Retour au sommaireChapitre précédent (prologue)Chapitre suivantPartie 1 : Accroc
Chapitre I :Bordure extérieureScaroc se réveilla en sursaut et se redressa d'un coup.
Le cœur battant, il regarda autour de lui, les yeux bougeant si vite que l'on n'aurait guère pu les suivre s'ils n'avaient brillé si intensément de leur éclat rougeoyant. Il ne reconnaissait rien, où était-il ? La douce lueur de l'aurore s'insinuait dans la pièce à travers le voile qui faisait office de porte. S'habituant lentement à cette clarté, il jeta un regard plus intrigué dans la pièce.
Il était allongé à même le sol, sur quelques tissus étalés ça et là. Du matériel médical recouvert de sang était en évidence sur l’un des rares meubles de la pièce. Ses sauveteurs – ses ravisseurs ? – n’avaient visiblement que très peu de possessions.
Des images lui revinrent, était-ce un rêve ? Non. En tout cas, cela l'avait secoué assez fort pour qu'il se réveille. Il se prit la tête dans les mains, essayant de se rappeler d'où venaient tous ces éclairs qui lui vrillaient l'esprit. Lui était-ce réellement arrivé ? Son visage était si douloureux, tout comme le reste de son corps. En le touchant, il y sentit une étrange irrégularité sur la partie gauche. Qu'était-ce ? Il n'avait rien de tel avant ! Il lui fallait vérifier rapidement. Il essaya de se lever, mais il se rendit vite compte que c'était impossible. Chaque mouvement lui causait une intense douleur. Son corps était criblé de morceaux de transpacier ainsi que de fragments de duracier ; il avait été brûlé à de nombreux endroits. Nombre de débris jonchaient le sol, mais à l'évidence, celui qui l'avait soigné n'avait pas daigné terminer son travail. Il fit un faux mouvement et l'un des fragments s'enfonça plus profondément, lui arrachant un cri de douleur.
Il perçut des mouvements à l'extérieur de la pièce, des raclements brusques, et des voix s'interrompirent, et il se rallongea sans attendre, effrayé. Le voile s'écarta subitement, inondant la pièce et aveuglant Scaroc un bref instant, l'empêchant de distinguer les individus qui venaient d'entrer.
« Enfin ! Ce n'est pas trop tôt, il est ici depuis dix heures tout de même, c'est pas croyable, grinça une voix sévère.
-Ça suffit,
cyar'ika ! répliqua l'homme entré le premier, avant de se pencher sur le jeune Chiss, j'étais le seul à pouvoir lui venir en aide. En plus, il lui fallait un endroit où aller.
-Eh bien tu devrais changer ça avant que je ne m'en charge personnellement.»
-Comme tu voudras. Maintenant, sors !
Vaal Fheyla regarda son mari d'un air menaçant, puis sortit de la pièce en coup de vent en arrachant le voile au passage. Resté seul avec le naufragé, Ruv se concentra sur le jeune homme et examina de nouveau ses blessures. Il écarta une mèche de cheveux noirs de son front couvert de sueur, pour étudier la cicatrice d'envergure qu'il avait sur la partie gauche de son visage. Il avait fait tout son possible mais cette blessure ne disparaîtrait jamais, quoiqu'il fasse. On aurait dit l'étrange œuvre d'art d'une autre civilisation tellement ces traces ressortaient peu sur sa peau, bien qu'elles soient très visibles. Comme un tatouage. Elles donnaient un air mystérieux et courageux à ce pauvre Chiss qui n'avait certainement rien demandé.
Les yeux brillant comme des braises se rouvrirent soudain, et son patient se mit à se débattre pour s'échapper. En vain, et se causant toujours plus de souffrances inutiles. Ruv le retenait si bien qu'il ne pouvait esquisser un mouvement efficace pour se libérer, à moins d'avoir acquis par quelque miracle des techniques d'autodéfenses. Mais il semblait tellement faible qu'il n'aurait jamais le dessus sur un Mandalorien entraîné. Et il avait toujours certains morceaux dans le corps, faisant sans aucun doute de chaque mouvement une épreuve. Il essaya de crier, et produisit un faible son, cependant perceptible.
