Critique faite par Bacab
Après vous avoir décrit la version beta du jeu, je reviens aujourd'hui pour vous parler de sa version finale parue cet été (en VO). Pour ce faire, j'ai comparé chapitre par chapitre les deux versions. En conclusion se trouve mon avis final sur le jeu.
Le livre de règles est long de 443 pages regroupées en 13 chapitres. Le découpage est des plus classiques :
• le chapitre I revient sur ce qu'est un jeu de rôle, comment jouer avec les dés spéciaux et les principaux éléments du jeu.
• le chapitre II est dédié à la création de personnage.
• le chapitre III contient une description des différentes compétences.
• le chapitre IV décrit les « Talents ». Ce sont des bonus gagnés au fur et à mesure de la progression des personnages, à la façon d'un arbre de progression dans un jeu vidéo.
• le chapitre V fait l'inventaire des équipements et consommables.
• le chapitre VI contient les règles dédiées aux combats.
• le chapitre VII concerne les véhicules.
• le chapitre VIII est court (3 pages) et parle de la Force.
• le chapitre IX décrit le rôle du maître de jeu.
• le chapitre X est dédié à la géographie.
• le chapitre XI est dédié aux lois et à la société dans Star Wars.
• le chapitre XII fait la description des adversaires.
• le chapitre XIII est l'aventure d'introduction.
Deux chapitres liés au background ont fait leurs apparition depuis la beta : le chapitre Galaxie (chapitre X) et le chapitre Lois et Société (chapitre XI). Comme annoncé par FFG lors de la parution de la beta, les additions liées à l'univers sont les plus importantes.
Par ailleurs, le livre final est bien plus illustré.
Ces illustrations oscillent entre le moche (par exemple le dessin de Han et Chewie sur la couverture) et le sympathique (la plupart des autres dessins). Ce dernier commentaire est hautement subjectif.
Peu de changements par rapport à la beta : un doublon de compétences a été supprimé (il l'avait déjà été dans un addendum à la beta) et certaines valeurs, tels les dégâts des armes ou leurs coûts, ont été ajustées. Les règles restent les mêmes, il n'y en a pas plus, ni moins, et leurs présentations dans le livre final est la même que dans la beta. On notera seulement la présence d'explications et d'exemples en plus grand nombre dans la version définitive.
J'en avais déjà parlé mais le jeu utilise des dés spéciaux (propre pour ce jeu) à 12, 8 et 6 faces ainsi que des dés traditionnels à 100 faces. Le livre essaye pendant une bonne dizaine de pages de justifier ce choix mais peine perdue : ce système n'a aucun avantage sur un système de dés traditionnesl et ne fait qu'alourdir le jeu en imposant aux joueurs une phase d'adaptation. Jouer en utilisant les tables de correspondances est impossible et vous serez obligé d'acheter les boites de dés. Elles ne sont pas trop chères, mais quand même, et j'aurais bien voulu pouvoir jouer avec mes dés à 12, 8 et 6 faces "normaux".
Comptez deux boites pour pouvoir jouer dans de bonnes conditions.
Assez joli et utile, c'est un ajout sympa si vous comptez jouer au jeu souvent. L'aventure incorporée n’est pas trop mal et peut servir à démarrer une campagne.
Peu de changements par rapport à mes premières conclusions sur la beta. Le jeu est assez simple et évite les écueils des systèmes D20 et Saga en n’imposant pas l'utilisation de figurines et en ayant des règles logiques et compréhensibles par tous.
Cependant, il reste des défauts : les compétences sont redondantes, le système de talents ne plaira qu'aux MMORPGistes, et le jeu nécessite des dés spéciaux pour être joué.
Je regrette également un manque de contenu : peu d'armes de vaisseaux et de planètes sont régulées par le jeu. Par contre, pleins de suppléments, dont certains sortent déjà, sont prévus, et là on a l'impression de s'être un peu fait avoir.
Aspect du livre : 4/5. Le livre est joli, bien illustré et présente de manière claire les composants du jeu. Un quasi sans fautes seulement entaché par certaines illustrations un peu ratées.
Gameplay : 3/5.
Premier bon point c'est un vrai jeu de rôles et pas un simulacre de wargame comme avait pu l'être Saga. De plus, les règles sont originales et simples, ce qui est un plus par rapport à la version D20. Pour les habitués du système D6, les avantages de cette nouvelle mouture sont moins flagrants. Disons que ça change.
Le jeu, du fait de son système de dés, demande un temps d'adaptation si vos joueurs ont l’habitude des JDR « standards », ce qui est un peu dommage.
Rapport qualité/prix : 1/5.
Un jeu divisé en trois livres de règles indépendantes, chacun accompagné d'une version beta inutile mais payante, nécessitant des dés spécifiques à ce système, et disposant déjà d'une multitude de suppléments payants dont certains sont déjà sortis... Comment FFG pouvait crier plus fort « MACHINE A FRIC ! » !
