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Visite nocturne
 
ISD Retaliator, système de Boreus


La salle de réunion allouée au contre-amiral Waldemar résonnait du bruit d’une conversation enjouée. Comme chaque semaine, le commandant de la flotte invitait à dîner les officiers supérieurs du vaisseau où il avait établi son commandement, ainsi que certains des capitaines des autres unités de la flotte de blocus. Il y avait là le capitaine Joris et son second ainsi que les commandants du Manticore, du Hornet et du Krayt Dragon. Tandis que des droïdes faisaient circuler le vin et les plats entre les convives, la discussion tournait autour des mérites comparés des musiciens dits « classiques », des écrivains à la mode… Sans oublier les rumeurs à propos des dernières innovations technologiques – entre autres le fameux champ gravifique d’interdiction, vieux rêve de toutes les armées de la galaxie. Bref, on ne pouvait être plus loin du conflit en cours.
Reiner Waldemar appréciait ces pauses, qui lui permettaient en fait de connaître ses officiers autrement que par leurs dossiers. C’était presque aussi bien qu’une visite d’inspection à bord, où il s’intéressait aux attitudes des hommes d’équipage sous couvert de constater la qualité de l’entretien des lieux. En s’assurant de leur moral, il s’assurait par la-même de leur efficacité au combat. Il n’en attendait pas moins une stricte discipline mais savait récompenser zèle et initiative ; un trait de caractère qui avait tendance à se perdre, remplacé par un strict respect du manuel et de la doctrine impériale. Waldemar vit le capitaine Joris rire de bon cœur à une plaisanterie lancée par le commandant du Hornet. L’amiral ne se faisait guère de soucis à propos du capitaine du Retaliator, il regrettait juste une certaine rigidité liée à son propre manque d’expérience. D’un autre côté, c’était tout à fait normal, vu que Waldemar était l’unique officier à cette table à avoir déjà mené un vaisseau au combat. Ces hommes s’étaient tout de même très bien tirés de leur baptême du feu. L’officier de quart rentra discrètement dans la pièce pour annoncer à son commandant et à Waldemar que tout était calme dans le système Boreus. Ce n’était pas bon signe pour l’amiral, qui se doutait que son ancien subordonné attendait simplement des renforts avant d’attaquer. L’annonce faite, l’officier quitta la pièce, laissant l’amiral et ses convives rassurés et certains que les senseurs de leurs vaisseaux détecteraient toute menace avant qu’il ne soit trop tard.

***


Opéra de Tyra


La salle, illuminée par des dizaines de lustres en cristal taillé, résonnait du bruit des instruments que les musiciens accordaient à l’abri des regards du public dans la fosse d’orchestre. Le brouhaha des conversations allait crescendo au fur et à mesure que les spectateurs étaient menés à leurs places par les ouvreuses.
Capable d’accueillir deux mille personnes, l’opéra de Tyra n’était pas l’un des plus grands de la galaxie mais sa décoration classique faisait l’admiration de tous : des balustrades sculptées et plaquées à la feuille d’or au plafond peint dans une fausse perspective, la salle était une œuvre d’art à elle seule.
Assis dans sa loge, le gouverneur Rees faisait courir son regard au plafond, admirant les représentations des bustes des dramaturges et compositeurs les plus connus de la galaxie. Chaque buste était entouré de personnages tirés des plus grandes créations de l’auteur en question. Et, au centre, une représentation figurative d’une ascension vers les cieux, expression de la nature quasi-divine des arts lyriques. Rees baissa les yeux et observa les gens s’installer tout en haut, au « paradis ». Les places les plus éloignées de la scène mais où l’acoustique était la meilleure. Les moins chères aussi ; ce qui permettait finalement à tous d’assister aux représentations, pas seulement à la bonne société qui occupait les loges et les fauteuils d’orchestre. A propos des places du « paradis », Rees se dit qu’au moins ils avaient une vue directe sur l’ensemble de la scène ; lui n’en voyait que la partie droite, gêné par la configuration de sa loge. Il ne serait pas fâché quand il la quitterait après les élections pour aller dans les fauteuils d’orchestre.
Le visage du gouverneur pivota vers la salle et le public, toujours plus nombreux. Il fit un signe de tête à des gens qui l’avaient remarqué et le saluaient. Il faudrait qu’il se montre à l’entracte pour rassurer tout le monde à propos du blocus impérial. Dans le même temps, le sentiment d’avoir oublié quelque chose lui revint à l’esprit. Mais quoi ? En tout cas, ce ne devait pas être urgent, sinon ses assistants se seraient chargés de le lui rappeler. Son examen de la salle terminé, il se mit à feuilleter le programme que lui avait remis l’ouvreuse qui l’avait guidé jusqu’à sa loge. La mezzo-soprano Juno Scandarii, de Zeltros, tenait le premier rôle féminin dans l’opéra Seïranja, histoire d’amour tragique tournant autour du personnage éponyme. Le livret avait beau n’être qu’une histoire imaginaire, sa portée était universelle. Et en même temps, tout ça était si réel… Rees referma vivement le programme pour éviter que des idées noires ne viennent gâcher sa soirée et jeta un œil à la fosse d’orchestre, observant distraitement le rituel des musiciens.
Quelle chose incroyable que d’écouter cette apparente cacophonie produite par les musiciens avant une représentation ! Entendre chaque instrument chercher séparément le La, tout en sachant que d’ici quelques minutes, ce chaos laisserait la place à la plus grande des harmonies était source d’un plaisir intense pour Rees. Laissant son esprit vagabonder, il ferma les yeux et se laissa porter par les instruments dissonants.

