« Rapport 954-A9-B6-Aurek. Croiseur Hammerhead NG-2 Forte Tête
. L’inspection accorde à ce navire la note F. L’équipage est entièrement incontrôlable. Nous avons rencontré le navigateur givin Galieet Hurieegh, qui nous a confié les problèmes d’autorité rencontrés par l’ancien capitaine. Le navire a été mis à quai en l’attente d’un nouvel officier.
Envoyez le meilleur. »Rapport de la Commission d’Inspection Aurek,
Note à l’intention de l’amiral Aiden Corona.
Quai Alpha-6, Ord Mantell, Croiseur Hammerhead NG-2
Forte Tête, 2 mois plus tard.
Avec un sourire non dissimulé, Jagen entra dans le quai où était entreposé son nouveau vaisseau.
Il y avait eu une longue procédure dont il était heureusement venu à bout pour en arriver là, mais cela valait la peine. Le Forte Tête reposait dans un quai spécialement aménagé pour accueillir les Hammerheads de la Flotte Républicaine, avec une profonde fosse en-dessous du pont. Ses lignes droites étaient renforcées par la peinture rouge écarlate qui habillait ses flancs. Jagen n’était pas un grand sentimental, mais la vision de ce vaisseau – son vaisseau – l’emplit de joie.
Ce vaisseau est sous mes ordres. Son regard glissa sur les batteries turbolasers qui étaient logées autour du pont.
Elles retrouveront bientôt le combat, se promit-il.
Toutefois, un rapide balayage des environs lui permit de remarquer plusieurs négligences, dont une de taille : la rampe abaissée, qui permettait un accès sans difficulté au vaisseau. Il se dirigea vers elle et monta à bord, inquiet pour la suite des évènements.
Contrairement à ce qu’il craignait, les coursives étaient relativement propres, mais il se rappela que la programmation des droïdes ne dépendait pas de l’équipage. La progression vers le pont se fit dans le silence le plus total. Craignant un temps que le vaisseau n’ait été abandonné, Jagen se souvint ensuite que les Hammerheads NG-2 avaient expérimentés les systèmes d’asservissement à présent intégrés à la flotte Katana, et nécessitaient donc un équipage très réduit. Rassuré, il entra sur le pont, certain cette fois-ci qu’il ne serait pas désert.
Et il ne se trompait pas. Plusieurs personnes, majoritairement des humains, étaient assises sur les sièges des navigateurs. Le seul non-humain de la pièce, un givin, fut également le seul à se lever et à se mettre au garde-à-vous.
- Capitaine sur le pont ! lança-t-il en voyant Jagen entrer.
- Du calme, du calme, Galieet, tu vas encore nous énerver, lança un homme de forte carrure.
Un lieutenant, selon son grade, remarqua Jagen.
- Eh, les gars, lança-t-il, ça vous dirait de frapper le givin ?
- Garde à vous ! ordonna le jeune capitaine, révolté.
- Qu’est-ce que t’as, le bleu ? demanda le colosse, menaçant. Tu t’imagines que… Houmpf !
Jagen n’était pas large, mais il était grand, et cela compensait. Le coup de poing magistral qu’il décrocha dans l’estomac du lieutenant envoya l’homme - qui ne s’y attendait visiblement pas - au tapis.
- Ce sera le tarif pour l’insubordination ! dit-il d’une voix dure. Je ne tolèrerai pas un tel comportement !
- Vous n’aurez pas le choix, répondit le lieutenant, furieux.
- Vraiment ? demanda ironiquement Jagen. Et qui a donc décrété cela ?
- L’amiral Willspawn. Il a spécifiquement ordonné que l’on ne vous obéisse pas tant qu’il n’a pas approuvé vos ordres.
Jagen acquiesça.
Le premier coup de hutt de Willspawn. J’aurais dû m’en douter. Cela complique toute la situation. Il enrageait, mais préféra afficher une mine défaite pendant qu’il réfléchissait.
- Vous voyez, les gars ? dit le lieutenant à ses congénères en fanfaronnant. On l’a maté, le p’tit nouveau !
Une idée germa dans l’esprit de Jagen. Extrémiste, certes – et cela risquait de lui faire perdre son poste si les choses tournaient mal – mais c’était la seule solution.
L’homme venait de saisir une canette de bière corellienne et en passait d’autres à ses amis.
- Bonne idée, lieutenant. D’ailleurs… Prenez-les toutes. Vous avez parfaitement le droit d’aller les boire sur les quais.
- Hein ?
