Chose promise...
XCVIII
Palpatine, le soulagement inscrit sur son visage, lève une main et dit :
– Maître ?
Une bouffée de fierté m’envahit en le voyant m’appeler ainsi.
L’un des Stormtroopers sort du rang et le rejoint.
– Oui, sire ? dit-il.
– Enlevez-moi ce déguisement ridicule. Nomis, je vous présente maître Èsduvant, huissier de justice.
Ah zut, c’était finalement pas moi qu’il appelait maître. Dommage, je trouve que ça me va vachement bien.
– Enchanté, que je réponds quand même parce que je suis urbain. Votre altesse, vu que le cas de mémé est réglé, quelqu’un pourrait-il m’en débarrasser ? J’ai super mal aux bras.
– Ça m’étonne pas, me balance mémé, tu n’as toujours été qu’une petite nature, comme ton défunt grand-père mort en sautant en parachute.
– C’était pas papy, que je corrige, c’était ton cinquième mari. Son parachute ne risquait pas de s’ouvrir, son sac était vide. Et je te rappelle que tes mouchoirs étaient taillés dans la toile de son parachute disparu.
– Tut tut tut. Le tribunal m’a blanchi, il n’y avait aucune preuve directe !
– Il suffit, fait Palpatine, l’œil noir, enfin jaune, enfin je me comprends.
Sur un geste de sa part, deux autres Stormtroopers s’approchent et emmènent mémé.
– Pourquoi un huissier, au fait ? que je demande.
– Comme témoin assermenté de vos paroles, Nomis. Vous avez tout enregistré, maître Èsduvant ?
– Oui, sire. Monsieur Nomis a officiellement renoncé à percevoir la prime d’un milliard de crédits impériaux qui courait sur la tête de sa grand-mère, et vous a autorisé à en faire ce que bon vous semblait.
– Ouf, l’Empire est sauvé et la loi a été préservée, soupire Palpatine.
Les agents du BSI Zavid, Covelian, Hoyddings et Kiki (oui, j’inclus ce dernier, il est du même niveau intellectuel qu’eux à mes yeux) s’approchent, les yeux luisant de haine et de convoitise. Zavid se fait leur porte-parole :
– Avons-nous l’autorisation de le tuer, sire ? Nous en rêvons depuis longtemps.
– Je n’y vois pas d’objection, sourit l’Empereur, une lueur sournoise dans l’œil.
Ah l’enfoiré ! C’est ça, la reconnaissance des puissants ? Ah, mais pas question de tomber tout seul ! Alors je les balance tous !
– Vous ne pouvez pas leur faire confiance, votre altesse ! Zavid a couché avec Covelian pour gagner du galon, ce qui est contre tous les règlements ! Quant à Hoyddings, il a été assez incompétent pour perdre tous ses hommes depuis qu’il est arrivé ici !
– C’est vrai, ça ? demande Palpatine en se tournant vers ses agents, l’œil jaune mais en fait noir, enfin je me comprends toujours.
– Hoy… non ! avance Hoyddings, hésitant. Nomis plaisante, bien sûr, tout comme nous nous plaisantons quand on dit qu’on veut sa peau. Hein, Nomis ?
– Mouais. Enfin, je crois. Vous en pensez quoi, Covelian et Zavid ?
Ils se regardent, me fusillent plusieurs fois du regard, se regardent à nouveau. Covelian fait :
– Oui, on est innocents. On n’a jamais fait des trucs ensemble, le lieutenant Zavid et moi. Et nous n’avons bien sûr pas l’intention de lever la moindre main, ni même un poil de doigt, sur… notre… ami… Nomis.
Waouw. Je suis sûr qu’il pourrait faire un long discours en grinçant des dents, comme il vient de le faire dans sa dernière phrase.
– Zavid ? que je demande, implacable et savourant ma revanche.
Elle grommelle un truc indistinct, puis se décide enfin :
– Nomis est notre ami, nous ne lui ferons jamais aucun mal. Même Kiki. Kiki, donne la papatte.