***


Tyra, bureaux du gouverneur


À cette heure, même les employés les plus zélés avaient quitté leur poste, laissant la place aux veilleurs de nuit. Ces derniers n’avaient plus qu’à effectuer leur ronde et à attendre l’arrivée de l’équipe d’entretien. Ponctuels comme à leur habitude, leur speeder se présenta à l’entrée du parking des véhicules de service. Toujours selon la même routine, le garde en poste leur ouvrit la barrière.
À l’intérieur de l’engin, les employés de l’entreprise Agmeninis bavardaient joyeusement tout en lançant de temps en temps un regard en coin à la petite nouvelle qui allait passer sa première soirée à nettoyer cet immeuble. Une demoiselle très mignonne avec sa tignasse rousse ramenée en queue de cheval et un visage délicat que venaient à peine troubler quelques mèches rebelles. Elle avait aussi du cran car, alors qu’ils chargeaient le speeder, Nereïa – c’était son nom – avait coupé court à nombre de sous-entendus par un regard lourd de reproches. Il fallait aussi dire que la joue d’un des employés se rappelait encore de la punition infligée pour certains gestes déplacés. En guise de « cadeau » de bienvenue, les plus anciens avaient secrètement décrété qu’elle se chargerait seule du dernier étage de bureaux. La sécurité y était la plus intransigeante et ces « vétérans » endurcis du nettoyage de nuit se réjouissaient déjà à la perspective, quelque peu iconoclaste, d’aller en griller une dans les sanitaires du siège de leur gouvernement.
Une fois dans le hall d’entrée, le chef d’équipe assigna les tâches à ses subordonnés. Enfin, vint le tour de Nereïa :
« Pour toi, ce sera le dernier étage – celui où le gouverneur tient ses bureaux. Attention, tout doit être irréprochable. Eskin et Lorem s’occuperont de la cage d’escalier. Voilà, c’est tout. Au travail et à dans trois heures ici même. »
Les différents groupes se séparèrent, chacun guidé par un vigile. Enfin seule, Nereïa sourit intérieurement et pressa le pas : un étage en trois heures, cela allait être court.

