Où le destin se scelle sans que nul ne s'en doute
"Depuis deux ans, notre Galaxie est plongée dans un conflit meurtrier. Notre République bien-aimée, qui a fédéré des milliers de mondes – des centaines de milliers de monde - des millénaires durant dans la paix et l’harmonie s’englue dans la pire guerre de son histoire depuis l’époque lointaine des Sith. Cette République, qui a maintenu la concorde entre des espèces aussi différentes que les Jawa et les Ithorien, qui a maintenu la paix entre des ennemis héréditaires comme les Trandoshan et les Wookie, affronte désormais un nouvel ennemi : la Confédération des Systèmes Indépendants."
L’orateur fit une pause, le temps de laisser les huées se dissiper et reprit d’un ton à la foi passionné et venimeux.
"Oui, l’ennemi n’est plus une menace extérieure mais une menace intérieure. Des mondes que nous avons choyés, nourris, sauvés à des centaines de reprises et élevés vers la Civilisation se révoltent désormais contre leur sein nourricier. En cette heure historique, la tâche qui incombe à la Marine Républicaine n’en est que magnifiée.
Et le cœur de la marine, ce sont les officiers. C’est vous. Les Clones fournissent la force vive de l’effort de guerre, les Jedi assurent le haut commandement et nous rappellent notre idéal : la Paix. Le rôle des officiers dans cette armée d’un type nouveau s’est donc accru d’une nouvelle mission : assurer la coordination entre ces deux entités distinctes et aux conceptions souvent opposées. Sans vous, la Grande armée s’effondrerait."
Le doyen avait prononcé s’ « effondrerait » bizarrement, comme s’il avait hésité entre un conditionnel et un futur simple. Klys se demanda si d’autres l’avaient noté. Quoiqu’il en fût, le doyen poursuivit son discours avec la même passion – factice, jugeait Klys.
"Vous êtes la première génération de cadets à avoir été formée en temps de guerre depuis l’époque des Sith. Dans l’urgence, également car la demande en officier n’a jamais été aussi grandes ; elle est telle que la durée de votre formation a dû être raccourcie pour ne plus durer que deux ans. Pourtant, nos critères d’évaluation et de sélection n’ont pas été revus à la baisse d’un atome ; il suffit de vous voir pour s’en convaincre… Et tout particulièrement de voir votre major de promotion : Klys Nigotane."
A l’appel de son nom, Klys perdit contact avec la réalité : il apprit par la suite qu’il avait fièrement marché vers le podium, prononcé un bref discours mais il n’en garda nul souvenir.
Il ne reprit conscience que quelques heures plus tard, et se demanda aussitôt où il était.
La salle était obscure et bondée, ce qui lui sembla étrange mais l’assourdissante cacophonie qui régnait l’empêcha d’y trop songer. Des gens bougeaient dans tous les sens, comme des Banthas effrayés. Il fallut à Klys quelques instants pour se rendre compte que la salle était un bar, l’assourdissante cacophonie de la musique et les gens des amis ou, du moins, des compagnons d’études.
Il eut immédiatement envie de se rendre dans un endroit plus calme et prit la direction de la sortie.
Il n’en revenait toujours pas : major de promotion, sa carrière commençait avec un grade de colonel, dans la XVIè flotte, célèbre pour ses victoires lors des batailles de Jabiim et Saleucami. Certes, les plus hautes places de l’armée sont jalousement gardées par les Jedi mais, songeait-il, la guerre ne durerait qu’un temps. Les Jedi retourneraient alors méditer dans leurs temples ; et lui pourrait commencer sa véritable ascension. Il ramènerait la République à son âge d’or, il étendrait ses frontières bien au-delà de la Bordure Extérieure,…
Tout à ses pensées, Klys ne vit pas la marche et dérapa. C'est alors qu’il se rendit compte qu’il était ivre.
Il jeta un regard autour de lui, cherchant à s’orienter. Il n’était pas bien loin du campus - on entendait encore les bruits de la fête – mais le quartier ne lui évoquait rien. Les usines abandonnées semblaient abonder et Klys se rappela vaguement d’un projet d’agrandissement du quartier estudiantin, toujours pour faire face à la demande croissante d’officiers, par l’expropriation d’industries… Les travaux devaient commencer quelques semaines après son départ.
"Crotte de Bantha", jura Klys. La zone se trouvait à l’opposé de son studio, mais il ne put prolonger ses réflexions plus avant à cause de l’arrivée d’un Zarbak et d’un Rodien.