« Lâchez-moi !
-Je ne peux pas, gamin, t'es pas en état. Calme-toi ou je devrai te faire plus de mal. Et crois-moi, tu ne le souhaites pas.
-Qui êtes-vous ? Laissez-moi tranquille ! »
Il poussa un autre cri de douleur, forçant la patience de Ruv. Il reçut un coup magistral à la tempe gauche – le Mandalorien ne voulait pas gâcher tout son travail – et Scaroc sombra de nouveau dans l'inconscience.
«
Udesii ! Ner vod, c'est qu'un gamin. Avec un coup pareil, tu aurais pu le tuer, intervint une voix dans son dos, une voix qu'il connaissait bien.
-Il me tapait sur les nerfs, Deves.
-Étrange, c'est ce que vient de me dire Vaal à ton sujet, je viens de la croiser. Elle semblait plutôt énervée. Le gosse vous pose un problème ?
-Seulement pour elle, tu la connais.
-Tu sais, ça ne poserait pas de soucis de le garder chez moi. Ma femme est partie pour la semaine, elle chasse du gros gibier dans le secteur corporatif. J'ai de la place, et tu pourras venir le voir quand tu le souhaiteras. T'en penses quoi ?
-C'est sympa, mais je ne peux pas le déplacer pour le moment. Pas avec tous ces éclats dans le corps.
-Pourquoi tu ne les as pas enlevés avec les autres ? s'étonna Deves.
-Je ne pouvais pas le bouger tant qu'il reprenait des forces alors j'ai retiré les éclats les moins profonds et les plus accessibles. Maintenant je vais pouvoir bosser sans retenue, alors si ça ne te dérange pas j'aimerais que tu nous laisses.
-Pas de problème, Ruv, il est tout à toi. »
Il sortit de la pièce, bien plus calmement que Vaal peu de temps auparavant, et laissa le doc avec son blessé.
Ruv se pencha de nouveau sur le Chiss et étudia avec attention les blessures de l'adolescent. Il lui faudrait faire preuve de beaucoup de dextérité pour retirer certains des fragments.
Ce pauvre petit a subi une terrible épreuve...Une heure durant, les éclats furent retirés les uns après les autres, le corps du jeune Chiss inconscient légèrement déplacé pour récupérer tous les morceaux. Tout en nettoyant ses instruments, le médecin de terrain étudia son patient bleu. Il avait de nombreuses brûlures sur le corps, et les coupures dues aux débris étaient étonnamment visibles. De vraies blessures de guerre. Il appliqua quelques compresses de kolto sur les blessures et couvrit les brûlures avec une crème de bacta.
Un éclat rouge attira son attention tandis qu'il rangeait ses packs. Les yeux grands ouverts et haletant, son patient le regardait fixement sans dire un mot.
« Qu'est-ce qu'il t'arrive, c'est la première fois que tu vois un mandalorien sans casque ? Ou bien la première fois que tu en rencontres un, tout simplement ? se moqua Ruv.
-Je... n'ai pas... murmura-t-il.
-T'inquiète pas gamin, tu es en sécurité ici. Surtout, ne bouge pas, tu n'es pas encore rétabli. Ça ne t'empêchera pas de parler cependant, dit le mandalorien en prenant une chaise pour s'y installer. Quel est ton nom ?
- Je suis Shess'caro'csapla, de l'empire Chiss.
-Tu vois, ce n'était pas si compliqué. Moi c'est Ruv Fheyla, ravi de te rencontrer.
Scaroc fixait la lame inquiétante que cet homme prénommé Ruv faisait glisser dans ses mains.
-Qu'allez-vous me faire ? demanda le jeune Chiss effrayé.
-Cela dépendra de toi,
Scar'ika. Nous verrons bien. En tout cas, sois certain qu'il ne t’arrivera rien si tu restes ici pour te reposer. Tu as subi un grand choc. Tu ne te rappelles de rien, vraiment ?
-Juste... des éclairs, des flammes, des sons indistincts.
