Voici donc la première des deux nouvelles annexes, en fait la seconde suivant la chronologie d'écriture. Le sujet m'en est venu très vite après la lecture de deux des meilleurs bouquins de l'UE : "I, Jedi" et "Le Jedi perdu". L'influence de mes sources est d'ailleurs clairement visible dans le texte...
Bonne lecture !
Les Chevaliers de la Tour Carrée
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…
L’Empire est mort à l’instant même où le Seigneur ténébreux dont on ne devra plus prononcer le nom disparaissait dans l’explosion du terrible Astre de la destruction. La République fut clamée dans la galaxie toute entière, et une paix nouvelle est désormais établie…
Mais cette paix n’est qu’une trêve bien fragile. Des groupuscules secrets partisans de l’Ancien Empire se cachent dans l’ombre en espérant le retour de leur Empereur. Une légende très ancienne pourrait causer bien plus de dégâts que la Grande Guerre qui déchira l’univers en des temps lointains.
Le Conseil Jedi est pleinement conscient de ce danger latent, de cette force qui, une fois réveillée, causerait la perte de la frêle Nouvelle République. Une mission de la plus haute importance a été confiée au jeune Benje Socar, une mission qui sera l’ultime épreuve avant son admission au rang de Chevalier de la sabro-baguette, mais peut-être aussi l’ultime espoir de la République…
« Le Côté Obscur de la Force n’est pas le négatif du Côté Lumineux, qui doit être la voie du Chevalier Jedi. Le Côté Obscur est un chemin plus facile, plus rapide, plus séduisant : un pacte avec les forces des ténèbres sans retour en arrière possible. C’est un ouragan dévastateur fourbe et trompeur : chaque Chevalier est guetté par sa sombre puissance, alors même qu’il ne souhaite que le bien, il peut tomber dans ses travers et s’y perdre à tout jamais.
Mais on ne peut pas le fuir, et on ne doit pas l’ignorer. Toute chose possède son contraire, et connaître cet opposé permet souvent de mieux comprendre ce que l’on étudie. Il n’y a pas de route plus rapide vers la tentation que le rejet non réfléchi de ce que l’on ne connaît pas… »
Commentaires du
Code Jedi par Fab Enzal.
La géante gazeuse emplit l’horizon de mon cockpit en un clin d’œil, et même les réflecteurs opaques poussés à leur maximum ne suffirent pas à atténuer la vive luminosité qui semblait vouloir m’agresser pour me faire rebrousser chemin. Plissant les yeux, ne laissant plus qu’une fine bande de lumière atteindre mes pupilles, je finis par distinguer ma destination : la troisième planète qui gravitait autour de l’étoile immense, une terre non colonisée, à l’écart des routes spatiales de la Nouvelle République, baptisée du nom de Thau. Mes senseurs captaient une vie animale intense, mais rien qui ressemblât à une ville ou à un quelconque campement humain. Après avoir essuyé les vents violents qui balayaient la haute atmosphère de la planète, je fis atterrir mon aile B à quelques mètres d’un petit lac aux eaux placides.
Une fois extrait du cockpit, je remis en place les ordres du Conseil dans mon esprit. C’était la première mission en solitaire qu’on me confiait depuis la mort de mon Maître et ami, le noble Fab Enzal : étudier les activités des contrebandiers sur Thau. Cela faisait quelques mois que circulaient sur le marché noir des artefacts sith datant de l’époque de la Grande Guerre, et ce mystérieux commerce ne cessait d’inquiéter Maître Yoda de même que les autres membres du Conseil. Le Service des Renseignement Pour la République avait mené une brève enquête qui n’avait donné aucun résultat, si ce n’est l’observation d’une recrudescence de l’activité contrebandière dans le système Baa’l, où je me trouvais en ce moment. Il me fallait infiltrer le réseau des malfrats pour déterminer la source de ces artefacts volés, et la détruire s’il en émanait un danger pour la République. Une tâche difficile, mais pas insurmontable : jouer les espions huit ans après avoir bravé les multiples dangers de Serpentard et affronté Voldtari faisait apparaître la chose aussi simple que de monter à dos d’éopie de Tatooine. Il ne me restait plus qu’à espérer qu’aucune gueule de Sarlacc ne m’attendît en chemin…
Le lac était bordé par une petite prairie verdoyante ; deux mammifères aux allures de bovins paissaient tranquillement, sans paraître surpris de me voir débarquer sur leur domaine. Une fois la dernière colline gravie, je me retrouvai face à l’entrée d’une vénérable forêt de chênes de Thau, une espèce rarissime qui pouvait atteindre des centaines de mètres de haut ; un timide soleil envoyait ses rayons à travers les frondaisons, et l’atmosphère était des plus… chaleureuses. Une impression de plénitude qui planait sur les lieux me conforta un peu.
