Sur la passerelle du destroyer Jenia Solo, l'agitation était à son comble.
"Capitaine ! s'exclama l'officier en charge des communications, nous venons de perdre le contact avec nos hommes au sol. Les soldats comme les scientifiques, c'est le silence complet.
-Gardez votre calme, Flevos. Expliquez-moi la situation.
-L'expédition était en chemin pour remonter à la surface, nous étions en liaison direct avec eux. Puis nous avons brusquement perdu tout contact. Rien sur Coruscant ne peut faire interférence avec notre matériel de communication dernier cri, ils ne peuvent donc pas avoir été simplement coupés de nous. Leur matériel doit être endommagé. Et si aucun d'entre eux ne répond, c'est qu'il est arrivé quelque chose à l'équipe.
-Ne tirez pas de conclusions hâtives. Vous avez trop confiance en votre équipement. Il peut y avoir de multiples imprévus lors d'une mission. C'est votre troisième déploiement à bord, si je ne me trompe pas ?
-C'est exact, monsieur."
Encore un de ces jeunes sortis trop tôt de l'école militaire... Ce n'est pas ce dont j'ai besoin pour protéger la République, songea Blav Jethkins, le capitaine Bothan du destroyer.
Militaire de carrière, il était dans la Flotte depuis maintenant vingt-quatre ans et avait une longue expérience de la sauvagerie de la galaxie. Il avait vu bien des combats et bien des jeunes impatients comme Flevos mourir trop tôt. Sa fourrure brun-beige ondula d'appréhension à la pensée qu'il devait diriger un équipage encore novice si près de la planète la plus dangereuse de la galaxie.
"Hangar 12, envoyez deux chasseur en reconnaissance sur la zone où a atterri l'Excavateur. Si on retrouve leur vaisseau, on a de bonnes chances de les localiser", ordonna-t-il dans l'intercom, avant de se diriger vers le moniteur de suivi des opérations. Des images apparurent à l'écran, retransmises en direct depuis les deux chasseurs de reconnaissance, venant s'ajouter au contrôle radar et au scanner de la surface de l'ancienne capitale.
La dévastation de la planète apparut très clairement aux hommes de la passerelle, et nombre d'entre eux étaient horrifiés par ce qu'ils voyaient. Les chasseurs survolèrent alors la zone ciblée et Blav remarqua l'épais nuage de poussière qui se dissipait. Une douloureuse constatation s'imposa à lui lorsque les chasseurs refirent un passage. La tour où travaillait l'équipe scientifique s'était écroulée, et une partie des débris s'était fracassée sur le vaisseau de transport.
L'Excavateur était à demi enseveli sous les décombres, et bien qu'extérieurement, aucun dégât ne semblait apparent, il était impossible de descendre le récupérer. Quand aux six individus présents sur place au moment de l'effondrement, leur destin funeste ne faisait presque aucun doute.
Il était possible qu'ils aient survécu, mais ils ne tiendraient pas longtemps dans ces ruines. Et toute tentative de leur porter secours pourrait très bien ne faire qu'aggraver la situation ou lui coûter encore plus de vies. Il n'avait plus le choix.
"A tout l'équipage, nous retournons sur Corellia. L'expédition scientifique est perdue, nous abandonnons l'orbite. Navigateur, entrez les coordonnées. "
Il trouverait le moyen de se justifier auprès du Conseil. Mais il ne pouvait pas risquer de rester plus longtemps dans ce système pour une cause qui se révélerait vaine. Ils ne pouvaient pas non plus se mettre en sécurité derrière une lune, puisque toutes les lunes de l'ancienne capitale étaient détruites. Le Jenia Solo se détourna de la planète en ruines, et plongea dans l'hyperespace.
Ximast ouvrit lentement les yeux, ce qui se révéla inutile puisqu'elle se trouvait dans l'obscurité la plus totale, ressentant de grandes douleurs sur tout le corps.
"Il y a quelqu'un ?" demanda-t-elle aux ténèbres. Nulle réponse ne lui parvint.
La Falleen se trouvait seule dans un édifice qui venait de s'écrouler, sur l'inhabitable Coruscant. Elle aurait imaginé une meilleure manière de finir ses jours. S'habituant progressivement à l'obscurité, elle distingua une lueur tremblotante à son poignet gauche.
Mon chrono !
Il était toujours en état de marche. En bougeant le plus lentement possible, elle l'approcha de son visage pour constater qu'elle était restée inconsciente pendant deux heures entières. En soupirant, elle commença à tâtonner autour d'elle pour trouver sa torche et son communicateur. Elle se rendit alors compte qu'elle ne sentait plus son bras droit ! Sa main gauche trouva la torche, toujours dans son étui, et l'alluma. La vive lumière blanche aveugla momentanément Ximast, qui ferma les yeux par réflexe. En les rouvrant, elle eut l'horreur de voir que son bras droit était écrasé par un bloc de permabéton. Comme si cela ne suffisait pas, elle était coincée dans un enchevêtrement de poutres et de gravats en tous genres.
