par Code 44 » Jeu 22 Déc 2011 - 2:40 Sujet: Re: Regenbogen
Restée en retrait, à deux pas derrière monsieur Landié, j'avais croisé les mains dans mon dos, à hauteur du bassin, attendant qu'il termine sa phrase.
_...et un verre de whisky correlien pour moi Anaeli. Sans glaçons. Vous serez gentille.
J'inclinai la tête, libérant ainsi involontairement quelques mèches de cheveux qui s'échappèrent en sautant par dessus mes oreilles. Je replaçai les fugitives à leur place et commençai à battre en retraite à l'intérieur de l'hôtel, pour prendre la boisson de mon client. Landié allait prendre place sur une des chaises longues du patio quand sa femme me fit signe d'attendre tandis qu'elle apostrophait son mari.
_Vous n'allez quand même pas commencer à boire si tôt Georges ! Pensez à ce que vous a dit le docteur !
_On trouverait plus de vide dans la tête de ce médecin que dans le Maw tout entier ! grommela Landié. Ce n'est quand même pas un idiot en blouse blanche qui va m'empêcher de boire ce que je préfère à la galaxie ! Anaeli, me précisa t-il en prenant place sur le transat, j'apprécierai une double dose.
J'inclinais la tête une nouvelle fois, plaçant mes mains de façon stratégique pour éviter que ma chevelure se sente éprise de liberté encore une fois.
Il faudrait vraiment que j'apprenne à faire des chignons ou des queues d'equines qui tenaient moi.
Laissant madame Landié reprocher à son mari son goût un peu trop prononcé pour les alcools forts, je tournai les talons pour rentrer à l'intérieur du palace. Le patio où les Landié et d'autres clients étaient installés, était une extension directe d'un des salons de l'hôtel, aux tons crème et brun. Il n'était pas encore tout à fait onze heure et la pièce était presque déserte : à cette heure ci, la plupart des clients préféraient prendre le frais à l'extérieur, comme les Landié ou encore, faire la grasse matinée dans leur chambre.
Généralement, avant la mi-journée, le Palace des Cygnes Azurés était toujours calme.
Je me dirigeai vers le bar où le droïde barman utilisait trois de ses nombreux bras pour composer un cocktail très élaboré dans un shaker démesuré.
_Bonjour PTS, lui lançais-je en lui faisant un petit signe de tête. Pas trop dur le travail aujourd'hui ?
_Bonjour Ana, me répondit-il sans cesser de faire voltiger le shaker d'une de ses mains à l'autre. Ca peut aller. Après tout, je suis un droïde barman, c'est pour ça qu'on m'a programmé. Mais qu'on ne me demande pas de faire des extras au restaurant ! Franchement, tu me vois moi, avec mes grands bras, au milieu de toute cette vaisselle et de ces fourneaux ? Je casserais tout ! Non, si YBV veut donner un coup de main en cuisine, libre à lui mais qui ne compte pas sur moi pour l'aider !
Je souris. YBV était l'autre droïde barman du salon avec qui PTS tournait toutes les douze heures, afin d'assurer un service continu. Et il semblait que même chez les robots, les petits problèmes du quotidien soient les même que chez les employés humains.
PTS émit ce que je compris être l'équivalent robotique d'un soupir.
_Enfin, je suppose que tu n'es pas là pour m'écouter parler de ça hein ? De quoi est-ce que tu as besoin ?
_Double dose de whisky correlien sans glace pour monsieur Landié s'il te plait.
_Ca marche ! me répondit-il alors que deux de ses bras se saisissaient d'un verre et d'une belle bouteille ambrée.
En un soupir, PTS remplit largement le récipient, le posa sur un sous verre et un de ses bras déposa le tout sur un plateau argenté.
_Et voilà Ana, me dit le droïde en faisant glisser le tout jusqu'à moi. Tu sais, je me demande tout de même...
_Oui ? le questionnais-je alors que je prenais la commande de Landié.
_Est-ce qu'un jour, demanda le robot en baissant le volume de sa voix et en me forçant à tendre l'oreille, un des clients pensera simplement à passer commande ici plutôt que de passer par les gens de l'hôtel ?
_J'espère pas, avouais-je franchement à PTS en quittant le salon, le plateau bien en main. Parce que sinon, autant que je donne ma démission tout de suite ! gloussais-je.
