L’ancêtre revient comme promis !
Bon et bien je peux le dire : ce
Kenobi est pour moi un des meilleurs romans de l’
UE.
Il s’est passé quelque chose de très étonnant à la lecture : j’ai eu l’impression de lire un bouquin comme à l’époque où sortaient les premiers livres de l’univers étendu au Fleuve Noir, type la trilo Han Solo, etc. Hormis ce renouement avec l’émotion des premières lectures qui fut mienne, voici les raisons pour lesquelles selon moi Kenobi est le meilleur livre
SW de l’
UE Legends que j’ai lu
depuis,… bien avant que je n’arrive sur SWU.Oui.
Je le mets mais loooooooooooooooooiiin devant
Plagueis.
Loooin devant les meilleurs tomes du
NOJ. (Hérétique ! crieront les njo-fans
)
Et même loin devant les Republic Commando de Traviss. (
)
Voilà comme ça je pose les bases, maintenant j’argumente cette opinion.
Attention, pavé.
I-Kenobi, où la définition même de l’Univers Etendu.Les romans de l’
UE les plus savoureux resteront toujours pour moi ceux qui :
-développent et raccordent les entre-deux/après/films.
-ont leur identité formelle propre
Kenobi s’inscrit en plein dans ce double pari à la fois enthousiasmant et risqué : nous parler d’Obi-Wan Kenobi juste après qu’il ait remis Luke à Owen et Beru Lars sur Tatooine à la fin de La Revanche des Sith, ceci dans un style westernien qui fait de l’ouvrage et du personnage éponyme un roman unique parmi les centaines d’autres de la franchise écrits auparavant.
Mais est-ce que cela suffit à en faire un bon roman
SW à défaut d’un bon roman tout court ?
II-Pourquoi Kenobi est passionnant.Kenobi se passe sur Tatooïne. Entièrement. Je répète. Tatooïne. Hormis
Le Fantôme de Tatooine ou quelque passage comme dans
Shadows of The Empire, l’environnement culte était à l’abandon dans la majorité des autres romans de l’
UE. J.J. Miller tire pleinement parti de ce décor légendaire pour y placer une intrigue sans temps morts, avec Kenobi au centre de l’histoire (oui, il est au centre, et je vais y revenir), à la sauce western qui fait naviguer le roman entre des atmosphères d’
Il était une fois dans l’Ouest,
Danse avec les Loups, et Star Wars, bien sûr.
Kenobi sur Tatooine, c’est purement l’arrivée de l’étranger dans la ville. Les archétypes qui naviguent autour et qui créeront le squelette du livre sont bons et fonctionnent : la tenancière du bar, le vieux fermier, le shérif et sa milice, les jeunes générations faciles de la gâchette, et les indiens/Tuskens qui rôdent, prêts à frapper les pionniers du désert.
Le livre déroule et organise tout cela sans accroc. J’avais beau avoir trouvé Miller un peu « efficace mais simple » dans son traitement des aventures sur
KoTOR, ici son écriture prend toute son ampleur. Le plus gros écueil selon moi n’aurait pas été de faire du simple anecdotique, mais d’en faire trop dans l’exil d’Obi-Wan en injectant des choses trop capitales/galactiques. Le résumé n’est en ce sens pas mensonger puisque le livre ne va nous raconter ni plus ni moins comment Obi-Wan débute son exil sur Tatooine.
Alors non. On ne va pas le voir faire de la surveillance de Luke à longueur de pages. Certainement pas ! Non seulement ce serait ennuyeux – surveiller un bébé, lui-même surveillé par son Oncle et Tante... Qu'écrire ?
ou surfait – le voir déjà en danger dès son enfance sur Tatooine, n’abusons pas non plus.
Pour résumer, on ne va pas tomber dans le
fan-service.
Non, là on a exactement ce qui se passe une fois qu’Obi-Wan arrive sur Tatooine et Luke en sécurité. Il doit survivre. Et oui. C’est la mer** pour lui. Il se retrouve dans le trou du *** de la galaxie, dans un environnement désertique, sans eau, sans ressources hormis une eopie et des crédits républicains, sans connaissance du terrain ni de personne, tenu de ne pas dévoiler son identité sous peine de risquer de voir débarquer ni plus ni moins que l’Empire. Plus que son sabre laser, c’est véritablement sa nature de Jedi qu’Obi-Wan va chercher à masquer tout au long de l’intrigue. Là où cela devient intéressant, c’est quand cet environnement calme et propice au retrait de la vie sociale ne va pas laisser le choix à Obi-Wan que de s'investir.
