Chapitre V
Venus rencontrer des entreprises, Taltiruk et Nuro Landa quittèrent Charis à l'issue d'une longue fuite à travers le paysage industriel délabré, qui prenait un tour oppressant dans la nuit. Lorsqu'ils eurent gagné la motojet du chasseur de primes, Taltiruk dut se cramponner fermement, la vitesse choisie par Landa combinée au manque de place pour un Wookie lui donnaient l'impression qu'il pouvait tomber à tout moment... Hélas, Landa ralentit à peine lorsqu'ils eurent regagné la ville, Taltiruk eut quelques frayeurs en voyant son compagnon éviter de justesse des accidents. Quelques mots sèchement échangés avec les services du spatioport plus tard, les deux compagnons épuisés s'élevaient dans les cieux à bord de l'
Intransigeant, loin de la violence de cette planète.
« Eh bien, ça n'aura pas été de tout repos... murmura le Rodien alors que les étoiles emplissaient leur verrière. J'avoue que je me serais passé de faire connaissance avec les poings de ce triste individu...
-Et moi de ce charmant lézard, entre autres. Pourquoi faut-il toujours que j'ai des problèmes avec les reptiloïdes ?
-Le Barabel ? Ah oui, en effet. Ça doit être parce que les reptiloïdes aiment trop tuer de sang-froid.
Taltiruk ne parvint pas à rire.
-Mais... tu ne voulais pas consulter d'autres entreprises ? questionna-t-il. Et visiter la cantina ?
-Je voulais, oui, mais dans la mesure où la Ligue de Charis compte plusieurs milliers de combattants sur la planète, d'après ce qu'on m'a dit, et leur chef ne m'ayant pas l'air d'un type très sympa, j'ai pensé qu'il valait mieux quitter la table sans attendre l'addition... De toute façon, j'ai changé de plan, grâce à cette datacarte.
-Comment cela ?
-Je voulais parler aux entreprises et aux pilotes pour évaluer la présence des pirates afin de leur tendre un piège ; leur offrir une cible sur un plateau d'argent pour en capturer qui puissent nous indiquer leur base, quelque chose comme ça... Mais puisque les rebelles souffrent tant de leurs escarmouches, apparemment, la datacarte devrait nous suffire à deviner la cible d'une prochaine frappe... Nous gagnerions un temps considérable.
-Mais comment ? Les ligues doivent avoir de nombreuses bases, pour échapper à l'Empire...
-Je pense que nous devrions justement nous intéresser à celles qui font l'objet d'attaques impériales, ce serait tout à fait le genre des Tko'ra d'attendre que l'Empire affaiblisse les rebelles pour tout rafler... Si la datacarte nous confirme qu'ils procèdent ainsi, cela devrait restreindre drastiquement les possibilités.
-Bien, me faire capturer aura quand même servi à quelque chose, en fin de compte, grogna sombrement Taltiruk.
Landa haussa les épaules.
-C'était inévitable, tu ne pouvais pas savoir que tu serais malchanceux à ce point... En parlant de chance, avant de passer en hyperespace, on peut contacter le Capitaine Ducon pour lui dire que nous avons pris contact sur Charis avec un chef rebelle qui se fait appeler l'évadé, ça ne mange pas de pain...
Malgré la fatigue, malgré les traces de coups, le Rodien établit aussitôt la transmission ; une dizaine de minutes s'écoulèrent avant que n'apparaisse la forme miniature d'un humain en uniforme impérial. Mais cet humain n'était pas le Capitaine Iomm ! Taltiruk en était certain, c'était un homme grand et mince dont la forme des yeux se différenciait de tous les humains qu'il avait rencontrés jusque-là. Il se tourna vers son compagnon, inquiet ; il le fut encore plus en voyant que Landa lui-même paraissait quelque peu désarçonné...
-À qui ai-je l'honneur ? s'informa prudemment le chasseur de primes.
L'officier impérial sourit froidement.
-Amiral Litovsti, en charge de la sécurisation du Secteur Kathol, pour vous servir,
Capitaine Landa. Je suppose que vous vouliez parler au Capitaine Iomm ? Je crains que ce ne soit pas possible dans l'immédiat, il a été muté à un poste qui limite un peu ses dégâts...
-Je vois. Puisque vous connaissez mon identité, je suppose qu'il n'est pas utile de chercher à vous embobiner. Et comme je suis tristement incapable d'avoir une conversation sans me moquer de mon interlocuteur, je pense que tout échange sera inutile, bonne nuit, Amiral -enfin, suivant l'heure qu'il est chez vous, naturellement...