Je ne plaisantais qu'à moitié. La plupart de nos clients répugnaient à traiter directement avec les droïdes de l'hôtel, trouvant avilissant et rabaissant de discuter avec eux. C'était la raison pour laquelle ils passaient par nous, employés humains qui transmettaient les ordres aux robots concernés. Une chaine de commandement en clair.
Je retrouvais avec plaisir la fraicheur de l'extérieur quand je m'engageai sur le patio, balayé par une brise légère, pour retourner auprès de mes clients. Le panorama qui donnait une vue plongeante sur une mer turquoise me faisait frissonner à chaque fois, malgré toutes ces années à voir quotidiennement ce spectacle naturel.
_Votre boisson monsieur Landié, annonçais-je à l'intéressé en lui apportant le plateau à portée de main.
_Merci Anaeli, me répondit-il en se penchant pour prendre son verre.
Tandis qu'il accomplissait ce geste, je glissai un cigare de sa marque préférée dans sa poche de poitrine, en prenant bien garde que sa femme, anti-tabagiste notoire, ne nous surprenne. Landié me remercia tacitement d'un discret mouvement de tête, que je lui rendis.
Rentrant à l'intérieur une nouvelle fois pour rendre le plateau à PTS, je ne pus m'empêcher de pensée que le pourboire de fin de séjour de monsieur Landié serait sans doute plus généreux que d'habitude.
Allongé dans son lit de camp, le dos bien droit, le regard fixé vers le plafond et les mains jointes sous l'édredon, Cnaeus ne dormait pas. Sa montre réglementaire de lieutenant de la CompForce, posée sur sa table de nuit, indiquait trois heures du matin, même si le vide spatial que l'on pouvait voir depuis la fenêtre de transparacier semblait être une nuit perpétuelle.
Au dessus de lui dans le lit superposé supérieur, enroulé dans plusieurs couvertures, Kaeso ronflait paisiblement depuis un moment. Les deux autres officiers subalternes, avec qui les lieutenants partageaient la petite chambre qui était la leur à bord du Titan semblaient eux aussi, dormir profondément.
Cnaeus passa plusieurs fois ses mains sur son visage, comme une sorte de rituel ou de tour de magie pour faire venir le sommeil. L'insomnie était un réel problème chez lui. Elle n'était pas fréquente mais quand elle était là, elle restait pour de bon. Cnaeus tentait le sommeil avec le seul appât qu'il connaissait : la patience.
Prendre des somnifères ou des médicaments n'aurait pas été une solution viable, tout simplement parce qu'un soldat de l'Empire et qui plus est, de la CompForce, se devait d'être alerte en permanence. Des cachets l'auraient soulagé pour cette nuit mais il aurait été tenté d'en reprendre la nuit d'apprêt, puis la suivante. En fin de compte, il aurait fini dopé aux médicaments, incapable d'assurer son travail de soldat correctement.
Le lieutenant évitait de faire le vide dans sa tête. Pour la simple et bonne raison que s'il agissait ainsi, son esprit se serait rapidement mis à vagabonder, à repenser aux évènements parfois douloureux de son existence de guerrier de l'Empire. Malgré sa formation et son expérience dans la CompForce, il lui arrivait encore d'avoir du mal devant certains faits. Comme au récent massacre sur Ninn par exemple, avec la mort de tous ces moines. Bien que Kaeso lui ait expliqué plus tard qu'il s'agissait uniquement de prêtres et que le terme de moines ne pouvait être confondu.
Prêtre, moine, quelle différence ? avait songé Cnaeus. Un laser dans le ventre et ça hurle tout autant.
La réalité crue et le cynisme lui permettait de se remettre dans les rails.
Un soldat politique ne pouvait se permettre de dévoyer.
Cnaeus bailla, renonça à relire une nouvelle fois le dernier numéro de la Volonté d'Acier, le journal officiel du Comité et préféra aller s'offrir un verre d'eau. Peut-être que boire un peu l'aiderait à s'endormir ?
Il se leva et quitta son lit de camp, s'éclipsant silencieusement de la pièce. Il ne protesta pas plus qu'il ne frissonna quand ses pieds nus touchèrent le métal glacé des coursives du Titan. Il avait déjà combattu dans des conditions hivernales bien pires que maintenant.
