par AJ Crime » Dim 30 Nov 2008 - 10:51 Sujet: Re: [en cours/Roman] la Trilogie de l'Ashla - T1:Le premier Jedi
Bon, si ça interesse encore quelqu'un en ce forum... Voici les deux premières scénes du chapitre trois. Bonne lecture et à la semaine prochaine pour les suivantes :
Tertius locus : Le grain de sable.
I
Brain regardait défiler les traits de lumière de l’hyperespace autour du cockpit par la baie de transparacier ; les deux pieds croisés sur la console de pilotage devant lui, les mains sous sa nuque. Relier Corellia à Alderaan ne demandait que quelques jours avec un vaisseau rapide. Les Corelliens s’en gardaient la primeur malgré les pressions politiques et économiques du Dictat pour posséder les toutes dernières technologies dans le domaine des voyages hyperspatiaux. Le Mouvement Révolutionnaire Anarchique qu’il dirigeait, bénéficiait de nombreux appuis militaires dans l’armée Corellienne. Des armes, du fret, des vaisseaux, Fran réussissait à obtenir tout ce qu’il désirait de ses anciens compagnons d’arme.
Le major Brain Fran avait servi dans l’armée régulière du Dictat. Doué d’une aisance remarquable, il en avait appris les rudiments du métier des armes. Il avait affronté des armées de toutes espèces sur autant de mondes qu’il existait de conflits. Un avancement fulgurant l’avait propulsé à l’encadrement d’une compagnie entière. Là, il avait emmagasiné une formidable expérience tactique de terrain. Mais les vues politiques de Carieda ne correspondaient plus à ses idéaux, il avait alors décidé de rejoindre l’armée Corellienne qu’il jugeait indépendante. Bousculé une nouvelle fois dans ses convictions les plus intimes, Brain s’était rendu compte que la politique mettait leur armée au seul service de son ancien maître. N’en supportant pas plus, il avait choisi la clandestinité, claquant la porte sans oublier d’inonder quelques généraux de critiques bien senties.
Les choses changeaient. Brain Fran n’enorgueillissait de voir son peuple se dresser contre le Dictat et lutter de toutes ses forces pour retrouver leur libre arbitre. Il vouait personnellement une grande admiration pour les Bourtistes pacifistes qui remportaient bien plus de victoires par les négociations que toutes les armées de l’univers. Prêt à combattre jusqu’à la mort pour ces gens là, il s’attristait de les voir subir une injuste discrimination, trépignant de plaisir en les regardant se dresser contre leur ennemi commun.
Et c’était pour ces raisons que son vaisseau, L’Intrépide Galactique, traversait l’espace en déjouant les blocus des armées du Dictat. Les révolutionnaires d’Alderaan lui avaient fait parvenir un message : un Émissaire renégat demandait à lui parler pour soutenir un mouvement global. Il massacrerait une division entière des Corps Expéditionnaires pour parvenir jusqu’à cet individu, lui apporter son soutien, un bras armé et lui obéir en toutes choses. Parcourir la planète, s’y poser, déjouer les protections satellitaires, percer les lignes ennemis, sortir au plus près de l’hyperespace demanderait une présence de tous les instants de son équipage, des prises de décisions rapides, une exécution exemplaire, une motivation sans faille. Il rejouait de multiples scénarios depuis des heures, les yeux perdus dans les traces de lumière qui bientôt redeviendraient des étoiles clouées, immobiles, dans une voute infinie.
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Deux de ses hommes l’encadraient dans le poste de pilotage, les trois autres servaient les tourelles arrière et latérales. Ils se préparaient à faire usage de leurs armes dès leur sortie de l’hyperespace, tous les senseurs parés à être activés. Une Drall à sa droite, un humain à sa gauche, les mains sur les pupitres, Brain posa l’une des siennes sur la manette d’hyperespace, les yeux rivés sur le chronomètre. Il ne fallait pas déclencher trop tard, leur saut devait les conduire à proximité directe d’Alderaan.
- Passage en subluminique dans dix secondes, annonça Fran pour tout le monde.
Les grognements des deux Seloniens servant les tourelles laser latérales lui confirmèrent qu’ils se sentaient prêts à en découdre. D’après leurs renseignements, plusieurs destroyers dictatoriaux de classe D3 et D4 organisaient le blocus de la planète avec une demi-douzaine de corvettes. Le nombre de chasseurs Alliance était imprécis. Brain s’attendait à une opposition musclée, ils se devaient de les surprendre par leur vitesse pour réussir à se poser à la surface.
