Et voici, encore désolé pour le délai inhabituel, en esperant que le contenu vous plaira en compensation!
SacrificeLa scène s’était comme figée devant Jace qui n’osait croire ce que ses yeux lui montraient. Sa mère gisait au sol, échevelée, ses habits en lambeaux ; ses bras couverts d’ecchymoses, de traces de griffures profondes, ses dents manquantes et sa lèvre ouverte qui saignait abondamment, étaient la preuve du mauvais traitement que lui avaient fait subir ses geôliers. Des larmes de souffrance coulaient sur ses joues tandis qu’elle clignait des yeux, incapable de les adapter à la lumière pourtant relative qui éclairait la salle, après son long séjour confiné dans le noir le plus complet.
« Jace, c’est toi, mon fils ? » parvint-elle à peine à articuler d’une voix haletante. « Où sommes-nous ? Que se passe-t-il ? » s’époumona-t-elle, en larmes.
Incapable de parler, hagard, Jace regardait tour à tour sa mère, Yroskas et Abstrus, essayant de comprendre. Malgré sa volonté de se voiler la face, il ne pouvait réfuter l’horrible spectacle qui se jouait sous ses yeux : sa mère était là, ensanglantée, incapable de se lever, au pied du trône d’Abstrus qui semblait se délecter de la situation. La colère montante que Jace nourrissait envers celui qui se faisait un malin plaisir de tirer les ficelles de sa vie lui redonna l’usage de la parole :
« Comment osez-vous !? Qu’avez-vous fait à ma mère !? Que vient-elle faire ici !? Je vous préviens, si vous retouchez à un de ses cheveux, je... » cracha-t-il avant d’être interrompu par le Seigneur Abstrus, qui se leva de son trône, toisant Jace de toute sa hauteur.
« Trêve de jérémiades, faible d’esprit ! Ne viens-tu pas de me jurer allégeance et d’accepter de renoncer à ton passé !? »
Ce simple constat frappa Jace comme un direct en plein sternum, lui coupant le souffle. Une chape de plomb s’abattit sur lui lorsqu’il réalisa qu’il avait prononcé ces mots à la légère, pensant qu’il s’agissait juste d’une image. A présent, il comprenait la raison de la présence de sa mère en ces lieux et maudit sa naïveté.
Les mains ouvertes en signe d’apaisement, Abstrus descendit lentement de son estrade. Il semblait flotter tel un spectre au-dessus des marches taillées à même le roc bleuté, ses longues robes trainant derrière lui dans un chuintement lugubre. Alors qu’Yroskas s’était comme fondu dans la roche, cherchant à devenir invisible, le Sith l’ignora totalement, n’accordant pas non plus la moindre attention à Ena, qui crachait pourtant du sang sous le regard amusé des ses deux bourreaux Trandoshans. Tout le pouvoir de séduction du Seigneur Noir était tourné vers Jace, projetant une onde d’apaisement et de paternalisme bienveillant :
« Je sais d’où provient ton trouble, mon ami. Ecoute-moi, toute ton enfance durant, tu as considéré cette misérable créature rampante dénuée de pouvoir et d’ambition comme la personne la plus importante de la Galaxie. Il est temps pour toi d’ouvrir les yeux sur son inutilité. Elle ne te sert plus à rien, elle est la seule chose qui se dresse entre toi et le pouvoir...
Je t’ai prévenu que l’accès à la sagesse et à la connaissance serait compliqué, seras-tu capable de désapprendre les mièvres enseignements sentimentaux qui ont été imprimés dans ton cerveau dès tes premiers mois, de te défaire de l’attachement puéril et inutile qui te relie à cette moins que rien ? Ceci est ton dernier test, es-tu armé d’une volonté suffisante pour éliminer cette nuisance qui représente une menace à la cause Sith et un boulet pour ton avenir ? » En prononçant ces mots Abstrus s’était approché de son nouvel apprenti et se tenait désormais à ses côtés, lui posant une main ferme, persuasive et possessive sur l’épaule. Quelques minutes plus tôt, Jace était fier d’avoir l’opportunité de devenir le nouvel Empereur, il était sûr de lui, il savait que cette chance inestimable lui offrait des possibilités infinies, dépassant même ses espérances les plus folles. A présent que sa mère rampait pitoyablement comme une bête blessée devant lui, il ne savait plus que penser.
