Allez, on passe aux choses sérieuses et on plante le décor ! Bien entendu, je n'ai pas relu donc il doit y avoir des coquilles qui traînent, feignant que je suis.
Chapitre I Renavo déglutit nerveusement. Ses mains vertes crispées sur les commandes du vaisseau témoignaient de son anxiété tandis qu’il luttait avec les vents extrêmement violents des couches supérieures de l’atmosphère de la planète Elvintar.
C’était la première fois que le jeune Rodien de quinze ans se voyait confier la lourde tâche de piloter le
Crocs de Gareth, et il n’en menait pas large. Il connaissait l’affection de son maître pour ce transporteur. Pas question de commettre d’erreur.
Une rafale déporta le
Crocs de sa trajectoire, et Renavo jura tandis que plusieurs alarmes s’élevaient du tableau de commandes. Il parvint peu à peu à rétablir l’assiette du vaisseau, mais un sifflement aigu jaillit d’une console à sa droite. Son angle d’approche n’était pas bon et le
Crocs filait trop vite : à ce rythme, il risquait la désintégration dans l’atmosphère. La température monta rapidement dans le cockpit.
Assis à ses côtés, les bras croisés, son maître était impassible, comme s’il n’était pas concerné par la situation. Intérieurement, il s’amusait de la déconfiture de son élève. Renavo, du haut de son adolescence, était prêt à s’attaquer à l’univers entier et n’avait cessé ces derniers mois de tanner son maître pour gagner en autonomie. Il en avait assez d’être toujours couvé, qu’on ne lui laisse pas l’occasion de prouver sa valeur.
Son maître avait décidé d’accéder partiellement à ses souhaits. Il avait lui aussi connu ce sentiment frustrant de ne pas avoir la possibilité d’exploiter son potentiel en son jeune temps, aussi avait-il décidé que de temps en temps, il placerait son élève face à ses limites. Comme maintenant. De ce fait, Renavo grandissait, élargissait le panel de ses talents. Autre conséquence : il devenait plus circonspect et se rendait compte qu’être mis en danger était parfois très inconfortable. Aussi y réfléchissait-il désormais à deux fois avant de demander à agir en solo.
Une explosion retentit quelque part à l’arrière du
Crocs. Renavo coula un regard coupable vers son maître, qui dit :
– Redouble de vigilance, mon garçon. Nous n’avons plus de stabilisateur bâbord. Tu vas devoir compenser.
– Oui, maître Hadgard, répondit Renavo, honteux. Désolé, maître.
– Autant que faire se puisse, j’aimerais que nous atterrissions en un seul morceau.
– Moi aussi, maître.
– Et que nous puissions repartir de cette planète.
– Bien sûr, maître.
Marton Karr, connu dans la Confrérie de Maal Taniet sous le nom de Maal Hadgard, s’amusait follement. Son élève était si sérieux et guindé qu’il ne décelait pas l’ironie dans ses paroles.
Il avait le même âge que Renavo quand son destin avait basculé. Alors Padawan Jedi déchu travaillant pour le Corps Agricole, il avait fait la connaissance de Tel’Ay Mi-Nag et avait choisi d’attacher ses pas aux siens. Il n’avait jamais eu à le regretter depuis. L’Ordre Jedi n’avait pas été capable de lui faire exprimer son potentiel de Force, au contraire de Tel’Ay. Certes, la Confrérie de Tel’Ay s’apparentait aux anciens Sith, mais elle ne suivait pas la tradition de destruction et de domination qui allait de pair avec, ce qui convenait très bien à Marton. Il n’avait aucun goût pour les massacres et ne cherchait pas le pouvoir.