Plus jamais, plus jamais, je n'irais visiter des ruines.Si c'est pour être ensevelie pat l'écroulement des édifices...
Elle saignait à plusieurs endroits, notamment aux jambes et au thorax, où plusieurs petits morceaux de plastacier s'était fichés. Il avait fallu qu'elle accepte la mission, venir sur Coruscant, quelle idée !
Elle ignorait où étaient passés les autres, les Séloniens et ses deux collègues scientifiques. Une chose était sûre, ils ne se trouvaient pas avec elle. Mais si ils ne la retrouvaient pas très vite, elle ne passerait pas la nuit. Gardant espoir, elle attendit de l'aide en regardant s’égrener les minutes... Rien dans son attirail ne pouvait la sortir de sa situation. Ni son matériel scientifique, en grande partie éparpillé et détruit par l'écroulement de la tour, ni ses attributs naturels. Les phéromones ne lui seraient pas d'un grand secours pour convaincre les gravats de la laisser se libérer. Très longtemps, elle rumina de sombres pensées, imaginant les pires scénarios qui puissent lui arriver. Ce qui lui faisait le plus peur étant de finir par manquer d'air, d'être asphyxiée par le manque d'oxygène ou par la poussière dans l'air.
"Si ils ne se dépêchent pas, je vais crever d'angoisse !" hurla-t-elle au silence, perdant son calme. Elle se mit a agiter sa torche dans tous les sens, espérant que quelqu'un remarque son petit manège, continuant de crier sa rage aux débris.
Ximast entendit alors un bruit quasiment imperceptible, excepté par ses sens de Falleen. Quelqu'un déblayait les morceaux du bâtiment, et il se rapprochait !
"Ici ! s'écria-t-elle. Je suis là !"
Elle était sauvée.
Davan, talonné par le docteur Marlian, suivait avec prudence les trois soldats Séloniens qui déblayaient lentement le passage vers Ximast. Ils avaient entendus les cris de la Falleen quelques minutes plus tôt et s'étaient dépêchés d'aller à son secours. Au moins, il étaient tous encore en vie. Ils avaient eu un coup de chance incroyable de survivre à l'effondrement de cet immeuble. Qui plus est, d'avoir été coincés presque tous ensembles. Davan, le twi'lek et les trois séloniens s'étaient réveillés dans la même pièce, où plutôt ce qu'il restait d'une pièce. Après quelques efforts en commun, ils avaient réussi à se dégager suffisamment la voie pour aller chercher une trace de la scientifique. Ils se connaissaient à peine et étaient déjà passés à deux doigts de la mort.
De tels risques ne figuraient pas sur la brochure...
Il vit Sleniav déplacer un dernier bloc plutôt massif et aperçut enfin la Falleen à quelques mètres de lui à la lueur de sa lampe. Il se précipita vers elle, suivi de très près par le Twi'lek.
"Enfin nous vous trouvons, Ximast ! soupira Marlian de soulagement.
-Ce n'est pas trop tôt... murmura cette dernière pour toute réponse.
-Elle est affaiblie, constata Davan. Elle perd des forces, elle se vide de son sang. Marlian, pansez ses multiples blessures, stoppez toute hémorragie, et cherchez le plus possible à éviter des infections tant que nous sommes sous terre. Sleniav, vous et vos hommes, trouvez nous une voie sûre pour quitter cette zone à risque, si possible un accès menant au vaisseau. J'ignore si il est encore en état mais nous n'avons rien à perdre. Je vais tâcher de libérer le bras de notre amie. Allez, vite !
-Compris", répondirent en choeur Sleniav et Marlian.
Il ne fallait pas perdre plus de temps. La Falleen était entre la vie et la mort, bien plus en danger que ne l'étaient les cinq autres membres du groupe. Davan examina le bras droit de sa collègue et les décombres qui l'entravaient. A l'évidence, elle allait perdre l'usage de son bras, les dégâts étaient bien trop importants. Il en savait quelque chose pour avoir vécu une expérience similaire quelques années auparavant. Il s'était retrouvé enseveli dans une crypte ancienne sur Tralus et une poutre de fondation de plusieurs tonnes lui avait broyé les deux jambes à partir des genoux. Il n'oublierait jamais la souffrance qu'il avait ressentie alors. L'avantage de la Falleen, c'était qu'elle devait être inconsciente lors du choc, elle n'aurait donc pas eu à subir la douleur atroce sur le moment. On ne ressentait très vite plus aucune sensation. Bien sûr, Davan avait eu droit à de belles prothèses en remplacement, mais rien ne pourrait jamais se substituer à de vraies jambes humaines. Il espérait que la plaie au bras de Ximast n'était pas infectée, cela lui permettrait de recevoir également une prothèse. La vie avec un faux membre n'était pas facile mais c'était toujours mieux que de vivre avec un tel handicap. Et dans leur métier, tout handicap se révélait souvent fatal. Ximast devait être une excellente scientifique pour avoir été désignée pour cette mission, ce serait dommage de perdre quelqu'un de son niveau.