« Depuis que je te connais tu cherches une vie de signifiance, de conscience, tu veux pouvoir et compréhension sur l’univers qui t’entoure. » reprit le Falleen. « Tu as l’occasion de renaitre sans aucune limitation de ta vie minable, de devenir le Maître de la Galaxie, saisis-la ! » l’encouragea-t-il sèchement.
Tandis qu’il tournait malicieusement autour de Jace, tel serpent hypnotisant sa proie, lui susurrant des paroles l’enjoignant à assassiner sa mère de sang froid, afin de prouver ainsi irrévocablement son allégeance au Nouvel Empire Sith ; Abstrus attira à lui une des nombreuses armes exposées sur les murs, la faisant léviter jusque dans les mains du jeune homme. Par reflexe, Jace ouvrit la paume lorsque la poignée traditionnelle d’un sabre laser Sith de rituel vint se ficher dans sa main. Le pommeau était finement ciselé de runes et autres superbes motifs qu’il ne comprenait pas, ce qui ne l’empêcha pas de sentir le pouvoir de cette arme qu’il devinait utilisée lors de rites de passage depuis des générations. Bien que n’ayant aucune maitrise sur la Force, la puissance destructrice ne demandant qu’à être déchainée qui vibrait au sein de cet outil de destruction, était envahissante et dévorante ; il n’avait qu’une envie, presser l’interrupteur d’activation et la libérer. Jace céda à sa pulsion, délivrant ainsi une lame rouge sang, qui bourdonnait agressivement, comme douée de conscience et avide de trancher des chairs. Il était tellement fasciné par la puissance contenue dans ses mains et par la lumière envoutante que le sabre projetait dans l’opacité de la salle, qu’il en oublia un instant la présence de sa mère. Comme hypnotisé par les paroles doucereuses qu’Abstrus lui chuchotait et la lame de lumière qui bourdonnait avec intensité dans sa main, Jace fit mine de se mettre en garde. Il put apprécier la légèreté et la maniabilité de l’arme mortelle, qui dansait devant ses yeux, se délectant des sons menaçants qu’elle produisait en fendant l’air. Il avait déjà longuement entendu parler des sabres lasers mais c’était la première fois qu’il en voyait un. Il n’aurait jamais cru avoir un jour le privilège de manier ce symbole légendaire... Et pourtant... Il était le protégé du Seigneur Noir et cette alliance venait déjà de lui offrir cette opportunité pourtant inaccessible au commun des mortels...
« Jace ! Que fais-tu avec ces gens, ce sont des traîtres, des meurtriers ! Tu es une bonne personne, tu ne peux pas devenir comme eux ! » balbutia péniblement Ena, la bouche en sang, tirant son fils de son envoutement.