Marton vouait une grande admiration au Skelor qui l’avait pris sous son aile. Bien qu’il l’ait manipulé pour qu’il le rejoigne – ce dont Marton avait mis des années à se rendre compte –, il n’avait jamais cherché à remodeler les croyances de son élève. Il l’avait laissé suivre son propre chemin dans la Force, développé des pouvoirs que l’humain avait lui-même choisi. Il était désormais le plus puissant de ses disciples et était le seul autre maître au sein de la Confrérie. Même s’il lui fallait se méfier de la fille de son mentor, Dibidel, en qui la Force était puissante et qui progressait à grands pas. Nul doute que d’ici quelques années, il serait dépassé par elle.
La nervosité de Renavo était palpable dans l’air, mais il parvenait tant bien que mal à maîtriser le vaisseau endommagé. Pourquoi diable avait-il provoqué son maître trois mois plus tôt, en affirmant qu’il valait bien mieux que Maal Hadgard n’avait l’air de le croire ? Depuis, son maître n’avait de cesse de le mettre à l’épreuve, et ne lui confiait bien évidemment rien de facile.
J’aurais mieux fait de me taire ce jour-là… Renavo n’avait pas sa licence de pilotage mais connaissait les bases. Il avait très excité quand Maal Hadgard lui avait Confié les rênes de son précieux vaisseau personnel, mais l’élève avait vite déchanté. Il avait reçu l’ordre de calculer de tête le trajet hyperspatial, ce qui lui avait pris de longues heures, même avec l’appui de la Force. Son entrée dans l’atmosphère était plus que médiocre, mais il sentait qu’il allait s’en sortir. Vivement que ce calvaire s’arrête...
– Vous désirez peut-être reprendre les commandes, maître ? demanda-t-il avec espoir.
– Sûrement pas, tu te débrouilles très bien. Prends garde pour l’atterrissage, il se fera à l’endroit habituel, la place du village. N’oublie pas de régler les répulseurs au minimum voire d’en couper quelques-uns. Il serait dommage de brûler les habitants et leurs huttes de bois.
Marton ricana intérieurement en voyant le teint vert de son élève virer au blanc.
Tu as voulu des responsabilités, assume-les, maintenant, mon garçon ! L’atterrissage se passa plutôt bien, en fin de compte, aussi Renavo put-il enfin recommencer à respirer et évacuer le stress accumulé durant cette longue épreuve. Les deux Sith s’armèrent de leurs sabrelasers et s’emmitouflèrent dans de larges capes avec capuches, avant de sortir à la rencontre du chef local venu les accueillir.
L’humanoïde à l’épiderme rougeâtre se nommait Sarkis. Des traits sillonnés de rides et une longue chevelure blanche traduisaient son âge avancé. Son corps d’une maigreur cadavérique était recouvert de fourrures. Seules concessions à l’esthétisme, il arborait un collier et des bracelets de coquillages.
Il semblait avoir vieilli depuis le dernier passage de Marton et de Renavo, et s’appuyait plus que jamais sur le lourd bâton aussi grand que lui qui l’aidait à marcher. Néanmoins, ses yeux n’avaient rien perdu de leur acuité… ni de leur expression méfiante.
C’était lors d’une méditation dans la Force que Marton avait découvert l’existence de cette colonie massassi forte de quelques centaines de membres. Quand il était venu à leur rencontre la première fois, ils ne s’étaient pas posés de questions et étaient aussitôt passés à l’attaque. Marton avait facilement eu le dessus sur eux et avait pris bien garde à ne blesser personne. Son but n’était ni de les détruire ni de les subjuguer, mais simplement d’en apprendre plus sur eux. La Confrérie de Maal Taniet établissait des contacts avec tous les peuples et créatures sensibles à la Force, afin d’étudier et partager les connaissances qui y étaient liées.
Les ancêtres de ces Massassi avaient déserté les guerres de conquête menées par les anciens seigneurs Sith des centaines d’années plus tôt, lassés de servir de chair à canon pour des maîtres aussi cruels qu’impitoyables. Quand Marton était arrivé, ils avaient craint que leurs maîtres aient retrouvé leur trace, d’où leur attaque.