- Article Eta-76-A4 de la charte militaire : « Tout capitaine de vaisseau peut s’il le souhaite se séparer de son équipage, si celui-ci montre des tendances à la mutinerie. ». Faites vos bagages.
- Mais…
- On dit « Oui, capitaine ».
L’ex-lieutenant songea un instant à se révolter… avant de se ressaisir. Le blaster que brandissait Jagen avait dû lui éclaircir les idées.
- Dehors, maintenant.
Les humains, qui n’avaient pas d’armes sur eux, sortirent très vite, laissant Jagen seul avec le navigateur givin.
- Lieutenant Hurieegh, je présume ?
- Oui, capitaine.
- Vous êtes le seul membre d’équipage qui soit resté. Vous respectez la hiérarchie. C’est remarquable.
- Merci, capitaine.
- Et je pense que vous ferez un excellent second, maintenant que ce vaisseau est nettoyé.
- M…moi, capitaine ? bredouilla le givin. Mais je n’ai aucune formation ! Je suis un simple navigateur !
- Mais vous êtes loyal, rappela Jagen, et je récompense la loyauté. On peut contrôler le vaisseau depuis le pont ?
- Bien entendu.
- Parfait. Pouvez-vous suivre leur progression d’ici ? Je voudrais m’assurer qu’ils sortent sans encombre.
- Bien, monsieur.
- Profitez-en également pour verrouiller le pont.
- C’est déjà fait, monsieur.
- Bien. Très bien. J’apprécie les initiatives. Y a-t-il un autre membre d’équipage qui restera à bord ?
- Un seul, je pense. Le mécanicien Tiken Sovv. Il est en charge du bloc moteur gauche.
- Très bien. Pensez-vous qu’il soit en sécurité ?
- Il n’y a que des droïdes, là-bas. Il ne se mélange pas au reste de l’équipage. Ils n’iront pas le chercher.
- Assurez-vous quand même qu’ils ne puissent pas le rejoindre. Appelez-moi dès qu’ils sont sortis, d’accord ?
- Oui, monsieur.
Jagen commença l’exploration du pont. Il était semblable à celui des premiers Hammerheads, presque quatre mille ans auparavant. La forme de V caractéristique imposée par la forme de la proue du vaisseau ne se retrouvait nulle part ailleurs. La classe Hammerhead NextGen2 avait été mise en service un an auparavant, et quatre exemplaires avaient été livrés à la Flotte de la République. Tout comme pour les cuirassés de Katana, le but était plus d’impressionner que de combattre, même si les canons lasers installés à divers endroits prétendaient le contraire. La plupart des citoyens de la République connaissaient en effet cette silhouette impressionnante, ces vaisseaux sortis tout droit du passé.
Jagen s’assit sur son siège et se mit à réfléchir. Son coup d’éclat ferait du tort à Willspawn, il le savait. Il avait fait preuve d’insubordination.
Il me le fera payer, c’est certain, mais les autres membres du Haut Commandement ? Aiden me soutiendra, mais il faudra convaincre le reste… Une victoire pourrait les rallier. Mais pour ça, il me faudrait un équipage.
Je dois recruter un nouvel équipage.- Ils sont sortis, monsieur, indiqua Galieet. J’ai fermé le sas pour plus de sécurité.
- Bien. Maintenant, faites venir ce Tiken Sovv.
- Oui, capitaine.
Le givin sortit en courant. Jagen le suivit du regard. Quelque chose l’intriguait, sans qu’il sache de quoi il s’agissait. Puis il comprit que c’était l’absence d’uniformes.
Étant très attaché à ce genre de choses, il se mit en tête de trouver une solution. En premier lieu, il poserait la question à Galieet. Le lieutenant Hurieegh avait un fort potentiel, cela ne faisait aucun doute. Son instinct lui soufflait que le givin serait un soutien inconditionnel face à la domination de Willspawn.
Et son instinct avait rarement tort.
La porte du pont s’ouvrit à nouveau, et Jagen regarda en sa direction. Le nouveau venu était pour le moins atypique. Si Galieet Hurieegh était un représentant typique de son espèce, avec la maigreur extrême qui les caractérisait, Tiken Sovv contrastait avec la plupart des sullustéens rencontrés par le jeune capitaine jusqu’à préent. Un faible nombre, certes, mais qui présentait plusieurs caractéristiques communes. Ainsi, si les autres sullustéens étaient généralement casaniers, Sovv semblait avoir vécu une vie pleine d’aventures. Sa tenue de mécanicien laissait apparaître un corps musclé, et son visage était plein de cicatrices. Son oreille gauche était entaillée, et un tatouage marquait sa joue droite.