***


Tyra, non loin des bureaux du gouverneur


L’immeuble de bureaux abritant les sièges de plusieurs sociétés locales était endormi. Deux ombres bougeaient pourtant sur le toit, allongées derrière le muret faisant face au siège du gouvernement. Elles portaient toutes deux des radios cryptées et des lunettes de vision nocturne. L’une d’elles observait un écran portatif relié à une mini-caméra posée sur le rebord du muret.
« Ils sont entrés, chuchota l’observateur.
Vous croyez qu’elle arrivera à être seule pour visiter le bureau du gouverneur ?
Bien sûr, le chef d’équipe est un agent à moi. Il trouvera un moyen. Nous n’avons plus qu’à attendre que votre copine nous appelle.
OK. »
Derek – car c’était lui – leva le pouce à l’intention d’Agmeninis. Il avait toujours un peu de mal à faire confiance à cet homme et le mépris à peine voilé dont le chef de station faisait preuve à l’égard de Derek et de ses compagnons – dû à leur qualité d’ex-militaires et de novices du renseignement – n’aidait pas la situation. Il activa sa radio et contacta Ashoka, resté à bord du Sparrow.
« Nid d’aigle à Tour d’Ivoire, répondez.
Ici Tour d’Ivoire, à vous.
L’Aiglon s’est posé, je répète : l’Aiglon s’est posé. Tenez-vous prêt.
Reçu Nid d’Aigle. Tour d’Ivoire, terminé. »
C’est parti… se dit Derek.
A bord de l’Emerald Sparrow, Ashoka avait activé son terminal informatique, prêt à recevoir toute transmission de données provenant de Sanaz. Du coin de l’œil, il surveillait aussi le biper que Jia ne manquerait pas d’activer si un problème pointait son nez à la cantina de l’astroport.

***


Opéra de Tyra


La salle était maintenant presque pleine comme à chaque représentation. Cette affluence venait principalement des tarifs très compétitifs pratiqués par l’opéra et aussi du manque de concurrence dans la région. Et puis, il y avait Juno Scandarii. La chanteuse lyrique zeltronne était en tournée dans les mondes du Noyau quand le gouverneur Rees avait déclaré l’indépendance du secteur boreo-tyrénien. Le blocus impérial l’empêchant de quitter Tyra, elle avait accepté de participer – au pied levé – à la suite de la saison lyrique dans le secteur et sa réputation avait fait le reste. À moins que ce ne soit la réputation des Zeltron qui attire les foules, songea Rees.
La sonnerie indiquant que la représentation allait bientôt commencer se déclencha alors. Les derniers arrivants se dépêchèrent de rejoindre leurs places. Quelques minutes plus tard, les lumières de la salle s’éteignirent et un tonnerre d’applaudissements salua l’arrivée du chef d’orchestre sur son estrade. Il s’inclina pour remercier le public et pour saluer les musiciens avant d’empoigner sa baguette. Un silence de mort s’établit, bien vite remplacé par les premières mesures de l’ouverture. Une musique joyeuse, festive, destinée à préparer le public au lever du rideau.
La scène se découvrit enfin. Le décor était celui d’une grande salle de réception où l’on célébrait la dernière victoire d’un groupe d’officiers pilotes. Chants, danses… Une mise en scène grandiose pour l’exposition du protagoniste, nommé Jhullyo. Il était membre de l’escadrille victorieuse et participait activement à la fête mais n’y trouvait guère de plaisir.
Et c’est alors qu’elle entra en scène : Seïranja, femme fatale, bohémienne, séductrice. Elle alla danser au centre de la scène alors que tous les regards et projecteurs étaient tournés vers elle. Un peu plus loin, on apercevait Jhullyo, tombé amoureux au premier regard. Un amour fatal débutait…

***


ISD Retaliator, système de Boreus


Les convives avaient maintenant presque achevé le plat principal. L’officier de quart fit de nouveau irruption et alla voir le capitaine Joris. Du coin de l’œil, l’amiral observa l’horloge murale et constata que ce n’était pas l’heure du rapport. La mine soudain déconfite du commandant du Retaliator acheva de le convaincre que quelque chose de grave était à l’œuvre. L’officier se leva et annonça la nouvelle aux personnes présentes :
« Amiral, messieurs. Nous sommes sur le point d’être attaqués par les Tyréniens. »
Comme pour ajouter à la gravité de ses propos, les alarmes appelant aux postes de combat retentirent brusquement. Aussitôt les officiers prirent un air affolé, prêts à céder à la panique avant de retourner à leurs vaisseaux.
« Du calme messieurs, les rassura Waldemar. La bataille n’a pas encore commencé. Vous allez être escortés jusqu’à vos vaisseaux. De mon côté, je vais sur la passerelle pour coordonner la défense. Lieutenant Oberran, fit-il au second du Retaliator, veuillez raccompagner ces messieurs jusqu’au hangar. Qu’une de nos escadrilles de chasse soit prête à les escorter. Capitaine Joris, je vous suis. »
Les paroles confiantes de leur amiral eurent raison des craintes de la plupart des officiers mais ils n’en voulurent pas moins rallier leurs postes le plus vite possible, pris de court par cette attaque.