La mission qui m’attendait était bien vague, et je n’avais aucune idée de l’endroit où commencer mes recherches. La seule carte fiable de la planète avait été établie à la fin de la Grande Guerre, et rien ne pouvait être plus incomplet que cette dernière. Mes senseurs n’avaient relevé aucune trace de vie humaine, ce qui prouvait soit que le S.R.P.R. s’était trompé (une possibilité que je préférais ne pas avoir à envisager), soit que les contrebandiers disposaient d’un matériel très puissant. Dans tous les cas, il valait mieux redoubler de prudence.
Après deux brèves inspirations, je débutai mes exercices Jedi pour mieux m’ouvrir à la Force. A l’instant même où cette puissance mystique me pénétrait de son aura infinie, des milliers de visions m’assaillirent ; je percevais chaque forme d’activité biologique, de la chouette endormie qui m’observait du haut de son promontoire au lombric sous la terre humide que je foulais. Mais toujours aucune trace des contrebandiers dans les environs. Un mauvais pressentiment me traversa l’esprit, et je repris ma route en silence.
Il devait être plus de midi quand enfin quelque chose survint, brisant la monotonie de ce qui en d’autres circonstances aurait pu être une agréable promenade de santé. Les bruits de la forêt s’étaient tus et un spasme glacé m’enserra la poitrine, coupant net ma respiration ; un sentiment des plus désagréables me tiraillait. Peut-être valait-il mieux faire demi-tour et explorer une autre route ? Je n’osais même pas faire appel à mes pouvoirs Jedi de peur de voir un Seigneur Noir surgir de derrière les deux troncs renversés qui bloquaient le chemin. J’allais reculer quand un souvenir se surimposa à ma conscience, pareil à
l’adab des Bene Gesserit : le discours qu’avait prononcé le Chevalier Mace Alton au lendemain de la victoire de la République ; ce que je vivais en ce moment correspondait parfaitement à la description que le Jedi avait faite de sa découverte de la planète Mordor : les contrebandiers utilisaient les rayons Z de Voldtari pour repousser les intrus !
A la fois rassuré et terrifié par cette information, je poursuivis mes pérégrinations dans les sous-bois, repoussant mentalement les assauts des rayons manipulateurs. Je le savais, déjà, quelque part, on m’avait sans doute repéré. Mais désormais j’étais prêt à jouer mon rôle. Quand soudain, je perdis tout contact avec la Force ! Là, sur une branche au-dessus de ma tête, dormait un
ysalamari ! Tout avait été prévu pour qu’aucun intrus, y compris les Jedi, ne puisse survivre à une entrevue avec la bande de hors-la-loi que j’étais sensé infiltrer. Cependant, ces gars-là avaient oublié un petit détail : si les ysalamari bloquent les ondes de la Force, ils ne peuvent en aucun cas prévenir l’utilisation d’un sortilège.
Plus que jamais, je devais rester sur mes gardes…
Une ombre se jeta sur moi sans que je puisse distinguer de quelle direction et je fus projeté au sol ; je dégainai ma sabro-baguette et l’individu qui m’avait attaqué jura : « Par les os noirs de l’Empereur, un Jedi ! » Il allait appeler ses compagnons à la rescousse quand mon
Stupéfix l’atteignit en plein torse ; il sombra dans l’inconscience. Je devais agir vite, car sans nul doute ses collaborateurs allaient surgir d’un instant à l’autre. Je lançai à l’homme foudroyé un autre sort pour le plonger en transe, m’emparai de sa combinaison fripée et la revêtis aussitôt. Un craquement au loin m’annonça l’arrivée de deux autres personnes. Je tirai de mon sac de survie la fiole de
Polynectar qui ne me quittait jamais en mission d’infiltration, et arrachai une touffe de cheveux à celui qui gisait à mes pieds. Deux secondes plus tard le sortilège avait fait son effet ; je me débarrassai de mon sac, de ma toge et du contrebandier à l’aide d’un autre sort d’illusion : à leur place semblait se dresser désormais un buisson d’aubépines impénétrable.