Elle me la donne, cette stupide bestiole, et je la touche très très très vite pour ne pas qu’il ait le temps de m’arracher la main.
Les agents du BSI, déçus, se retirent.
Aïe, voilà que le Mandalorien boitillant s’approche à son tour.
– Monsieur Nomis, l’heure de vérité est arrivée. Il va falloir rembourser votre découvert, sinon vous serez vendu comme esclave, voire pire.
J’essaie de réfléchir, ce qui n’est pas facile car pendant ce temps, mes amis du BSI ricanent, rient et se tapent dans le dos pour se féliciter. Les salauds, ils sont bien contents de cette vengeance par procuration !
J’ai une idée !
– Votre immentissime grandeur ?
– Oui, Nomis ? demande Palpatine, lèvres pincées.
Je sens qu’il ne va pas falloir abuser de sa patience. Il est de notoriété publique qu’il n’en a pas beaucoup, en plus…
– Que va-t-il arriver à mémé Nomis ?
– Elle sera exécutée pour haute trahison. C’est un problème, Nomis ?
– Non, au contraire, merci pour l’info ! Mon cher ami Mandalorien, vous avez entendu : mémé Nomis va mourir… donc je vais hériter de ses biens ! Elle possède une confédération de plein de planètes : si vous vous servez dans ce patrimoine, nul doute que mon découvert sera comblé !
– Vous voulez combler votre découvert non pas en crédits impériaux mais en
planètes ? demande le Mandalorien, incrédule.
– Oui !
– Y’a pas à dire, ça pète, approuve-t-il. Vous êtes donc le seul et unique héritier de madame Nomis ?
Aïe. J’oubliais papa. En fait c’est lui qui va hériter de tout. Et vu qu’on se ressemble pas mal, je me doute qu’il ne me laissera pas un rond. En tout cas, c’est ce que je ferais à sa place. Et comme je viens de le dire, on se ressemble…
– Bientôt, oui. Puis-je emprunter votre communicateur ?
Il me le tend de bonne grâce, et je compose le numéro de papa, sous-secrétaire obscur du gouvernement impérial.
– Qui est à l’appareil ?
Ouf. Il est là, il a répondu. Je lui chuchote, pour que personne d’autre n’entende :
– C’est Cirederf. Tu sais, papa, j’ai toujours pensé que tu étais le dernier des abrutis : ta carrière politique est un raté monumental, sans parler de l’échec de ton mariage, et de la multitude de maîtresses qui t’ont largué malgré ta position. C’est dire comme tu es un gâchis ambulant ! En fait tu n’as jamais réussi qu’une chose de bien dans ta vie : toi-même. Pour le reste, ta médiocrité n’a d’égale que tes échecs répétés dans tous les domaines.
Je suis fier de moi : avec ça, si mon plan fonctionne, il va s’enfoncer dans la déprime voire en finir avec lui-même. Quand il se met m’insulter, je comprends que j’ai fait erreur. Peut-être même fatale, aïe : il risque de me déshériter.
Me faut une nouvelle idée, vite, une idée, pendant qu’il est toujours en train d’exploser au bout du fil. Une idée, une id… oh ! Je sais ! Je mets le communicateur dans mon dos et dis :
– Monseigneur Vador, pourriez-vous vous rapprocher, je vous prie ? Mon père, le sous-secrétaire, aimerait vous parler.
Il s’avance majestueusement, prend le communicateur que je lui tends et le porte à son oreille. Tout comme lui, j’entends ce qu’il en sort :
– … espèce d’enfoiré de merde, sale rejeton de l’enfer ! La prochaine fois qu’on se croise, je te botte le train jusqu’à te propulser sur la lune, petite saloperie ! Tu n’es qu’une petite raclure de…
– J’ai parfaitement compris, Nomis, répond Dark Vador de son inimitable voix.
Tellement inimitable que papa se tait aussitôt, ayant compris à qui il a à faire.