Une fois le malentendu dissipé, Marton s’était expliqué : il ne souhaitait qu’en apprendre plus sur la manière dont les Massassi se servaient de la Force, voire leur dévoiler de nouvelles techniques pouvant être utiles pour leur survie dans ces milieux hostiles qu’étaient les jungles d’Elvintar.
C’était aujourd’hui la septième fois que Marton leur rendait visite depuis sa découverte de ce peuple, quatre ans auparavant. Lui et son élève s’inclinèrent devant Sarkis, qui leur rendit cette politesse.
– Comment se porte ton peuple, Sarkis ? demanda Marton.
– Plutôt bien, reconnut le patriarche avec réticence.
Il avait toujours du mal à se faire à l’idée que des Sith aient pu venir en aide aux siens d’une façon désintéressée.
– Je serais curieux de savoir quelles techniques vous avez développées depuis la dernière fois, si tu n’y vois pas d’inconvénient.
– Je n’en vois pas. Suivez-moi.
Pour Marton, ces Massassi-là étaient très intéressants car ils avaient renoncé à utiliser la Force pour l’attaque, le pouvoir et la destruction. Bien sûr, ils avaient eu leur lot de brebis galeuses, des guerriers tombant dans le Côté Obscur de la Force et qu’ils avaient dû éradiquer. Mais dans l’ensemble, ils s’en sortaient plutôt bien, même s’ils se méfiaient d’eux-mêmes et de leurs capacités latentes.
Au fil des années, Marton leur avait appris à développer leur intuition afin d’échapper aux nombreux prédateurs toujours à l’affût de nouvelles proies. Il les avait également initiés à des techniques de guérison issues du répertoire Jedi. Chose qu’il n’aurait pas cru possible, il avait partagé avec eux ses connaissances liées à l’agriculture, qui lui avaient été inculquées quand il avait rallié le Corps Agricole. La Force pouvait favoriser la vie, et pouvait notamment être mise à profit afin d’être à l’écoute des besoins des plantes. Ses interlocuteurs avaient été enthousiastes… du moins intérieurement, car il n’entrait pas dans leurs traditions d’épancher leurs états d’âme auprès d’étrangers. Mais Marton avait senti, palpé leur intérêt aussi facilement que s’ils l’avaient exprimé avec des mots.
La confiance établie demeurait fragile : les Massassi semblaient parfois s’attendre à ce que Marton fasse usage de la force afin de les circonvenir, de les placer sous sa coupe. Il était triste de sentir cette méfiance instinctive mais savait qu’il faudrait encore des années voire des décennies de collaboration avant de voir ce sentiment disparaître.
Renavo fut chargé d’enregistrer les progrès de la colonie, tandis que Marton n’écoutait que d’une oreille. Bien qu’il prit un grand plaisir à partager ses connaissances et se considérait avant tout comme un pédagogue, il ne pouvait empêcher son esprit d’errer. Depuis quelques temps, un malaise montait en lui. Un danger menaçait, encore trop diffus pour être identifié. Mais Marton le sentait clairement. Il décida que son élève et lui écourteraient leur séjour sur Elvintar. Marton avait des craintes sur l’avenir et souhaitait s’en ouvrir le plus tôt possible à Tel’Ay Mi-Nag, le maître de la Confrérie de Maal Taniet.
*
**
L’ambiance battait son plein dans la base des pirates de Raxoon. Le Togorien Nagoroï avait défié un nouveau venu dans la bande, le jeune Skelor Ro’Lay Tel-Minag, a un concours de tir. Tous deux se succédaient sur le pas de tir tandis que le reste des pirates ripaillaient joyeusement. Bâtons de la mort et alcool coulaient à flots, à quatre exceptions près : les deux duellistes, la Wookiee Anaria et le chef des pirates de Raxoon, Kervert.