-
< Lieutenant Tiken Sovv au rapport, capitaine. Heureux de voir que vous avez réussi à écumer la vermine de ce navire. >Il avait dit tout cela en sullustéen, mais Jagen put tout de même le comprendre. Il disposait d’un don inné pour les langues, et en comprenait une vingtaine, du basic au hutt en passant par le wookiee et le tionese.
- Il dit, capitaine, que…
- Merci, Galieet, mais j’ai parfaitement compris. Je suis ravi de vous avoir à mes côtés, lieutenant Sovv. Maintenant, mettons les choses au point.
-
< Capitaine ? >- Vous connaissez le vaisseau mieux que moi, vous avez plus d’expérience, alors si vous remarquez un problème, faites-le moi savoir, d’accord ? Et appelez-moi Jagen en privé, le grade n’est valable qu’en public.
-
< Compris, Jagen. >C’était là la méthode enseignée par Aiden pour se rapprocher de ses hommes, une méthode qu’il comptait bien mettre à profit. Il désirait faire ses preuves, certes, mais pas au point de risquer une mutinerie. A
voir de bonnes relations avec l’équipage permet d’améliorer le fonctionnement global de l’équipe, comprit Jagen.
- Il en va ainsi pour vous aussi, Galieet.
- Bien, Jagen.
- Maintenant, j’aimerais savoir ce qu’il en est des uniformes ; je n’en ai pas vu un seul !
- C’est parce qu’il n’y en a pas, expliqua le givin. Depuis les réformes de Ruusan, nous n’avons plus d’uniforme commun à toute la flotte. Les groupes de combat, comme Katana, en ont, mais pas les petits vaisseaux.
- Compris. Ce qui nous donne deux tâches à faire. Premièrement, recruter un équipage. Deuxièmement, concevoir un uniforme.
Visiblement, Galieet fut choqué par la première proposition.
- Recruter un équipage ? Ici ?
- C’est ça, ou faire une demande auprès de la Commission de Sécurité. Et je n’ai pas l’intention de mourir de vieillesse en attendant leur réponse.
-
< Ce n’est pas une mauvaise idée, > dit Sovv.
< On peut trouver les meilleurs pilotes de la Galaxie sur Ord Mantell. Mais attention, les rixes sont monnaie courante. >- Je m’en souviendrai. D’ailleurs, Tiken, puisque vous semblez avoir une certaine expérience de ces milieux, peut-être pourriez-vous venir avec moi ? Galieet, il faut que vous restiez ici pour surveiller le vaisseau. Je ne pense pas que ces brutes reviendront, mais on ne sait jamais. Willspawn pourrait avoir prévu le coup et se trouver dans le secteur. Avec leur appui, ils pourraient renverser la situation. L’empressement est nécessaire à présent.
************
- …et, bien entendu, je souhaite une prime de risque annuelle.
- Elle est déjà intégrée dans le contrat, répondit Jagen avec froideur.
L’homme eût une moue de mécontentement.
- Ce n’est pas assez, dit-il.
- Et c’est tout ce que la Marine de la République peut offrir, répliqua le jeune capitaine, sûr de lui. Suivant !
L’autre fut immédiatement déstabilisé.
- Attendez… Peut-être que finalement…
- Je détesterais vous imposer un travail trop peu rémunéré pour vous, déclara Jagen avec une fausse moue triste. Mais d’autres n’ont pas vos compétences – ou vos exigences – et s’en conteront très bien.
Voyant que tout était perdu, l’homme sortit, laissant un autre entrer. Le nouveau venu était un homme apparemment très robuste, qui revêtait une vieille armure. Un casque à la visière en forme de T était accroché à sa ceinture. C’était sûrement un mandalorien, un de ces guerriers d’élite. Il pourrait sans doute convenir au poste d’artilleur qu’il restait à pourvoir.
Le recrutement s’était très bien déroulé, mieux encore que Jagen ne s’y attendait. Le remplaçant de Tiken dans le bloc moteur gauche était un wookiee du nom de Chrwarrok, qui avait visiblement quelques ennuis avec des esclavagistes et les fuyait depuis Muunilist. Le lieutenant Sovv était quant à lui secondé par Kol’yan, un twi’lek lethan originaire de Nar Shaddaa à qui il manquait un lekku. La maintenance du réacteur droit était assurée par un humain de Brentaal, Ren Jorvis, que Jagen avait recruté à la base d’Ord Mantell, tout comme Tern Hoovys et Jos Geraan, deux canonniers extrêmement doués qui s’occupaient à présent des tourelles anti-chasseurs. Sur le pont, Galieet assurait toujours la navigation, ses compétences pour les mathématiques l’aidant grandement. L’officier des communications était un bothan, Horsk Tre’far, qui après avoir fait partie du réseau d’informateurs de Kothlis souhaitait revenir à un travail plus calme. Enfin, il y avait un zabrak, Kento Gaarufan, qui se chargeait des tourelles lourdes de l’aile gauche.