-Un instant, Landa ! Êtes-vous conscient de ce que vous risquez pour avoir menti au Capitaine Iomm afin d'entrer dans le secteur Kathol ?
-Oh, je vous en prie... Vous allez faire quoi, donner le signalement de mon vaisseau dans le secteur ? Ce serait amusant, tiens.
-Je n'aime pas beaucoup qu'on me parle sur ce ton ! Landa, dites-moi au moins ce que vous êtes venu faire ici ; je doute que vous ayez envie de rallier les ligues, nous pouvons peut-être nous arranger... mais seulement à condition de jouer cartes sur table. Je vous préviens, je ne suis pas le Capitaine Iomm, moi !
-Je sais bien... Puisque vous y tenez tant que ça, je suis à la poursuite des Tko'ra ; je suppose que cela ne vous pose pas de problème particulier ?
-Ça ne me pose pas de problème si c'est la vérité ; mais ne vous foutez pas de moi, vous savez très bien que la prime sur leurs têtes est ridiculement faible pour un chasseur de primes de votre envergure ! Ça ne justifie pas le voyage ! Et c'est volontaire, on ne tient pas à voir trop de monde venir ajouter au chaos dans ce secteur ; la prime s'adresse d'abord à ses habitants, voire aux pirates eux-mêmes... Par conséquent, je n'ai aucune raison de vous croire.
-Votre prime est ridiculement faible, Amiral ; cependant, la Galaxie ne se résume pas à l'Empire, n'en déplaise à Son Altesse. Les Hutts ont mis les moyens, en revanche ! Voir deux de leurs esclaves devenir des rivaux, c'est un exemple d'ascension sociale un peu trop poussé pour eux...
-Je vois... répliqua prudemment Litovsti. Qu'est-ce qui me prouve que vous dites vrai ? Et pourquoi ne devrais-je pas vous faire rechercher ne serait-ce que pour votre insolence ?
-Vous savez très bien pourquoi, Amiral : parce que je suis le seul à pouvoir vous aider. Vous pouvez difficilement combattre les lézards et les têtes de vers en même temps, surtout dans un secteur si mal maîtrisé, et vous n'avez aucune aide à attendre de votre hiérarchie. Vous êtes un jeune Amiral sans relations particulières, dans une situation qui arrange très bien l'Empereur politiquement. Moi, je peux vous débarrasser des Tko'ra ; sans eux, la Horde des Vents Contraires s'effondrera, elle est fondée sur une allégeance trop personnelle pour durer. Quant aux rebelles, il se trouve que j'ai eu un léger désaccord avec quelqu'un qui se fait appeler l'Évadé sur Charis ; si je peux vous en livrer, je le ferai.
Litovsti avait écouté toute la tirade, à la fois méfiant et attentif.
-Si vous pouvez faire cela, en effet, ça m'arrange ; je ne veux pas voir d'autres chasseurs de primes ici parce qu'ils sèment généralement encore plus de chaos que ceux dont ils sont censés nous débarrasser, mais vous, votre réputation vous précède. Cependant, le problème demeure : comment savoir si je peux vous faire confiance ?
-Que croyez-vous que je sois venu faire dans le Secteur Kathol, Amiral ? Vous croyez qu'après toutes ces années, je vais me mettre à me rebeller contre l'Empire ? Je suis un chasseur de primes, pas un justicier. Je fais mon travail, celui qu'on me donne. Et pour les Tko'ra, vous me voyez travailler pour les Tko'ra ? Vous m'imaginer combattre aux côtés de Watts ?
-Peut-être pas, mais je ne vous apprendrai rien en vous disant que les gens ont parfois des trajectoires surprenantes...
-Je suis accompagné d'un ancien esclave wookie vendu par les Tko'ra, Amiral, jamais il ne me laissera poursuivre un autre objectif. Vous n'êtes pas le Capitaine Iomm, en effet, et cela signifie que je peux vous faire confiance pour m'aider ; c'est pourquoi je vous dis la vérité.
-Peut-être... Landa, si vous vous foutez de moi, je ferais en sorte que plus jamais vous ne puissiez quémander la moindre prime auprès de l'Empire sans vous faire arrêter !
-Je sais bien, Amiral, mais je ne peux rien prouver, alors choisissez : soit vous me faites confiance, et alors il faut m'aider, soit vous essayez de me faire arrêter. Décidez-vous.
-Je suppose que vous donner des informations sur les Tko'ra ne fera pas de mal, de toute façon...