***

Tyra, bureaux du gouverneur


La jeune femme s’activait à la tâche sans mot dire. Elle était seule car le vigile qui l’accompagnait s’était assis près de la cage d’escalier pour consulter son journal. Quant à ses « collègues », les plus proches étaient à l’étage du dessous ; donc rien à craindre de ce côté-là. Elle était toute proche de son but mais devait attendre une diversion promise par Agmeninis avant de pénétrer dans le bureau de Rees et d’y accomplir sa mission.
« Aiglon, ici Nid d’Aigle. On m’informe que la diversion est pour bientôt. Tour d’Ivoire est paré. Tenez-vous prêt. »
Pour toute réponse, Sanaz / Nereïa tapota le comlink miniature dissimulé dans le creux de son oreille comme si elle se grattait, montrant ainsi qu’elle avait bien reçu le message.
Quelques minutes plus tard, alors qu’elle finissait un bout de couloir, elle entendit des voix venant de l’escalier : un de ses collègues discutait joyeusement avec le vigile. Le moment d’agir était venu.

***


Opéra de Tyra


Le rideau venait de se refermer, concluant ainsi le premier acte. Il s’achevait sur un certain suspense – théorique, car le public connaissait l’histoire par cœur, mais toujours accueilli avec la même attention.
La première partie était centrée sur l’exposition des protagonistes et l’amorce de l’histoire : on y suivait la séduction de Jhullyo par la beauté sensuelle de Seïranja, la bohémienne galactique. Or, tout opposait ces deux êtres : l’officier pilote qui avait voué sa vie à pourchasser les criminels pour faire régner la justice et la femme issue de la « frange », qui côtoyait jour et nuit contrebandiers, mercenaires et pirates de la pire espèce. Pour rejoindre Seïranja, Jhullyo aurait à sacrifier tout ce pourquoi il avait vécu. Y arriverait-il ? Qu’en tirerait-il en fin de compte ?
L’acte deux apporta les premières réponses à ces questions. Le répertoire musical se fit plus dramatique. Une part de l’allégresse du premier acte subsistait encore mais le spectateur était mal à l’aise. Bien que Jhullyo ait tout abandonné pour rejoindre Seïranja et que le couple semblât heureux, les cieux ne souriaient pas pour autant aux deux amants. Les premiers signes d’un prochain malheur étaient là car la jeune femme se mettait à flirter avec d’autres hommes pour asticoter son compagnon. Ce dernier feignait de ne pas s’en rendre compte, croyant toujours à l’amour que Seïranja éprouvait pour lui. Cela dura jusqu’au moment où, dans un fracas de tambours, Jhullyo fut trahi par sa bien-aimée et Nazen, l’amant de celle-ci. De part et d’autre du héros s’avancèrent les membres du chœur habillés en policiers impériaux. Chaque côté chantant alternativement, ils annoncèrent qu’ils venaient pour arrêter Jhullyo. Ce dernier leur répondit qu’il ne se laisserait pas prendre vivant. Il brandit son arme et disparut dans un éclair aveuglant alors que l’éclatement des cymbales vint conclure l’acte.
Une fois le rideau baissé, les lumières furent rallumées pour l’entracte. Les conversations allaient bon train. Chaque spectateur donnait son avis sans se faire prier et le consensus ne fut pas long à émerger : une mise en scène grandiose, un chef d’orchestre en grande forme et des comédiens inspirés. Tout cela n’augurait que du bon pour la suite.
De son côté, le gouverneur Rees était sorti de sa loge. Il aurait été fort heureux de se lancer dans les discussions à propos du mérite des acteurs mais c’était bien de politique et plus particulièrement de la sécurité de ses administrés qu’il aurait à parler. C’est bien mieux que de signer des dossiers… Bon sang ! La proposition de réforme du système éducatif ! Elle doit être présentée demain au conseil provisoire et je n’ai pas eu le temps de la viser !
Il s’arrêta un moment pour réfléchir. Cette signature lui fournissait une occasion rêvée de couper à son devoir de rassurer la bonne société. D’un autre côté, cela signifiait repartir à son bureau et manquer une bonne partie du troisième acte. Le choix était pourtant vite vu : son travail passait avant son agrément personnel. Il releva la tête et se dirigea à pas décidés vers la sortie et le parking où l’attendait son landspeeder.

