Il y a bien longtemps, alors que la Création du Monde allait s’achever,
Et tandis que la Galaxie n’était encore qu’un maelström de forces brutes,
Naquit enfin les Glorieuses Races des Seigneurs, et la Sainte Tradition Sith.
Destinés à parachever la perfection du Monde étaient ces Seigneurs,
Avec la Tradition Sith, connaissance absolue et sagesse ultime, comme seul Guide.
[quelques vers perdus]
Premiers parmi les Seigneurs étaient les Kissai, gardiens des rites sacrés,
Et leur place était de cultiver l’intelligence et la sagesse ;
À leurs côtés trônaient les fiers Massassi, foudres de guerre,
Et leur place était de cultiver la puissance et l’ordre ;
Ensuite venaient les [nom oublié], artisans et ingénieurs,
Et leur place était de fabriquer et créer ;
Alors seulement venaient les [indéchiffrable], les travailleurs,
Et leur place était d’assurer le confort de leurs frères ;
Des derniers nous ne parlerons point, les innommables,
sans autre place que dans la fange, pour y contenir l’ordure.
Mythe Sith d’origine inconnue, période pré-rakatane
RAPPORT N°77-1138-66, ACCRÉDITATION DE CONFIDENTIALITÉ MAXIMALE
AUTEUR : NON-DIVULGUÉ
DATE : AN 76 DE L’EMPIRE SITH
Ce rapport vise à synthétiser plus de vingt années de recherches au service de l’Empereur – gloire à lui – en vue de démêler le vrai du faux quant au nombre exact des races Sith initiales. Précisons d’emblée qu’au vu de l’ancienneté de l’espèce des Sith originels, et du chaos qui a toujours caractérisé leur histoire émaillée de guerres trop nombreuses pour être dénombrées, le travail d’historien est toujours sujet à la plus grande prudence. La plupart des sources mentionnent asse clairement l’existence de quatre castes Sith, et s’en contentent ; on trouve cependant parmi les mythes les plus anciens, tel que celui reproduit ci-dessus, ce qui ressemble à la mention d’une cinquième caste, fait suffisamment étrange pour justifier que l’Empereur – gloire à lui, qui ne peut rien ignorer, commande la présente enquête.
Il convient de clarifier tout de suite un point : les ennemis de l’Empire et leur propagande, incapable de comprendre la vraie sagesse, ont de tout temps tenu les Sith pour de cruels esclavagistes, et nous-mêmes, pénétrés de cultures inférieures, avons fini par admettre le terme d’esclave pour désigner nos classes laborieuses à toutes les époques. C’est bien entendu méconnaître toute la beauté du système des Castes originelles : bien entendu, chaque caste occupant sa place dans l’ordre universel, elle se retrouve à la fois vassale des castes supérieures, et suzeraine des castes inférieures ; cependant jamais la quatrième caste, quelques pénibles que puisse avoir été ses tâches quotidiennes, n’a été vue autrement que comme une caste d’hommes libres, aux droits imprescriptibles, et n’a fait l’objet de manque de respect de la part des autres Sith, tous reconnaissant l’utilité de chacun dans le maintien de l’ordre cosmique. Historiquement, c’est la rencontre avec les espèces inférieures qui semble marquer la naissance d’un esclavage au sens conventionnel du terme.
Un tel constat pourrait cependant être remis en cause par l’éventuelle existence d’une cinquième caste – ou plutôt, d’une race de Sith hors-caste. Car il me semble significatif que si peu de mythes en fasse état, et que dans le peu qui évoque effectivement ce groupe, ce soit toujours par des périphrases, ou bien par des termes négatifs : les innommables, les ignominieux, les intouchables, les impurs. On lit aussi, en deux occurrences (se conférer à la bibliographie en fin de rapport), les « maudits ». C’est ce terme qui m’a en fait permis de décrypter un peu plus le mystère, comme on le verra plus loin. Pour comprendre exactement le problème, il suffit de considérer combien la valeur de Pureté importe dans la culture Sith. Aujourd’hui, c’est principalement sous la forme de la pureté raciale qu’on en entend parler, mais historiquement la notion de pur et d’impur occupait une place bien plus importante dans le système de pensée Sith. Dès lors, des tâches telles que le traitement des ordures, le terrassement, l’exploitation minière, ou encore le travail de la terre, posait problème : de quel droit pouvait-on y astreindre un Sith, un membre de la race des seigneurs, fût-il de la caste la plus basse, sans souiller la pureté de la Race Sith dans son ensemble ? Et pourtant, aucun animal n’était suffisamment intelligent pour se charger de ses tâches... (Rappelons que nous parlons d’un temps ou les Sith n’avaient pas encore essaimé dans l’espace et rencontré les espèces inférieures). Ces tâches ingrates et ignobles, donc, ne pouvaient être que le lot des réprouvés, ceux qui s’élevaient contre l’ordre cosmique et la tradition Sith ; et qui d’autres que les forces supérieures pouvaient être en mesure d’édicter de telles condamnations ? Or, justement, il existait parmi les Sith de tels individus, maudits par les dieux : voilà qui explique comment s’est constitué ce groupe hors-caste, dernier rempart entre la pureté de la Race Sith et l’impureté du monde.