-Non, c'est vrai, mais ce qui m'intéresse, ce sont d'abord des informations sur vous, Amiral : avez-vous une offensive en cours contre une base rebelle importante ? D'après ce que disait l'Évadé, il y a de fortes chances pour qu'on y trouve la Hordes des vents Contraires...
-Vous êtes gonflé, Landa... mais comment se fait-il que vous obteniez toujours ce que vous voulez ? Allez, je rends les armes, oui, nous avons une attaque en cours, je vais vous transférer ça.
-Merci de tout cœur, Amiral ! On m'avait bien dit que vous teniez à protéger ce secteur !
Il n'y avait pas la plus petite nuance de dérision audible dans la voix de Landa.
-Ne me remerciez pas trop, parce que si vous me trahissez, votre châtiment sera à la hauteur de l'aide que je vous aurai apportée... Au revoir, Monsieur Landa.
-Au revoir, Amiral.
L'hologramme disparut ; Taltiruk était encore abasourdi par la conversation.
-Décidément, les Impériaux sont friands de menaces bidons, grommela Landa, me dénoncer à ses supérieurs serait admettre qu'il a passé un marché illégal avec moi... Enfin, s'il peut nous faire gagner du temps...
-Tu le connais ? hasarda Taltiruk.
-Kyrdor m'a parlé de lui avant que nous partions, un jeune officier sérieux et intelligent, apparemment. Ça doit être pour ça qu'on l'a envoyé se faire tuer dans ce secteur, son prédécesseur est mort dans un attentat-suicide commandité par E'tyra il y a trois semaines... Il ne l'avouera jamais, mais on ne refuse pas de l'aide dans sa situation.
-Oui, c'est bien ce que laissait entendre le Capitaine...
Taltiruk hésita un peu, puis lança la question qui le brûlait :
-Il a dit que la prime sur la tête des Tko'ra était bien trop faible pour toi, commenta-t-il. Et toi, tu as dit que tu n'acceptais jamais les primes des Hutts.
Le Rodien se retourna vers le lui, le regard froid.
-Je ne t'ai pas menti. » rétorqua-t-il.
Son ton était si grave que Taltiruk ne laissa échapper aucune des nouvelles questions qui grimpaient à l'assaut de sa gorge.
Nali Tko'ra n'entendait rien d'autre que le bruit du vent dans la forêt de conifères, elle ne voyait rien d'autre qu'un ciel d'un très beau bleu servant de voûte aux montagnes boisés. L'air était frais, tout ici respirait la nature et le calme.
« Les Impériaux ont fait intervenir une nouvelle vague de TP-TT, souffla le moustachu Capitaine Intol près d'elle. L'infanterie rebelle se replie en panique...
Nali hocha la tête.
-Et les bombardements ?
-Le croiseur
Carrack tire toujours dans la même zone, mais il va en avoir pour un moment, à ce rythme-là...
-Pour sûr... Ce qu'il faudrait aux Impériaux, ce serait plutôt des TIE spécialisés dans le bombardements, pour les secteurs qui n'ont pas les moyens d'employer des Destroyers, ou pour les frappes précises... Ils sont en train d'en essayer ailleurs, mais pas encore dans le Secteur Kathol. En somme, ils ne savent toujours pas que le quartier général de la Ligue se trouve au cœur des montagnes ?
-Non, rien ne le laisse supposer. Comme prévu, les derniers transports se dirigent vers les littoraux, je soupçonne les rebelles d'y avoir mis en place un champ de mines...
-Mouais, ça les débarrassera peut-être des TP-TT, mais ils ont perdu trop de terrain, et ils auront du mal à se réorganiser...
-Watts dit que si par hasard on veut attaquer, c'est maintenant, indiqua un autre pirate derrière Intol. Leur navette est en route !
-OK, alors à l'attaque, suivez le plan prévu et rien d'autre !
Il n'y avait en apparence aucune cible valable autour d'eux, seulement les paisibles montagnes du nord de la planète, rien de commun avec l'implacable affrontement qui se déroulait plus au sud ; cependant, le petit groupe se mit en mouvement au pas de charge comme il l'aurait fait pour investir un vaisseau ennemi. Leur objectif ne tarda pas à devenir visible : un bâtiment qui paraissait bricolé à partir de plusieurs métaux brunis, dissimulé au fond de la gorge. Le quartier général de la Ligue de Vestia, que les rebelles étaient parvenus à dissimuler jusque-là.