De toutes ses forces, Davan tenta de soulever le morceau de permabéton, mais il était bien trop lourd.
Marlian est occupé, les Séloniens aussi. Je n'ai pas le choix, on s'occupera des conséquences plus tard.
La solution la plus efficace serait de couper le bras de la Falleen sur place pour la dégager, mais ce n'était pas le style de Davan. Prenant son élan, il se mit à frapper violemment le bloc avec le talon de son pied droit. L'avantage de ces jambes synthétiques était leur incroyable résistance et la puissance qu'elles lui accordaient. De multiples coups répétés ainsi finiraient certainement par abîmer des mécanismes, mais si cela pouvait sauver Ximast, il n'hésita pas un seul instant. Poussant un cri rageur, il frappa de plus en plus fort sur le roc, essayant à la fois de le faire basculer loin de Ximast et de le briser. Il se doutait que le Twi'lek derrière lui devait être étonné de le voir agir ainsi mais il n'avait pas tout à fait le temps de lui expliquer. Chaque seconde était cruciale. Après de longs efforts, haletant, suant comme un wampa sur Tatooine, il eut l'immense satisfaction de voir le bloc se fissurer et basculer lourdement sur le côté, libérant ainsi le bras de la Falleen non sans l'écraser un peu plus au passage. Mais le plus dur était passé.
"Marlian, occupez-vous vite de son bras ! Je vais chercher les Séloniens.
Il se précipita vers le passage où étaient partis les soldats si vite qu'il failli trébucher sur les débris.
-Commandant ! Il me faut de l'aide pour transporter Ximast !
La réponse ne se fit pas attendre. Les soldats revinrent rapidement et les deux fantassins se dirigèrent vers l'endroit où gisait la Falleen.
-Il va falloir que vous la portiez jusqu'à l'extérieur. Marlian, aidez moi à transporter les échantillons, n'oublions pas le but de notre mission. Sleniav, guidez-nous je vous prie."
Les Séloniens avaient eu le temps de dégager une vois très convenble et plutôt sûre, puisque aucun autre bâtiment ne leur tomba dessus. Le spectacle ne fut pas très différent qu'à l'aller, mais Davan y prêta beaucoup moins d'attention, bien plus préoccupé par l'état de Ximast. Leur formation hétééroclite avançait lentement mais sûrement vers la liberté ; Sleniav en tête, suivi de près par Davan, puis Ximast portée par les soldats, et enfin Marlian.
Environ une heure plus tard, ils aperçurent enfin la lueur du jour à travers une ouverture. Courant presque, Davan se précipita sur la place bondée de débris et inspira de grandes bouffées d'air.
Ici il y en a en abondance, aussi vicié soit-il.
Jetant un regard autour de lui, il s'aperçut de l'étendue des dégâts. La tour dans laquelle ils se trouvaient s'était effondrée sur elle-même et sur la place à côté, recouvrant le vaisseau de débris plus ou moins importants. Mais étonnamment, il semblait avoir tenu le choc. Pourtant, il aurait dû être écrasé par le poids de la tour.
Du mouvement derrière lui le fit revenir à la situation. Il retourna sur ses pas pour aider les autres à sortir Ximast à l'extérieur. Sleniav et Marlian se dirigèrent vers l'Excavateur pour évaluer l'étendue des dommages, tandis que Davan aidait les Séloniens à y transporter Ximast. La rampe était toujours ouverte et les systèmes activés, dont le bouclier.
Tout s'explique !
La Falleen fut transportée dans l'aile médicale et placée dans une cuve bacta, surveillée par l’œil attentif des soldats, tandis que Davan retournait vers le cockpit, où Marlian et Sleniav étaient en pleine conversation avec le droïde pilote.
"... rampe. Le reste du vaisseau est encore opérationnel, mais nous avons perdu tout nos systèmes de communication, expliquait le droïde.
-Pouvons-nous décoller ? interrogea Sleniav.
-Les moteurs n'ont pas été endommagés et ce type de bouclier a réussi à éviter d'importants dégâts à la coque.
-Alors emmène-nous déjà sur orbite, TK-56, fit Marlian.