Le Titan était silencieux. Seuls les bips et les sifflements des droïdes de sécurité ou le pas régulier des hommes de garde rappelait que le Star Destroyer était habité. Il y avait pourtant des milliers d'hommes à bord mais le vaisseau semblait s'être assoupi.
Cnaeus franchit la porte du mess et marcha jusqu'à la fontaine à eau. La lumière se divisait dans le ballon, projetant une lueur bleutée dans toute la pièce. Le lieutenant se servit une bonne rasade d'eau pure qu'il but sans attendre.
L'eau était glacée mais elle lui fit du bien. Ce ne fut que lorsque il voulut se servir un second verre qu'il remarqua qu'il n'était pas seul dans la pièce : adossé contre un des murs de la pièce, un jeune garçon avait la tête baissée et le menton posé contre sa poitrine. Sa respiration régulière indiquait à Cnaeus que l'adolescent dormait.
Cnaeus se rapprocha doucement de lui et ne fut pas surpris de découvrir des habits gris, très stricts à la coupe militaire, ni la matraque électrique qui pendait au ceinturon du garçon.
Un SA. Le petit était un de ces innombrables Subs-Adultes qui servaient d'aide et de bras droit à tout le COMPORN en attendant d'être versé dans une cellule particulière. Pratiquement chaque membre du Comité était passé par là. C'était l'équivalent des jeunes cadets de l'armée régulière.
_Réveille-toi, lui ordonna Cnaeus. Allons, dépêche toi.
L'adolescent papillonna des yeux, resta sans réaction pendant une seconde ou deux avant de brusquement se rendre compte de la présence du lieutenant juste en face de lui. Comme frappé par un choc électrique, le jeune garçon se mit au garde à vous et balbutia :
_Sub-Adulte Bemi au rapport monsieur !
_C'est "lieutenant", précisa Cnaeus même s'il devait avouer pour la défense du SA, que le fait qu'il soit en caleçon n'aidait pas à se faire une idée précise de son grade.
_Oui mon lieutenant. Pardon mon lieutenant.
_Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure là, toi ? Tu sais que tu violes le couvre-feu ?
Ironique dans le sens où Cnaeus lui-même faisait de même mais qu'en raison de son grade, personne n'irait le lui reprocher.
_Je sais mon lieutenant, s'excusa Bemi mais j'exécute mes ordres.
_Les ordres de qui ?
_Du caporal-chef Antilles lieutenant. Il m'a dit que si je montais la garde dans le mess toute la nuit, il appuierait mes demandes d'entrée dans la CompForce.
Cnaeus étouffa un rire discret. Se jouer des SA en les bizutant. Du pur Antilles. En même temps, ça faisait presque partie de la tradition de l'armée politique.
_Tu penses pourvoir être en mesure de prétendre entrer dans la CompForce ? Tu sais qu'il y a chaque année, des millions de SA qui tentent leur chance et y sont rares, ceux qui décrochent leur place. Et je ne te parle même pas de ceux qui meurent à l'entraînement.
_Je sais tout ça mon lieutenant. Mais je veux servir l'Empereur.
_Et pourquoi dans la CompForce ? lui demanda le lieutenant en tirant une chaise jusqu'à lui et en s'asseyant face au SA. Il y a d'autres branches dans le Comité. Le département Science par exemple ou Éducation. Y a le BSI aussi. Qu'est-ce ce qui te fais dire que tu serais plus à ta place le blaster au poing qu'enfermé dans un bureau ?
_Je veux me battre, répondit le jeune garçon. Je veux combattre les rebelles et les aliens.
Cnaeus haussa les épaules. Réponse typique d'un SA endoctriné jusqu'au cou par la propagande officielle.
_Et pourquoi est-ce que tu veux les combattre ?
Bemi le regarda d'un air interloqué :
_C'est mon devoir en tant qu'humain, non ? De protéger ma race...