« Ecoute-la, qui tente de te ramener sous le joug de la propagande républicaine, alors que tu venais de t’en défaire… Contrairement à elle, je ne cherche pas à t’imposer de force la voie des Sith ; je t’en présente les avantages inhérents, mais ne t’ai pas caché la difficulté de la tâche qui t’attend. Cette misérable traîtresse aux idéaux de ton grand-père ne veut pas te laisser le choix, seulement te ramener avec elle dans son obéissance aveugle à la dictature Jedi. » Ena tenta bien de contredire le Sith, mais elle était trop affaiblie pour que sa voix porte suffisamment et couvre celle de ténor du Seigneur Noir, qui prenait soin de la laisser s’exprimer uniquement lorsqu’il le jugeait opportun. « Vas-tu prendre le parti de cette ratée, pourtant fille d’un puissant Sénateur qui avait compris que l’avenir de la Galaxie résidait dans la grandeur Sith ? » reprit ce dernier. « Regarde-la et admets ce qu’elle est réellement, elle qui a passé sa vie à te dorloter, te couver, t’efféminer, t’affaiblir, t’embrigader dans sa bassesse sentimentale et mentale, t’empêchant ainsi de grandir et de devenir un homme respecté. Qu’a-t-elle accompli au cours de son existence ? Quelle trace subsistera d’elle, hormis le fait de t’avoir mis au monde ? Alors qu’elle aurait pu prétendre à une grande carrière politique en bénéficiant de la renommée de son père, elle a profité de sa lignée d’une autre façon et préféré se contenter de l’oisiveté que lui offrait le confortable héritage qu’il lui avait légué, couplé aux revenus de la boutique de son ancien mari qu’elle n’avait rien fait pour mériter.
Vas-tu prendre son parti et te complaire dans la médiocrité dans laquelle elle t’a éduqué, ou vas-tu prendre le mien, moi le Seigneur Noir, véritable chef d’orchestre des événements qui se jouent dans la Galaxie et qui t’offre d’accomplir ton destin, d’en devenir le Maître incontesté ? »
Jace n’était plus si horrifié, les paroles du Seigneur Abstrus faisaient sens… Le regard perdu dans la lame à la chaleur rougeoyante réconfortante, il tenta de prendre du recul et de réfléchir posément à la meilleure décision qu’il convenait de prendre pendant que le Falleen poursuivait sa plaidoirie.
« Comme tu le sais, la réalité n’est pas rose Jace, les Sith l’ont bien compris et c’est l’incapacité des Jedi à l’admettre qui fait leur faiblesse. Si tu veux devenir un chef puissant et omniscient, écouté et respecté, tu dois réussir à le comprendre. Ce ne sont pas que des mots, mais une composante immuable de l’Univers au sein duquel nous évoluons au même titre que la Force. Les meurtres, les trahisons, les hypocrisies sont monnaies courantes, qu’on le veuille ou non.
Tu peux le nier, mais au fond de toi tu sais pertinemment que ce serait te voiler la face. Ton père t’a abandonné alors que tu n’étais qu’un enfant, te faisant découvrir la peine, la souffrance, la colère, le désespoir, l’incompréhension et la trahison dès ton plus jeune âge. Tu es un témoin avisé de la laideur de notre existence et ce serait trahir l’enfant inconsolable que tu étais, de le réfuter.
Les mots n’ont que la puissance qu’on leur accorde et tu les prends encore trop à la légère, pensant les comprendre alors que tu ne fais qu’entrevoir leur signification. Tu prétends saisir la nécessité d’abandonner ton ancienne identité pour renaitre au Côté Obscur, mais tu dois démontrer que tu accordes de l’importance à ces paroles ; c’est pourquoi tu dois signer ton allégeance à notre cause dans le sang du dernier obstacle qui t’empêche de parvenir à la compréhension. Lorsque tu l’auras fait, tu seras enfin libéré des chaines qui entravent ton potentiel, libre de t’abandonner pleinement à l’étude de la toute-puissance du Côté Obscur. »
« Certes… Il est vrai que ma mère est loin d’être parfaite… Mais c’est ma mère ! Vous m’en demandez trop ! »
Le sourire bienveillant du professeur qui réprimande son élève le plus doué d’une erreur prévisible joua sur le visage d’Abstrus.