***


Tyra, bureaux du gouverneur


Sans hésitation, Sanaz ouvrit la porte et pénétra dans le bureau en traînant son chariot à balais. Son regard effectua un inventaire rapide de la pièce : aménagée comme il seyait au gouverneur d’un système mineur mais sans plus. Un bureau en bois verni encombré de dossiers, un terminal informatique, trois armoires dont une à vocation plutôt décorative, un fauteuil en vrai cuir et deux sièges relativement confortables constituaient le mobilier de la pièce.
Sans plus se soucier de son environnement, la Zabrak déguisée se mit à balayer le sol. Ce ne fut que quelques minutes plus tard et après avoir passé l’aspirateur sur le tapis qu’Ashoka la contacta :
« Tour d’Ivoire à Aiglon. Les détecteurs signalent que la pièce est « OK » : juste une caméra dans le coin droit. Pas d’autres mouchards détectés. Approche-toi du terminal pour y fixer le « rémora » ».
Sans mot dire, la jeune femme empoigna un chiffon pour épousseter les meubles. Elle débuta par le grand bureau et se rapprocha petit à petit du terminal. Aucun bruit de pas à proximité – parfait. Sa main gauche effleura discrètement sa poche et s’assura que le mouchard y était. Plus que quelques centimètres. Elle posa le chiffon sur le rebord du meuble. Une inspiration la plus discrète possible – elle avait beau être de dos par rapport à la caméra, elle ne savait pas pour autant ce que l’engin pouvait filmer, ni si il était le seul dans cette pièce. Le moment était venu.
Sans prévenir, son pied se décala de quelques centimètres et, en faisant mine de reculer, elle trébucha et bascula en arrière. Une chute calculée et parfaitement réussie. Sanaz se releva péniblement en s’appuyant sur le lourd meuble abritant le terminal. Ce faisant, sa main effleura la partie arrière de la machine et déposa le « rémora » – génial mouchard informatique créé par les services secrets impériaux – sur une prise réseau inoccupée. Sa tâche accomplie, elle n’avait plus qu’à terminer le ménage et à quitter l’immeuble.
Si son père n’avait pas été aussi différent en caractère d’une société Zabrak où la dextérité occupait une place prééminente aux côtés du courage et de la détermination parmi les qualités primordiales du guerrier-citoyen, il aurait été fier d’elle. Enfin, ça ne sert à rien de remuer un passé douloureux… Tiens, qu’est-ce que c’est ?
Perdue dans ses pensées, elle avait machinalement mis ses mains dans ses poches et y avait rencontré un objet inattendu. Il s’agissait de l’holo qu’elle avait trouvé dans sa cabine avant son départ en mission, avec les deux mariés. Ou l’était-ce vraiment ? Et puis comment diable était-il arrivé jusqu’ici ? Ses idées furent soudain embrouillées mais s’éclaircirent très vite quand l’unique conclusion logique s’imposa à elle : elle avait tout simplement entraîné dans sa chute l’un des rares objets personnels trônant dans le bureau du gouverneur Rees.
Sanaz s’empressa de le reposer à sa place légitime et s’en retourna à son nettoyage tiraillée par la tentation d’examiner de plus près les dossiers trônant sur le bureau. Mission réussie, il ne reste plus que l’exfiltration. Au travail ma fille.