Ce ne serait plus leur quartier général longtemps. Plusieurs dizaines de personnes en sortaient, travaillant à emmener des véhicules et des caisses de matériel avec eux ; il fallait abandonner Vestia, ils avaient tenu ce front autant qu'ils pouvaient l'espérer, et les combattants restant au sud seraient purement et simplement sacrifiés.
-La piste d'atterrissage est juste derrière, indiqua Intol tout en courant. La navette ne devrait pas tarder...
-Déclenchez les mines, ordonna froidement Nali.
Dès que la Twi'lek eut donné l'ordre, Intol déclencha les explosions ; des détonations retentirent non pas sous les pieds des rebelles, mais à l'intérieur du quartier général, accompagnées d'une fumée de mauvaise augure. Aussitôt, les combattants de la Ligue se retournèrent, stupéfaits et terrifiés, l'arme au poing ; ces explosions signifiaient à leurs yeux que l'ennemi connaissait leur quartier général et qu'il était juste derrière eux...
Ils se trompaient d'ennemi, et ils se trompaient d'endroit. Les pirates surgirent de la forêt à cet instant précis tirant aussitôt sur les malheureux ; plusieurs de leurs adversaires tombèrent immédiatement, touchés à la tête ou au torse. La plupart d'entre eux étaient des non-humains d'espèces que Nali ne connaissait pas, même après tout ce temps à fréquenter les alliés peu ragoûtants des Hutts.
-Les pirates ! cria l'un d'eux en les apercevant.
Les rebelles lancèrent leurs rafales vers les intrus, mais ceux-ci prenaient déjà position derrière les véhicules ; il y eut un instant d'incompréhension du côté des rebelles, puis un officier ordonna de les contourner, le matériel était trop précieux pour prendre des risques. Et puis, ils croyaient être suffisamment nombreux pour cela.
-La surprise du chef, maintenant, ordonna hâtivement Nali dans son comlink, le fusil toujours à la main.
Pour une surprise, c'était une surprise. Il y eut une nouvelle petite détonation, mais elle ne venait plus du centre, c'était la coque d'un véhicule qui venait de sauter ! Et en émergeait une haute silhouette portant un manteau gris clair... C'était un humain à la carrure imposante, aisément reconnaissable aux cheveux noirs bouclés qui tombaient sur son cou, cependant, Nali doutait que les rebelles aient le temps de le voir si bien ; l'homme saisissait deux blasters, un dans chaque main, et il balaya proprement les rangs des rebelles avant qu'ils n'aient eu le temps de se ressaisir, chaque tir ou presque faisant mouche ! Ils ripostèrent malgré leurs compagnons qui mourraient sous leurs yeux, mais Watts avait déjà jeté derrière le véhicule sa silhouette massive ; de son côté, Nali et ses hommes se remettaient à tirer avec une ardeur renouvelée sur ceux qui avaient voulu les prendre à revers, la jeune femme aligna dans son viseur puis abattit une bonne demi-douzaine de rebelles qui ne savaient plus où donner de la tête, nettement défavorisés par le fait de devoir éviter les véhicules...
Quelqu'un décida de se débarrasser de cette contrainte, jugeant probablement sa vie plus importante que le matériel. Nali vit un jeune humain blond à la barbe touffue armer deux grenades ; elle allait l'abattre d'une salve en pleine tête, mais Watts plongeait sur lui, immobilisant immédiatement ses deux bras... L'autre parvint encore à activer les grenades, espérant probablement emporter son ennemi dans la mort, néanmoins Watts les arracha de ses mains pour les projeter au loin comme si c'était la chose la plus banale du monde ; les explosions furent impressionnantes, mais trop loin du champ de bataille pour blesser quelqu'un.
Pendant ce court laps de temps, le Capitaine Intol et ses hommes avaient bondi de leurs remparts à la poursuite des derniers rebelles qui prenaient la fuite ; il y eut quelques brefs échanges de tirs, et ce fut fini. Pas un seul pirate n'était tombé, tout avait été trop soigneusement planifié par Nali pour cela. Il fallait leur reconnaître qu'ils avaient plutôt bien réagi, ils n'avaient pas cédé à la panique outre-mesure.
Plutôt bien, mais pas suffisamment pour survivre.
-Prenez les caisses et les véhicules, ordonna Nali sans prendre le temps de souffler. Voyons si nous pouvons donner le change afin de nous emparer de la navette également...
Watts lui sourit ; il avait du mal à l'apprécier personnellement, comme toutes les femmes, soupçonnait-elle, mais elle savait qu'il l'estimait en tant que commandante.