« Je ne te demande pas de le faire pour moi, ni pour l’Empire, même s’il en sera le premier bénéficiaire. Dans un premier temps, je te demande de le faire pour toi. N’as-tu pas toujours voulu développer les talents qui t’avaient été offerts à ta naissance ? Cherché à tirer le meilleur parti de tes capacités intellectuelles en réussissant à rejoindre une Académie Républicaine prestigieuse afin de siéger au Sénat ? Tu as une affinité rare avec la Force, pourquoi ne pas en tirer avantage ? Surtout pour toi, une personne refusant d’être soumise ou bernée par les mensonges Jedi et convoitant avidement le pouvoir. Oserais-tu retourner à ton ancienne vie, sachant que tu gâches, presque criminellement, un potentiel inestimable, que tu rejettes honteusement le rôle primordial que tu es amené à jouer dans ce conflit destructeur qui déchire la Galaxie ? Préfères-tu réellement te contenter d’une petite vie minable, ou désires-tu accomplir ton destin et rester gravé dans les mémoires collectives pour les millénaires à venir ? Tu es un jeune homme fier, intelligent et indépendant, mon cher Jace, je peux le voir. J’ai besoin d’un apprenti comme toi, l’Empire Sith, la Galaxie, ont besoin d’un être aussi capable intellectuellement, qu’érudit et puissant dans les arcanes du Côté Obscur. Tu as la chance dont tu as toujours rêvée, celle d’accéder au pouvoir, de peser sur l’ensemble de la Galaxie, d’en tenir les rênes et de la modeler à ta guise. Tu as cette chance, ici, maintenant. Elle ne se reproduira pas, tu dois prendre ta décision. Seras-tu capable d’abandonner tes pulsions futiles, indignes d’un grand leader, qui te poussent à défendre ta génitrice au mépris de ton potentiel ? Ceci est une leçon primordiale, qu’il convient d’apprendre dans la douleur : parfois il est nécessaire de sacrifier une minorité pour le bien d’une majorité. Tu es appelé à ramener l’ordre dans la Galaxie, à en faire un endroit meilleur pour ses habitants, choisiras-tu égoïstement de privilégier ton attachement puéril au bien de tous ? Si tu ne cherches pas à donner le meilleur de toi-même ni ne prends la peine de tenter l’aventure, alors tu échoues avant même d’avoir commencé. En ce cas, tu ne serais pas digne d’être mon apprenti et tu n’aurais plus rien à faire ici, libre de retourner à ta pitoyable petite vie, sans but, sans honneur ni grandeur. »
Cette dernière tirade fit l’effet d’une claque au jeune homme. C’était évident, il ne pouvait pas passer à côté d’un destin si grandiose ou il s’en voudrait pour le restant de ses jours. Impossible de faire autrement, il devait tuer sa mère… Il fallait qu’elle comprenne… Prise dans la folie de l’instant, elle était terrorisée, mais avec le recul, elle comprendrait, oui c’est sûr, elle comprendrait… Elle avait toujours voulu que son fils suive sa propre voie, soit heureux en ayant la meilleure vie possible ; au fond d’elle-même elle ne pouvait que souhaiter qu’il passe à l’acte et accomplisse son devoir.
Le serpent qui se faufilait douloureusement dans ses entrailles se rappela à son souvenir en lui comprimant le cœur. Seule la maitrise de la Force pourrait lui permettre de s’en défaire ; s’il renonçait à cette chance inestimable qui ne nécessitait qu’un geste de sa part, il devrait vivre pour toujours dans le regret, la douleur et la peine, même lorsque sa mère ne serait plus. Il serait à jamais prisonnier des trahisons que son père et Maylena lui avaient fait subir ; il resterait éternellement une victime sans aucun avenir ni aucun pouvoir lui permettant de peser sur l’échiquier galactique et ne disposerait jamais de la puissance adéquate pour agir comme bon lui semblerait. S’il retournait à sa médiocre existence, mais choisissait tout de même de tuer Uldivo afin de tordre le cou au reptile de son âme, il passerait le restant de ses jours à croupir en prison en compagnie d’autres ratés. En revanche, s’il devenait un talentueux adepte de la Force Sombre, il pourrait étriper ce misérable tout en faisant fi des conséquences, étant capable de tuer sans même y penser n’importe qui se dresserait sur son chemin ou voudrait le traduire en justice. Avec ses nouvelles capacités, il pourrait peut-être même forcer Maylena à revenir avec lui, contrôlant ses pensées et son âme. Il serait même capable de traquer son père et, si ce dernier était encore vivant, de le torturer et le tuer à petit feu pour se venger de la souffrance qu’il lui avait fait subir. Oui, la décision était évidente, il n’y avait aucune autre alternative, il ne pouvait en être autrement, pensa-t-il, le regard absorbé dans la lueur sanguinolente de l’arme traditionnelle Sith par laquelle il allait décider de son destin.