***

Non loin de là, le chef des vigiles effectuait sa ronde. Il était seul pour le moment car l’équipe d’entretien n’ayant pas encore terminé, il ne pouvait réaffecter leurs « chaperons » à leurs patrouilles habituelles dans le bâtiment. Actuellement dans la cage d’escalier principale, le garde se dirigeait vers l’étage du bureau du gouverneur où l’attendait un de ses hommes et d’où il pourrait commencer à rapatrier les agents d’entretien.
Évidemment, il fallait que ce fichu collègue manque à l’appel : encore un bon à rien. Il commençait à en avoir plus qu’assez. Et à en juger par les éclats de rire étouffés et l’odeur de cigarette provenant des sanitaires, il s’en grillait une bien pépère. Quand il fit irruption au beau milieu de la joyeuse conversation entre son collègue et l’un des agents d’entretien, le second gardien se trouva bien embarrassé et eut le plus grand mal à bredouiller des excuses incohérentes au beau milieu de la fumée de cigarette. Contenant sa fureur à grand-peine, le chef des vigiles renvoya les deux olibrius en bas, non sans avoir promis un rapport bien senti à son subordonné. Une fois partis, il ouvrit la lucarne pour aérer – il ne manquerait plus qu’un détecteur de fumée ne se déclenche ! – et alla chercher l’agent d’entretien chargé du bureau du gouverneur.

***

Sur le toit, Agmeninis eut un hoquet de surprise et fit part de son inquiétude à Derek :
« J’espère qu’elle n’est pas en train de lire les dossiers de Rees ! »
Le soldat comprit aussitôt et ouvrit la fréquence vers Sanaz tout en sachant que son avertissement arriverait trop tard.

***


Système de Boreus


Une tension palpable régnait sur la passerelle du Retaliator : l’attaque tyrénienne avait pris de court les forces impériales et leur ligne de bataille donnait des signes de faiblesse. Si jamais elle se brisait, les sécessionnistes pourraient engager les unités de Waldemar dans une multitude de duels et plus particulièrement leur vaisseau amiral.
Le contre-amiral Waldemar en était parfaitement conscient : si le Retaliator tombait ou était privé de ses moyens de communications, le groupe de combat impérial perdrait toute efficacité.
« Colonel Taras, veuillez envoyer deux escadrilles de chasse pour intercepter les bombardiers sur notre flanc bâbord », ordonna l’amiral.
Après quelques instants de réflexion face à l’affichage holographique retransmettant le ballet mortel que se livraient les deux forces, Waldemar lança une nouvelle volée d’ordres :
« Capitaine, ordonnez aux batteries de proue d’ouvrir le feu sur ce Dreadnought droit devant. Préparez les tubes lance-missile pour cette vague de chasseurs et faites reculer nos escorteurs pour qu’ils ne se tirent pas dessus mutuellement. Que le Manticore lance un tir de barrage vers le Dreadnought.
– À vos ordres, amiral.
– Amiral, lança l’officier des communications : le Nexu et le Krayt Dragon se sont placés derrière nous en position d’escorte. Le Basilisk soutient les tirs du Shar’Lis Tyra et demande l’aide du Rancor. »
Waldemar fut tenté d’accorder au commandant du Basilisk l’aide qu’il demandait, mais si le Rancor quittait sa position défensive – à bâbord du Retaliator – il n’y aurait pas le temps d’envoyer un autre croiseur Carrack pour combler la brèche. De plus, le contre-amiral avait besoin de ses deux escorteurs pour soutenir l’assaut lancé par les Tyréniens. S’il n’aidait pas le Basilisk, il perdrait son flanc gauche. S’il l’aidait, il prenait le risque de briser en deux sa formation et de tout perdre.
« Amiral, s’aventura le capitaine Joris, le groupe du Persecutor est à peine à deux minutes-lumière de nous. »
Une suggestion plus qu’alléchante : avec les sept vaisseaux de premier et second rangs de ce groupe, sans compter les escorteurs, il pourrait sans peine écraser l’attaque ennemie, anéantir leur flotte, s’emparer des défenses du système de Boreus et marquer une brillante victoire militaire. Seulement voilà : ses ordres étaient d’établir un blocus. Il ne devait s’opposer que de manière défensive à la flotte sécessionniste. Certes, il savait qu’il lui faudrait tôt ou tard attaquer en force, mais pas avant d’en avoir reçu l’ordre. Ordre qui n’arriverait que lorsqu’il aurait transmis au Centre Impérial un hypothétique message du sergent Miren. Il soupira intérieurement avant d’annoncer sa décision :
« Négatif capitaine, nous nous débrouillerons parfaitement sans eux. Ordre au Rancor de tenir sa position. Transmettez mes encouragements au Basilisk. Colonel Taras, envoyez là-bas nos deux escadrilles d’assaut. »
Ces ordres avaient à peine été envoyés que l’un des opérateurs senseurs lança d’une voix alarmée :
« Ils avancent sur nous ! »
Waldemar se prépara au choc en gardant un apparent calme olympien. Du coin de l’œil, il vit les regards en coin lancés par ceux de ses officiers qui avaient pu jauger la situation. Il fit mine de ne pas les remarquer malgré le poids des reproches muets. Après tout, il ne valait mieux pas qu’ils apprennent que sa stratégie reposait sur un coup de sabacc.