Ce dernier ne s’adonnait jamais aux vices faciles. Toujours sobre et aux aguets, il n’avait de cesse d’agrandir son empire, sa sphère d’influence. Difficile pour un petit artisan du crime comme lui de se faire une place au soleil entre des organisations criminelles d’envergure telles que celles des Hutts ou du Soleil Noir. Mais quand on était Balosar de naissance, élevé sur la planète éponyme, où poussait le champignon Balo, élément de base des bâtons de la mort, la voie criminelle était toute tracée… sauf à fuir la planète, ce que ne pouvaient se permettre que quelques privilégiés. La seule différence physiologique entre les Balosars et les humains tenaient dans leurs antennes, qui avaient permis à ce peuple de développer l’écoute subsonique, c’est-à-dire une ouïe surdéveloppée qui débouchait parfois même sur une intuition face au danger aussi efficace que celle des utilisateurs de la Force.
Le silence se fit quand Nagoroï, le Togorien à la toison blanche, s’avança sur le pas de tir. Quand il cria « Feu ! », dix points énergétiques lumineux s’allumèrent à plusieurs dizaines de mètres de sa position, et un chronomètre virtuel se mit en marche. Il dégaina son blaster de sport et lança trait sur trait. Le chronomètre s’arrêta quand le dernier point énergique s’éteignit. Nagoroï regarda son temps puis se tourna vers le Skelor :
– Six secondes quatre-vingt-treize ! Tu espères faire mieux que ça, gamin ?
Ses camarades saluèrent la performance à grand renfort de cris et de vociférations. Les paris battaient leur plein, l’argent passait de main en main.
– On va voir ça, rétorqua le jeune Skelor sans se démonter.
Ro’Lay n’avait pas peur des talents de tireur du Togorien. Comment avoir peur quand on avait été élevé au sein d’une communauté de pratiquants des arts de la Force, tout en étant soi-même hermétique à la Force ? À partir de là, deux attitudes étaient possibles : se considérer dès le départ inférieur aux autres membres de la communauté et estimer que quoi qu’il arrive, ils seront toujours meilleurs. Ou se battre avec ses propres armes pour s’imposer et montrer que sans la Force, on pouvait tout aussi bien incarner l’élite dans certains domaines. Ro’Lay avait choisi cette dernière voie. Le fils de Tel’Ay Mi-Nag ne pouvait prétendre à moins.
– Feu ! cria-t-il à son tour.
Les dix points lumineux apparurent. Ro’Lay dégaina à la vitesse de l’éclair. Une série de flashs jaillit de son arme et le chronomètre s’arrêta.
– Six secondes soixante-trois ! s’exclama l’un des camarades de Ro’Lay.
Les cris des pirates atteignirent un nouveau palier. Pour sa part, Ro’Lay ne se départit pas de son mutisme habituel. Être fêté pour une performance qu’il estimait normale eu égard à ses capacités travaillées depuis toujours avait un côté incongru.
Nagoroï était blême, frémissant de rage, quand il s’approcha de Ro’Lay. Le Togorien était le tireur d’élite reconnu chez les pirates de Raxoon, et il venait de se faire battre par un gamin. Impassible, Ro’Lay attendit. Si le Togorien s’avérait être un mauvais perdant, le Skelor avait d’autres atouts cachés...
Nagoroï tendit la main vers son adversaire et des griffes impressionnantes sortirent de ses phalanges, avant de se rétracter lentement. Ro’Lay avança sa main à son tour. La poignée de main ne fut pas une promesse de paix, au contraire. Nagoroï y mit toute la force de son corps musculeux de deux mètres vingt de hauteur, face au Skelor effilé qui lui rendait soixante centimètres. Ro’Lay ne tressaillit pas, bien décidé à remporter ce nouveau défi.
Il fallut un grognement de mauvais augure de la part de la Wookiee Anaria pour que Nagoroï finisse par lâcher prise à regret. Écraser un rachitique Skelor était une chose, mais se mesurer à une Wookiee dans la force de l’âge en était une toute autre.
