Un livre unique en son genre
Depuis quelques années un certain nombre d’ouvrages « in-univers » sont sortis. Mais qu’est-ce que ça veut dire in-univers ? C’est un livre qui existe tel quel dans la galaxie Star Wars (le code barre en moins). On peut citer le Manuel Jedi, les livres de contes pour enfants ou même le bestiaire. Imaginez sur Ryloth les petits twi’lek qui s’endorment avec leur parent qui leur lisent ces contes. Ou que les padawan du temple de Lothal se prêtaient le Manuel Jedi pour parfaire leur apprentissage. Ce sont des livres qui existent à la fois dans notre monde et dans le leur.
D’autre part nous sommes habitués aussi à des livres plus cérébraux, des études qui portent sur l’œuvre gargantuesque qu’est Star Wars. Star Wars est si grande qu’elle peut toucher plusieurs disciplines : le cinéma, l’écriture, la psychanalyse, la philosophie, et ce qui nous intéresse ici l’histoire. Il existe un certain nombre d’ouvrage sur ces thèmes qui veulent analyser Star Wars sous différends prismes. Je vous invite à visiter la catégorie guides et beaux livres de SWU.
Ce qui est unique aujourd’hui c’est d’avoir un livre à la fois analytique et à la fois in-univers. C’est pratiquement le premier (Star Wars Skywalker – A Family At War, d’ailleurs cité par ce livre n’a pas poussé le concept à fond avec une autrice qui vit dans la galaxie Star Wars).
Beaumont Kin
Ça ne vous dit rien ? C’est normal c’est la faute à JJ Abrams.
Un des rares ajouts pertinents à l’Ascension de Skywalker est le personnage de Beaumont Kin qui à part sortir une phrase creuse sur le retour de Palpatine n’est pas resté dans les mémoires.
Pourtant il y avait toute une réflexion derrière, malheureusement mise de côté ou coupée au montage. Beaumont Kin est un docteur enseignant-chercheur en Histoire, sa spécialité ? Les Sith. Voilà pourquoi il était pertinent de le faire s’exprimer sur le retour de Palpatine. Malheureusement si on ne lit ni les guides ni la novélisation de l’Episode IX on passe à côté et on ne comprend pas ce qu’il vient faire là.
Dans l’introduction du livre qui nous intéresse aujourd’hui, on nous explique (j’ai adoré et vous aussi vous allez voir) que le docteur Beaumont est sur Exegol, donc après l’Episode IX, à faire des fouilles dans le bastion Sith où se trouvait l’Empereur dans le film. Ce qui est tout à fait normal puisque je vous le rappelle c’est un spécialiste en histoire Sith. En faisant ses fouilles, en plus de tomber sur plein d’expériences macabres (Snoke inside) il trouve des archives et des rapports impériaux appartenant à nul autre que Palpatine. De quoi apporter un regard neuf et des faits concrets sur l’Ascension de l’Empire et sa Chute !
Le Dr. Chris Kempshall, historien spécialiste de la première Guerre Mondiale, l’auteur bien de chez nous, va donc se cacher derrière le Dr Beaumont Kin pour écrire son livre. Qu’est ce que ça veut dire ? L’auteur de cette étude sur l’Ascension et la Chute de l’Empire chez nous est le docteur Chris Kempshall, alors que sur Coruscant et dans toutes les écoles dignes de ce nom on trouve le même ouvrage avec le nom de Beaumont Kin sur la couverture !
Un procédé intéressant
Bon on va tout de suite balayer ce point, ce livre ne vous apprendra pas grand-chose de nouveau sur l’Empire (ou le Premier Ordre) si vous avez tout vu et lu de Star Wars depuis le rachat. Il y a bien un ou deux nouveaux noms glissés ici et là, ou de nouvelles organisations minimes, voir la canonisation d’un vaisseau des jeux de plateau. Rien de révolutionnaire dans cet ouvrage.
Il reste cependant très exhaustif des publications mêmes très récentes. Dans la longue guerre face à l’Empire, sans surprise des évènements de Rogue One, Bad Batch et Rebels sont présents mais aussi des très récents évènements de comics comme la crise causée par Qi’ra et celle de la peste droïde.
Cependant comme on le sait dans l’univers Star Wars, un fait établi n’a pas toujours vocation à la rester. Des retcon arrivent presque tous les ans (retcon : procédé qui vise rétroactivement à changer un fait précédemment établi). L’auteur pour s’assurer que son ouvrage reste pertinent y va donc souvent de petites phrases qui précisent que les évènements rapportés le sont de sources peu fiables ou de témoignages indirectes par exemple.