***


Opéra de Tyra


Le gouverneur Rees était presque arrivé à l’escalier menant à la sortie quand il fut interpellé par un groupe de spectateurs. La sortie n’était qu’à deux mètres, en deux pas il pourrait… Mais non. Il pesta intérieurement contre sa conscience et se retourna, sourire aux lèvres, pour faire face à ses administrés et à leurs interrogations.
« Gouverneur, est-il vrai que l’Empire s’est emparé du système de Boreus ?
– Est-ce que nos forces tiennent ?
– Lancerez-vous des négociations avec l’Empereur ?
– Mesdames et messieurs, du calme. »
Il parlait sur un ton apaisant et s’efforçait de clarifier au maximum ses explications.
« Tout d’abord, je tiens à vous assurer que les forces du commodore Phanteras sont parfaitement à même de résister aux attaques impériales tant en nombre qu’en équipement. En ce qui concerne le blocus imposé par Coruscant, il ne nous gênera pas car nous sommes auto-suffisants. C’est pourquoi j’espère qu’avec le temps, les éléments les plus modérés du gouvernement impérial accepteront d’ouvrir des négociations afin d’entériner notre indépendance. J’ai aussi bon espoir qu’elle soit au final tolérée étant donné que le secteur boreo-tyrénien n’a aucune importance stratégique aux yeux l’Empire Galactique. »
Il continua à répondre aux questions qui lui étaient posées jusqu’à ce que sonne la fin de l’entracte. Sur une dernière parole rassurante et un dernier salut cordial, il retourna à sa loge. Il ne manquerait pas le troisième acte finalement. Et c’était tant mieux, car la narration y devenait beaucoup plus sombre : le désespoir du héros – qui avait bien entendu survécu contre toute attente – qui se mue en désir de vengeance lorsqu’il apprend que Seïranja prépare son mariage avec Nazen, ce vil félon. Musicalement, on aurait droit à l’un des plus grands monologues du répertoire lyrique. Rees se cala dans son siège et attendit le lever de rideau, notant mentalement de retourner à son bureau dès la fin de la représentation pour y signer le dossier.

***


Tyra, bureaux du gouverneur


Derek n’eut pas le temps d’avertir Sanaz car le gardien chef ouvrit la porte du bureau du gouverneur à l’instant où il cherchait à la joindre. Le vigile découvrit une jeune femme plutôt jolie en train de cirer le parquet.
« Bonsoir, lança-t-elle en le remarquant.
– Bonsoir mademoiselle. Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas rester ici plus longtemps.
– Très bien. De toute façon, j’ai presque terminé. Il faudra prévenir M. le gouverneur que le sol sera encore glissant demain.
– Je n’y manquerai pas, répondit l’homme, perdant patience. Maintenant, si vous voulez bien me suivre, je vais vous raccompagner à l’entrée du bâtiment. »
Lors du retour, il la suivit, quelque peu hypnotisé par ses formes et sa démarche. Dommage qu’il soit en service, songea-t-il. Il aurait apprécié faire plus ample connaissance.
Sur leur toit, Derek et Agmeninis poussèrent de concert un soupir de soulagement. Le soldat impérial se permit même de lever le pouce en signe de victoire à l’intention du chef de station. Ce dernier se contenta de hausser les épaules car il savait pertinemment que la mission ne serait terminée que lorsque cette Zabrak serait de nouveau à bord de son vaisseau.