Un bruit de moteurs fendait le ciel. Nali aussi s'appréciait comme commandante, lorsque les choses se passaient si bien !
« L'officier impérial qui commande l'offensive a eu son diplôme dans une pochette surprise ? questionna Landa en plongeant le nez de l'
Intransigeant pour transpercer l'atmosphère.
En-dessous d'eux, la débâcle des rebelles paraissait totale : Taltiruk voyait les Stormtroopers qui prenaient soin de cerner chaque groupe des insurgés avant de les livrer en pâture aux monstrueux TP-TT, lesquels arpentaient les plaines boisées tels des caricatures métalliques d'oiseaux... Pourtant, les Impériaux restaient tristement incapables de localiser le quartier général des rebelles.
-D'après les transmissions que j'ai interceptées, il a interprété le champ de mines comme un signe qu'il approchait effectivement du quartier général, expliqua Taltiruk, qui travaillait toujours sur la console de communication.
-Ben voyons !
Je tombe dans un piège, ce n'est pas grave, c'est que je suis dans la bonne direction ! S'il était un tout petit peu intelligent, il ferait le lien avec les raids précédents des rebelles, et il comprendrait qu'ils n'ont pas pu venir des littoraux... Ils sont descendus des montagnes par les fleuves, j'en mettrais ma main à couper -ce qui est plutôt malin de leur part, parce qu'il n'y a plus grand monde qui utilise des bateaux, de nos jours.
-Je sais... Ils y ont déjà laissé la moitié des TP-TT, si je comprends bien, et les rebelles se sont séparés en petits groupes...
-Apparemment, ça ne le dérange pas non plus de perdre toutes les troupes dont il a besoin avant d'atteindre cet hypothétique quartier général... Je me demande si on l'a affecté dans la Bordure parce qu'il est nul ou s'il se permet de ne rien foutre parce qu'il croit que la Bordure est sans importance... Laisse tomber, ça m'énerve. Tiens, ceux-là ont l'air de bien se faire défoncer, on va leur demander gentiment où est leur quartier général... Occupe-toi de l'artillerie, s'il te plait, je garde le pilotage. Fais un carton sur les Impériaux.
Taltiruk se retourna à la vitesse de l'éclair, glacé.
-
Faire un carton sur les Impériaux ? Mais...
-Ce sont des combattants, non ? Ça fait partie des risques et ils le savent, au même titre que les rebelles de Charis.
Taltiruk n'avait aucune envie de faire ça, c'était des gars comme lui, là-dehors... Ils avaient juste été enrôlés du mauvais côté... Il n'en revenait déjà pas d'avoir pu tuer tant de rebelles dans le feu de l'action sur Charis, la pensée s'insinuait vicieusement en lui depuis...
Ces gens étaient morts à cause de lui. Mais il n'avait pas le choix, à ce moment-là, sa vie était directement menacée ; tandis que là...
-Mais... et Litovsti ? objecta-t-il timidement. Il va savoir que c'est nous qui...
-C'est bien pour cela qu'il ne faut pas en laisser un seul s'échapper. Fais ce que je te dis, je ne vais pas tourner en rond indéfiniment !
C'était vrai, Taltiruk devait faire quelque chose... Il avait l'impression que cela demandait de la réflexion, mais il n'avait pas ce loisir. Et comment pourrait-il se rebeller contre Landa à ce stade ? Cela paraissait invraisemblable... Il n'était pas du tout sûr de faire le bon choix, mais il fit ce qu'on lui demandait : il activa l'un des canons turbolasers et entreprit de viser un TP-TT, à la fois rassuré et horrifié par son propre sang-froid... Il tira, tira encore pour être sûr de transpercer le blindage métallique, jusqu'à ce qu'il voit le véhicule tomber à la renverse sous les impacts enflammés.
Les soldats, il faut tuer les soldats avant qu'ils ne s'échappent ! pensa-t-il.
Il aurait tant voulu remettre cela à plus tard... mais c'était vrai, c'était le plus urgent. Et il faudrait bien les tuer de toute façon. Alors il mitrailla cette fois les endroits où il voyait les armures blanches, criblant le sol d'impacts ridiculement trop gros pour ses cibles. Landa inclinait parfaitement le vaisseau pour l'aider à viser. Lorsqu'il fut persuadé qu'il n'y en avait plus aucun, il abattit à leur tour les derniers TP-TT ; comme il était rassurant de ne pas voir les Hommes qui les pilotaient !