Brain abaissa le levier dès qu’il eut fini le décompte. Une planète agréable grossit devant eux, occupant une grande place de l’espace, occultant les étoiles qui reprirent leur place. Les mers aux teintes bleues s’entrelaçaient dans les verts continents, balayés par des bancs de nuages à la blancheur aveuglante. Une planète d’aspect somme toute bien plaisant, lieu d’une lutte sans merci des rebelles contre les forces du Ladish.
Trois chasseurs Alliances situés à mille klics mirent aussitôt le cap sur leur position. Sur sa droite, Gertra, la Drall, obliqua sur la gauche, accélérant l’Intrépide Galactique sur un nouveau vecteur qui tout en s’éloignant de la menace permettait d’orienter les armes du vaisseau vers les chasseurs. A plus de dix milles klics, deux corvettes semblèrent hésiter sur la marche à suivre. La radio grésilla, le grand Corellien blond au visage carré et à la carrure impressionnante à sa gauche s’exclama :
- Monsieur, les Dictats souhaiteraient nous parler !
- Attends le troisième appel avant d’ouvrir un canal de communication, Farin, répondit Brain.
Les chasseurs Alliances se rapprochaient lentement, la vitesse relative restant faible pour le moment. Cela leur permettrait d’engager la descente dans l’atmosphère d’Alderaan. Même en accélération maximale, les Corvettes ne pourraient plus les intercepter. Il lui fallait encore gagner un peu de temps pour que les chasseurs qu’ils ne manqueraient d’envoyer à sa poursuite ne soient pas sur eux au moment de leur atterrissage.
- Monsieur, le canal est ouvert, lui rappela Farin.
Recruté il y a bien des années, l’adjudant Trote Farin se dévouait à lui sans restriction, le servant avec rigueur. Bien des choses n’auraient pas pu être accomplies sans lui. Une voix s’éleva dans le cockpit, accompagnée par une image sur l’écran en face de Brain.
- Bonjour, je suis le lieutenant Rielot Vern, des armées du Dictat. Cette planète fait l’objet d’un blocus. Vos codes d’identification ne vous permettent pas de vous en approcher et de vous poser à sa surface. Je vous prierai de bien vouloir stopper vos machines et vous préparer à être arraisonné. Veuillez expliciter les buts de votre visite !
- Blocus ? Arraisonner ? répondit Brain sur un ton des plus candides. Mais c’est impossible, mes soutes sont pleines de denrées périssables. Il me faut absolument servir mes clients sur Alderaan, je risque de ne pas pouvoir payer les traites de mon vaisseau. S’il vous plait mon lieutenant - le Dictat se décomposa sur l’écran, Farin sourit à ce manquement flagrant à l’étiquette de l’aéronaval – laissez passer mon vaisseau. La situation ne doit pas être aussi grave que vous empêchiez un simple petit commerçant de faire ses affaires.
Déstabilisé, clignant des paupières, le lieutenant Vern prit plusieurs secondes avant de retrouver sa contenance et comprendre que le petit vaisseau n’allait pas s’arrêter. En effet, la Drall gardait son cap et descendait de plus en plus vite vers la planète qui envahissait toute la baie de transparacier.
- Ceci est ma dernière somation, fit le Dictat. Stoppez vos machines !
- Je vous en prie, ne tirez pas ! répliqua le major Fran avant de couper la liaison.
- L’armement est-il opérationnel ? demanda-t-il à son équipage.
Les deux Seloniens grondèrent leur affirmation, ce qui fit rire l’humain à la tourelle de poupe alors qu’il rendait compte du bon fonctionnement de son canon laser. Les trois chasseurs accéléraient. Bien plus mobiles qu’eux, les trois Alliances les rattraperaient au moment où ils pénétreraient l’atmosphère d’Alderaan. Ils devraient s’en débarrasser rapidement s’ils ne souhaitaient pas affronter les nuées de chasseurs que les Corvettes ne manqueraient pas de leur envoyer.
- J’ai dérivé un peu plus de puissance aux tourelles laser, intervint Trote à sa gauche. Est-ce que j’active le champ de protection ?
Brain secoua la tête.
- Non, je préfère garder cet atout dans ma manche au cas où les choses tournent mal. Dans un combat, une telle surprise devrait faire son effet. Nos canonniers sont suffisamment précis pour se débarrasser de trois chasseurs sans qu’il nécessite de dévoiler notre capacité de protection.