Je n’eus que le temps de ranger ma sabro-baguette et le
Polynectar dans une poche intérieure du veston miteux avant qu’une voix rauque ne m’interpelle :
« Eh, Jex, tu l’as eu cet intrus ? »
Je répondis en adoptant le même ton. Ce Jex dont j’avais pris l’apparence avait une voix des plus rocailleuses :
« Non, mais c’est un malin ce gars-là : il a utilisé un grappin ascensionnel pour me filer entre les doigts. Je sais pas où il est parti, mais si je le retrouve, je lui ferai sa fête, par la bave d’un Hutt !
- Ouais, mais n’oublie pas que le Maître veut qu’on lui amène tout intrus
vivant. Et ne t’en fais pas, il ne pourra pas nous échapper longtemps. On vient de bousiller son unique chemin de sortie… »
Une peur sourde pulsa dans ma poitrine tandis que l’autre poussa un ricanement cynique, et une vague de colère envers moi-même me submergea : dans ma précipitation j’avais oublié de camoufler le vaisseau ! J’étais perdu, et je n’avais tout au plus assez de
Polynectar que pour tenir une demi-journée. Au-delà, seule ma chance pourrait me faire sortir vivant de ce piège.
* * *
« On a du pain sur la planche, on a découvert une nouvelle galerie et le Maître veut qu’on la déblaie sur le champ. Il a dit que l’intrus viendrait à lui de toute façon, alors traîne pas. »
Sur ces mots presque crachés à ma figure, l’homme enfila un étroit chemin à travers les arbres jusqu’à une immense clairière. Mes sens me faisaient-ils défaut ? Je n’avais rien noté de semblable lors de mon atterrissage. Un léger bourdonnement m’appris que j’avais été victime d’une simple illusion holographique. Au centre de ce vaste espace à découvert se dressait, magnificence grandiose d’un démon des temps passés, un édicule frappant de noirceur surplombé d’une statue d’airain dont le regard aurait fait frémir l’Empereur en personne. Un frisson de pure terreur zébra ma colonne vertébrale l’espace d’une seconde, le temps pour moi de reprendre mes esprits. Je ne reconnus pas l’homme à qui on avait rendu un si grand culte, mais tout dans son expression méprisante me rappela l’Ordre Sith. Sans doute s’agissait-il d’un des nombreux vestiges des sectes sith datant d’avant la Grande Guerre. Tout cela ne m’inspirait rien de bon.
L’autre avait pressé le pas comme pour fuir le regard éternellement courroucé de l’effigie démoniaque et s’engouffra dans un tunnel creusé à même le sol argileux : on eût dit une mine de Kessel, ou mieux encore, une véritable fourmilière qui sillonnait toute la zone, et explorait les dessous de Temple. Pénétrant dans cette atmosphère suffocante à sa suite, je ressentis l’oppressante présence du Côté Obscur qui hantait les lieux, des siècles après la mort de l’Ordre Sith, et cela en dépit des ysalamari qui quadrillaient la zone.
Le contrebandier ne se retourna pas une seule fois, et se dirigea avec la célérité que donne la fréquentation quotidienne d’un lieu familier à travers le dédale de couloirs et de puits. Nous descendions de plus en plus bas, et l’air se réchauffait horriblement, rendant la respiration difficile. Malgré mon entraînement Jedi, j’éprouvais quelques difficultés à suivre le type. Il s’arrêta enfin, la galerie dans laquelle nous étions engagés tournant au cul-de-sac. Cinq hommes s’affairaient sur la paroi rocailleuse, bien moins tendre qu’à la surface. L’un d’eux se retourna en remarquant la lumière de la lampe torche de mon guide :
« Eh, Gra’ak et Jex, vous venez nous donner un coup de main ? »
Gra’ak lança un sourire mauvais à l’homme qui venait de parler. Il s’avança vers le chariot de tête et se saisit d’une pelle anti-grav ; cet instrument, des plus banals dans la galaxie, fort utile pour ceux qui s’adonnent aux joies de l’horticulture et du jardinage, émet à son extrémité – celle qui doit s’enfoncer et creuser le sol – un minuscule mais puissant champ gravifique qui a pour effet de créer une étroite bande de vide que remplit automatiquement la pelle, évitant ainsi de forcer pour planter son instrument. Voyant mon regard étonné, l’humain m’intima fort peu poliment de suivre son exemple.