-C'est un début, tu as été traumatisé et il est tout a fait normal que tu aies oublié des détails. Au moins, tu connais encore ton nom, dit-il en riant, ce n'est pas toujours le cas.
-Comment m'avez-vous trouvé ? Pourquoi m'avoir récupéré ?
-Pas si vite, tu le sauras en temps voulu, pour l'instant reste tranquille. C'est plus prudent ici, on ne sait pas de quoi ma femme serait capable si tu l'énervais même pour un invité. »
Scaroc le regarda, il était intriguant et avait l'air si humain sans son casque. Il avait souvent entendu parler des Mandaloriens, mais il ne savait pas qu'ils pouvaient être autre chose que des assassins sans visage. Il était passionné par l'histoire mais ne connaissait que peu de choses à part les Chiss, malgré tout. Excepté les Mandaloriens. Ils étaient partout ceux-là.
« J'aurais une question. Quelle langue parliez-vous avec votre épouse tout à l'heure ?
-Avec Vaal ? Du
Mando'a bien évidemment. C'est notre langue.»
Leur propre langue... Une société à part entière, comme les Chiss.
Ruv sortit, le laissant seul avec ses pensées. Il en profita pour chercher de quoi apercevoir son reflet. La surface d'eau claire dans le récipient posé à côté de lui ferait l'affaire. Lentement, il se pencha au-dessus, puis la vit.
Une cicatrice d'envergure s'étendant sur presque la moitié de son visage qui formait des motifs complexes.
Il se détourna, effrayé par cette vision de lui-même. Il avait choisi d'accompagner son père, mais n'avait jamais pensé que quitter l'espace Chiss serait aussi dangereux. Ajouté à cela le reste de ses blessures, il était brisé pour de bon. Il avait perdu tout ce qui constituait sa vie en l'espace de quelques jours. Et désormais, ce qu'il en restait était balayé.
Csilla lui manquait.
***
À quelques dizaines de mètres, dans une autre baraque, quatre éclaireurs en armure regardaient un enregistrement holographique en provenance du vaisseau Chiss. Ils venaient d'écouter les transmissions internes des mercenaires récupérées peu avant l'intervention des trois chasseurs
Bes'uliik, pilotés par Ruv, Deves Kernan et Stell Reevdan, présent à cette réunion.
L'holo-enregistrement montrait un Chiss, l'air inquiet et concentré. Un fond sonore d'explosions était perceptible derrière sa voix.
« ...poursuivis ! Je ne sais pas qui ils sont, mais j'ai une idée de qui les a envoyés. Nous avons besoin d'aide, vous êtes les premiers que nous pouvons ... »
À l'extérieur de la pièce, tout en écoutant distraitement, deux autres guerriers étaient en pleine discussion.
« Ça fait très holodrame, tu ne trouves pas, Yas ?
-Tant que ça paye bien, je suis pas regardant, tu vois, répondit l'intéressé en souriant.
-M'étonne pas de toi tiens. T'es au courant ? Le gosse a survécu, il est chez les Fheyla.
-On ne parle que de ça dans le coin depuis qu'il est là. Un Chiss… C’est rare d’en croiser par chez nous. Il faut dire qu’ils ne sortent pas souvent de chez eux.
-J'avais cru remarquer, effectivement. C'est pas non plus comme si ça allait changer nos vies.
-Bah, qui sait ! S'esclaffa Marev. Peut-être qu'il finira par te remplacer dans le cœur des femmes !
-Laisse-moi, tu veux, sourit Yas avant de s'éloigner, comprenant l'allusion de son ami.
-Ah, toujours le même... »
Retournant à la réunion, Marev arriva juste après les dernières paroles de l'hologramme. En voyant les autres commencer à taper sur leurs datapad, il comprit qu'il était temps de se mettre au travail.
Une bonne affaire en perspective !
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Lexique : Cyar'ika : terme affectueux, ici "chérie" si on veut.
Udesii ! : "Du calme !"
Ner vod ! : "mon frère" (trad littérale). C'est plus simplement "frère"
Scar'ika : terme affectueux par le nom, ici "petit Scaroc"
Mando'a : langue mandalorienne
Bes'uliik : classe de vaisseau mandalorien