L’adjudant retira ses doigts des commandes du bouclier, adaptant les besoins énergétiques des capteurs, des armes et de la propulsion. Leurs senseurs indiquaient qu’ils se trouveraient bientôt à portée de tir.
Utilisant leur vitesse supérieure, deux chasseurs se précipitèrent sur leur avant pour leur couper la route tandis que le dernier se faufilait dans leurs six heures pour leur interdire toutes retraites. Fran sourit, cette tactique éculée des armées du Dictat ne le surprenait guère. Ils auraient une drôle de surprise lorsqu’ils affronteraient leur puissance de feu.
- Ne faites pas feu tout de suite, ordonna-t-il. Attendons qu’ils soient à leur portée maximale, nous serons ainsi certain de nous en débarrasser sans dévoiler trop tôt nos capacités de combat.
Gertra modifia légèrement leur assiette alors que la coque externe commençait à s’échauffer à la friction de la haute atmosphère d’Alderaan. Ils chutaient toujours sur ce monde magnifique, vert, brun ou bleu, survolant des paysages variés. La planète semblait si paisible vue de cette altitude. Leur équipe possédait les coordonnées de plusieurs points de rendez-vous pour rejoindre les rebelles qui menaient ici aussi de durs combats.
- Leurs armes sont activées et prêtes à faire feu d’un instant à l’autre, déclara soudain Farin.
- Procédez à l’acquisition de vos cibles, ordonna Brain.
Quelques rires de satisfaction lui répondirent. Il orienta les canons de petit calibre sur les deux vaisseaux qui allaient leur couper la route. Ils ne seraient pas à sa portée mais Fran ne doutait pas que quelques tirs permettraient d’ouvrir une route plus sûre et de les précipiter vers ses ailiers.
-Tirez à volonté, lâcha-t-il.
Aussitôt, les chuintements aigus des canons lasers envahirent l’intérieur du vaisseau, masquant totalement le ronronnement des propulseurs. Des traits colorés s’envolèrent dans l’espace. Le couple de chasseurs devant eux vira de bord pour éviter les rayons, l’un d’entre eux reçut un coup indirect, non mortel. L’Alliance commença à fumer mais poursuivit sa trajectoire.
Celui collé dans leur six heures fut surpris par les salves. Au lieu de tenter de s’en soustraire, il tira sur leur poupe sans prendre le temps de viser. Deux lasers percutèrent le cockpit mono place de pleine face, pulvérisant le chasseur du Dictat.
Brain tira plusieurs salves imprécises entre les deux vaisseaux ennemis pour les séparer et les canaliser vers les lasers lourds disposés sur leurs flancs. Les Dictats manœuvrèrent pour se mettre en position de tir, évitant leurs lasers. S’enfonçant plus profondément dans l’atmosphère d’Alderaan, Gertra commença en douceur des mouvements d’esquive en ouvrant de meilleurs angles pour leurs canonniers.
Coordonnant leurs tirs, leurs deux adversaires rendirent la tâche bien plus complexe. L’Intrépide Galactique roula bord sur bord dans des manœuvres qui paraissaient désordonnées mais suivaient un plan précis. De longues heures d’entrainement avec ses cinq hommes permettaient à chacun de savoir dans quelle configuration se trouverait le vaisseau l’instant d’après. Les Dictats se rapprochaient, les tirs se croisant au-dessus des têtes.
- J’active les boucliers ? interrogea l’adjudant Farin.
Le chasseur blessé prit un nouveau coup et s’enflamma dans la stratosphère de la planète.
- Inutile ! fit Brain détendu. Où en sont les croiseurs et leurs myriades d’Alliances ?
Une poignée de secondes plus tard, après deux tonneaux et une boucle, le dernier chasseur encaissa deux coups directs alors qu’il armait des missiles atmosphériques. Il se transforma en boule de feu, éparpillant du duracier dans les nuages maintenant tout proches. Des cris de joie indisciplinés leur parvinrent par les sabords menant aux tourelles.
- Ils sont encore loin, mais il ne faut pas trainer dans les parages, répondit Trote en maitrisant son estomac. Les Dictats ne nous prennent plus pour un simple navire commercial, il va falloir se mettre à l’abri sans tarder.
- Je m’y emploie, remarqua Gertra.
