanglots. Depuis, son état variait entre les deux. Le Laizeen était resté à leurs côtés, pour veiller sur elle. Il était impossible de le séparer de la kiffar maintenant qu’il l’avait retrouvé.
La jedi toucha le communicateur à son poignet et Zeyyna entendit aussitôt sa voix dans son casque, comme si elle lui parlait au creux de l’oreille. Seul un léger grésillement trahissait le procédé.
– On approche du nid, dit-elle en suivant le nom de code qu’ils avaient mis en place au cas où leurs communications seraient interceptées.
Tout en parlant, la jedi avait fait signe à ses compagnons de la suivre avant de s’élancer à petits pas dans la rue qui faisait face à son perchoir, lui tournant à présent le dos.
– Je sais, je t’ai en visuel. Beau déhanché d’ailleurs.
La togruta s’arrêta soudainement, obligeant tout le groupe à piller derrière elle. Elle se retourna, le poignet au niveau de la gorge, pour fixer l’endroit où se trouvait la mandalorienne et lui jeta un regard noir. Zeyyna éclata de rire.
– Je ne vous dérange pas, j’espère ?
Osi'kyr ! jura-t-elle.
Elle tourna vivement la tête. Py-Quos se tenait debout derrière elle, la fixait d’un regard calme, un sourire vaguement ironique flottant sur ses lèvres. Le maître de Kira ne semblait pas incommoder par la pluie qui s’écoulait lentement le long de ses mantrals. Ils étaient plus long que ceux de son ancienne apprentie, et arboraient non pas ce bleu si séduisant qu’elle avait, mais un rouge sanguin.
La mandalorienne se sentit rougir en pensant qu’il avait pu se faufiler derrière elle - et sans doute sans vraiment chercher à être discret - sans qu’elle le remarque. Elle étouffa un grognement et s’adressa à lui le plus naturellement possible
– Vous n’avez pas croisé de soldats dans votre coin ?
– Non, mais il y a des traces de combats assez récent aux alentours.
– C’est la guerre, au cas où vous n’auriez pas remarqué, commenta la mandalorienne d’un ton acide.
– Certes, répondit l’autre en inclinant légèrement la tête comme s’il admettait la véracité de ses propos.
La mandalorienne grogna. Elle aurait préféré qu’il l’insulte plutôt que de l’approuver de cette manière si condescendante et pleine de morgue. Mais après tout, c’était un jedi : on ne pouvait pas en attendre des miracles.
– Vous savez que nous autres, jedi, avons une politique très stricte en matière d’attachement, n’est-ce pas ? lui dit-il avec un sourire moqueur bien que teinté de compassion.
– Pitié, ne me faîtes pas le coup du saint homme geste, rétorqua-t-elle en retournant son attention sur l’avancée du groupe. Mon père était à vos côtés lors de la crise candorienne, et d’après ce qu’il m’en a raconté vous n’étiez pas le dernier à flirter.
– Ah, ce vieux Dema... Que devient-il ?
– Il est mort. Vous êtes sur son testament d’ailleurs.
Du moins, c’était une manière de parler. Sur son lit de mort, son paternel lui avait dit :
– Si jamais tu revois cette enflure de jedi, enfonce-lui son sabre dans le fondement de ma part !
Cette révélation, Zeyyna la gardait toutefois pour une de leur prochaine joute verbale. Il ne fallait pas user toutes ses cartouches de suite.
Le groupe avait presque atteint l’extrémité de la rue à présent, avançant à présent rapidement. Un mouvement au sommet d’une tour attira soudain son attention. Une sueur froide lui coula le long du dos. D’un geste, elle activa la vision thermique de son casque : trois tâches rouges se matérialisèrent aussitôt dans son champ.
– Planquez-vous ! lança-t-elle dans son comlink. Il y a trois gardes au-dessus de vous.
Kira ne perdit pas de temps. Zeyyna la vit aussitôt entraîner les autres à l’ombre des colonnes, hors de vue des Défenseurs.
– Je me charge d’eux, lâcha simplement Py-Quos en posant une main sur son épaule.