Voyons donc en détail de quels individus nous parlons : nous savons tous que les Sith constituaient une race particulièrement sensible à la force, quelle que soit leur caste, même si les Kissai étaient de loin les mieux dôtés. Or, de temps en temps, par une facétie de la génétique, naissait parmi telle ou telle lignée Kissai un individu qui, bien que particulièrement puissant lui-même dans la force, ne pouvait enfanter que des rejetons maigrichons, à la peau pâle, et parfaitement insensibles à la force – qui à leur tour ne pouvaient engendrer, une fois mâtures, que leurs semblables. Du haut de nos connaissances scientifiques actuelles, on pourrait facilement rationaliser ce phénomène par un mécanisme épigénétique d’auto-défense légèrement déréglé : en effet, de même que les espèces dotées des systèmes immunitaires les plus performants sont aussi les plus susceptibles de développer des troubles auto-immun, il n’est pas aberrant de voir se développer chez les Sith Kissai les plus puissants une immunité aux midichloriens. En effet la frontière entre symbiose et parasitisme est bien mince, et même si l’on ignore encore le rapport exact entre les micro-organismes en question et la Force, ce qu’on sait, c’est que leur présence chez est un hôte est, sinon responsable, du moins nécessaire à son éventuelle sensibilité à la Force.
Seulement, il est évident qu’à l’époque, les Sith n’avaient pas ces connaissances à leur portée – les traités Sith les plus anciens au sujet de la Force expliquent tout en des termes soit magiques, soit religieux. En sachant que les Kissai constituaient la caste la plus élevée, celle entre les mains de laquelle se concentraient tous les pouvoirs, il leur parut évident que ce phénomène était la punition divine encourue par toute lignée ayant trahi d’une manière ou d’une autre la Sainte Tradition Sith. Du point de la quatrième caste, savoir que ceux qui les exploitaient pouvaient à tout moment encourir les foudres divines s’ils dépassaient les limites de la moralité Sith était rassurant, et explique probablement qu’il n’y ait jamais eu le moindre mouvement social de révolte au sein de la société Sith. Agir contre la Tradition était le péché ultime, il appelait une punition aussi ignominieuse que d’être privé du pouvoir de la Force, cette essence même qui faisait de la race Sith la race des Seigneurs.
Bien entendu, aucun lettré Sith n’a jamais jugé digne du moindre intérêt de consigner l’histoire de cette non-caste maudite, de ses sous-Sith qui, de toute façon, accomplissaient des tâches tellement ingrates et pénibles que la plupart mouraient avant l’âge pubère. C’est donc dans les journaux personnels des premiers Jen’jedai qui, arrivant sur Korriban, ont pour certains pris le temps de décrire la société autochtones dans laquelle il avait débarqué, qu’on retrouve trace de notre cinquième race. Alors que les Jen’jedai, peu familiers du système de caste, confondent parfois les troisième et quatrième caste dans leurs descriptions, on remarque la présence de ce qu’ils nomment parfois des « cyborgs sith », « une communauté d’esclave affreusement mutilés ayant appris à remplacer leurs membres par divers artefacts sith, soit obtenus par charité auprès de la caste des ingénieurs, soit fabriqués de bric et de broc ».
Je ne pus trouver aucune autre information dans les sources officielles, mais je fis immédiatement le rapprochement avec ceux qu’on appelle communément les « Ferrailleurs », et le futur me donna raison. Essayant de vivre à leur manière et à leur côté pendant des années, je parvins à m’intégrer suffisamment bien à leur communauté, et à gagner la sympathie de suffisamment d’entre eux, pour qu’on révèle sous le sceaux du secret leurs traditions les plus ésotériques. Voici leur version de la naissance de leur peuple.
Selon la mythologie des Ferrailleurs – une fois qu’on l’a épurée des nombreuses références mystiques à un panthéon riche et pour le moins folklorique, lors de création du monde, deux races furent bénies parmi tous les animaux, et afin qu’elles puissent régner sur l’univers, les dieux firent dont à chacune d’un talent capable de dépasser les faiblesses de leur condition de chair. Il y avait d’un côté les Siths à la peau rouge, qui reçurent le don de Magie, et de l’autre ceux à la peau blanche [leur nom exact, considéré comme un mot sacré, ne peut être prononcé selon eux que par leurs dieux], qui reçurent le don d’Alchimie. Alors que les premiers détenaient sur le règne animal un esprit amélioré, les seconds disposaient ainsi de la faculté d’améliorer leurs corps.