En outre, Ena n’était pas exempte de tout reproche, continua-t-il pour se conforter dans sa décision. Ce qu’Abstrus venait de dire était exact, longtemps il l’avait maudite pour l’avoir ramolli et presque émasculé. La petite vie confortable et dénuée d’ambition qu’elle s’était construite était pathétique, tout comme son aveuglement face à la corruption du système qu’elle chérissait. Mettre fin à ses jours était presque une faveur dont il la gratifiait, en y réfléchissant bien… Oui, une faveur, la trahison, c’est elle qui l’a commise à l’égard de son père ! Songea-t-il. Rimoce était un grand homme aimé et renommé dans toute la République, il avait compris la corruption du Sénat et la tyrannie des Jedi dissimulée derrière des faux semblants de démocratie et de justice. Son poste élevé et le pouvoir qui y était inhérent lui avaient permis d’accéder à la compréhension. Mon grand-père savait que les Sith étaient le bon choix. Elle, n’a jamais eu la présence d’esprit, la sagesse nécessaire pour l’accepter. Incapable d’assimiler cette notion, elle m’a élevé dans les valeurs opposées de celles que Rimoce m’aurait inculquées ! Heureusement que j’ai su percer le voile de propagande par moi-même ! Amer, il pensa également à l’union qu’elle avait consommée avec ce bon à rien d’Irce Piejs. Cette alliance illogique, irraisonnée et immature, démontrait une fois encore qu’elle n’était pas digne de sa prestigieuse famille. Elle avait préféré épouser un rebut de Nar Shaada plutôt que de respecter les souhaits de son illustre géniteur ; elle aussi avait eu à effectuer un choix qui avait représenté un tournant dans sa vie, prenant alors le parti de la facilité, d’une banale platitude. Et aujourd’hui, alors que son fils était lui aussi confronté à ce tiraillement, elle faisait tout pour l’attirer avec elle sous la fange de la médiocrité dans laquelle elle s’était abîmée. Il ne pouvait céder et ne la laisserait pas prendre la décision à sa place. Il devait accomplir ce qui devait l’être. Ce serait difficile, mais rien ne l’empêcherait de réaliser sa brillante destinée.
Une lueur jaunâtre traversa ses prunelles teintées d’une résolution sinistre lorsque Jace émergea de ses atermoiements, levant les yeux de la lame, bien décidé à faire pleuvoir sur sa mère le coup mortel qui scellerait son avenir. Jetant un dernier coup d’œil à celle qui l’avait mis au monde, il put lire toute l’horreur présente dans son regard incrédule.
« Jace... » parvint-elle à articuler. « Ne me dis pas que... qu’ils t’ont embrigadé à ce point, ne me dis pas que tu pourrais m’assassiner de sang froid !? »
Son fils voulait lui crier sa colère, lui hurler à quel point elle avait tort, combien elle l’avait bridé toute sa vie et qu’aujourd’hui encore elle venait s’interposer entre lui et ses désirs. Mais la vue de sa mère tremblante, impuissante à ses pieds lui fit l’effet d’une douche froide. Qu’avait-il été sur le point de commettre ?! Quelle folie s’était emparée de lui pour qu’il considère ne serait-ce qu’une seule seconde, accéder à la demande du Seigneur Noir ? Jace voulait le pouvoir certes, mais pas au détriment de ceux qu’il aimait, il désirait la liberté d’action qu’il lui offrirait, mais tuer ses proches ne faisait pas partie de ses projets !