J’ai eu beau chercher les temps morts, les longueurs, je n’en ai pas trouvé. On n’est même pas dans la gratuité de faire des instants méditatifs ou de remplissage, chaque élément est narré pour nous amener au suivant. L'écriture de Miller est hyper-fluide et va à l'essentiel. Obi-Wan est contraint à acheter le nécessaire de base aux fermiers du coin, et finit par devoir s’impliquer lorsque les problèmes surgissent. Et il ne s’agit pas là de problèmes mineurs, l’auteur réussissant à donner un sens de l’action et du suspense très prenant à ses péripéties, les attaques de Tusken en tête.
On se souvient dans
Un Nouvel Espoir de la réticence de Luke à aller chercher R2 dans le désert au coucher de soleils à cause des Hommes des Sables. Là où le roman s’élève à un niveau supérieur, c’est qu’il ne s’agit pas de simples opposants aux protagonistes. Ce roman nous fait découvrir
le mode de vie et l’histoire des Tuskens, depuis le point de vue d’un Tusken. De l’organisation des clans à la gestion des nouveaux-nés, de leurs légendes et croyances à leurs stratégie d’attaque. Perso je suis devenu FOU en lisant. Ça se dévore comme pas permis. Et ça a pleinement sa place dans l’histoire, dans l’
UE -
le lien avec A'sharad Hett est plus fait que je n'aurais pu l'espérer, et à un niveau que j’exposerai à la fin.
L’irruption du Jedi dans la vie des fermiers est quant à elle non seulement bien écrite mais vraiment intéressante. Kenobi est souvent décrit en creux, mais on comprend pleinement, nous lecteurs, ses motivations, tandis que son aura de mystère – et donc d’attrait – se renforce auprès des gens du coin.
Ah oui, et dans ce roman, Obi-Wan a la CLASSE (je mets des capitales comme Gilad). Il agit dans l'ombre, à la manière d'un super-héros à l'identité secrète. Les natifs sentent bien qu’il est particulier dans sa manière d’interagir avec les gens et le monde : Miller dépeint un Obi-Wan fort et empreint de morale et de justice comme nous l’a montré la prélo, mais aussi plus subtil et mélancolique comme on l’a découvert dans l’épisode IV. Voir Ben en devenir sur cette période est vraiment très intéressant (euphémisme).
Le reproche qui ressort le plus toutefois est son absence du roman, ce qui serait effectivement un comble. Alors, Kenobi, au centre du roman ou non ?
III-Kenobi, une appellation trompeuse ?J’ai commencé ma lecture avec ce reproche en tête, et me suis dit qu’à un moment ou un autre Obi-Wan allait passer au second plan. Force est de constater que non seulement Obi-Wan est présent dans la quasi-totalité des scènes où il peut l’être, mais que lorsqu’il est absent physiquement ou qu’on suit d’autres personnages, il revient sans cesse au centre des actes/conversations !
Certes le roman n'est pas raconté de son point de vue. Son personnage se construit à trois niveaux :
-le plus évident et direct, par les diverses « méditations » qui ponctuent les fin de chapitres dans lesquelles il s’adresse à Qui-Gon, et où on partage ses états d’âmes et son ressenti vis-à-vis de sa situation présente, Anakin, la situation galactique, etc. A la limite ces passages sont presque ceux qui pourraient être qualifiés de fan-service, mais ce n'est pas niaiseux et suffisamment succinct pour montrer comment réagit Obi-Wan face à son nouveau mode de vie. C’est d’ailleurs intéressant car on ne se limite pas au simple remord vis-à-vis d’Anakin – bien présent – mais aussi à la souffrance d’être séparé des Jedi qu’il a toujours connus et de devoir faire face à une nouvelle existence solitaire.
-Par le biais des locaux, qui se positionneront chacun comme amis, ennemis, simples curieux. Ben ne laisse personne indifférent et va avoir un impact sur tous les personnages et leurs vies.
-Par son absence : Ben reste au cœur des intrigues et des dialogues alors même qu’il reste reclus/qu'il est hors-champ.
Et c’est par ce troisième point que l’auteur tient son pari je trouve. Il ne tombe pas dans la surexploitation de son personnage, il parvient à en faire ce que deviendra le vieux Ben aux yeux de tous. Son Obi-Wan est incroyablement juste et crédible. En une ligne de dialogue parfois, une attitude, on retrouve la noblesse et l’envergure de Ben Kenobi, à tel point qu’à la lecture j’avais plus souvent l’impression d’avoir un jeune Alec Guiness sous les yeux qu’un Ewan Mc Gregor vieillissant.