Il n'y avait plus rien, excepté quelques dizaines de rebelles épuisés, stupéfaits par cette aide tombée du ciel.
Je l'ai fait.-C'est bien, approuva Landa en inclinant le museau. Tu as fait ton travail, nous allons y arriver.
Le Rodien posa lentement le vaisseau sur le sol après avoir vérifié qu'il n'y avait pas d'autres Impériaux dans les parages.
-On sort ! l'informa-t-il.
Le chasseur de primes déploya la rampe d'accès, puis quitta le vaisseau avec son compagnon ; les rebelles les attendaient en-dessous, paraissant hésiter entre espoir intense et méfiance. Comme c'était étrange... Taltiruk avait haï l'Évadé et ses sbires, mais il était presque heureux d'être venu en aide à ces rebelles-là, tant ils paraissaient désespérés et loyaux envers leur cause... Ceci dit, il aurait peut-être éprouvé le même sentiment pour ces mêmes soldats impériaux qu'il avait massacrés... N'y avait-il ni amis ni ennemis, en fin de compte, seulement des alliés et des adversaires interchangeables ? Soudain, il comprenait mieux la mentalité du chasseur de primes si incompatible en apparence avec celle des Wookies, et cela lui faisait peur...
-Je m'appelle Urno Nalad, se présenta très naturellement Landa, le Général E'tyra m'a envoyé participer à l'évacuation de votre quartier général parce qu'il semble que les services de renseignement impériaux l'aient repéré, en fin de compte... Cependant, votre Ligue n'a pas pu nous donner son emplacement précis avant le début des combats, hormis le fait qu'il se trouve dans les montagnes... Pouvez-vous nous aider ?
Étrangement, les survivants paraissaient avoir perdu toute défiance : ils avaient affaire à des non-humains, après tout, qui plus est des non-humains qui venaient de les sauver et qui savaient déjà que le quartier général se trouvait dans les montagnes. Comment douter qu'ils fussent des rebelles ? Landa tendit une datacarte, que Taltiruk supposa représenter les montagnes du nord.
-Pouvez-vous me l'indiquer ?
Un être à la peau jaune et à la tête ronde dépourvue de cheveux s'approcha.
-Oui... Je suis sûr que vous le trouverez dans cette gorge... S'il vous plait, que devons-nous faire ? Les nôtres sont en déroute...
-Nous allons en sauver le plus possible sur le chemin, mais je ne peux pas vous promettre de miracles, le croiseur
Carrack nous a déjà repérés, notre mission est trop importante pour que nous prenions le risque d'être interceptés... N'ayez crainte, le Général E'tyra ne vous abandonnera pas, ce sont des Hommes courageux comme vous qui font la force de ses ligues et il le sait. Cependant, vous allez devoir vous cacher un moment. Résistez à la tentation de retrouver les champs de bataille et survivez seuls, votre heure viendra.
-Bien... nous ferons cela... Bonne chance.
-Et veillez à l'évacuation des bateaux, s'il vous plait, ajouta un Sullustéen. Ils peuvent réellement être utiles, les Impériaux ne l'ont pas compris !
-Nous en avons été informés, n'ayez crainte. Bonne chance à vous aussi, Messieurs, votre courage et votre patience seront loués et récompensés ! »
Se permettant même d'abaisser admirativement son museau, Landa tourna les talons, puis les deux compagnons regagnèrent le poste de pilotage.
-Tu vois, il suffisait de leur demander gentiment, conclut joyeusement le Rodien en décollant. Dommage que Armand Isard n'ait jamais compris ça ! »
Taltiruk grogna vaguement.
Je les ai tués parce qu'il nous fallait une couverture pour contacter les rebelles. Comment puis-je justifier cela ?
Je suis un monstre. Un assassin. J'y ai à peine réfléchi !Mais au milieu de ces tourments psychiques, il pensait toujours à sa sœur et à ses frères prisonniers des Tko'ra... Ce qu'il faisait était peut-être mal, mais il ne supporterait pas d'agir autrement. Il manquerait à ses devoirs en les abandonnant et il s'en voudrait encore plus. Il fallait choisir entre les deux maux, il ne pouvait garder une fourrure sans tache dans cet enfer.
Mais qu'en était-il de Landa ? Qu'est-ce qui pouvait le pousser à aller aussi loin, lui qui donnait l'impression de respecter la vie ? Y avait-il réellement une prime en jeu, au moins ?
L'interrogation devait être remise à plus tard... Les montagnes défilaient sous l'
Intransigeant.