Cnaeus souffla par les narines et croisa les mains sur la table :
_Ecoute. Je vais être très clair. Des gamins comme toi, qui pensent qu'il suffit de partir en sifflotant contre les aliens et les rebelles, j'en ai vu des tas. Revenir du front, très peu. Et ceux qui en sont revenus, ils avaient compris quelque chose : tu ne dois pas t'embarrasser d'idéologie complexe à la CompForce. Dans le reste du Comité, je ne dis pas mais pas ici. Il faut comprendre quelque chose de simple : en face, les rebs te feront pas de cadeaux. Les aliens non plus. Après tout, on leur a confisqué le pouvoir, on peut comprendre qu'ils se débattent pour essayer de le reprendre.
_Je ne comprends pas mon lieutenant. Dans mes classes SA, on nous dit qu'il faut combattre la menace alien partout où elle se trouve et en particulier chez l'Alliance Rebelle.
_Je n'ai pas dit le contraire. Il faut juste que tu comprenne la différence entre toi, si tu entres à la CompForce et un soldat ordinaire. Pourquoi est-ce qu'un stormtrooper se bat ? Parce qu'il a été crée pour. Pourquoi est-ce que les volontaires de l'armée régulière se battent ? Parce que ce sont leurs ordres. Mais nous, à la CompForce, pourquoi est-ce qu'on se bat ?
_Pour la race humaine ?
_On se bat pour Sa Majesté l'Empereur Palpatine. L'Armée est et restera toujours loyale avant tout envers elle-même plutôt qu'envers l'Empereur. Nous, au COMPORN, nous sommes les plus loyaux sujets de Palpatine, nous avons prêté serment de donner notre vie et celle des nôtres pour le protéger, lui et la Haute Culture Humaine. A la CompForce, nous sommes la vibrolame de l'organisation. On se bat dans des conditions si terribles qu'aucun clone n'arriverait à tenir et on est parfois amenés à faire des choses que le dernier des mercenaires refuserait de faire. Et pourquoi ? Parce que sans nous, l'Empire pourrait vaciller. C'est à nous de nous baigner dans le sang de nos ennemis, de faire fusiller en masse les opposants, de torturer les espions pour qu'ils révèlent ce qu'ils savent. Sur le terrain, ce n'est pas un combat idéologique. C'est une guerre dans tout ce qu'elle a de simple et d'horrible à la fois, une sale guerre même. Mais elle doit être menée. Et par nous. On est les gardiens du régime. On se salit les mains pour que des milliards d'êtres sensibles puissent dormir en paix chaque jour.
Bemi hocha la tête, l'air pensif. Cnaeus comprit qu'il était temps d'arriver à la conclusion.
_Le COMPORN a passé un pacte avec l'histoire petit : un peu de sang aujourd'hui et des lendemains qui chantent. Dans les siècles à venir, on respectera jusqu'au dernier de tes petits enfants parce la galaxie saura que son grand-père a sacrifié son bonheur personnel pour celui du plus grand nombre. A toi de voir si t'es prêt à signer ce pacte aussi.
_Je le suis, répondit sans hésiter Bemi.
On en reparlera quand tu devras coller au mur une femme et son nouveau né, pensa Cnaeus.
_J'en suis persuadé, lui répondit-il.
Penché en arrière jusqu'à en tomber de sa chaise, Tal de Res se passa plusieurs fois les poings devant les yeux pour en chasser les étoiles qui s'y accumulaient depuis plusieurs minutes maintenant. Les écrans géants qui lui faisaient face étaient tous remplis de barres de chargements, de messages d'erreurs et de séries de chiffres complexe.
Par le Corridor Ecarlate, qu'est-ce que Tal détestait les mises à jour !
Le vieux système de sécurité de l'hôtel avait fait ses preuves des dizaines et des dizaines de fois et le directeur s'était mis dans la tête qu'il fallait malgré tout en changer. Et bien sûr, rien ne marchait plus correctement depuis l'installation du nouveau logiciel.
Tal avait failli s'arracher les cheveux quand il avait vu l'ordinateur activer les droïdes pompiers au beau milieu du spectacle d'un pyromancien de renommée galactique en plein gala hier soir !
Sa tenue de chef de la sécurité s'était considérablement débraillée depuis ce matin : la veste de costume traînait sur le dossier de sa chaise, les deux premiers boutons de sa chemise étaient ouverts et il avait dénoué sa cravate. Au diable l'apparence s'il devait passer la journée dans le centre de sécurité.