« J’ai pas été engagé pour faire le sale boulot d’un esclave ! m’écriai-je, jouant le jeu (supposé) de mon personnage. J’en ai marre de creuser ; et d’abord, pourquoi on n’utilise pas un matériel d’excavation adéquat ?
- Tiens, t’as appris de nouveaux mots ! Allez, au boulot, et estime-toi heureux que le Maître n’ait pas été là pour entendre tes conneries. »
Gra’ak me jeta la pelle à la figure ; reculant, je ne pus l’attraper à temps et l’engin me frappa au plexus. Plié en deux, je peinais à retrouver mon souffle dans cette atmosphère raréfiée. Je passais deux longues heures à creuser dans la poussière, m’étonnant de l’efficacité du désintégrateur installé dans le second wagon qui transformait les tonnes de gravats que nous enlevions en une fine poudre noire. Enfin, pour ma plus grande joie, une équipe de mineurs vint nous remplacer. Sentant son effet s’étioler, je profitai de l’obscurité des couloirs menant à la surface pour avaler une nouvelle dose de Polynectar ; encore une dernière gorgée, et il me faudrait abandonner l’identité de ce contrebandier…
* * *
Je suivis les cinq hommes jusqu’à ce qu’il me sembla être nos
appartements : de misérables cahutes de bois et de plastacier imbriqués à la va-vite. Je pris une bonne douche (ce qui ne paraissait pas être dans les habitudes de ce Jex) et enfilais des vêtements propres (enfin, aussi propres qu’il pouvait le concevoir). J’étais maintenant prêt à commencer réellement mon enquête. Ayant fait quelques pas au dehors pour repérer les lieux, je m’apprêtais à gravir les immenses marches menant à l’entrée du Temple quand une voix inconnue me héla :
« Eh, Jex, tu viens faire une partie de tarot-sabacc avec nous ?
- Non merci, répondis-je, ignorant à qui j’avais à faire ; je suis crevé et après toutes ces heures à moisir sous terre, j’ai besoin d’un peu d’air. Je vais marcher.
- T’éloigne pas trop, tu connais les caprices du Maître !
- T’en fais pas. »
Qui était donc ce ’’Maître’’ à qui les contrebandiers faisaient si souvent allusion ? Je me doutais bien que la bande avait un chef, mais je ne voyais pas pourquoi on l’appellerait Maître… Les abords du Temple Sith ne m’apprirent rien de bien intéressant, si ce n’est, au vu des nombreuses excavations et galeries souterraines, qu’on y cherchait avidement quelque chose – mais quoi ? – et que c’était bien d’ici que provenait la multitude d’objets sith en vente sur le marché clandestin. Une force obscure semblait dominer les lieux.
J’entrepris d’explorer les tunnels à nouveau, maudissant les ysalamari qui bloquaient mon accès à la Force. Si seulement il existait un sortilège d’invisibilité ! J’avais avalé la dernière gorgée de Polynectar : dans une heure son effet se dissiperait, et je serais découvert… Je suivis sur quelques mètres les mêmes galeries que j’avais empruntées auparavant, puis soudain bifurquai sur la droite, me fiant à mon instinct. Ce couloir s’enfonçait bien plus vite sous la terre, mais étrangement l’air restait frais ; gardant ma sabro-baguette en position éteinte, je lançais néanmoins un sort
Lumos pour faire un peu de jour : une petite boule lumineuse pointait au bout du cylindre de métal et éclairait ma route.
Je finis par me heurter à une paroi de pierre infranchissable ; les contrebandiers semblaient avoir abandonné la galerie, préférant se concentrer sur un autre chemin. Un courant d’air me frôla la nuque : il y avait un pièce derrière ce mur ! Personne ne se trouvant aux alentours, je lançais prudemment un
Flipendo qui envoya la paroi voler en éclats. Je pénétrai dans la sombre salle circulaire que je venais de découvrir et j’amplifiai la luminosité du sortilège en activant la sabro-baguette. Deux imposantes statues guerrières apparurent dans un halo bleuté, qui montaient la garde sur un autel de marbre noir aspirant toute lumière ; de l’eau perlait du plafond, et parfois une goutte tombait avec un clapotis métallique, brisant le lourd silence qui planait au-dessus de ma tête.