***


Système de Boreus


Le plan de Waldemar fonctionnait pour le moment : les vaisseaux qui attaquaient le Retaliator avaient envoyé chasseurs et bombardiers en premier, pour occuper les batteries impériales. À aucun moment ils n’avaient songé que les tubes lance-missiles d’un destroyer stellaire de classe Imperator pouvaient servir à d’autres fins que de s’en prendre à des unités lourdes. Résultat des courses : la salve avait fait paniquer les pilotes tyréniens qui s’étaient jetés dans sa propre formation de chasseurs et voyaient leur retraite coupée par le Krayt Dragon et le Nexu. Les deux escorteurs s’étaient avancés pour refermer le piège et orienter leurs flancs bâbord vers les croiseurs sécessionnistes.
À tribord, le Manticore et le Hornet avaient progressé et pilonnaient la formation adverse de toute la puissance de leur artillerie. La situation à bâbord était plus critique mais le Basilisk tenait bon face aux coups répétés du Shar’Lis Tyra et des deux Victory qui l’accompagnaient. Le Rancor, engagé par un essaim de chasseurs ennemis, ne pouvait de toute manière pas lui être d’une grande aide.
Tout à coup, alors que la fureur de la bataille s’était encore accentuée, les Tyréniens se replièrent. Les officiers impériaux furent trop étonnés et soulagés pour songer à poursuivre les chasseurs sécessionnistes qui s’étaient aventurés trop loin. Sur la passerelle du Retaliator, le capitaine Joris salua Waldemar :
« Amiral, veuillez accepter mes excuses pour avoir douté de votre tactique.
– Vous n’avez pas à vous excuser, capitaine : ce n’est pas à cause de mes manœuvres qu’ils ont battu en retraite.
– Amiral, intervint le responsable des communications. Les Tyréniens nous ont envoyé un message holo.
– Passez-le ici. »
L’image du commodore Phanteras apparut au centre de la passerelle.
« Mes respects, amiral. Et toutes mes félicitations pour votre ténacité. Sachez que si nous nous sommes repliés, ce n’est pas à cause de votre résistance mais parce que je désirais juste vous tester. Soyez assuré qu’à notre prochain engagement je ne me contenterai pas d’un simple examen. Ah, et à propos, j’ai remarqué que vous étiez prêt à sacrifier l’un de vos flancs pour préserver le vaisseau amiral de votre formation. Ça ne ressemble guère à l’officier que j’ai connu et qui ne laissait jamais personne derrière lui. »
L’image fit un sourire ironique avant de disparaître.
« Oui, mais ce qu’il ne sait pas c’est qu’au prochain engagement je ferai intervenir le groupe deux. Capitaine, à vous la passerelle. Rapport des dégâts dans ma cabine d’ici une heure. »

***


Opéra de Tyra


L’acte Trois fut émouvant mais n’était rien comparé au chaos du quatrième. Jhullyo fait irruption au mariage de Seïranja et accuse cette dernière de trahison. Il se bat en duel avec Nazen et l’assomme. S’ensuit une terrible scène où il explique ses sentiments à la femme qu’il aime et se rend compte à quel point il est tombé bas par amour. Il lui propose une dernière fois de le suivre, comme dans les premiers moments de leur amour mais elle refuse et, dans un geste gracieux et implacable, elle jette à ses pieds la bague que Jhullyo lui avait offerte et qu’elle avait conservée. Prenant sa décision, ce dernier se relève et la poignarde en plein cœur. Un chœur funèbre évoquant le terrible châtiment réservé au meurtrier retentit alors que Jhullyo est arrêté sans résistance.
Le rideau se referma dans un tonnerre d’applaudissements. Le public fit un véritable triomphe aux comédiens, plus particulièrement au trio principal. Une ovation comme on n’en voyait que trop rarement mais largement méritée : l’œuvre était chargée d’émotion et de beauté. Les applaudissements rappelèrent la troupe pendant plus d’une vingtaine de minutes et à chaque fois elle revint. La peau de la soprano avait rougi sous le coup de l’émotion car elle avait une fois de plus démontré que même une non-humaine était digne de l’approbation d’un public aussi exigeant que celui d’un opéra.
Une fois les acclamations terminées et les lumières revenues dans la salle, le gouverneur Rees put revenir à des pensées plus terre à terre : allait-il rentrer chez lui ou obéir au sens du devoir et s’occuper de cette proposition de réforme ? Il était presque décidé à partir à son bureau quand il se dit que ce dossier pourrait bien attendre jusqu’au lendemain. Il était tard et il était las.

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