Leur trajectoire se stabilisa et ils eurent l’impression de tomber comme des pierres. Les nuages les avalèrent, s’accompagnant de quelques perturbations mineures. La pilote Drall rétablit l’assiette, réalisant une ressource qui les cloua à leurs sièges malgré les systèmes d’absorption d’accélération. Un point rose brillait sur la console de navigation, elle s’y dirigeait par quelques courbes élégantes.
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Un détachement de rebelles Alderaaniens les attendait aux coordonnées qui leur avaient été fournies avant leur départ. Le soulagement de Brain Fran avait été palpable. Leurs hôtes camouflèrent le vaisseau avant qu’ils ne leur fassent prendre la route. Sans être le point le plus proche du Bourtiste qui les sollicitait, seules deux bonnes journées de marche suffiraient à les mener à leur destination. Les Corelliens ne voyageraient pas les mains vides. Des regards envieux les regardèrent s’équiper d’armes performantes, de qualité et plus nombreuses qu’aucun rebelle d’Alderaan ne prétendait pouvoir porter.
Les hommes surentrainés de Brain tinrent un rythme d’enfer, guidés par leurs nouveaux compagnons entre les positions et les patrouilles Dictatoriales. La mission ne consistait pas à faire des cartons. Chacun le savait. Après quelques heures d’observation timides, les échanges allèrent bon train. Discrètement, ils discutèrent tactiques, opérations, armement, difficulté du combat contre des troupes régulières bien entrainées mais pas particulièrement motivées. Les différents mouvements séparatistes qui semaient la zizanie dans les colonies semblaient en passe de réussir à repousser l’infanterie du Ladish. Ils tombèrent d’accord pour admettre que si les gouvernements des différentes colonies se soulevaient et s’alliaient, ils disposeraient d’une flotte suffisante pour résister aux destroyers du Dictat.
Les six hommes du Mouvement Révolutionnaire Anarchiste du système Corellien se sentaient soudain bien moins seuls. Les Alderaaniens ne voyaient que des avantages à approfondir leurs liens avec ces visiteurs bien armés et aux tactiques éprouvées. L’espoir, en plus de la fatigue, brillait maintenant dans tous les regards.
Une journée et la moitié d’une nuit passèrent ainsi à marche forcée. Les discussions chuchotées allaient bon train lorsque des éclats de voix les jetèrent à terre. Ces hommes savaient exactement quel comportement adopter et se cachèrent presque instantanément dans la végétation.
Leurs guides se figèrent dans le silence. Écoutant les bruits d’une escouade en marche à proximité. Les Dictats ne semblaient pas se préoccuper de discrétion. Des blindés légers écrasaient la végétation, des humains se hélaient sans cesse à la recherche de pièges et de mines. Leurs ennemis progressaient dans leur direction mais ne semblaient pas les avoir repérés.
Dans le silence, le chef rebelle donna des ordres par signes. Deux de ses hommes se déplacèrent sur la gauche pour déployer des missiles anti chars. Comprenant instinctivement la manœuvre, Brain envoya Farin et un Sélonien monter une paire de mortiers sur la droite. Les quatre rebelles restants se séparèrent pour rebrousser chemin en formant un demi-cercle. Le major Fran ordonna un repli pour appuyer leurs hôtes.
Gertra, la moins expérimentée et la plus pacifiste de leur groupe, le poil hérissé par l’appréhension, se déplaça pour se mettre le plus loin possible de la première ligne. Une minuscule arme de point à projectiles suffisait à son auto protection. La petite créature rechignait à tuer mais n’hésiterait pas si elle s’y sentait obligée. Elle connaissait ses valeurs de pilote et maniait les commandes Corelliennes de son Intrépide Galactique mieux que nul autre. Elle représentait un point clé de l’opération.
Ils ne patientèrent pas très longtemps. Les éclaireurs ne tardèrent pas à sortir des bois les plus épais pour se montrer dans une partie plus claire de la forêt. Bien cachés, les révolutionnaires attendirent que le gros de la troupe pointe le bout de son nez, trop proche pour respecter des règles évidentes de sécurité. L’escouade se composait d’une vingtaine de soldats lourdement armés sans compter les deux véhicules qui émergèrent en écrasant encore quelques arbres. Ils s’écartaient des routes piégées, préférant se tailler un chemin dans la végétation et perdre du temps. Ils s’avancèrent au milieu de leur embuscade.
