Dans ma critique d’X Wing, j’avais signalé que pratiquer le jeu passait évidemment par l’acquisition de la boîte de base mais que cette dernière n’était qu’une « porte d’entrée » ouvrant sur un « méta-jeu » bien plus vaste.
Car FFG a fait le jeu d’une boîte de base à un prix relativement abordable mais aussi contenu somme toute limité.
On trouve le matériel indispensable pour jouer à l’exception d’un tapis de jeu de 90 cm sur 90 cm qu’il faudra acquérir séparément.
On trouve donc ici un gabarit de portée, pour mesure les portées de tir mais qui sert aussi à établir si un vaisseau est dans l’arc de tir d’un autre. On trouve aussi des gabarits de manœuvres qu’on emboîtera dans le socle des vaisseaux pour les déplacer.
Tout ceci est en carton solide et relativement résistant, mais une pratique assidue incitera à un moment ou l’autre à se tourner vers des gabarits en acrylique que différentes petites entreprises proposent. Idem pour les pions présents (pions d’action, de bouclier etc.) voire même les roues de manœuvres qui s’abiment lentement, mais s’abiment malgré tout.
Trois figurines classieuses en diable
Ayant quelque peu économisé sur les pions et les gabarits, FFG a pu investir pour la conception et réalisation des figurines pré-peintes. FFG est d’ailleurs très fier du résultat au point de présenter les étapes de la conception de ces dernières dans le livre de règles de la boîte de base. Si les entreprises américaines sont friandes des superlatifs commerciaux pour vendre leurs produits, il faut reconnaître que FFG peut être légitimement fière de sa réussite ici ; elle n’a d’ailleurs jamais vraiment fait mieux avec d'autres jeux comme Star Wars Armada. La sculpture et la peinture du X Wing T65 et des deux chasseurs TIE de la boîte de base sont les premiers pas d’un succès esthétique qui ne s’est toujours pas arrêté.
Intéressons nous d’emblée aux deux vaisseaux présents. Iconiques au possible, ils permettent de poser le cadre du système ludique de X Wing. Ainsi l’un est robuste avec ses trois points de coque et ses deux boucliers et tire fort à 3 dés d’attaque : c’est le X Wing. L’autre est fragile avec ses trois points de coque mais esquive bien grâce à ses trois dés d’agilité : c’est le chasseur TIE. Ce dernier est bien peu cher avec son coût de 12 points d’escadron, et le Pilote de l’Académie est manifestement un des plus rentables du jeu. On jouera donc un nombre limité de X Wing contre de nombreux chasseurs TIE.
Il y a en fait plusieurs manière d’utiliser ce dernier : en groupe de nuées pour compenser ainsi sa faible valeur d’attaque qui n’est que de deux. À force de lancer de nombreux dés les attaques, même faibles, finissent bien par passer.
La valeur en terme de points d’escadron du chasseur TIE a ainsi été fixée pour que l’on puisse en disposer huit sur un tapis de jeu.
On peut aussi choisir d’utiliser ce peu coûteux vaisseau en tant que « bloqueur », pour gêner les vaisseaux adverses et leur faire perdre une action. Pour 12 points d’escadron, la chose est tout à fait intéressante. Le chasseur TIE est une telle réussite en terme de conception que trois ans après la sortie du jeu et neuf vagues produites, on en trouve toujours régulièrement dans des compositions gagnantes. Le Pilote de l’Escadron Noir, avec son talent de pilote d’élite et sa valeur de pilotage de 4, pour un coût de 14 points, est ainsi un très bon investissement.
Les pilotes nommés proposés ici sont un peu moins cotés mais n’ont jamais totalement disparu.
On n’en dira pas autant du X Wing T65. Certes, le vaisseau n’est pas mauvais : plutôt résistant, relativement maniable (bien que prévisible), correctement agile… à premier abord il est jouable et d’ailleurs est toujours mis sur les tables lors des parties amicales tant il est iconique et classieux.
Mais le fait est que les concepteurs FFG, peut-être effrayés par sa valeur d’attaque de 3, l’on mis un peu trop cher : 21 points d’escadron c’est un trop pour le Pilote débutant. Manifestement, il fallait empêcher les joueurs de constituer des escadrons de 5 X Wings. Il n’en reste pas moins que son rendement est un peu inférieur à la moyenne et ce d’autant plus qu’il est pas facile de le personnaliser : les améliorations accessibles au vaisseau sont chiches, à savoir un slot de torpilles et un autre d’astromech.
Comme les torpilles sont assez chères et longtemps ne furent pas très fiables, on ne les utilise sur un X Wing que très rarement. Si la boîte de base propose une « Torpilles à protons », il vaut mieux la laisser au garage. Elle coûte 4 points, est défaussée après usage, est fastidieuse à lancer puisqu’il faut avoir une acquisition de cible sur le vaisseau visé, et son résultat est assez aléatoire.
Les droïdes sont plus intéressants bien qu’assez inégaux. Le R2F2 de la boîte ne combotera qu’avec Biggs alors que R2D2 est tout simplement excellent.
Son pouvoir de régénération rend au moins l’achat de la boîte quasiment indispensable pour ceux désirant se lancer dans le jeu dans une optique un peu compétitive. Il est toutefois unique et sera réservé à un pilote nommé sans doute.
Quelques paradoxes
On pensera au premier abord mettre R2D2 sur son propriétaire Luke Skywalker : l’option est tout à fait envisageable mais on trouvera mieux.
Car malheureusement Luke n’est pas un excellent pilote ici. Il n’y a bien que sa valeur de pilotage de 8 pour le rendre attractif. Et comme le X Wing T65 n’a pas accès à des actions de repositionnement comme le tonneau ou l’accélération, l’intérêt de cette valeur se retrouve limité.
Ainsi, coûtant 28 points pour un pouvoir assez aléatoire et qui est surtout utile si Luke est attaqué plusieurs fois par round, ce pilote a été vite délaissé, notamment à la sortie des vagues 3 et 4.
Paradoxalement, c’est son acolyte Biggs, martyr de la Rébellion dans ANH, qui est le plus joué. En attirant automatiquement les tirs ennemis, il permet à un vaisseau allié d’élite au pouvoir menaçant comme Wedge ou Ten Numb de survivre assez longtemps pour être rentabilisé. Biggs est d’ailleurs toujours régulièrement joué au moment où j’écris ces lignes.
On voit donc un déséquilibre d’emblée dans la conception de X Wing, déséquilibre peu évident au tout début du jeu, mais patent au fur et à mesure du temps.
En faisant les sympathiques scénarios proposés dans le livret de règles (faire fuir Luke à travers un champ d’astéroïdes, escorter une navette sénatoriale), on ne le voit pas nettement et l’on prend du plaisir dans un contexte de jeux a priori équilibré.
Le tableau est bien moins idyllique quand on joue dans une optique compétitive : le X Wing T65 et les vaisseaux jouteurs qui affrontent de face l’ennemi sans l’éviter sont à la peine. FGG est conscient de la chose et un renforcement du X Wing a été proposé dans la boîte du X Wing T70.
D’autres sont assurément à venir. On ne peut que les attendre avec impatience tant le système de règles d’X Wing est enthousiasmant et mérite un calibrage de la valeur des vaisseaux le plus équilibré possible.