C’est au moment même où je touchai l’autel que le Polynectar cessa de faire effet : me voilà à nouveau moi-même, sans couverture ; dès l’instant où je sortirais, je serais immanquablement repéré. Ne pouvant rien tirer du mystère de cette pièce close, je rebroussais chemin, prêt à affronter mon destin, quand soudain des murmures dans mon dos me firent faire volte-face : comment quelqu’un avait-il pu passer devant moi sans que je ne le remarque ? Le fond du couloir était animé d’une lumière blafarde dans laquelle se mouvaient des ombres silencieuses. Un homme revêtu d’une longue cape oblongue s’avançait, suivi par…
Mon cœur s’emballa et il me fallut m’appuyer contre la paroi rocheuse pour ne pas tomber. Quelle était cette folie qui s’était emparé de mon âme ? Là, quelques mètres devant moi, venait de passer le spectre bleuté d’un démon du passé ! Le fantôme de l’Empereur Lord Voldtari ! Le Seigneur Noir qui avait juré la perte de la République ! Le meurtrier, l’assassin de mon Maître ! Et qui était celui qui le suivait ? Un disciple ?
Je devais en avoir le cœur net : il me fallait les suivre. Je remerciai la Providence de l’imbécillité des contrebandiers, car si les ysalamari me coupaient de la Force, il en était de même (c’était une conviction à laquelle je m’attachais de toutes mes forces) pour l’esprit de Voldtari et de son apprenti. Les secrets de ce Temple commençaient à me donner la chair de poule. Je m’apprêtais à suivre le groupe mais, au détour d’un couloir, la galerie stoppa net, comme si elle n’avait pas été creusée ; je reconnus alors le couloir dans lequel j’avais œuvré le matin même. Quel sortilège m’avait frappé ?
Je fis demi-tour, et ne trouvai aucune trace du passage emprunté quelques minutes auparavant. J’allais remonter à la surface quand un signal retentit, et trois hommes me sautèrent dessus ; je n’eus pas le temps de lancer un sort que déjà j’étais maîtrisé. On me lia les poings et on me bâillonna, un blaster sur la tempe.
« Le Maître t’attend avec impatience,
Jedi ! »
Le type qui avait parlé portait une cage contenant un ysalamari. Je ne compris son utilité que quand une série d’explosions secoua la forêt avoisinante : les reptiles avaient été piégés, et maintenant qu’on n’avait plus besoin d’eux, on s’en débarrassait, purement et simplement. Tout avait été orchestré depuis mon arrivée dans le système. C’était donc un Jedi Noir que j’avais aperçu dans les mines, et désormais il était en possession de tous ses pouvoirs, alors que moi, j’étais fait comme un mynock…
Un de mes assaillants s’avança vers l’entrée du tunnel et s’écria :
« C’est bon, on l’a eu, et les lézards sont tous crevés. »
Un rire retentit, semblant tout proche. Avec un pincement au cœur et des picotements dans la nuque, je reconnus la voix de Voldtari.
« Tout ce passe comme je l’avais prévu, vous pouvez entrer. »
Et dans un murmure :
« D’marr, ouvre le passage à ce cher Benje Socar. »
Nouveau ricanement.
Le type derrière moi me poussa sans ménagement à travers l’encadrement de bois. Je n’avais pas sitôt franchi l’entrée que je me trouvai dans la mystérieuse pièce ovale que j’avais découverte peu auparavant. Le spectre de l’Empereur défunt souriait aux côtés d’un imposant humanoïde à la peau bleue. Je n’avais jamais rencontré de Chiss, une espèce rare dans la galaxie, et les deux fentes rubicondes qui me fixèrent soudain me firent froid dans le dos. Un sabre-laser pendait à sa ceinture, et il tenait précautionneusement une pierre de taille moyenne aux éclats aveuglants. Ce D’marr semblait éprouver quelques difficultés à respirer, et il se tenait à l’écart de la sphère de non-Force engendrée par l’ysalamari.