Restait l’aile droite, pour laquelle il recherchait toujours des candidats.
Le mandalorien s’assit sans un mot. Jagen ne s’en formalisa pas. Sur un monde comme celui-ci, la politesse était loin d’être indispensable, et elle semblait indiquer une certaine faiblesse.
Ce qui signifie que j’ai en face de moi un dur à cuire de première classe. Ou un simple malpoli.- Nom, prénom, planète d’origine, dit-il en suivant la procédure.
- Jurgan, Thnod, originaire de Mandalore.
- C’est noté. Le poste auquel vous êtes candidat est celui d’artilleur de l’aile droite d’un croiseur Hammerhead NG2, le Forte Tête. Les horaires et le salaire sont indiqués sur ce formulaire – il lui tendit un datapad – en bas à droite. Avez-vous des questions ?
- Laissez-moi lire, et je vous les poserai ensuite.
Jagen acquiesça et reporta son attention sur son propre datapad, pour parcourir la fiche d’identité de ce Jurgan. Sans surprise, il vit plusieurs primes, dont une de très forte valeur.
- Vous êtes un homme courtisé, M. Jurgan, dit-il. Mais je suppose que la compagnie des chasseurs de primes ne vous intéresse pas vraiment.
Le mandalorien lui jeta un regard noir, puis se pencha à nouveau sur le rapport.
- Je cherche tout simplement un nouveau départ, expliqua-t-il.
- Je m’en doute, répondit Jagen. Et c’est ce que je vous offre.
L’homme le regarda dans les yeux, puis, sans le moindre avertissement, il signa le contrat sur le datapad.
- Bienvenue au sein de la Flotte, dit Jagen avec un sourire en remballant ses affaires.
************
- Poussez les moteurs à la vitesse maximale, et voyons de quoi ce vaisseau est capable, ordonna Jagen.
Galieet acquiesça et s’exécuta. Le capitaine se tourna vers l’écran de position héliocentrique et nota mentalement les données qui s’affichaient.
C’est du bon, conclut-il après un moment, non sans fierté.
Du très bon. - Capitaine, il y a une communication entrante en provenance d’Anaxes, signala Tre’far. C’est l’amiral Corona.
- Très bien, répondit Jagen, je le prends dans la salle de réunion.
Aiden est sûrement déjà informé de ce qui s’est passé hier, pensa-t-il en quittant le pont.
Il m’a demandé de me modérer pour ne pas alerter Willspawn, mais il me connaît trop bien pour penser que je n’allais pas réagir face à de tels comportements.Il se dirigea vers la salle de réunion. Elle était située entre le sas d’arrimage et le pont, pour faciliter l’accès lors de négociations. Le centre de la pièce était occupé par une vaste table ovale, au centre de laquelle se trouvait un holoprojecteur. Jagen s’assit et lança la communication, faisant apparaître le visage de son mentor.
- Bonjour, Aiden, dit-il en souriant.
-
Jagen ! Comment vas-tu ?- Bien, merci. Et vous ?
-
Je me porte comme un charme. La construction du Katana
vient de s’achever, et il ne reste plus que dix vaisseaux à terminer. Nous sommes dans les temps.- Rendili StarDrive est une société sérieuse.
-
Je le sais bien. Maintenant, parlons de toi. Et de tes actes.- Par « actes », vous voulez sans doute parler de mon comportement vis-à-vis de l’ancien équipage ?
-
Willspawn était furieux, évidemment. J’ai réussi à arranger le coup. Et pourtant… Je me demande bien comment il compte contre-attaquer.- Si vous aviez vu le comportement des ex-membres d’équipage lorsque je suis entré… J’en ai gardé deux : le navigateur givin et le mécano sullustéen. Les deux seuls à être loyaux.
-
Je sais, je sais, j’ai reçu plusieurs rapports à ce sujet. Tu as très bien agi à mon sens, mais je doute que cela soit en ta faveur contre Trevor.- Je ne sais pas quoi vous dire…
-
Je fais tout pour le faire tomber, mais il a trop de soutiens. Il a été surpris en compagnie d’une des « suivantes » d’Orn Free Taa, le sénateur de Ryloth. Je pense qu’il lui a prêté. Il a des contacts assez…- …Spéciaux ?