– Je pense que nous en avons entendu assez, que je dis en tendant la main. Vador me rend le communicateur. Ouf, papa a été trop interloqué pour avoir le temps de réagir et expliquer le quiproquo. J’éteins le combiné, et Vador me dit :
– Prévoyez un budget pour les funérailles de votre père, Nomis. Il ne survivra pas à mon retour sur Coruscant.
– OK, je vais faire ça, que je lui réponds, tout joyeux.
Mon plan a fonctionné à merveille ! Alors seulement, je me tourne vers le Mandalorien et lui dis :
– Comme vous avez pu l’entendre, je vais très bientôt hériter des biens de toute la famille. Et vu que mémé possède un Empire de plus d’une centaine de planètes, vous devriez pouvoir vous rembourser sans problème, non ?
Le Mandalorien siffle, impressionné.
– Plus d’une centaine ? Aucun problème, en effet. C’est un plaisir de faire des affaires avec vous, monsieur Nomis !
Un immense poids s’envole de ma poitrine. Je me sens quelque chose comme immortel ! J’ai survécu à tout, et même mes problèmes financiers sont en passe de ne plus être que des cauchemars laissés derrière moi. Mouhahahahaha !
XCIX
Quoique… voilà Sylmort de Leonbinetos qui s’approche de moi avec son ventre proéminent dans lequel grouille des futurs petits Nomis…
Ah, mais ça ne va pas du tout, ça ! J’ai rien demandé ! Je suis trop jeune pour avoir des enfants ! Qu’on m’en reparle dans cinquante ans. Minimum.
– Fini les conneries, qu’elle me dit. Tu me signes le papier de reconnaissance des gosses et tu assumes tes responsabilités. Rien n’est plus important que des enfants, à qui il faut apporter un environnement équilibré, qu’ils soient élevés par leurs deux parents qui se doivent de former un binôme soudé, à toute épreuve, pour le meilleur et pour le pire.
– Mais…
– Bien entendu, on se mariera, et je veux une robe de princesse pour l’occasion.
– Je…
– Nous achèterons un appartement dans les plus étages de Coruscant, vaste penthouse dont les voisins ne seront que des gens bien : diplomates, officiers supérieurs, PDG de multinationales galactiques.
– En fait…
– Je veux un chien, un mini-nexu, un panda vert et un speeder familial.
Mais pourquoi vert, le panda ? que je me demande en moi-même, sans avoir le temps de poser cette question à voix haute car Sylmort enchaîne.
– Nous aurons une vie équilibrée, nous mangerons des légumes à tous les repas, nous nous inscrirons au club de fitness et de remise en forme le plus proche de chez nous – de préférence un club privé, pour ne pas nous mélanger à la plèbe –, et bien entendu l’été pour partirons en vacances à la mer et l’hiver à la montagne.
Je sens les mâchoires de l’étau d’un piège mortel se refermer sur moi au fur et à mesure qu’elle parle. Ça a l’air pire que d’être enfermé à perpétuité dans la cellule d’une prison, son truc ! Au secours ! Réagis, Cirederf ! Ton avenir dépend de ta réponse ! Réponds n’importe quoi mais réponds !
– Et si je te refile une des planètes de mémé, tu me lâches la grappe et tu te débrouilles toute seule avec les gosses ?
Dès que j’ai fini de prononcer, je comprends avoir commis une erreur mortelle : vu le discours qu’elle vient de me tenir, je sais qu’elle ne se laissera pas corrompre. Si elle tient que ça à une vie équilibrée avec le futur père de ses futurs enfants, ce n’est pas en lui faisant miroiter des richesses qu’elle va déroger à ses principes, parce qu’ils ont l’air vachement bien ancrés en elle. Il me semble évident qu’elle est du genre à mourir pour ses convictions, sans jamais y déroger une seconde ! En fait, je crois que je l’admire pour ça.
– Va pour la planète, et je te fiche la paix, répond-elle pourtant en haussant les épaules.
Ah, elle cède si vite ? J’aurais cru que… bon bah non, alors. Quelque part, c’est décevant, mais d’un autre côté, à sa place, j’aurais fait exactement le même choix rationnel.
– Impeccable, alors, que je souris.