Tal trompa son ennui en piochant dans l'énorme sac de chips à la mode dantooinienne qui bâillait sur le bureau de bois noir. Tout en mâchonnant sans grande conviction, il jeta un coup d'œil à l'horloge murale. Quinze heures, déjà ? Ca allait bientôt faire dix heures d'affilée que le nouveau logiciel de sécurité refusait de marcher et qu'il n'avait pas pris un semblant de repas, chips mis à part. Il avait décidément besoin de quelque chose à vraiment se mettre sous la dent, avec quelque chose de frais pour faire descendre le tout.
Signalant à ses collègues qu'il allait manger un bout dans son bureau, Tal renfila sa veste sur les épaules, noua assez simplement sa cravate et quitta le centre de sécurité.
Les couloirs des locaux réservés au personnel étaient infiniment plus sobres que leurs cousins empruntés par les clients du palace. Des murs presque nus la plupart du temps, d'une couleur coquille d'œuf assez déplaisante à l'œil.
Le bureau de Tal était un peu en retrait du reste de l'aile de la sécurité, avec un turboélévateur privé, directement relié aux derniers étages, ceux de la direction. Ainsi, en cas de besoin, Tal pouvait immédiatement monter voir le directeur et ses bras droits ou eux descendre voir le chef de la sécurité si la situation l'exigeait.
Tal, à peine rentré dans son bureau, ôta une nouvelle fois sa veste de costume, qu'il déposa sur le portemanteau, avec sa cravate et ôta purement et simplement sa chemise de son pantalon.
Il brancha sa chaîne sur sa playlist préférée et alla fouiller dans son minifrigo. Tout en se saisissant d'un sandwich de belle taille et d'une cannette de soda, Tal se dit une fois de plus qu'être chef de la sécurité dans un palace hors de prix, c'était pas si mal pour un ancien pro de wegsphere.
Il se cala dans son fauteuil de cuir noir, ouvrit la cannette dans un pshitt caractéristique et mordit à belles dents dans son casse-croûte. Ana l'aurait tué si elle avait su que son mari s'offrait de véritables petits repas en plein après-midi. Mais une chance pour Tal, sa femme ne pénétrait jamais ici.
Elle n'en avait d'ailleurs pas le droit, ni l'accréditation.
Tal finit son repas en un petit quart d'heure, jeta emballage du sandwich et cannette dans l'incinérateur domestique, régla la position de son fauteuil sur allongé, posa les jambes à même son bureau et ferma les yeux.
Il somnolait ainsi depuis plusieurs minutes quand la musique changea brusquement pour quelque chose de plus doux et de moins rythmé. Tal étouffa un juron et ouvrit les yeux, persuadé que sa chaîne avait encore un problème technique et qu'elle avait sauté les titres préférés sa playlist.
La raison du changement de musique était toute autre : une femme, blonde et jolie, d'une vingtaine d'années aux yeux noirs, triturait le bouton de sélection de sa chaîne.
_Glaz, l'apostropha Tal, qu'est-ce que tu fous ?
_Je mets un truc plus approprié, lui répondit la jeune femme. Voilà, sourit-il en laissant jouer un titre au saxophone prononcé.
Glaz était la détective privée du Palace des Cygnes Azurés, engagée bien avant que Tal et sa femme ne viennent y vivre et y travailler. Le poste de Glaz, conservé par tradition par le directeur de l'hôtel lui donnait un statut un peu flou dans le personnel de la sécurité du palace. Techniquement, elle n'en faisait pas partie et n'était donc pas sous les ordres de Tal même si dans les faits, les agents de sécurité la considéraient comme une des leurs.
_T'as des soucis avec le nouveau logiciel à ce qui paraît ? demanda Glaz en se rapprochant du bureau de Tal.
_Ouais, répondit ce dernier en étouffant un bâillement. On est dessus depuis six heures ce matin et y a rien qui marche correctement.
_T'es trop gentil avec les machines Tal, je l'ai toujours dit. Du temps de la guerre des clones, un coup de blaster et elles marchaient au pas !
Tal esquissa un sourire au trait d'humour de la jeune femme.
_T'as peut-être raison...eh là, qu'est-ce que tu fais ?
La détective s'était placée derrière le chef de la sécurité et lui massait les épaules avec application.