Total : 2,5/5
Edge of the Empire est un bon jeu de rôle qui souffre malheureusement de son mode de commercialisation et de développement. La version beta payante n'a servi à rien, les défauts de la beta sont toujours là.
De plus, faire une version beta pour chaque chapitre du jeu (Vauriens, Rébellion et Utilisateurs de la Force) alors que le cœur du jeu ne changera pas (j’espère parce que sinon bonjour l'inter-compatibilité), c'est une aberration. Et pourquoi FFG sort des suppléments de contenus en même temps que le livre de base ? Ne pouvait-il pas inclure ces nouvelles règles dans le livre de base ? Bref, avec ce jeu on a un peu l'impression d'être des vaches à lait rôlistiques prêtes à se faire traire par FFG. Disons que ce n'est pas une impression agréable.
Et voilà la critique de Avangion
On sait que Star Wars et le jeu de rôle ont longtemps fait bon ménage. Dans les années 80, une première adaptation de qualité avait été proposée par une maison d’édition de jeu aujourd’hui disparue, West End Games. Et ce fut un grand succès, à la fois par la confection d’un système de jeu fondé sur le dé à 6 faces et qui était alors parmi ce que l’on faisait de mieux, et par l’adaptation et l’enrichissement de l’univers de Star Wars. Le succès rencontré permit la réalisation de nombreux scénarios et suppléments qui pour beaucoup firent date. Malheureusement West End Games fit faillite et la licence tomba dans l’escarcelle de Wizard Of The Coast qui produisit une adaptation motorisée par le fameux D20 system mis au point pour la troisième édition de D&D. Et même si le Star Wars D20 de WotC permit la publication de nombreux suppléments couvrant les différentes moments de la saga, de la l’Ancienne république jusqu’au Nouvel Ordre Jedi, on avait tout les raisons de penser que son système de règle était inadapté (ce qui était mon cas).
La version de FFG fait table rase de tout ceci en proposant un nouveau système de règle et une déclinaison de Star Wars en trois jeux cousins qui ont pour commun d’adopter le même cadre chronologique : l’an 4 après la bataille de Yavin. Nous sommes donc en plein contexte de la trilogie, au moment ou la Rébellion a démontré ses capacités tout en laissant évidemment l’Empire de Palpatine aux commandes de la galaxie. Si le cadre chronologique est inchangé dans les trois jeux de FFG, l’optique varie : le premier jeu paru, Star Wars. Aux confins de l’empire, propose d’incarner des scélérats aux marges de la Galaxie ; le deuxième, l’Âge de la rébellion, des agents rebelles en lutte contre l’Empire ; le troisième – à paraître –, Force and Destiny, des adeptes de la Force.
Une première surprise
FFG a quelque peu surpris son monde en faisant paraître en première Star Wars. Aux confins de l’Empire en premier. Il pouvait sembler plus évident commercialement parlant de proposer aux joueurs d’incarner des rebelles ou des Jedi, mais FFG a choisi de se montrer moins traditionnel en consacrant son premier jeu dans l’univers de Star Wars aux scélérats et vauriens de la Galaxie. Remarquons toutefois que d’un point de vue canonique, si l’on a notamment en tête la trilogie, l’univers de la pègre fait pleinement partie de l’univers de Star Wars, que cette dernière soit poussiéreuse et agressive, comme dans Un nouvel espoir, recyclée et enrichie, comme dans L’empire contre-attaque, ou exotique et inquiétante, comme dans Le retour du Jedi. Pour parler franchement, j’ai tout à fait apprécié cette décision et le succès manifeste de Star Wars. Aux confins de l’Empire démontre que je ne fus pas le seul.
Fantasy Flight Games a pris un autre risque en proposant un système totalement original fondé sur des dés conçus pour le jeu, à la manière de ce qu’il avait fait pour la troisième édition de Warhammer. Ces fameux dés ont beaucoup fait jaser car il faut les acheter séparément d’un Livre des règles déjà sacrément cher, ce qui ne met pas Star Wars. Aux confins de l’Empire à la portée de toutes les bourses. Par ailleurs, leur gestion entraine certaines nuisances : il faut fréquemment en jeter beaucoup et procéder à des soustractions et des additions de résultats et d’échecs, chose que l’on fait vaillamment en début de partie, mais avec plus de difficultés quand l’horloge indique les 23 h.