Un exemple flagrant que j’ai beaucoup apprécié porte sur le retour de Thrawn dans la galaxie après les évènements de la saison 1 d’Ahsoka. L’auteur nous précise que le rapport de la Nouvelle République sur cette crise est encore classifié donc qu’il ne peut s’étendre dessus. Nous devrons attendre comme tout le monde la suite des aventures du Mandalorien pour en savoir plus.
Enfin il s’appuie aussi pour son essai sur tout un tas d’ouvrage de référence dont les titres nous donnent qu’une envie : les lire ! Mon préféré Artistically Done comme titre de la biographie fictive sur Thrawn qui nous rappelle la phrase qu’il prononça en mourant dans l’Univers Legends.
La Montée et la Chute de l’Empire Galactique
Mais finalement son analyse que vaut-elle ?
Sans rentrer dans des considérations politiques essayons de rester dans celles historiques. Lucas fervent critique de l’impérialisme américain n’a jamais caché qu’une des inspirations de la Trilogie Originale était la guerre du Vietnam et que Palpatine était à ses yeux Nixon, à cause de sa gestion autoritaire du pays et de la guerre en cours. Bien évidemment une autre symbolique forte derrière son œuvre que ce soit visuelle ou scénaristique réside dans les empires autoritaires. Je vous conseille deux ouvrages de références qui développent ces sujets, le premier du journaliste et historien français Thomas Snegaroff, Le Coté Obscur de l’Amérique. Le second de Chris Kempshall lui-même, The History and Politics of Star Wars.
Retour à notre sujet, un des messages de la Trilogie est la chute des Empires. Comment s’écroulent-ils ? Là où un des messages de la Prélogie est la montée des Empires, quelles circonstances ou manipulations le permet. Le fin mot étant : sur ces sujets Lucas n’a rien inventé, il s’est inspiré de notre monde et d’Empires/gouvernements autoritaires bien connus.
Ainsi nos deux professeurs et docteurs en histoire (Beaumont Kin et Chris Kempshall si vous suivez) n’ont eu qu’à revenir aux fondamentaux, leur spécialité : comment un Empire se créer et comment il s’effondre. Et étonnamment (non) à travers l’Histoire on retrouve beaucoup d’éléments communs. Il ne restait qu’une chose à faire relier ces éléments avec ceux de l’Empire de Palpatine.
Aller un exemple rapide pour vous montrer ça : un mouvement autoritaire, pour détourner l’attention sur ses propres faiblesses ou crimes ou pour gagner du pouvoir, aime désigner un ennemi commun comme bouc émissaire responsable de tous les maux (César l’a fait avec les "Gaulois", Hitler avec les Juifs, Nixon les communistes etc.). C’est ce que fit Palpatine avec l’Ordre Jedi organisant ainsi sa purge comme fondation justifiant un régime autoritaire, puis pour le maintenir il reporta la faute sur les races aliens.
Le travail de l’auteur qui je le rappelle est un expert de la première guerre mondiale est assez simple : je prends tous ces ingrédients qu’on a pu voir pendant les millénaires de notre histoire et je vois s’ils existent dans la montée de l’Empire de Palpatine (dans les films, séries ou livres). Finalement que ce soit Lucas ou les auteurs de littérature Star Wars tous se sont inspirés de ce qu’ils connaissaient : notre monde.
Enseigner
Un court paragraphe puisque c’est un des propos fort de l’auteur (choisissez lequel maintenant). Il termine son livre par une étude du Premier Ordre qui est finalement un fils spirituel de l’Empire, ce qui prouve une chose : les idées de Palpatine n’ont pas besoin de ce dernier pour vivre (à part Snoke personne au sein du Premier Ordre ne savait pour sa résurrection avant le gap entre les Episode VIII et IX).
Il s’interroge longuement sur la responsabilité collective des historiens dans la galaxie. Les historiens, la Nouvelle République, personne n’a prit de mesure pour empêcher l’émergence du nouveau mouvement autoritaire pensant que les horreurs commises par l’Empire (Alderaan en tête) étaient un rappel suffisant. Jusqu’à ce qu’ils le paient tous sur Hosnian Prime.
Sa réponse réside finalement en ce livre, identifiant les mécanismes d’un régime autoritaire pour l’empêcher de s’installer comme ce fut deux fois le cas dans l’histoire récente de la galaxie.
En conclusion ce livre effectue un travail similaire à celui déjà fait par les deux ouvrages de référence que j’ai cités au-dessus mais adoptant un point de vue unique : celui de la galaxie. On ressort de cette lecture chamboulée car on ne peut s’empêcher de faire des parallèles. Quand on lit les mécanismes de cet Empire fictif on y voit beaucoup de choses beaucoup trop réelles. Ce livre au lieu de nous en apprendre plus sur l’Empire, finit par nous faire réfléchir sur notre propre monde et des schémas qui s’y répètent sans cesse.
Je laisse le mot de la fin au Dr Kin : Combattez l’Empire, ça commence avec vous.