Voldtari pérora, fidèle à son habitude :
« Ah, ce très cher Benje Socar, surpris de me revoir ? Toi et ton imbécile de maître croyiez m’avoir vaincu sur Poudlard, n’est-ce pas ? Vous êtes bien naïfs pour penser que deux Jedi suffiraient à vaincre mon génie. Tu vas aujourd’hui assister à l’ultime étape avant ma résurrection et ma victoire sur la stupide République. Avant de mourir. Apprends que nous nous trouvons au cœur du Temple de Sauron le Maléfique, celui-là même qui m’enseigna le secret de l’Anneau Unique. Avant de s’éteindre, le sorcier protégea son Temple pour que seul son héritier puisse y entrer : quiconque pénétrerait par l’entrée principale serait foudroyé, et les dessous du Temple étaient protégés par des portes mouvantes qui transporteraient les hommes imprudents d’un lieu à l’autre, les emmurant vivant ou les perdant dans un infini labyrinthe ; moi seul suis en mesure de les contrôler. »
Le démoniaque Empereur marqua une pause, avant d’ordonner sèchement au Chiss :
« Monte sur l’autel ! »
Et se tournant vers les gardes qui ne perdaient pas une miette de ses paroles :
« Faîtes monter Socar, et partez loin d’ici avec votre ysalamari.
- Mais…, bredouilla un garde niais et bouffi.
- Il n’y a pas de
mais, gronda Voldtari, D’marr et moi-même serons tout à fait capables de nous occuper de lui. D’marr, prenez sa sabro-baguette ! »
Le Chiss allait relever qu’il avait les mains déjà chargées par cette lourde pierre, mais il n’osa pas affronter le courroux de son Maître. Il attrapa l’arme que mon garde-chiourme lui tendait ; l’effort lui en coûta, et son teint se fit livide. Le pauvre humanoïde semblait au bord de l’apoplexie ; un pressentiment me soufflait que son étrange faiblesse était en rapport direct avec le pavé qu’il transportait. Exécutant les ordres de l’Empereur ressuscité (ou presque), les contrebandiers me poussèrent sans ménagement sur la dalle et s’enfuirent au plus vite. Une vague de Force me traversa alors, si puissante qu’elle aurait pu me renverser ; le Côté Obscur dominait tout, et ses assauts répétés auraient tôt fait de me faire succomber. Il fallait que le dénouement soit proche, ou je ne survivrai pas à tant de haine contenue.
« D’marr, libère les poignets de notre invité ! siffla le spectre.
- Ce n’est pas la peine, je me débrouillerai très bien tout seul », répliquai-je.
Trop heureux de sentir la Force à mes côtés, je coupai mes liens ; mais usant de la puissance qui m’entourait, ces derniers s’enflammèrent. Tout ici était corrompu par la Force Obscure ! Toute utilisation de ce flux puissant qui reliait les êtres vivants en un tout symbiotique était dominée par des intentions négatives, quels que soient mes sentiments ! L’usage de mes pouvoirs Jedi était donc déconseillé au plus haut point en ces lieux.
« Bien, tu commences à redécouvrir les pouvoirs du Côté Obscur. Place-toi devant la statue du Gardien, et abaisse sa lance en murmurant mon nom. D’marr, fais de même de ton côté ! »
Je ne sais pas pourquoi mais, peut-être piqué par la curiosité, ou subjugué par les harangues de l’Empereur, j’obéis à Voldtari. Le vide s’ouvrit sous mes pieds, et je fus aspiré par le néant.
* * *
Un cri de Voldtari me réveilla en sursaut. Instantanément, la situation me revint en mémoire. J’étais à l’air libre, plongé dans les ténèbres. Enfin, c’est ce qu’il me paraissait avant que je n’ouvre les yeux.
« Te voilà enfin debout, fainéant, maugréa le Seigneur Noir. Ouvre grand les yeux. »
La pierre qu’avait portée le Chiss jusqu’à présent flamboya de l’intérieur et des rayons d’or fusèrent tout autour de moi, éclairant d’une lumière voluptueuse la pièce abyssale où je me trouvais. L’ensemble devait bien mesurer une vingtaine de mètres de hauteur et la superficie au sol, par opposition, semblait très réduite, alors que je savais pertinemment que la Grande Salle du Sénat sur Coruscant rentrerait sans aucune peine dans ce gigantesque cube. Une seule fenêtre s’ouvrait dans les murs nus de roche brute ; de lourds battants de bois la barricadaient. Au centre de la pièce, plus imposantes que tout ce que ma brève vie m’avait permis d’entrevoir, se dressaient quatre immenses statues forgées dans l’air, le feu, la terre et l’eau : cristal, rubis, émeraude et saphir. Quatre guerriers figés pour l’éternité, n’attendant que le retour de leur maître pour reprendre leur lutte sacrée.