– Oui. Hum… Devenir riche d’une planète mais encombré par des triplés, ça risque de pas être top pour mener une vie de jet-setteuse richissime et sans responsabilité. Donc on est bien d’accord que contre la planète, jamais tu ne t’occuperas de tes gosses ni même ne voudra les voir ?
– Bien sûr qu’on est d’accord ! D’ailleurs, « bébé » et « boulet » ça commence par la même lettre. Coïncidence ? Je ne crois pas !
– Parfait. Du coup, dès leur naissance, je m’en débarrasserai en les proposant à l’adoption. En plus ça me feras encore un peu plus de sous.
– Tu fais bien, Sylmort, que j’approuve énergiquement. À ta place, j’aurais fait la même chose !
Décidément, je crois que je l’aime bien, cette femme…
Me reste une dernière chose à faire. J’emprunte le communicateur de Sylmort pour appeler mon maudit patron, cette enflure de Smaugh Eskolar. Parce que bon, toutes ces aventures m’ont laissé sur les rotules, il me faut du repos. Beaucoup de repos !
Ouf, il décroche rapidement. Je me lance :
– Salut Smaugh, c’est Nomis !
– Mais… tu es encore en vie, toi ? Comment c’est possible ?
– Rassure-toi, tout est bien qui finit bien : j’ai réussi à m’arranger avec tout le monde, tout est pardonné a été validé par l’Empereur Palpatine lui-même. Elle est pas belle la vie ?
– J’ai connu meilleures nouvelles, qu’il me répond sèchement. Qu’est-ce que tu veux ?
– En fait je suis claqué, avec toutes ces péripéties, aussi je t’annonce que je prends toutes mes vacances d’un coup, là maintenant tout de suite. Je l’ai bien mérité !
– Hum… Tu en es sûr ?
– Avec tout ce qui m’est arrivé, oui, j’en suis certain !
– Nan mais je veux dire, ce qui t’es arrivé, je m’en fiche. Moi, je suis ton patron, à savoir le rédacteur de la Tribune Impériale. Donc en tant que ton patron, la seule question que j’ai à te poser c’est « Est-ce que tu as pu interviewer Ancor Niedy, la généticienne et cunicultrice qui élève des lapins sur la fourrure desquels apparaît le sigle de l’Empire en vert fluo la nuit ?
– Tu penses bien que non ! Avec tout ce qui m’est tombé dessus, je…
– D’accord. Tu as tes vacances.
– C’est vrai ?
– Bien sûr, je ne suis pas un monstre. De très très longues vacances !
– Finalement, t’es plutôt sympa, Smaugh !
– Ouais, hein ! Aussi longues que tu veux, les vacances, parce que t’es viré ! MOUHAHAHAHAHAHA !
– Hein ? Quoi ?
– Bah oui ! Tu ne m’apportes pas l’article pour lequel je te paye, donc je te vire pour faute lourde !
– Mais enfin, tu ne peux pas faire ça, c’est dégueulasse !
– Tu n’aurais pas fait la même chose à ma place ?
– Si, bien sûr, mais ça n’a rien à voir !
À ce moment, je réfléchis.
– Bon, d’accord, ça a tout à voir, et oui, j’avoue, j’aurais fait la même chose.
– Donc sans rancune, mon cher enfoiré d’ex-collègue ?
– Sans rancune, sale arriviste.
Allons bon, me voilà chômeur. Mais comme dit le vieil adage ancestral que j’invente à l’instant, vaut mieux être chômeur que mort. Et puis je suis Cirederf Nomis, le grand, le génial, l’inénarrable, l’inébranlable ! Je me relèverai, encore plus fort, encore plus grand, encore plus intelligent ! Même si je doute que sur ce tout dernier point, il soit possible d’aller au-delà : je suis déjà
tellement au top !
C’était votre serviteur (enfin ça, c’est juste une formule convenue, hein, ne le prenez pas – jamais ! – au pied la lettre) Cirederf Nomis, ex-journaliste de la Tribune Impérial, qui vous salue bien bas.