Avant qu’elle n’ait le temps de lâcher un mot, le jedi s’élança, comblant d’un saut la distance de plusieurs mètres le séparant du prochain toit, avant de se laisser souplement tomber.
– Frimeur, souffla la mandalorienne.
Elle vit le jedi effectuer des sauts plus courts, bondissant de toits en balcons, atterrissant sur des terrasses avant de continuer sa course. Elle tâchait de garder son regard attaché aux trois formes chaudes qui déambulaient dans cette tour ouverte, surmontée d’une coupole à demi-effondrée. L’une d’entre elle, après en avoir parcouru deux fois la largeur, se tourna vers l’horizon. Là où se trouvait le togruta.
Cet imbécile va se faire voir, jura-t-elle intérieurement.
Sans réfléchir, elle se mit debout sur la corniche qui surplombait la fenêtre et agita les bras.
– Oh, les gars ! Vous cherchez de la compagnie ?
Les trois formes rougeâtres se tournèrent vers elle à l’unisson. En contrebas, la mandalorienne vit Kira sursauter puis se ruer hors de sa cachette. Zeyyna désactiva sa vision thermique et elle put apercevoir un peu mieux les trois hommes à présent qu’ils lui présentaient leur visage. Le premier avait un visage grignoté par la barbe, des yeux farouches surmontés de sourcils broussailleux. Son compagnon le plus proche n’avait comme face qu’un amas de cicatrices raturés et un crâne rasé où s’étalait un tatouage. Quand au dernier, il ne devait pas avoir encore dix huit ans.
Surprise ou pas, il ne s’écoula qu’une seconde avant qu’ils ne lèvent leur armes dans sa direction. Au même moment, Py-Quos se laissa tomber derrière eux. Il n’y eut pas d’éclat de sabre laser, pas de décharge de blasters. Le jedi se contenta de lever la main et les trois hommes furent projeter contre un pilier avant de s’effondrer, inconscient.
La mandalorienne admira le spectacle, une jambe en avant, genou plié et mains sur les hanches d’un air triomphant. Un long sourire s’étira sur son visage. Son comlink crépita :
– Ne refais jamais ça, espèce de sombre idiote ! éclata Kira dans ses oreilles. Crétine de mandalorienne ! Ne refais jamais ça, ou sinon...
– Sinon quoi ? demanda Zeyyna d’une voix provocante. Tu vas me donner une fessée ?
La togruta lâcha un cri de rage à l’autre bout de la ligne et coupa brutalement la communication. Zeyyna éclata de rire. Elle prenait un plaisir tout particulier à taquiner la togruta. Elle ne sait pas à quelque point elle est mignonne dès qu’elle se met en colère.
Elle activa son jetpack et vola jusqu’au rebord de la tour. Elle s’apprêtait à moquer le jedi sur la gestion de la colère de sa padawan, lorsqu’elle le vit pencher sur les blasters des soldats. Elle s’agenouilla à côté de lui.
– Alors ? demanda-t-elle.
– Ce sont des armes classiques.
Zeyyna prit l’arme qu’il lui tendait et examina les munitions : il disait vrai. Elle en ressentit un vif soulagement. Fi avait entendu des rumeurs dans les ruelles entourant leur cachette, sur un nouveau type de blaster utilisant des balles en glastinum. De telles armes n’auraient pu être paré par un sabre laser.
– Je n’ai donc plus besoin de jouer aux imbéciles pour vous éviter de vous trouer la peau, commenta-t-elle en se relevant.
– Parce que vous jouiez ? releva-t-il d’une voix faussement innocente.
Zeyyna retint de justesse une bordée de jurons qui aurait fait rougir un marchand de beskar, se hissa sur la rambarde ceinturant la tour et s’envola.