Un ricanement de Voldtari me ramena à la réalité :
« Les Chevaliers de la Tour Carrée ! Une force égale à celle d’un dieu, indestructible, douée de pouvoirs immenses grâce à la Force. La vision qui jadis me dévoila la Pierre de Kaiburr avait été double, me révélant le Testament de Sauron le Maléfique. Mais je devais m’occuper de la Pierre en premier lieu, ton imbécile de maître ayant été averti. »
Ce n’est qu’à cet instant que je remarquai le Chiss étendu au sol, ne respirant quasiment plus, presque exsangue. Sa main demeurait posée sur la pierre lumineuse. Imperturbable, trop heureux d’exposer sa supériorité, l’Empereur poursuivait :
« Bien que cela fut fort douteux, dans mon génie, j’avais envisagé une possible victoire de ton maître. S’emparant de la Pierre avant moi, il aurait pu me terrasser pour régner sur mon Empire. C’est pourquoi j’avais laissé mon empreinte mémorielle dans un
palantir que le Bene Tleilax était chargé d’envoyer à D’marr, mon instrument, mon premier modèle de Décimeur, au cas où je viendrais à disparaître. Le lendemain de la défaite de Poudlard, D’marr recevait le
palantir, et je lui apparus pour le guider vers les Chevaliers de la Tour Carrée. Le pauvre idiot ne savait pas que grâce à la pierre mon souvenir renaissait en puisant dans sa propre énergie ! Dans quelques minutes, il sera mort ; et par la puissance de mon seul souvenir, Lord Tarius Hans Sextus Voldtari renaîtra à la vie, plus grand que jamais grâce à la force des Chevaliers ! »
La peur m’envahit aussitôt, aiguillonnée par les réminiscences de la mort glorieuse de Fab Enzal.
« Rejoins-moi, Benje Socar, deviens mon apprenti, et je te dévoilerai la toute-puissance du Côté Obscur de la Force. Ensemble, nous garantirons l’ordre et plus aucun innocent ne mourra. Ne te laisse pas vaincre par les mêmes faiblesses qui causèrent l’échec de ton maître ! Le Bien et le Mal n’existent pas : il n’y a que le pouvoir, et ceux qui sont trop faibles pour le rechercher. »
Une plaie ancienne se rouvrit dans mon cœur et dans mon esprit. Je me sentais, tenant dans mes mains la sabro-baguette de Voldtari, submergé par la Force Obscure, invincible, prêt à terrasser mon Maître pour m’emparer du pouvoir de la Pierre de Kaiburr.
« Jamais ! Vous avez perdu, Voldtari. Vous n’êtes qu’un fantôme, alors que moi je suis en chair et en os. Dans quelques secondes, tout sera fini. »
D’un geste prompt comme l’éclair, je récupérai ma sabro-baguette que le Chiss serrait dans sa main gauche, l’activai et frappai le
palantir démoniaque. Dans un tonnerre étourdissant, je fus projeté dans les airs ; faisant appel à la Force, oubliant la menace du Côté Obscur, je tentai de ralentir ma chute ; je ne parvins qu’à me retourner à temps pour voir le torse du chevalier de cristal fondre sur moi. Avec un craquement de côte brisée, Voldtari riant à gorge déployée, je retombai au sol. Du sang coulait sur mes lèvres.
« Ton choix est fait, jeune imbécile, et tu mourras. Sache qu’il faudrait toute la puissance du Côté Obscur de la Force pour détruire cette pierre ! Tu vas maintenant admirer les pouvoirs de mes Chevaliers… »
Le Seigneur Sith se tourna vers les effigies géantes, et cria dans une langue inconnue, le parler noir du Mordor : « Galar’kta Mesme trklor mecum Voldtari ! » Et dans une explosion formidable, un éclair frappa tour à tour les quatre statues, leur donnant vie.
Se tournant vers moi, brandissant un doigt lourd de menaces, Voldtari exulta :
« Chevaliers, tuez celui qui a osé profaner votre Temple ! »
Et aussitôt les guerriers grondèrent avant de fondre sur moi pour me terrasser de leurs épées immenses. Que faire ? Je ne pouvais détruire ni Voldtari ni la pierre, et je me refusais d’assassiner le Chiss inconscient pour priver Voldtari de ses forces. Je regrettai amèrement de ne pas avoir à mes côtés le désintégrateur des contrebandiers. Dans quelques minutes le spectre deviendrait homme et retrouverait tous ses pouvoirs. Quant à terrasser les Chevaliers, seul, j’étais perdu.