– Bien joué, mon garçon, commenta Kervert. Tu es décidément digne de faire partie de la bande.
Ro’Lay opina du chef et parvint même à esquisser un ersatz de sourire, un exploit chez lui. Quand son père lui avait ordonné d’infiltrer les pirates de Raxoon, il avait insisté sur le fait qu’il lui faudrait sympathiser avec eux. Or l’opinion de Tel’Ay comptait beaucoup aux yeux du jeune Skelor. Son père et maître de la Confrérie ne l’avait jamais dit d’une manière explicite, mais il le considérait presque comme un handicapé du fait de son incapacité à ressentir la Force. Peu lui importait. Il prouverait sa valeur et son père serait bien obligé de reconnaître ses talents et son utilité pour la Confrérie. Après tout, Anaria avait réussi alors qu’elle était tout aussi hermétique à la Force que lui.
Anaria était fière de son jeune protégé. Elle l’avait vu naître et grandir et, ayant appris qu’il ne partagerait jamais les pouvoirs de la majorité des membres de la Confrérie de Maal Taniet, avait décidé de le prendre sous son aile.
Elle lui avait inculqué ses propres valeurs, la loyauté, du goût du travail et l’obstination. À moins qu’il ne tienne ce dernier trait de caractère de son père… Elle avait aiguillé très tôt les talents du taciturne Skelor vers le tir et n’avait eu de cesse de le faire progresser. Aujourd’hui, elle estimait qu’il faisait partie de la fine fleur galactique des snipers, même s’il n’avait encore pas eu l’occasion d’être mis à l’épreuve. Savoir qu’il était meilleur que Nagoroï était déjà une bonne chose : le Togorien était une légende sur sa planète.
Anaria avait également initié Ro’Lay aux arts martiaux : quoi de mieux qu’une Wookiee en face pour être obligé de dépasser ses limites ? Il avait appris et développé bien des techniques, sans compter qu’il maîtrisait le Teräs Käsi, l’art martial dont on disait qu’il était à l’origine de tous les autres.
Proches depuis toujours, la Wookiee et le Skelor faisaient équipe depuis cinq ans, comme maintenant. Ils avaient été chargés par Tel’Ay de recueillir des informations sur le Balosar Kervert, soupçonné d’être capable d’utiliser la Force en secret.
Pourtant, jusque-là, ils n’étaient pas parvenus à confirmer leurs soupçons, malgré la surveillance discrète mais efficace qu’ils avaient mis en place autour du chef des pirates de Raxoon.
Les réflexions d’Anaria furent interrompues par une alarme, suivie d’un appel sur haut-parleur :
– Tout le monde aux postes de combat ! Nous sommes attaqués !
*
**
La Secte des Maîtres de l’Esprit…Franchement, qui pouvait être assez stupide pour donner un tel nom à sa propre organisation ? Quelqu’un de stupide, tout simplement, tout comme Dibidel Mi-Nag avait vite pu s’en rendre compte.
La jeune Skelor de dix-sept ans n’avait pu s’empêcher de ricaner lorsque son père Tel’Ay lui avait annoncé le nom de l’organisation qu’elle aurait à infiltrer. Il l’avait chargée d’évaluer le niveau de puissance de ces utilisateurs du Côté Obscur. Dibidel avait comme toujours été touchée par la confiance que Tel’Ay plaçait en elle. Il l’estimait parfaitement capable d’accomplir ce type de missions seule.
Selon lui, elle serait peut-être un jour son héritière à la tête de la Confrérie. Formée par son père dans les voies de la Force dès son plus jeune âge, elle n’était parvenue à prendre le dessus sur lui qu’en deux occasions. Une fois l’année précédente, une autre un mois plus tôt. La maîtrise de ses pouvoirs augmentait.