-
Entre autres. Je l’ai également vu l’autre soir en compagnie du sénateur du secteur Chommell, comment s’appelle-t-il…- Palpatine, je crois ?
-
Voilà, c’est ça. Le chancelier Kalpana m’a confié que ce type ne lui plaisait pas. Il n’en laisse rien paraître, évidemment. Et Finis a le même comportement.- Le sénateur Valorum ?
-
Lui-même, un de mes meilleurs soutiens, avec Yarua, le sénateur de Kashyyyk. Des hommes politiques comme il en faudrait plus….- À qui le dites-vous ! Et pour ce qui est de mon père ?
-
Il est sur Bespin, ces temps-ci… Il ne te l’a pas dit ?- Il ne me dit plus grand-chose, ces temps-ci.
-
Je vois. Il est remplacé par Joran Calrissian, d’Anoat.- D’accord.
-
J’ai également autre chose à te dire. Il faut que tu viennes sur Rendili dans sept jours. Nous aimerions examiner le Forte Tête.
- Entendu. Mais je n’ai pas d’uniforme.
-
Je peux en trouver pour tout ton équipage. Envoie les mensurations à mon cabinet, tu les obtiendras lors de ton arrivée sur Rendili. Tu as une idée du style ?Jagen réfléchit un instant. Il avait une idée, oui, mais il n’était pas sûr qu’elle soit faisable.
- Des uniformes Mk.XXII, finit-il par répondre. Ceux qui étaient en service au moment de la Guerre Civile des Jedi.
Aiden sourit.
-
Pas de problème.************
Lorsque le
Forte Tête quitta l’hyperespace et entra dans l’orbite de Rendili, tous les hommes sur le pont retinrent leur respiration.
Devant eux, la planète occupait l’ensemble de la verrière, mais ce n’était pas ce spectacle à, la fois si habituel et si unique, qui leur coupait le souffle. C’était la vision des chantiers navals de Rendili StarDrive, et surtout des vaisseaux qui y étaient amarrés.
La Flotte Katana s’étendait à leurs pieds.
Depuis le pont, Jagen pouvait observer chacun des deux cents cuirassés Dreadnought améliorés. Il comprenait à présent son appellation de Force Sombre ; les vaisseaux étaient peints en noir, tels des ombres dans une mer d’encre. Les seules sources de lumière étaient les lampes des coursives du vaisseau ; mais leur nombre était fortement réduit du fait de la présence des systèmes automatisés.
Après mille ans de décadence, la République retrouve enfin une puissance militaire digne de ce nom. Le regard embué et plein d’envie, Jagen admira chacun de ces croiseurs.
L’un d’eux se détacha du groupe pour se diriger vers le
Forte Tête. Sur sa coque, à quelques mètres en-dessous du pont, était écrit son nom en lettres dorées.
Katana.
Le vaisseau-amiral s’approcha et demanda l’autorisation d’arrimage. Rapidement, chacun des vaisseaux déploya son sas, et le couloir formé se pressurisa. Jagen alla dans le hall d’embarquement et entra dans la coursive de verre.
C’était un spectacle formidable. Il se tenait là, dans ce couloir transparent, mais il avait l’impression de voguer dans l’espace, d’être suspendu dans le vide. La majesté de l’infini… et sa dangerosité, pensa-t-il, émerveillé. Ce qui est beau n’est pas sans risques. À trop vouloir voir l’espace, on finit par s’y perdre.
En entrant dans le Katana, il eut une impression familière, celle qu’il avait déjà ressentie en arrivant sur Anaxes ou lors de son unique visite au Sénat pendant son enfance : une impression de puissance. Aucun autre navire ne lui avait donné un tel sentiment de force brute.
Republic is back, se dit-il en se remémorant le slogan aurabesh de la campagne de promotion.
Aiden a bien agi, comme toujours. Ce vaisseau sera bel et bien le symbole de la République. En fait, il l’est déjà.L’impression perdura tandis qu’il parcourait les coursives. De nombreux mécaniciens et droïdes s’affairaient çà et là ; il croisa plusieurs chariots de transport, et notamment celui qui convoyait ses précieux uniformes. Le vaisseau était bien plus peuplé que le Forte Tête, et cela se sentait. La grande différence entre les deux vaisseaux se trouvait non pas dans la taille mais dans la puissance de feu ; les ingénieurs de Rendili StarDrive parlaient d’ailleurs d’un rapport de un contre vingt.