Peut-être l’alcool lui donna-t-il une lucidité rare ou peut-être la situation était-elle évidente mais toujours est-il que Klys comprit instantanément tout : le Rodien s’appelait Ftimu et la Zarbak Ceggs Fekor. Tous deux avaient lamentablement échoué à leurs examens tandis que lui commençait brillamment sa carrière. Ils avaient bu toute la soirée en râlant contre le destin et criant à l’injustice. Ils avaient vu Klys sortir seul et se diriger vers un quartier isolé. L’occasion était trop belle pour qu’ils y résistent : ils étaient là par gout du sang.
Klys, fort de cette certitude, se releva et entama un sprint maladroit mais fut plaqué avant d’avoir fait vingt mètres. Il tenta de se défendre mais c’était peine perdue : ces brutes avaient toujours excellé en auto-défense, quels que fussent leurs autres résultats.
Fekor le tint par les épaules tandis que Ftimu commençait à le rouer de coups, s’acharnant particulièrement sur le ventre et le visage. Ce manège dura jusqu’à ce que Fekor se lasse et lâche Klys.
"A mon tour", déclara-t-il simplement.
C’était une erreur de sa part et Klys en tira profit. Il appliqua toute sa technique et toute sa lucidité retrouvée pour asséner à Ftimu un magistral uppercut. Klys eut l’exquise satisfaction de voir que son coup l’avait pris par surprise et le rodien tomba en arrière mais Klys n’eut pas le temps de se tourner vers le Zabrak que celui-ci le mit à genoux par une violente prise de Teräs Käsi.
Un instant plus tard, Ftimu s’était relevé avait dégainé une vibro-lame.
"T’aurais…pas dû faire ça, sleemo", articula-t-il péniblement et Klys se sentit paradoxalement réconforté de constater que le rodien souffrait.
Son sentiment de triomphe prit fin quelques instants plus tard lorsqu’il sentit la cruelle morsure de la vibro-lame dans la chair de son bras. Ftimu prenait un plaisir sadique à faire exécuter à son arme des cercles concentriques autour d’un point imaginaire situé aux alentours de son épaule mais qu’il ne touchait jamais.
"OK, les gars, la fête est finie. Eloignez-vous de lui, ou je tire."
Ftimu retint un mouvement de surprise et Klys profita de l’occasion pour se saisir de la vibro-lame. Fekor n’osa pas bouger : il était visiblement prêt à rosser un type à deux contre un mais pas à jouer les héros contre quelqu’un armé d’un blaster, comprit Klys.
"C’est bien, je vais maintenant vous expliquer vos options : soit vous rentrez gentiment dans vos pénates et on oublie tout ; soit vous faites de la résistance et je serai au regret de devoir vous butter. La République a tellement besoin d’officiers que je m’en tirerai sans doute avec un simple avertissement. Faites vos jeux, ajouta la voix un ton plus bas."
Le duo se retira, non sans promettre des retrouvailles sanglantes à Klys.
Ce n’est que lorsqu’ils furent partis au loin que Klys put reconnaitre son sauveur : Taomas Homen, un Twi’lek avec qui Klys s’était toujours bien entendu. Celui-ci sortit un comlink et signala leur position aux urgences, malgré les protestations de Klys.
"Ne me fais pas rire, répliqua Taomas, tu as au moins cinq côtes cassées et la vibro-lame de ce shutta de rodien t’a salement amoché l’épaule."
Klys porta sa main vers les zones touchées et fut obligé de confirmer le diagnostic. Les effets conjugués de l’éthanol et de l’adrénaline l’avaient empêché de ressentir la douleur normalement. Ce fut avec un soulagement certain qu’il entendit les sirènes au loin. Quelque chose toutefois le gênait :
"Comment tu m’as trouvé ?"
"Quand je t’ai vu partir de la salle, je me suis immédiatement dit que tu ne retrouverais pas ton chemin, après tous le whisky corellien que t’as ingurgité. Et Blis m’a dit que t’étais parti vers la zone industrielle."
Taomas dut hausser le ton pour couvrir les hurlements de plus en plus assourdissants des sirènes.
"J’aurais pu arriver plus vite, ajouta-t-il avec un sourire penaud, mais il y avait cette Zeltronne à la sortie, tu comprends."
"Merci , répliqua simplement Klys, en regardant la navette atterrir."
"A charge de revanche, répondit Taomas, son sourire passant de triste à candide"
"A charge de revanche", répéta Klys quelques secondes avant de sombrer dans l’inconscience et d’être emporté par les médico-droïdes.