Toutefois, ces dés et le système corrélatif font franchement le sel de cette édition et sont bien un de ses atouts. D’abord par la possibilité de dégrader ou améliorer un dé en changeant sa couleur et donc son efficacité ou sa dangerosité. Mais surtout car les dés permettent de sortir des « avantages » et des « menaces » se superposant à des succès ou des échecs éventuels. L’auteur du jeu, Jay Little, explique qu’il s’est inspiré là de la fameuse scène d’un Nouvel Espoir, lorsque Luke se retrouve en fuite avec Leia dans l’Étoile de la mort. Il tire alors dans le commutateur d’une porte pour la bloquer, pour aussitôt constater qu’il a, par la même occasion, bloqué le panneau de contrôle d’une passerelle. Dans une même action, l’on peut donc réussir et échouer (marginalement) et réciproquement, ce qui est un apport important en termes de dynamique de jeu. Le défaut de ce système est d’obliger le maître du jeu à un effort pour envisager un avantage ou un désavantage a priori non prévu. (Un conseil : faites trouver les avantages par vos joueurs s’ils veulent en profiter – cela vous économisera quelques efforts et souvent cela les stimulera).
Star Wars. Aux confins de l’Empire implique donc un certain investissement, à la fois financier mais aussi en terme de maîtrise du système qu’il faut savoir apprivoiser. Conscient de la chose, FFG a veillé à amortir ces travers. Ainsi Star Wars. Aux confins de l’Empire est un livre très clair par de nombreux exemples et encadrés didactiques, notamment pour faciliter la lecture des dés. Seules peut-être les règles de combat de vaisseaux manquent un peu de clarté, notamment du fait de l’absence inattendue d’un exemple de combat. Et quelques compétences semblent légèrement redondantes les unes entre les autres, sans que cela ne soit franchement catastrophique.
Le livre de règles est par ailleurs absolument superbe, à la mise en page élégante, aux coquilles rares pour les 445 pages denses proposées et aux illustrations sans faute. L’immersion est ainsi totale insistant sur le monde des vauriens : scènes de bar et de jeux d’argent, escalade frauduleuse, viragos du Soleil noir, YT 2400 prise en chasse par des chasseurs Tie… tout est parfait. Si certains personnages iconiques de la série comme le Grand moff Tarkin ou Luke apparaissent, la tonalité globale est celle des marges criminelles de l’Empire, la description de l’Alliance rebelle ne se taillant qu’une portion congrue dans les pages et les Jedi s’avérant totalement absents.
Des vauriens avant tout
Certes, il est possible d’incarner un personnage fugitif de la Force et un chapitre est réservé à cette dernière spécialité, mais il s’agit là une spécialité aux pouvoirs limités à intégrer au sein d’une carrière qui relèvera forcément du monde des vauriens et des marginaux : contrebandier, mercenaire, explorateur, colon, chasseur de prime ou technicien. Ces carrières sont par ailleurs affinées par l’adoption d’une ou plusieurs spécialités (pilote, garde du corps, éclaireur…) qui ouvrent à une suite de talents sous forme d’une arborescence à la manière dont faisaient déjà Paranoïa et encore récemment Pathfinder. L’ensemble est très bien construit et les talents nombreux et bien équilibrés ; cela suscite l’intérêt quant à l’utilisation des points d’expérience en fin de partie.
Les races proposées sont au diapason : il est évidemment possible d’incarner un humain ou un droïde mais aussi des races plus connotées comme un Trandosien, un Bothan, un Gand, un Twi’lek, un Rodien ou un Wookie. Il a failli nécessairement choisir dans la multiplicité des races du monde de Star Wars et les races les plus sulfureuses ou marginales ont été retenues. Par ailleurs, elles s’avèrent équilibrées entre elles et seront sans doute choisies pour leur attrait en terme de roleplay plus que selon leurs capacités.
En outre, pour marquer plus que tout les personnages dans le monde de la pègre et de ses échanges de service douteux voire périlleux, un système d’« obligation » a été mis en place. Les personnages sont ainsi liés par des formes de « dettes » envers des figures du milieu. Ces obligations peuvent les mettre en danger, lancer une nouvelle aventure mais aussi leur permettre de se faire connaître dans l’univers des bandits et d’acquérir une réputation leur ouvrant des portes. Toute l’ambiguïté des « obligations » est ainsi très bien retranscrite.
Star Wars. Aux confins de l’empire a été unanimement salué comme une très belle réussite, profitant de l’expérience en terme de construction de règles de FFG ainsi que des moyens importants d’une des entreprises de jeu montante aux Etats-Unis.
Le thème choisi est excellent et les systèmes adopté très riche. Paradoxalement, malgré l’investissement financier auquel il correspond pour l’acheteur, ce n’est en rien un jeu bassement « commercial » – un péril évident lorsqu’on parle d’une des plus grosses licences au monde comme celle de Star Wars. Malgré la pédagogie développée, il y a un effort à faire pour maîtriser le système des règles et pour se plonger dans des pages et des pages de background souvent bien détaillé. D’une certaine manière c’est un jeu pour joueurs et maître de jeu confirmés et on conseillera fortement aux autres de se tourner d’abord vers le Kit d’Initiation au préalable. Mais c’est un jeu à la réussite évidente qui a relancé de la plus belle manière Star Wars dans le monde du jeu de rôle qu’il n’aurait jamais dû quitter.