La mandalorienne surveilla le groupe depuis les cieux tandis qu’ils évoluaient au milieu des ruelles. Ils débouchèrent finalement sur une grande place vide, à l’extrémité de laquelle se trouvait le QG des Défenseurs, imposant bâtiment en pierre toujours intact. L’absence de bâtiments dans un rayon proche rendant toute protection depuis les airs inutile, Zeyyna fondit sur le groupe. Tout le groupe tourna la tête vers elle lorsque ses pieds touchèrent le sol. Seul Kira ne lui jeta pas un regard, le visage obstinément tourné vers leur objectif. Zeyyna marcha à sa hauteur, tout en maintenant un œil protecteur sur le troisième membre du groupe.
– Pour le moment, tout ce passe bien. Mais je ne suis toujours pas convaincu que nous ayons bien fait de venir.
– Tu as peur ? lui demanda la jedi d’un ton acide.
– A part toi, rien ne me fait peur, balaya la mandalorienne.
– Je le prends comme un compliment.
Au milieu de la place gisait une carcasse de navette, dont les pointes écorchées étaient battues par la pluie. Zeyyna vit Kira froncer les sourcils.
– Elle n’était pas là, la dernière fois où nous sommes venus, commenta Fi derrière eux.
La mandalorienne sentit son corps se tendre. Elle dégaina ses deux blasters au moment où des soldats Défenseurs surgissaient derrière l’épave et ouvraient le feu. Kira se jeta aussitôt devant elle, son sabre illuminant le rideau de pluie d’une lueur bleuté qui ruisselait sur elle. Elle para les tirs d’un geste fluide, les envoyant sur le sol quelques pas devant leurs assaillants. Ces derniers observaient désormais la jedi d’un œil blanc, terrorisé.
– Nous ne sommes pas venus pour nous battre, uniquement pour discuter, intervint Py-Quos.
Le jedi se fraya un chemin depuis l’arrière du groupe, son sabre allumé, avant de venir se poster à côté de sa padawan. L’un des soldats, le plus jeune, laissa tomber son arme et se mit à genoux, les mains levées en signe de pitié.
– Je vous en prie, Noble Jedi, ne me tuez pas !
Son chef lui aboya de se relever, mais son visage prouvait qu’il était aussi peu rassuré que son subordonné.
– Qu’est-ce que vous voulez ? grogna-t-il.
– Uniquement parler avec vos chefs, expliqua le togruta d’une voix douce. Nous avons des informations à leur donner qui pourraient faire changer le conflit.
Les Défenseurs échangèrent un regard perdu, alors que la pluie tambourinait sur leurs casques. Finalement, celui qui les dirigeait se tourna vers le groupe.
– C’est d’accord. Suivez-nous.
***
Les soldats, au nombre de cinq, ne tardèrent pas à les encadrer tandis que leur chef prenait la tête du groupe. Zeyyna les suivait d’une démarche détendue. En cas de pépin, elle avait peu de soucis à se faire d’une si piètre escorte. Contrairement à ce à quoi elle s’attendait, les soldats ne les amenèrent pas directement à leur QG. Ils effectuèrent un long détour vers l’arrière du bâtiment, jusqu’à un escalier, encadré par deux stèles à demi-effritées, qui s’enfonçait dans l’obscurité.
– Vous nous faîtes passer par la porte de derrière ? lança la mandalorienne. Trop peur qu’on voit nos trognes ?
– La ferme, lui intima le chef des soldats d’un ton maussade.
Zeyyna allait lui lancer une réplique cinglante, mais Kira lui intima du regard de garder le silence. La mandalorienne marmonna entre ses dents en rongeant son frein.
Ils descendirent l’escalier jusqu’à un long souterrain qui filait en ligne droite à travers les ténèbres. Il s’agissait sans aucun doute des fondations du QG, au vu des immenses poutres en pierre qui venaient soutenir le plafond. Quelque part, un filet d’eau coulait, dont la chute des gouttelettes résonnait comme un tambour. Ils grimpèrent finalement une longue suite de marche raides. Leur guide écarta la tenture qui en masquait la sortie, révélant un long couloir sur les parois desquels s’étalaient de grandes tapisseries dorés. Zeyyna ne put s’empêcher de siffler d’admiration, s’attirant un regard désapprobateur de Fi. Tout cela devait valoir une fortune à la revente !