Nali arborait un sourire triomphant. Cette opération pourtant risquée se déroulait à la perfection, Vatin serait fier d'elle. Ils se poussaient réciproquement à s'améliorer, c'était leur amour qui les faisait réussir tout ce qu'ils entreprenaient !
« Inutile de tuer l'équipage, déclara-t-elle alors que la forme de la navette se précisait. D'autant plus qu'ils pourront raconter au lézard-en-chef ce qu'il s'est passé, il n'en sera que plus déstabilisé !
Vous allez voir ce que peuvent vous faire une bande de pirates sans foi ni loi de la Bordure, mes chers idéalistes.Pour elle, E'tyra et ses gens n'étaient pas d'authentiques habitants de la Bordure : ils se comportaient exactement comme ceux du Noyau, cherchant à imposer leur loi au reste de la Galaxie...
-Dites, la navette n'est pas un peu petite pour transporter tout cela ? questionna le Capitaine Intol, l'air inquiet.
Nali eut un vague mouvement des lekkus.
-Au pire, nous pourrons toujours...
-Ce n'est pas la navette, trancha brutalement Watts. C'est l'
Intransigeant. Nuro Landa est ici ! Partez tout de suite !
-Quoi ? Mais on ne va pas abandonner tout ce mat...
Nali s'interrompit aussitôt, réalisant que ce qu'elle disait était idiot.
-Bon, alors prenez les motojets, nous devons regagner notre vaisseau !
Joignant le geste à la parole, elle ouvrit l'un des conteneurs sur répulseur et en sortit un véhicule léger, aidée de l'un des pirates. Ils s'emparaient tous précipitamment d'engins identiques, mais pas Watts.
-Je le retiens. » déclara sombrement le chasseur de primes en saisissant quelque chose de fin à l'intérieur d'un autre conteneur.
Nali ne chercha pas à en savoir plus et démarra à toute vitesse.
Une forme petite et musclée, toute blanche ; une jolie Twi'lek comme l'aimaient les humains, mais plus impitoyable que Palpatine en personne... Aucun doute, c'était bien Nali Tko'ra, Taltiruk sentait les tambours de guerre se réveiller en son cœur lorsqu'il observait la malfaisante à travers le viseur...
« Ils nous ont repéré, feu !
Cette fois, Taltiruk ne se le fit pas dire deux fois. Il fit jaillir une longue salve rougeoyante droit sur la piste d'atterrissage ; celle-ci explosa aussitôt, projetant des flammes de toutes parts, mais les motojets étaient déjà parties... Ceci dit, il y avait toujours quelqu'un dans cet enfer : un homme vêtu de gris se tenait tout près des flammes, à croire qu'ils était entièrement inconscient de la menace... Était-ce uniquement afin de les narguer ?
-Watts est toujours là, affirma Taltiruk, reconnaissant l'humain.
Il vit que Landa s'était tendu, néanmoins il resta muet ; Taltiruk voulut aligner son confrère dans le viseur, mais l'humain avait déjà disparu... en revanche, il sentit très clairement le vaisseau trembler brusquement, un choc sourd s'était produit quelque part à l'arrière.
-Touché, commenta sombrement Landa. Je vois qu'il n'a pas perdu la main au lance-missile, je n'avais pas transféré de bouclier sur cette partie du vaisseau... Attends, je prends de l'altitude... Vois si tu peux l'abattre avant qu'il ne récidive...
Taltiruk n'eut aucun mal à retrouver Watts, le problème était ailleurs : il avait pris place à bord de ce qui paraissait être un solide véhicule sur répulseur, qui fonçait à présent pour s'éloigner de l'aire d'atterrissage ! Conscient que Landa ne tenait pas à l'affronter, il fit malgré tout de son mieux pour traquer l'assassin, le poursuivit de ses rafales rougeoyantes, guettant l'explosion qui lui annoncerait sa mort ; cela se révéla peine perdue, l'engin était trop rapide pour un artilleur inexpérimenté...
-Tant pis, c'était trop beau... Tiens, regarde, il y a plus intéressant, là...
En effet, un vaisseau de bonne taille, de forme grossièrement oblongue, s'élevait par-dessus la cime des conifères, sortant de sa cachette ; sa couleur tour-à-tour grise et brune, son manque d'entretien qui faisait ressortir de la manière la plus crue sa nature métallique, tout en faisait un intrus en ce lieu.