« M... Maman, je... Je n’ai jamais voulu... » Ne trouvant pas les mots, Jace se contenta d’éteindre son sabre laser et, baissant la tête en une moue honteuse, ferma les yeux, n’osant regarder Ena plus longtemps. Il était sur le point de faire le choix le plus douloureux qu’il lui eut été donné à accomplir au cours de sa jeune vie, mais il ne pouvait décemment pas en prendre un autre. Voyant passer devant lui et s’enfuir au loin tous ses rêves de grandeur, Jace se retourna et fit fièrement face à Abstrus, qui était resté discret pendant toute la durée des tergiversations de son aspirant.
« Seigneur Abstrus, je suis désolé, mais ce que vous me demandez est impossible... Je ne peux pas tuer ma mère. Je suis de tout cœur avec votre cause, mais ne peux malheureusement pas me résoudre à payer le prix de l’allégeance que vous attendez de moi. Je ne vous ferai pas l’affront de vous demander de me prendre comme apprenti malgré tout car je suis conscient de mon échec à votre dernier test... Je tiens uniquement à vous assurer que votre secret est bien gardé, nul n’apprendra jamais la localisation de votre forteresse, je peux vous le jurer. »
Un ange passa...
Tout se déroula à une vitesse époustouflante et pourtant, les quelques secondes suivantes restèrent dans leurs moindres détails marqués dans sa mémoire comme au ralenti. Jace eut à peine le temps d’entrevoir un rictus de colère assombrir le visage d’Abstrus, avant d’entendre une lourde épée Sith en Cortosis se détacher de la cloison où de nombreuses armes étaient suspendues. Il n’eut le temps d’esquisser un geste, ne put qu’assister impuissant au cauchemar qui se jouait devant ses yeux. L’arme contrôlée par Abstrus plongea vers la nuque d’Ena et la décapita sur le coup dans un craquement atroce de chair et d’os. Contrairement à un sabre laser, la lourde épée ne cautérisa pas la plaie. La victime eut juste le temps de pousser un dernier cri avant que son fils et Abstrus soient éclaboussés par une gerbe de sang. Tandis que la tête séparée du corps vint rouler non loin de Jace, le Seigneur Sith épousseta ses robes et lâcha l’air absent :
« Si tu commences à m’obliger à tout faire à ta place, nous prenons un mauvais départ... »
Le regard rivé sur les yeux de sa mère, encore ouverts et remplis d’horreur, emportant dans la tombe la dernière vision qu’elle avait eue d’une lame arrivant à pleine vitesse, Jace sentit une colère plus grande que toutes celles qu’il avait ressenties jusqu’alors déferler en lui. Se détournant du visage de sa mère à jamais figé dans un rictus de douleur, il se sentit en fusion totale avec le Côté Obscur de la Force, plus puissant que jamais et prêt à déchainer sa vengeance contre ce maudit Abstrus.
D’un mouvement vif, je rallumais le sabre laser et fou de rage, me jetait sur lui, bien décidé à le dépecer sauvagement. Le Côté Obscur était avec moi, je le sentais clairement, il n’avait aucune chance face à la toute-puissance qui m’habitait. Et pourtant...
Alors que Jace avait réagi avec une rapidité impressionnante, ne laissant que quelques secondes s’écouler entre le moment où sa mère avait perdu la vie et celui où il se jeta haineusement contre son meurtrier, Abstrus ne parut aucunement surpris. A l’ instant où le jeune homme s’apprêtait à abattre sa lame vengeresse sur lui, le Falleen lui assena presque machinalement un violent coup de griffes en plein visage, déchirant sa chair et l’envoyant heurter le mur. Tout détachement avait disparu des traits de l’alien, remplacé par une colère froide, qui semblait faire crépiter d’électricité statique ses robes et l’air qui l’entourait.