-On dirait que la situation se présente bien, remarqua Davan en entrant dans le cockpit.*
-En effet, professeur, répondit le Sélonien. Vos boucliers sont remarquables, ils ont sauvés le vaisseau.
-Au moins on ne pourra pas dire que le CCS n'a pas les moyens.
-En fait, tous les vaisseaux sortant des Chantiers Navals de Dac sont équipés de ces boucliers, c'est une spécificité Mon Cal. Et la plupart des navires de la Républiques sont originaires de ces Chantiers, dit le Twi'lek.
-Peu importe, trancha Davan. Nous devons nous dépêcher de rentrer sur le destroyer. Je vais étudier les échantillons le temps que nous y arrivions. Marlian, pourriez-vous assurer la surveillance médicale de Ximast ? Nous devrions laisser nos braves soldats se reposer un peu.
-Clavio et Viliaw.
-Pardon ?
-Ils s'appellent Clavio et Viliaw, intervint Sleniav. Ce sont les deux seuls soldats de mon unités qui ont accepté de rester sur Coruscant pour assurer votre sécurité. Ce ne sont pas des soldats anonymes. C'est compris, monsieur le scientifique ?
-C'est très clair."
Le biologiste se dépêcha de quitter le cockpit et rejoignit le laboratoire intégré au vaisseau dans lequel avaient été déposés les échantillons récupérés sur la planète.
Deux heures plus tard, en orbite autour de Coruscant.
Davan venait de terminer ses expériences sur le sang récupéré sur l'un des cadavres: les résultats étaient surprenants. Il n'avait jamais avancé aussi loin dans ses recherches auparavant, Catania aurait été heureuse d'apprendre cette nouvelle. Sa femme était décédée dix ans auparavant, emportée par ce maudit virus qui éliminait les humains. Depuis ce moment, il s'était consacré uniquement à trouver la cause de la maladie.
Il venait de découvrir une anomalie dans le sang, qui ne pouvait provenir que d'une seule planète. Le CCS serait sûrement reconnaissant à Davan d'avoir découvert ces nouvelles données, mais ils s’approprieraient le résultat de ses recherches, et la bureaucratie mettrait des jours, si ce n'était des semaines à préparer une opération pour suivre la piste que Davan venait de trouver. Le scientifique voulait résoudre toute cette affaire par lui-même, d'une part pour la mémoire de Catania, mais aussi pour essayer de trouver des indices qui lui permettraient de comprendre pourquoi il n'avait pas été atteint par la maladie. Il ignorait lui-même pourquoi il avait survécu au virus qui avait tué sa femme. Il soupçonnait que cela était en rapport avec son nom.
Il se faisait appeler Davan aux yeux de tous, mais c'était parce qu'il ignorait purement et simplement son propre nom. Il craignait de ne jamais avoir la réponse à cette question, si jamais ceux qui auraient pu l'en informer avaient trouvé la mort. Penser que ce pouvait être la raison de sa survie était un espoir de connaître la vérité un jour.
Ils étaient sur orbite depuis quelques temps déjà, et ils n'avaient toujours pris aucune décision sur la marche à suivre. Ils avaient découvert que le Jenia Solo les avait abandonnés, les croyant sûrement morts. Cela avait rapidement calmé la petite équipe. Si ils retournaient à Corellia, le CCS revendiquerait le droit sur ses recherches, et il ne pouvait pas le permettre. De plus, il avait désormais une piste sérieuse, et ils étaient considérés comme morts. Ils étaient libres de leurs mouvements, et posédaient un vaisseau très bien équipé. Ils pouvaient mener leur enquête sans avoir à rendre de compte à personne. Mais il se doutait que Sleniav, ou même Marlian, seraient sceptiques si il leur disait qu'il ne désirait pas retourner sur Corellia pour le moment.
Il se dirigea vers le cockpit et demande au droïde de les conduire où il le désirait, sans en informer les autres membres de l'équipage. Le droïde était programmé pour suivre ses ordres, et uniquement les siens, même si il avait le droit de répondre aux questions des autres. Davan retourna à la cabine principale rejoindre Sleniav, Marlian ainsi que Clavio et Viliaw au moment où le vaisseau passa en hyperespace.
"Pourquoi sommes-nous passés en vitesse-lumière, Davan ? Interrogea Marlian. Nous n'avons pas pris de décision.
-J'en ai pris une, rétorqua le biologiste.
-Et sous quelle autorité ?
-La mienne, commandant. Je dirige cette opération. Et nous ne rentrons pas sur Corellia.
-C'est une plaisanterie ? S'exclama Sleniav.
-Aucunement. Nous continuons notre enquête nous-même. Je n'ai pas l'intention de laisser le CCS se mettre dans nos pattes. Il faut découvrir la vérité ! Vous avez quelque chose à dire ?"