D’un bond assisté par la Force, j’évitai la massue que le guerrier de cristal abattait sur le lieu où je me trouvais la seconde auparavant. Me retrouvant près de la fenêtre, je n’eus que le temps de me baisser pour éviter la boule de feu du Chevalier rubis qui s’écrasa sur les volets de bois qui s’enflammèrent, révélant une implacable rangée de barreaux. Le combat entre les chats et la souris (moi en l’occurrence) reprit de plus belle sous les exhortations de Voldtari. Profitant d’un bref répit, je jetai un coup d’œil par la fenêtre : au loin s’étendait… la galaxie ! Je me trouvais dans l’espace ! Impossible ! Je n’eus pas le temps de creuser la question, un grêle de coups s’abattant sur moi. Je parai avec ma sabro-baguette, et mon bras me fit l’impression d’exploser sous l’assaut.
C’est alors que je m’apprêtais à accepter la mort qu’une idée me vint.
« Eh, Voldtari ! criai-je, tes joujous ne savent que brandir leurs bâtons ? »
Fou de rage, l’Empereur fulmina :
« Puisque tu le désires tant, tu vas pouvoir apprécier leur maîtrise du Côté Obscur. Xeus, assez joué, tue-le ! Déchaîne ta foudre ! »
Le guerrier de cristal brandit une main vers moi. Voldtari était tombé dans le piège que je lui avais tendu. Alors qu’un crépitement suraigu se faisait entendre, je me jetai sur le palantir et m’en servis de bouclier contre les éclairs mortels du Chevalier. La pierre vola en éclats, et le mince rideau de Force que j’avais pu élever para les débris meurtriers, m’envoyant valser dans les airs à une vitesse fulgurante sur les barreaux de l’unique fenêtre. Une explosion de douleur me déchira le dos, et je tombai dans le vide spatial. Le cri horrible de Voldtari me vrillait encore les tympans quand je succombai au froid de l’espace…
* * *
De l’eau glacée me ramena à la vie ; j’étais étendu sur l’autel noir qui m’avait conduit jusqu’à la Tour Carrée. Un grondement terrible rugit au loin ; le plafond se fissura et l’eau commença à dévaler en trombe dans la pièce. La douche gelée finit de me réveiller : tout s’écroulait autour de moi. La Force m’envahit, me permettant de repousser la douleur et de me relever ; elle m’informa que je me trouvais sous le lac près duquel j’avais posé mon vaisseau, désormais détruit. Je me mis à courir de toute la vitesse dont j’étais capable et, franchissant l’encadrement de roches brisées, je sentis la puissance mystique des portes magiques placées par Sauron le Maléfique. La chance fit que je me retrouvai en un éclair à la sortie du labyrinthe des tunnels.
Enfin à l’air libre, je constatai que le Temple Sith était secoué par de gigantesques explosions. Un bras m’agrippa et me tira loin des lieux qui tombaient en ruine sous la tourmente. Je reconnus Dame Aube. Deux autres Chevaliers Jedi montaient la garde près d’une navette. Quelques minutes plus tard, j’étais allongé sur une couchette, après avoir reçu les premiers soins. Je racontai toute l’aventure à Dame Aube, l’un des membres les plus éminents du Conseil Jedi, et lui demandai comment elle était arrivée à temps.
Le Conseil avait été alarmé par l’interruption brutale du signal de mon vaisseau lors de l’attaque des contrebandiers, et l’avait dépêchée pour s’assurer du bon déroulement de ma mission. Une chance pour moi. Les contrebandiers avaient tous fui, sans laisser de trace. Quand Dame Aube avait compris le danger que représentait le Temple, elle avait ordonné sa destruction, me croyant mort, ne sentant nulle trace de ma présence. Une minute de plus et elle aurait quitté le secteur, m’abandonnant à une destinée funeste sans le savoir.
J’étais désormais sauvé, et la menace de Voldtari écartée une fois de plus. Le contrebandier dont j’avais pris l’apparence allait être récupéré et interrogé.
Rassuré, je me laissais sombrer dans un sommeil réparateur…
Villemoustaussou, le 07 juillet 2003