Cependant, l’agitation qui régnait dans le vaisseau n’était rien face aux souvenirs des cuirassés qu’avait Jagen. Il avait visité un de ces croiseurs pendant ses études, et il se souvenait très bien de la promiscuité étouffante et des mouvements incessants.
En pénétrant dans le bureau de l’amiral Corona, c’est une impression de luxe qui engloba Jagen ; l’ensemble de la pièce était bleu et doré, marque d’une richesse exhibitionniste. Le jeune capitaine qu’il était savait qu’un bon officier ne devait jamais rechercher une telle profusion de décors et de confort, qui risquaient de le distraire dans sa tâche, et il savait aussi que ce n’était pas le cas d’Aiden Corona. Son bureau était en fait l’une des chambres réaménagées ; la Flotte ayant aussi pour rôle le transport de personnalités importantes, les politiciens avaient exigé un tel luxe décadent. Une preuve supplémentaire, s’il en fallait, de la conduite déplorable du Sénat, pensa Jagen avec dépit. Quatre hommes se trouvaient dans ce bureau ; l’amiral Corona, un ingénieur portant la tenue de chantier de Rendili StarDrive, un autre arborant une tunique à la fois riche et dépouillée et un quatrième en robe bleue, que Jagen reconnut immédiatement, bien qu’il ne l’ait jamais rencontré.
Le chancelier Kalpana.
- Ah, Jagen, s’exclama Aiden. Te voilà. Je te présente le chancelier Kalpana…
- Mes hommages, Excellence, dit Jagen en s’inclinant.
- Je suis ravi de rencontrer un officier si prometteur, aux dires d’Aiden, répondit le chef de la République.
- …le sénateur Valorum…
- Enchanté, Sénateur.
- Moi de même, capitaine, dit le représentant d’Eriadu. Je suis un ami de votre père au Sénat. Il m’a toujours dit du bien de vous.
- J’en suis honoré.
- …et le concepteur des croiseurs Hammerhead NG-2, Walex Blissex.
L’homme était à peine plus âgé que Jagen, mais il semblait déjà occuper une place de première importance.
- Félicitations pour votre travail, monsieur, dit le jeune capitaine. Ce vaisseau fonctionne parfaitement.
- Et si je suis là, c’est pour l’améliorer davantage, répondit l’ingénieur.
- La direction de Rendili StarDrive souhaite ton avis sur le navire, reprit Corona. Je sais que tu l’as très peu expérimenté, mais c’est mieux que rien.
- En vérité, j’ai entraîné mes hommes et testé les capacités du vaisseau pendant la semaine qui vient de s’écouler, expliqua Eripsa. Mais le mieux serait sûrement de convier mon second, le lieutenant-navigateur Hurieegh, et le mécanicien en chef Sovv. Ils sont les doyens de l’équipage, et connaissent sans aucun doute bien mieux que moi le vaisseau.
- Cela ne pose aucun problème, intervint Kalpana.
- Dans ce cas, conclut Aiden, allons-y.
************
Ils inspectaient l’infirmerie de bord lorsque le sas derrière eux s’ouvrit, laissant apparaître une silhouette peu agréable.
- Messieurs, je suis à vous.
Trevor Willspawn était un homme d’une cinquantaine d’années, mais qui en paraissait quarante. En comparaison d’Aiden Corona, usé avant son temps par les soucis, Willspawn semblait plus jeune, en plus dynamique, plus énergique, même si les deux hommes avaient sensiblement le même âge. Cependant, son regard vacillait de temps à autre, montrant par là son addiction aux épices de Kessel dont il ne faisait aucun mystère, sauf en présence du chancelier. Comme à son habitude, il était vêtu d’une tunique ample et somptueuse, mais très peu fonctionnelle, ce qui cadrait bien avec l’homme qu’il était.
Jagen n’avait jamais rencontré l’amiral Willspawn ; tout au plus l’avait-il aprçu au détour d’un couloir, ou au cours des conférences qui jalonnaient la vie des étudiants de l’Académie Navale de la République. Contrairement à Aiden, il n’accordait que peu d’importance aux établissements d’enseignement de la Flotte, bien qu’il ait parrainé quelques élèves, comme Kendal Ozzel.
- Excellence, sénateur, bienvenue sur mon vaisseau, dit-il sans accorder le moindre regard aux autres intervenants.
- Amiral Willspawn, répondit poliment le chancelier Kalpana en inclinant légèrement la tête.
- Vous êtes aussi là, Aiden ? dit-il en se tournant vers son homologue. Cette frégate n’est pas sous vos ordres, pourtant ?
- Il faut bien que quelqu’un s’en occupe pendant que vous visitez les maisons closes et les bars, Trevor, répondit acerbement le vieil homme.