Ce qu’elle vit ensuite lui fit échapper quelques jurons à voix basse. Le corridor était surchargé d’hommes en armes, aux poses les plus diverses. La plupart étaient adossés contre les murs tapissés, d’autres se tenaient penchés en avant, appuyés sur leurs armes, alors que quelques uns étaient carrément assis par terre, comme s’ils se trouvaient autour d’un feu de camp à la belle étoile. L’ambiance était si lourde qu’elle aurait pu la toucher du doigt. Ce mélange de laisser-aller et cette tension toute militaire lui donnait des sueurs dans le dos. Décidément, quelque chose ne tournait pas rond.
Leur escorte s’arrêta. Un soldat s’inclina devant eux et leur ouvrit une petite porte avant de la refermer derrière eux.
Deux hommes d’âges murs se tenaient au garde à vous autour d’un grand lit. Une petite créature toute fripée se cramponnait aux draps, relié à d’imposants appareils médicaux. Ce n’est qu’en s’approchant qu’elle se rendit compte qu’il s’agissait d’un dug. Sa peau, d’un violet maladif, pendaient sur ses os comme des morceaux de viande flasque. Mais ses yeux, eux, n’avaient rien perdu de leur vigueur. Zeyyna le vit se redresser difficilement à la seule force de ses bras jusqu’à s’adosser contre son oreiller, non sans une quinte de toux. Ses yeux se posèrent sur eux.
Le vieux guerrier déglutit, les lèvres crispées.
– Vous... Vous avez du culot... Oui, du culot de revenir ici, après avoir fui comme des criminels à la mort du conseil.
Il leva un doigt maigre et tremblant en direction du membre encapuchonné de leur groupe, et sa face se fripa de colère.
– Et vous, VOUS, vous êtes un meurtrier qui assassine ses propres sujets, un patin des sith !
– Ce n’était pas moi, mais mon frère Valor, lâcha le Prince Ney en relevant sa capuche. Jamais je ne me suis accoquiner avec les sith.
Malgré la fatigue et la lassitude qui se peignait sur ses traits après ses jours passer dans leur planque, Zeyyna lui trouvait toujours un air de majesté.
– Peut-être bien, répondit le dug d’un air peu convaincu. Après tout, vous avez des jedi avec vous...
Ses yeux plissés lorgnaient sur les sabres lasers deux togrutas dans un mélange de fascination, de peur et de dégoût. Il reprit, d’une voix plus lente :
– Mais le Peuple, lui, vous prend pour un psychopathe. Et je ne le pense pas près à croire à une histoire de frère jumeau de mèche avec les sith.
– Les gens n’ont pas oublié, intervint alors Fi de sa voix grave. Dans les maisons, on se souvient encore des princes jumeaux Ney et Valor qui accompagnaient leur père lors de ses discours sur la Place Ranol. Si nous leur disons la vérité, et que maître Py-Quos apporte son témoignage de maître jedi, alors notre prince sera lavé de tout soupçon et le peuple pourra de nouveau espérer.
Rodada ouvrit la bouche pour prendre la parole, mais le jedi le prit de court :
– Croyez-moi Fi, rien ne me ferait plus plaisir que de dévoiler la vérité. Mais le conseil m’a envoyé ici pour observer et - au besoin - vous donner un discret coup de main. A vrai dire, en vous suivant jusqu’ici, j’ai de loin dépassé les limites posées par le conseil. Si je témoignai en faveur du prince, j’engagerai la responsabilité de la République dans cette affaire, ce qui pousserai dès lors l’Empire a lancé un assaut de grande envergure sur Mastaria. La guerre atteindrai alors des proportions que vous ne pouvez imaginé.
– Je ne savais pas que les jedi manquaient à ce point de courage, lâcha Zeyyna d’un ton sarcastique. Ils vous coupent les babioles utiles à votre entrée au Temple ?