« Jeune imbécile, que croyais-tu prouver !? Pensais-tu vraiment avoir le choix ? Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi ! »
Sur ces paroles, un déluge de foudre jaillit de ses doigts et vint s’abattre sur moi en une tempête brulante de douleur. Pour la première fois, j’expérimentais à mes dépens les pouvoirs extraordinaires du Côté Sombre.
Entre deux déferlantes d’éclairs, Abstrus cria :
« Seulement à la fin, tu te décides à comprendre, il n’y a pas d’alternative à la toute- puissance des Sith. Tu ne m’es plus bon à rien, et ne vaux même pas le temps que j’accorde à ton châtiment. Je croyais en toi, jeune Pecivas... Mais maintenant, tu vas mourir... »
« Non ! Pitié, je ferais tout ce que vous voudrez ! » hurlait Jace qui se convulsait sous les traits d’électricité qui dévoraient sa peau.
Le Seigneur Noir interrompit sa foudroyante agression et contempla, méprisant, le jeune homme défiguré qui avait impétueusement osé lui tenir tête.
« Mais pour qui te prends-tu !? » persifla dédaigneusement Abstrus. « Comment as-tu pu être assez arrogant pour penser ne serait-ce qu’un seul instant qu’un misérable ver d’ordures comme toi avait une chance de m’infliger une égratignure ! Tu n’as pas correctement jaugé la portée de la puissance que je t’offre, ni celle qui est mienne et c’est là tout ton échec. Si jamais tu ne comprenais qu’un dixième de mes capacités, tu m’aurais supplié de te laisser décapiter ta mère sans même que je te le demande afin de me prouver ta valeur. Las, tu n’as pas su faire preuve de discernement... »
Ayant reprit ses esprits Jace parvint à puiser suffisamment dans sa colère pour hurler d'une voix pleine de fiel « Je vous hais ! Je le jure, je vous tuerais un jour, je vous tuerais ! Vous souffrirez piteusement à mes pieds et je me gausserais de votre impuissance ! »
Ses pupilles ayant beau lancer des étincelles, il n’impressionna nullement son interlocuteur qui se rit de ses menaces. « Ahahaha voilà comme je te préfère. » ricana-t-il. « Avec un tempérament de feu et aucune peur ni respect envers ceux qui te défient. Même après les blessures et le camouflet que je t’ai infligés, tu trouves la rage nécessaire pour me provoquer... Peut-être reste-t-il de l’espoir pour toi, après tout... Il y avait longtemps que je n’avais pas tué et je ne peux nier le plaisir que cet acte, ainsi que ta colère et résistance futiles, m’ont apporté. » A ces mots, Jace eut envie de sauter à la gorge de celui qui était désormais le pire des monstres à ses yeux, mais la douleur lancinante qu’il éprouvait le dissuada de tenter le diable une seconde fois. « Je suis donc d’humeur magnanime aujourd’hui » reprit le Sith, « et vais laisser ton destin entre les mains de la Force. Je vais méditer sur ta personne et le Côté Obscur seul décidera de ton sort. »
Il fit signe aux gardes Trandoshans qui étaient restés immobiles, comme pris de torpeur pendant toute la durée du drame, mais se précipitèrent immédiatement vers Jace, le relevant sans ménagement chacun portant un de ses bras autour de leurs épaules. « En attendant ma décision tu seras jeté au cachot comme tous ceux qui osent me braver. Gardes, emmenez-le ! » ordonna-t-il avec suffisance, balayant la scène d’un revers de la main impérieux.
Trainé de force hors de la salle du trône, Jace put voir Abstrus sourire malicieusement alors qu’il entrait en conversation avec Yroskas.
Next week (sûrement vendredi), dernière partie du Vol I : Sombre Baptême