_Ca se voit non ? lui répondit-elle. Massage. T'es tendu comme un dug qui sent des mains.
_Elle est complètement idiote ton expressION !
Glaz venait d'apposer les doigts sur un nœud de douleur.
_Désolée s'excusa t-elle. Je vais y aller plus doucement.
La jeune femme adoucit ses gestes et se pencha à l'oreille de Tal.
_Tu aimes quand j'y vais plus doucement, non ? lui murmura t-elle alors que les pointes de ses cheveux blonds venaient chatouiller son cou.
Une odeur de fruit frais vint envahir le nez de Tal. Il supposa que c'était son nouveau parfum. Quelque chose entre la pomme du soleil geldan et le jiqui.
_Arrête ça, lui intima le chef de la sécurité en tournant la tête pour parler à Glaz.
_Que j'arrête quoi ? minauda t-elle. Ca ?
Joignant le geste à la parole, sa main droite tentait de s'aventurer sur la poitrine de Tal tandis qu'elle déposait un baiser léger sur sa nuque. Il se dressa subitement, manquant de tomber et la repoussa sans douceur.
_J'ai dit : arrête ça.
Cette fois, le ton était plus sec. Elle fronça les sourcils.
_Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?
_Tu le sais bien, lui reprocha t-il. Ca, tout ça, me faire des massages, essayer de m'embrasser...
Il marqua une pause, cherchant ses mots.
_...je suis un homme marié Glaz.
_Ca t'avait pas vraiment arrêté la dernière fois, lâcha t-elle d'un ton enjoué.
Tal recula de quelques pas dans son bureau, par sécurité et se passa la main sur le visage. A plusieurs reprises. Constatant que la détective n'était pas une illusion de son esprit et qu'elle était toujours là devant lui, il reprit la parole.
_La dernière fois, articula t-il avec difficulté, c'était une erreur d'accord ? J'avais beaucoup bu, toi aussi, les choses ont dérapé, point. En ce qui me concerne, ce n'est même jamais arrivé.
_Dommage que ce soit jamais arrivé, souffla t-elle d'un ton amusé. Parce que c'était vachement bien.
_Bien ou pas, ce n'est même pas la question Glaz. Je suis marié, j'aime ma femme et je ne peux pas lui faire ça. Ce qui s'est passé entre nous était une erreur, je le répète et ça ne recommencera jamais.
_Donc, il y a un "nous" ? demanda t-elle après avoir eu une sorte de minuscule sourire en coin.
_Tu sais ce que je veux dire. Je continuerai de te saluer et de bosser avec toi Glaz mais tu dois tirer un trait sur cette nuit-là. Ca vaudra mieux pour toi, pour moi...pour tout le monde.
_Comme tu veux, dit la détective en enroulant une de ses mèches de cheveux autour de son index et en se dirigeant vers la sortie du bureau de Tal. Mais toi tu sais aussi que si un jour ça se passe mal avec Anaeli...ou simplement si t'as besoin de compagnie et de quelqu'un à qui parler...
Il la coupa.
_Sors. S'il te plaît.
_C'est toi le chef, chef. Pense simplement à ce que je t'ai dit, c'est tout, lui dit-elle en franchissant la porte. Ah et avant que j'oublie, lui confia t-elle avant qu'elle ne referme la porte, pour ton souci de logiciel, utilise pas la dernière mise à jour, elle est toujours foireuse. Celle de juste avant, normalement, ça devrait bien marcher. Bonne journée ! lui souhaita t-elle avec un petit signe de main.
Resté seul dans son bureau, Tal passa près de cinq minutes à se demander comment est-ce qu'il allait devoir gérer les avances de Glaz dans sa vie de tous les jours et cinq de plus à se maudire d'avoir cédé deux semaines auparavant sous l'effet de l'alcool. Puis, il coupa la musique, se rhabilla convenablement et retourna au centre de sécurité.
Voulant tenter le coup au cas où, il demanda aux techniciens d'installer l'avant dernière mise à jour du logiciel. Après un temps de téléchargement sans fin, les premiers écrans d'installation se succédèrent, sans message d'erreur.
Et en plus son truc marche, grimaça Tal.
"Votre manque de foie me consterne..." Dark Vador, Seigneur Sith sur le mess de l'Etoile Noire