- Messieurs, messieurs, calmez-vous ! intervint Kalpana. Ces échanges de bas-coups ne vous seront aucunement profitables, alors soyez civilisés !
- Bien, Excellence, répondit Willspawn.
Il fixa ensuite Jagen droit dans les yeux. Celui-ci ne détourna pas le regard, bien décidé à ne pas perdre le contrôle de la situation, conscient que ce premier affrontement détournerait l’issue des autres.
- Quant à vous, capitaine Eripsa, reprit l’amiral, on m’a averti de votre comportement scandaleux sur Ord Mantell. Vous prenez des décisions qui ne relèvent pas de votre compétence, vous outrepassez consciemment des ordres que j’ai clairement établi !
- Ces hommes ne souhaitaient pas suivre mes ordres, amiral, répliqua Jagen d’un ton assuré. J’ai par conséquent usé de l’article Eta-76-A4, concernant la prévention des mutineries.
- Ils ne suivaient pas vos directives, dites-vous. Mais qu’en était-il des miennes ?
- Ils ne les suivaient pas non plus, ils…
- Assez ! s’emporta Willspawn. Vous êtes capitaine depuis une semaine, et vous n’avez fait qu’embrouiller la situation ! Incapable ! Vous mériteriez…
- Il dit vrai, amiral, intervint Galieet.
- Vous, dit l’amiral en se tournant vers lui, espèce de sale…
Le regard que lui lança Kalpana le dissuada de continuer.
- Puisque vous semblez douter des capacités de ce jeune homme et de son équipage, Trevor, pourquoi n’organiserions-nous pas une session de démonstration ?
- Très bonne idée, renchérit Aiden. Je peux en déclencher immédiatement une, nous avons quelques vaisseaux factices en stock.
- Une frégate fera l’affaire, dit le chancelier.
Aiden décrocha son comlink et donna plusieurs ordres. Lorsqu’il eut fini, il fit signe de se diriger vers le pont. Jagen ouvrait la marche, et son supérieur hiérarchique la fermait. Willspawn semblait complètement sonné, mais les autres en revanche affichaient un sourire complice. Ils ont tout manigancé, comprit Jagen avec une pointe d’amusement.
Galieet, qui était parti sur le pont avant même qu’Aiden n’ait fait la demande d’exercice aux autorités des docks rendiliens, se trouvait à son poste lorsque Jagen entra. Les autres membres d’équipage, probablement prévenus, l’avaient imité. Tous se levèrent et se mirent au garde-à-vous en voyant entrer la délégation officielle.
- Repos, messieurs, dit Jagen, comme galvanisé par l’approche de son premier test en conditions réelles.
Il s’approcha de son ordinateur personnel et s’assit. Il pressa le bouton du haut-parleur du vaisseau.
- Exercice en conditions réelles, type Alpha-9-7, commença-t-il. Nous allons être attaqués par une frégate robotisée. Ce vaisseau est bien mieux armé que le nôtre, nous allons donc devoir faire preuve d’ingéniosité. Tous les membres d’équipage à leurs postes de combat, je répète, tous les membres d’équipage à leurs postes de combat. Tiken, je veux que les droïdes astromechs soient sur le pied de guerre. Tern, Jos, vous n’aurez pas d’ennemis directs, alors concentrez-vous sur les batteries adverses. Thnod, Kento, je veux que vous désactiviez ses boucliers. Galieet, il s’agira de mener le vaisseau à la limite de la zone de tir.
- C’est entendu, capitaine, répondit le givin.
Derrière eux, au fond du pont, Aiden, Finis, Willspawn, le chancelier Kalpana et l’ingénieur Blissez s’assirent et bouclèrent leurs ceintures.
- Galieet, reprit Jagen en s’adressant directement à son second, il faut absolument que tu nous trouves la zone limite de tir. Nous devons absolument encaisser le moins de dommages possibles. J’ai bien écouté Blissex au cours de la visite, et il a expliqué que nos batteries avaient une bien meilleure portée que celles de la plupart des autres vaisseaux.
- C’est peut-être du baratin d’ingénieur, tempéra le lieutenant.
- Non, répondit catégoriquement le capitaine. Ne me demande pas pourquoi, mais je sens quand des gens me mentent ou pas. Et il disait la vérité. Du moins, ce qu’il pense être la vérité.
- Entendu.
- Capitaine, intervint Horsk Tre’far, le vaisseau ennemi est une frégate de classe Praetorian. Lent, peu maniable, mais résistant et doté d’une bonne puissance de feu. Il présente plusieurs signes de dommages à l’arrière, c’est sans doute pour cela qu’il est voué à la destruction.