L'appareil ennemi ne manqua pas d'expédier plusieurs salves à l'
Intransigeant tout en s'élevant dans les airs, Taltiruk vit du coin de l'œil Landa qui corrigeait en vitesse ses boucliers ; lui-même s'empressa de riposter, il activa plusieurs batteries turbolasers en direction du vaisseau ennemi. Cependant, celui-ci ne paraissait pas vouloir s'engager dans un combat, seulement sortir de l'atmosphère.
-Ne t'en fais pas pour ça, prévint Landa à l'adresse de Taltiruk. J'ai un petit cadeau pour eux...
Le chasseur de primes appuya sur un bouton vert ; en réaction, un éclat orangé se joignit aux turbolasers de Taltiruk pour venir frapper le vaisseau des pirates.
-Un bon vieil émetteur-récepteur, s'expliqua le Rodien. Maintenant, le problème, c'est qu'ils ne voudront pas bouger d'ici avant que nous ne soyons abattus... Regarde qui vient s'en occuper...
Tandis que Taltiruk se concentrait sur le vaisseau oblongue, il sentit brusquement le vaisseau secoué par plusieurs impacts significatifs ! Un petit vaisseau gris de forme insectoïde, vraisemblablement un chasseur, fila devant ses yeux... avant de se retourner pour frapper à nouveau ! Cette fois, Taltiruk était prêt : tandis que Landa virait très sèchement sur le côté pour éviter la plupart des tirs, il décocha plusieurs rafales en direction de ce qui devait être le chasseur de Watts... Là encore, ce fut un échec cuisant, le petit engin passa en trombe sans subir le moindre dommage, tandis que l'
Intransigeant subissait quelques nouveaux impacts.
-Nos boucliers commencent franchement à se réduire, réalisa sombrement Landa.
-Qu'allons-nous faire ?
-Ce que nous allons faire ? Nous faire abattre ! Mais seulement à condition que Watts tire sur la poupe.
Le Rodien redressa sans concession l'
Intransigeant, le Wookie se sentit plaqué dans son siège alors qu'ils fonçaient à toute vitesse pour échapper à l'atmosphère... Toutefois, leur poursuivant n'avait pas abandonné la partie, Taltiruk perçut plusieurs explosions dévastatrices à l'arrière du vaisseau, quelque chose d'important avait cassé cette fois, à coup sûr ! Ce n'était sûrement plus de simples turbolasers, mais des missiles qui les avaient percutés ! C'est alors que... les moteurs se coupèrent. Taltiruk hurla de terreur lorsque le vaisseau se renversa entièrement pour tomber à toute vitesse vers la planète, la gravité reprenant ses droits ! Ils allaient s'écraser !
-N'aie... pas peur... lui murmura le Rodien. Je rétablis quelques répulseurs et les boucliers... L'atterrissage va être un peu rude, mais...
Il le fut effectivement, d'ailleurs bien trop pour justifier l'emploi du terme « atterrissage ». Le vaisseau se redressa quelque peu avant d'atteindre le sol mais il finit tout de même par s'y heurter durement en tremblant d'un bout à l'autre, Taltiruk ne put s'empêcher de fermer les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, le vaisseau était entouré de roches brisées mais Landa n'avait pas bronché.
-Des impacts dans une partie supposée vitale du vaisseau, un incendie à l'arrière suivi d'un bon crash... Mon vieux Taltiruk, je crois que nous sommes morts, énonça-t-il tranquillement.
-Comment... par quel miracle...
-Nous n'avons pas subi de véritables dommages... J'ai veillé à ce que Watts nous attaque par la poupe parce que j'ai délibérément fait ajouter à ce vaisseau des parties qui cèdent rapidement si on retire les boucliers, afin de faire croire que nous sommes abattus. Elles ne servent qu'à cela et sont isolées des autres pour ne pas répandre l'incendie. Par conséquent, je n'ai eu à qu'à remettre les systèmes en marche pour limiter les dégâts, et nous pouvons repartir. Même si, je le reconnais, c'était un peu, euh, sportif.
Le Wookie expirait bruyamment ; comment son compagnon pouvait-il prendre de tels risques et avoir si souvent raison dans le même temps ?
-Watts n'est plus là ? questionna aimablement le Rodien.
-Non... et le vaisseau oblongue non plus...
-Très bien ! Nous allons pouvoir les pister dès qu'ils seront sortis de l'hyperespace ! C'est drôle, Watts est plus méticuleux que ça, d'habitude, je m'attendais un peu à devoir redécoller d'urgence pour l'affronter. Il faut croire que ça le perturbe, quand c'est un collègue. »