Le marketing du livre reste toutefois trompeur et c'est certainement en cela en partie que le livre a pu décevoir des attentes. Plus que le titre – la signification du pourquoi tout le monde connaît le nom de Kenobi sur Tatooine est explicitée –, c’est la couverture qui fait défaut. Ça peut paraître anodin, reste que les blurbs et résumés qui précèdent la sortie du livre ne sont pas toujours à l’image de ce que sera réellement l'histoire ; ainsi, avant sa sortie, on pouvait avoir l’impression qu’il s’agirait d’un roman beaucoup plus connoté « action », avec un Obi-Wan ayant encore l’armure républicaine sur le dos et le sabre laser au clair.
Non pas que l’action soit manquante dans le livre, j’ai d’ailleurs eu la sensation qu’on n’a rarement le temps de respirer tant les choses s’enchaînent naturellement. Mais le livre aurait tout à fait pu s’appeler
Ben Kenobi ou
Exil (déjà pris) et avoir une couverture plus sobre, on aurait été déjà plus dans le thème.
Hormis tout ceci, on verra donc dans le roman une belle brochette de personnages du crû, la faune et la flore de Tatooïne comme jamais dépeinte (
la pouponnière de Sarlaccs !
), des incursions à Mos Eisley, les prémices de la mainmise de Jabba sur la planète… mais je vais pas spoiler au-delà non plus.
Enfin, Kenobi donne un élément assez prenant comme fil conducteur qui sous-tend le récit, qui peut donner libre court à plusieurs interprétations.
IV-Bonus : la portée métatextuelle de la légende Tusken ou le délire du vieux fan.Le grand truc à la mode de l’analyse littéraire, c’est de trouver au texte un sens caché, voulu on non par l’auteur, et qui lui donnerait un nouvel éclairage. Ceci parfois par le biais de la métatextualité : en gros, le texte ne parle pas seulement que de ce qu'il raconte, mais parlerait de lui-même.
Je trouve personnellement que c’est souvent du flan, au sens que cela a peu d’intérêt a fortiori si ce n’est même pas intentionnel de la part de l’auteur. Mais comme la légende Tusken développée dans Kenobi est intéressante en elle-même pour l’éclairage qu’elle apporte au ressenti d’Obi-Wan vis-à-vis d’Anakin et qu’elle est explicitement donnée comme sujette à interprétation par l’auteur, poussons plus loin.
A’Yark – le personnage Tusken central – nous fait part de la légende Tusken selon laquelle
les Soleils Jumeaux de Tatooine seraient deux frères dont l’un poursuivrait sans cesse l’autre qui aurait failli (ou un truc dans le genre). A la fin, le Tusken fait part de ce conte à Obi-Wan en lui demandant de mettre un terme aux actions
d’Orrin en faisant références aux
« skybrothers ». Le Jedi y voit alors un reflet de sa propre histoire avec Anakin, et se demande même un instant en le fixant si le Tusken fait directement référence à cela, avant de comprendre que le Tusken fait référence à cette légende liée aux Soleils jumeaux. L’interprétation est livrée comme telle dans le livre.
Le mot « Legend » toutefois ne m’a pas paru aussi anodin (attention c’est ici que commence l’interprétation du vieux fou). Voilà le dialogue :
A’yark looked at Ben, searchingly. Can he not know what all Tuskens knew ?
[…] « Orringault showed his true face. You kill him now, or he pursues you forever! » […] « It is the way of skybrothers. »
Ben stared « This – this is another legend? »
« It is the legend. »
L’interprétation wtfesque : si l’on part du prédicat que le livre parle de lui-même, il ferait référence à son statut de récit désormais « legend ». Non pas en tant qu’une « autre légende », mais bien « the » légende, la vraie, l’importante. L’exil d’Obi-Wan, c’est l’exil de l’
UE, désormais reclus et coupé de l’évolution de la galaxie et des nouvelles histoires à venir. Ce qui est rigolo c'est qu'on peut pousser le parallèle sur tout le roman. Je ne prête aucune intention à l’auteur mais j’ai trouvé marant d’essayer de se prêter à ce jeu de l’esprit, peut-être un peu aussi parce que quand j’ai fini ce récit de cette qualité, j’ai eu du mal à me dire que l’
UE tel qu’il était avant allait vraiment se finir.
Voilà, c’était l’onanisme cérébral façon
SW, c’est gratuit – après tout on est le 4 mai.
Bon Star Wars day, et allez lire Kenobi !
« Vous pouvez échouer dans ce que vous ne voulez pas faire. Alors vous pourriez aussi bien tenter votre chance en faisant ce que vous aimez. » Jim Carrey