Elle s’attendait à une réplique cinglante, voir à une claque bien placée de la part de Kira, mais cette dernière ne fit rien. Les sourcils froncés, elle fixait son maître d’un regard intense et Zeyyna compris qu’elle détestait autant qu’elle cette passivité. Pour sa part, Fi fixait d’un œil non point empli de colère, mais simplement déçu.
Dans son lit, le dug renifla avant de se tourner vers Ney :
– Qu’est-ce qui vous a poussé à venir ici, Votre Majesté ?
– Vous apprendre la mort de Narrac. Il avait séquestré l’une d’entre nous dans un ancien bunker dans le désert nord. Mes compagnons ont réussi à la délivrer lors de l’apparition de Lysto III et ont tué le jawa.
– Quand notre Prince dit que « nous » avons tué le jawa, il veut dire moi, intervint Zeyyna Son corps doit nourrit les vers des sables à l’heure qu’il est.
Même si elle tenait à rappeler son acte, elle n’en tirait aucune fierté particulière. La petite créature avait certes été un adversaire redoutable d’après ce que Fi lui avait raconté, mais sa mort n’avait pas été l’occasion d’un combat glorieux. Elle l’avait simplement abattu pour sauver l’assassin. Elle aurait préféré pouvoir s’enorgueillir de la mort du kaleesh que Kira avait réussi à vaincre. Lui, pour le coup, avait représenté un défi de poids.
Le dug écarquilla les yeux et se redressa brusquement. Nulle tristesse ne transparut dans ces yeux, uniquement l’effarement, comme si la mort de ce jawa qui avait su merveilleusement tissé sa toile dans le bourbier d’intérêts et de complots qu’était Mastaria était inconcevable. Finalement, sa bouche se tordit en un sourire amer.
– Alors, la guerre est perdue.
– Vous êtes prêts à vous avouer vaincu et à laisser la planète sous le joug des Bourreaux ? lança Fi d’un ton calme mais ferme.
– Je me battrai jusqu’à la mort ! aboya le général. Mais je sais quand une cause est perdue : sans les armes que nous fournissait le jawa, nous ne pourrons faire face à l’artillerie de ces
Massanaken de Bourreaux.
– Chaque fusil qu’il vous vendait, il en fournissait l’équivalent aux Bourreaux, commenta Kira. Il n’a cessé de trouver des expédients pour prolonger le conflit : jamais vous n’auriez eu la victoire avec lui.
– C’est ce qu’on a raconté, oui..., en convint le dug.
– Maintenant qu’il n’est plus là, reprit Ney, le conseil va pouvoir reprendre la bonne voix e...
– Le conseil ? le coupa le général d’un ton suffoqué. Le conseil est mort. Narrac était le dernier encore en vie, avec moi... Et Varol.
Il cracha quasiment ce dernier nom.
– Rien ne vous empêche de le reformer avec des gens loyaux et sages. Vous commandez toujours les Défenseurs après tout.
Cette fois-ci, le dug éclata de rire, un rugissement qui le plia en deux avant de s’achever dans une quinte de toux si forte que Zeyyna craignit qu’il ne bascule dans la tombe.
– Parce que... Parce que vous croyez que je suis encore aux manettes ? ricana-t-il d’une voix sifflante. Les autres gisaient à peine mort que les charognards se pressaient déjà, attirés par la vue du sang.
Devant elle, Zeyyna vit Ney froncer les sourcils tandis que Kira échangeait un regard avec son maître.
– Qui dirige alors ? demanda le Prince.
– Personne. Et tout le monde a la fois. Sans doute ont-ils appris la mort du jawa au plus tôt - ça semble logique maintenant. Il suffit que le chef de meute meurt pour que les jeunes louveteaux se battent entre eux pour décider qui dirigera. La majorité de nos anciennes forces sont derrière Feth Kruth. Aux dernières nouvelles, il s’en prenait à nos territoires du quartier Selor. D’autres se sont rangé derrière Skork Res, un trandoshan transfuge des Bourreaux. Lui et ses hommes se sont emparés des chars que nous avait fourni Narrac, et il use ses forces contre Feth. Le reste c’est dispersé entre plusieurs autres seigneurs de guerre. Les milices qui avaient juré loyauté aux Défenseurs ont renié leur serment : même les clans dugs - mes propres frères ! - ont choisi de se retirer dans leurs mines. Les seuls hommes qu’ils me restent sont ceux qui sont dans ce bâtiment et aux alentours.