– Es-tu prête, postulante ?
Dibidel dut faire un effort pour revenir au présent. Le maître de la secte venait de s’exprimer d’une voix solennelle et sépulcrale. Comment ne se rendait-il pas compte à quel point il était ridicule ? Elle soupçonnait ses talents d’être dérisoires, or il se prenait tellement au sérieux…
– Je suis prête, maître, répondit-elle avec humilité, tout en baissant la tête pour masquer un sourire narquois impossible à réprimer.
– Sens monter en toi la puissance du Côté Obscur, annona le maître. Montre-nous que tu as le niveau pour t’élever jusqu’à nous et résister à la vision que nous allons t’envoyer.
Dibidel se retint de soupirer et jeta un œil autour d’elle. Tout comme les six autres membres de la secte, elle était assise en tailleur autour d’un feu de camp, le visage caché sous une large capuche.
Le problème n’était pas tant de hisser son niveau pour atteindre le leur que de le juguler. Elle avait vite compris qu’elle était plus puissante qu’ils ne le seraient jamais. Mais elle était là pour les évaluer et devait donc se prêter à cette comédie. S’ils n’étaient que les héritiers dégénérés des traditions Sith qu’ils semblaient être, sans espoir d’évolution, elle était déterminée à les éliminer. S’ils lui montraient quelque chose d’inédit, elle les épargnerait. Telle était sa mission : découvrir de nouvelles manières d’utiliser la Force, et couper des branches pourries si elle en rencontrait. Pour le moment, la secte appartenait clairement à la catégorie « branches pourries ».
Dibidel se connecta le plus maladroitement possible à la Force, se contentant d’en étendre quelques filaments au hasard autour d’elle. Elle sentit la volonté des maîtres de la secte s’unir et se projeter dans le feu. Les flammes prirent alors la forme d’un monstre grimaçant qui se jeta sur la jeune femme. Elle ne cilla pas et le monstre disparut.
Ridicule ! Tout cela était parfaitement ridicule. Ces imbéciles se gargarisaient de maîtriser le Côté Obscur avec ce type d’artifices minables ? N’importe quel adepte de la Confrérie de Maal Taniet savait en faire autant, seul, avant même d’avoir atteint l’âge de dix ans !
– Mais que… ? commença le maître, ne comprenant pas comment l’illusion collective avait disparu.
– On va arrêter là, mes chéris, répondit Dibidel en se remettant sur pied. Vous ne valez décidément rien.
– Comment oses-tu, femme ? Prends garde à mon courroux ! Le Côté Obscur de la Force est avec moi !
– Non. Il est plutôt
à côté de toi et tu n’es même pas fichu de le percevoir. Je vais déterminer si vous êtes dignes de vivre… ou si vous n’êtes qu’une fin de race, comme je le pense.
– Espèce de…
Le maître ne put finir sa phrase, car Dibidel fit monter brusquement la Force en elle avant de la libérer en onde de choc tout autour. Les « maîtres » furent balayés et le feu s’éteignit.
– Contemplez le vrai pouvoir des illusionnistes Sith, ajouta-t-elle en s’insinuant dans leurs esprits.
Puis elle tourna les talons, laissant les pseudo-Siths se débattre avec leurs pires cauchemars. Seule la mort les en délivrerait. L’un d’eux, immobile, sanglotait. Un autre se tapait inlassablement la tête sur un roc en grognant. Un autre encore hurlait en se griffant frénétiquement le corps jusqu’au sang. Un des membres de la secte gisait égorgé, son propre couteau plein de sang encore serré dans sa main.
Dibidel avait perdu son temps en ces lieux, et elle détestait cela. Sa frustration disparut vite en pensant aux événements à venir dès son retour sur Hoth. L’inquiétude la gagna. Elle allait défier l’autorité de son père et mettre sa mère en danger de mort. Rien ne serait plus jamais comme avant…