De fait, l’on retrouve là les deux éléments majeurs de la culture actuelle : d’une part, le sentiment de complémentarité avec les Sith de sang pur dans l’ordre du monde, qui se traduit par une loyauté sans faille envers eux, et une xénophobie particulièrement vive envers tout autre, fût-il membre du Conseil Noir ; d’autre part, l’intégration de la cybernétique à leur éthique et à leurs rites, un enfant n’étant réellement considéré comme membre à part entière de la communauté qu’à partir de la cérémonie où il gagne sont premier implant ou membre artificiel, le plus souvent un œil bionique.
Je pense pouvoir reconstruire leur histoire de la manière suivante : c’est l’arrivée des Jen’jerai qui en fut le premier bouleversement majeur. On minimise souvent cet événement sur la structure sociale Sith, arguant que les nouveaux maîtres conservèrent le système de caste à l’identique. Cela peut sembler vrai dans la pratique, mais pas sur le plan des fondements philosophiques qui sous-tendaient le système : d’une part, il existait maintenant une sorte de « sur-caste » humaine, qui avaient tendance à traiter tous les Sith à l’identique, avec la même supériorité prétentieuse, quelle que soit leur caste ; et d’autre part, leur soif impérialiste ayant donné un élan expansionniste sans précédent au peuple Sith, on vit arriver sur les mondes sith traditionnels des centaines puis des milliers d’individus d’espèces inférieures conquises. Subi à cette pression par le haut et par le bas, on sait ce qu’il advint de la race sith : dès lors que les Jen’jerai vieillissants, aidés d’alchimie sith, parvinrent à établir des lignées hybrides en s’accouplant aux Sith les plus puissants, un nouvel espoir de domination s’ouvrit à l’ensemble de l’espèce, et les mariages mixtes entre les castes, traditionnellement prohibés, devinrent un impératif de survie. Au fil des siècles, les traits des troisième et quatrième caste s’éteignirent, supplantés par les gènes dominants des Kissai et des Massassi. Il n’en fut rien pourtant pour ceux qui allaient devenir les Ferailleurs : aucun Sith pur, même le plus faible manant de la quatrième caste, ne pouvait concevoir une hybridation avec les Maudits ; quant à ces derniers, ayant toujours vécu leur teint pâle, presque humain, comme une affliction, ils virent dans l’hybridation la perte de l’identité Sith, et refusèrent de s’y résoudre. D’un côté comme de l’autre, on oublia qu’il s’agissait à l’origine d’une seule race ; de toute façon, qui pourrait reconnaître le moindre trait Sith dans les visages à moitié métallique des cyborgs ? Cependant, comme on l’a vu, les Ferrailleurs conservèrent dans leurs mythes un lien spirituel et culturel envers leurs cousins Sith, et continuèrent en secret à suivre la Tradition Sith d’une manière fondamentaliste, à la limite de l’extrémisme.
Si aujourd’hui les plus racistes des Sith « de sang purs » retiennent surtout de leur héritage la mystique Sith, et sa connaissance profonde du côté glorieux de la Force (ou « côté obscur », pour parler comme un Républicain), les Ferailleurs se rattachèrent aux dimensions plus concrètes de la culture Sith : les lois, les rites sociaux, la langue (du moins sous forme d’un patois populaire, très imagé), et bien sûr l’attachement à la terre – de fait, même pendant la politique d’éradication menée par les Jedi après la débâcle de Sadow, ils demeurèrent sur les mondes sacrés, Korriban et Ziost principalement. De toute façon, les Jedi ne les reconnaissant pas comme Sith, mais comme un « peuple opprimé », ils furent relativement épargnés par la grande Purge.
Qu’en est-il aujourd’hui de ces Ferrailleurs, et sont-ils un danger pour l’Empire ? Inutile de rappeler ce que tout le monde sait : leur statut spécifique parmi les esclaves (les « esclaves sans maîtres »), leur communautarisme strict, leur mutisme apparent. Leur soumission à l’Empire pourrait donc sembler sans faille. Cependant, à la lumière des révélations qui précèdent, ils pourraient fort bien devenir un réel problème s’ils décidaient de s’allier aux agitateurs xénophobes parmi les Sith de sang pur.
Pour l’heure, les Ferrailleurs ont plutôt eu l’air de bouder la politique d’ouverture instauré par notre Empereur – gloire à lui – mais quelques individus isolés ont néanmoins fait le choix de rejoindre l’Académie Impériale, et font carrière comme officiers de la Marine, des Commandos, du Génie, ou des Agents Impériaux. Il serait fortement recommander selon moi d’exercer une surveillance attentive de ces individus.