- L’arrière, hein ? Eh bien, nous allons l’attaquer par là. Galieet, s’il est aussi peu manœuvrable, notre tactique peut être modifiée.
- Je vous écoute, capitaine.
Jagen eût un sourire.
- Fonçons-lui dessus.
Le visage livide du givin devint en un instant plus blanc que la neige d’Aldérande, mais il ne tenta pas de discuter les ordres. Au contraire, il mit un zèle particulier à les accomplir vite.
Le
Forte Tête accéléra progressivement jusqu’à atteindre une vitesse de croisière élevée. La frégate Praetorian, invisible jusque lors, grossit progressivement. Ils venaient à peine d’entrer dans son rayon d’action lorsqu’elle ouvrit le feu.
- Galieet, nous allons passer sur son flanc droit, dit Jagen. Par conséquent, concentrons toute la puissance des boucliers sur notre flanc gauche et sur le pont.
- Je suis d’accord, dit le givin.
Tout se passait à merveille. Peu de salves atteignirent le vaisseau dans sa course lorsqu’il approcha. Leur précision augmenta, mais ce n’était pas assez pour endommager les boucliers du croiseur Hammerhead NG-2. Les batteries du
Forte Tête, sous-alimentées, ne pouvaient pas répliquer, mais cela n’était pas prioritaire au cours de la manœuvre.
Enfin, les deux vaisseaux se trouvèrent côte-à-côte.
Cela ne dura que quelques secondes, mais le
Forte Tête fut largement secoué par de violentes turbulences. Fort heureusement, le jeune capitaine qu’était Jagen Eripsa n’avait pas surestimé la capacité d’absorption énergétique des robustes boucliers de Rendili StarDrive.
Puis ce fut rapidement l’accalmie. Les batteries du Praetorian ne pouvaient plus cibler le
Forte Tête, réfugié derrière les moteurs du vaisseau.
Et tout recommença, mais dans l’autre sens, cette fois-ci. Le croiseur Hammerhead pivota très rapidement, et put rediriger totalement la puissance de ses boucliers vers les batteries de canons. Jagen, qui était à présent debout devant la baie vitrée du pont, coordonnait l’assaut.
- Tirez sur leurs réacteurs, ordonna-t-il aux artilleurs. Nous devons l’immobiliser. Ensuite, nous pourrons le mettre hors de combat.
- Pas de désintégration ? demanda Thnod Jurgan.
- Pas de désintégration, répéta Jagen. Cette coque a sûrement du mal à voler, mais nous pourrions sans aucun doute en tirer encore quelques composants et surtout du blindage bon à recycler. Autant ne pas passer à côté.
Il avait dit cela en se tournant vers le comité assis au fond du pont. Aiden lui adressa un sourire approbatif en guise de réponse.
Les boucliers du vaisseau ennemi flanchaient rapidement, à présent. La coque sous pression chauffa aux endroits où les salves de lasers la frappaient, allant jusqu’à se déformer. Les tourelles défensives, bien qu’inutiles, furent promptement détruites par quelques tirs bien placés. En à peine plus d’une minute, la frégate était hors de combat, à la dérive dans l’espace.
- Félicitations, capitaine, dit le chancelier Kalpana en se levant à la fin de l’exercice. Vous avez très largement prouvé vos compétences.
- Très largement ! s’offusqua Willspawn. Mais il ne s’agissait que d’une frégate droïde, et d’un exercice banal…
- Auquel vous avez participé autrefois, Trevor, l’interrompit l’homme d’État. Mon oncle Feragan était superviseur des opérations au Centre Naval de Metellos, et il nous a souvent raconté votre pitoyable performance face à une frégate de cet acabit.
- Il s’agissait d’un accident, répliqua l’amiral, vexé.
- Et vous avez fini amiral, conclut Kalpana. Alors, permettez-moi de placer toute ma confiance en ce jeune capitaine !
Et il s’en alla, sans un mot de plus, suivi par Finis Valorum et Aiden Corona, en grande discussion. Willspawn, dépité, les suivit, sans oublier de lancer un regard assassin à Jagen. Le jeune capitaine lui répondit par un sourire innocent.
- Je crois qu’il ne vous aime pas, dit Galieet avec une pointe d’ironie.
- Peu m’importe, dit Jagen avec un grand sourire.
Alors qu’il sortait du pont pour rejoindre le comité, Jagen se rendit compte que cette confrontation avec l’amiral Willspawn n’était que la première.
Et certainement pas la dernière….