Ça pue encore plus sévère que le derrière d’un gundark, songea Zeyyna.
Ils étaient venus en espérant pouvoir influencer le conseil des Défenseurs, et ils se retrouvaient avec un semi-cadavre barricadé avec quelques fidèles. Quant aux Défenseurs, voilà qu’ils apprenaient qu’il n’en restait rien, mis à part des parasites s’en disputant les restes et s’entre-déchirant entre eux.
Ney était décontenancée, Kira révulsée. Quant à Fi... Zeyyna avait compris en se mêlant aux conversations qui fleurissaient dans leur planque que ces deux parents avaient été des défenseurs avant d’être tués. Comment, elle ne le savait pas, sûrement au combat. Fi lui même n’était pas un grand bavard sur le sujet.
Le Prince fut le premier à reprendre la parole :
– Et Varol ?
– Ce traître ? renifla le dug d’un ton méprisant. Il a creusé son trou dans un bunker. On raconte qu’il a construit une véritable ville souterraine là-dessous, où il soigne des centaines de familles.
A son ton, on comprenait tout de suite ce qu’il pensait de ce gaspillage de ressources.
– Vous pensez que c’est lui qui a empoissonné le conseil ?
– Narrac le pensait, et je partage son avis. Varol s’est éclipsé juste avant le banquet, et ses hommes ont été les premiers à faire irruption dès le début de la boucherie.
Zeyyna vit le visage du Prince se refermer. La mandalorienne savait qu’il avait rencontré son cousin quelques jours plus tôt, sois après l’empoisonnement. Aanks’ol l’avait accompagné comme garde du corps. Quand elle lui avait demandé ce qu’ils s’étaient dit, le gand avait haussé les épaules :
– J’étais trop occupé à guetter les alentours, au cas où il s’agirait d’une embuscade, pour écouter ce qu’ils avaient à se dire. Le comte n’a cessé de l’assurer de sa loyauté, à lui parler des souffrances du Peuple et à lui conseiller de se méfier de tout le monde... sauf de
lui, évidemment. Sa Majesté n’en tirera pas grand-chose, si tu veux mon avis.
Le silence dura quelques instants avant que Ney ne reprenne la parole :
– Varol m’a donné un moyen de le contacter, ainsi que les coordonnées de son bunker. Le moment est peut-être venu que j’ailles le voir.
– Vous n’y pensez pas ! Il vous tiendra en otage, ou vous livrera aux Bourreaux.
– Je suis bien protéger, général, répondit le Prince en esquissant un mince sourire. Avec vous, Valor est le dernier membre vivant du conseil et il dispose de ressources conséquentes. S’il est innocent de ce dont vous l’accusez, il peut nous aider. Dans le cas contraire, justice devra être faîtes. Venger le conseil pourra peut-être rassembler ceux qui sont encore loyaux au nom des Ranols.
– Acceptez que quelqu’un de mes hommes vous accompagnent, alors.
Le sourire de Ney se fit plus grand et Zeyyna vit un éclat briller dans ses yeux.
– Cela signifie que vous m’engagez votre allégeance ?
– De grand cœur... Mon Roi.
Comme un seul homme, les deux soldats qui encadraient son lit de chaque côté posèrent un genou à terre avant de plaquer le poing gauche contre leur cœur.
Une sonnerie retentit dans le casque de la mandalorienne, la détournant de ce réjouissant spectacle.
– Oui ? demanda-t-elle, s’attirant un regard interloqué de Kira.
La voix qui lui répondit appartenait à Faahiëo, mais elle était à point teintée de terreur pure qu’elle sentit tous ses poils se hérisser.
– C’est Lenya ! Il faut l’amener dans un hopital !
D’URGENCE !