Les mortiers crachèrent des obus qui tombèrent à proximité des véhicules puissants qui s’immobilisèrent, ne sachant pas où diriger leur canon laser. Les armes automatiques entonnèrent aussitôt une sérénade, faisant siffler les munitions dans les rangs des Dictats qui se précipitèrent au sol. Ils tentèrent de se mettre à couvert, les ordres ne réussissant pas à couvrir les cris des blessés. Un premier missile réduisit un blindé en une souche fumante. Un rayon de lumière balaya leur position approximative. Précis et imparable, un deuxième projectile réduisit efficacement au silence le véhicule survivant.
Les soldats se reprirent et commencèrent à les arroser de balles et autres projectiles à grande vélocité. L’échange ne dura pas. Les Corelliens éliminèrent la menace avec une régularité d’horlogers. Les tirs cessèrent, seul les plaintes des agonisants troublaient le silence de la forêt où la nature reprit lentement ses droits.
Un Sélonien et deux Alderaaniens y laissèrent la vie. Sans achever les blessés adverses, les révolutionnaires se retirèrent, reprenant leur progression dans un silence de rigueur.
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Ils se retrouvaient enfin tous autour d’une table dans une austère salle de briefing. Propres mais pas reposés, ils observaient en silence leur nouvel environnement. Un Alderaanien inconnu entra dans la pièce. Ils se levèrent à l’unisson, au garde à vous. Il les salua et dit :
- Bonsoir, je le suis le général Quirse. L’Émissaire Tremteth et son Pawindé seront bientôt avec nous pour discuter de leurs propositions et besoins. En attendant, j’ai quelque chose à vous montrer qui introduira parfaitement notre propos.
Il alluma une borne Holo et y glissa une carte de données toute simple. L’humain possédait des traits fins et respirait la bonhommie, engoncé dans un uniforme un peu trop étroit qui avait connu des jours meilleurs.
- C’est un enregistrement Holonet réalisé il y a de cela quelques jours.
Un visage aux yeux brillants apparut au premier plan. Derrière, des gyrophares éclairaient une nuit noire inondée de pluie. Un bandeau défila en bas de l’écran, datant l’évènement quelques semaines auparavant, donnant le nom et la condition sociale du chef d’entreprise qui apparaissait à l’écran. L’homme semblait inquiet mais pas plus embêté que cela malgré le discours qui s’échappa de sa bouche :
« Je viens de recevoir un message m’expliquant qu’un groupe de Bourtistes s’était emparé de l’un des vaisseaux de ma compagnie. Ils étaient retenus prisonniers sur Chandrila et n’avaient d’autres possibilités que de me l’emprunter. L’opposition policière montre bien leurs difficultés à utiliser leur liberté de mouvement.
« Ils me promettent de me rendre mon navire. De la part de gens honorables, je n’en doute pas ou de m’offrir un dédommagement s’ils ne le pouvaient pas. Au moins cela prouvera au Ladish que je ne suis pour rien dans leur fuite. Je me suis fait voler par les Bourtistes et s’ils veulent le garder, qu’ils le fassent. »
Le général Quirse coupa l’enregistrement.
- Comme vous pouvez le comprendre, les Bourtistes ne sont plus de simples pacifistes. Notre combat n’est pas vain et il semble qu’ils aient besoin de notre aide pour peser dans la balance pour nous débarrasser du Ladish.
Ce qui tenait lieu d’un raclement de gorge les fit se tourner vers l’entrée. Un petit Nosaurien à la peau verdâtre s’y découpait. La capuche de sa bure rabattue sur ses épaules laissait voir ses cornes dont l’une d’entre elles avait été sectionnée presque au niveau du crâne. D’une allure avenante, il tenait dans son ombre un grand humain invisible sous sa capuche en adéquation avec la représentation de la congrégation : réservé, voir effacé, mais à la présence impressionnante.
Tous se levèrent une nouvelle fois avec déférence.
- Je vous présente l’Émissaire Tremteth que nous avons recueilli juste après la purge effectuée par les armées du Dictat, ainsi que son Pawindé Ornik.
- Merci de m’annoncer, mon général, commença le Bourtiste.
Il s’avança aussitôt vers Brain.
- Vous êtes très certainement le major Fran, il me semble.
Ils se serrèrent la main, laissant sans voix le militaire endurci.
- Je suis ravi de vous rencontrer enfin, dit le vieux Maître. Et je tiens à vous féliciter pour votre prise de position à défendre la congrégation bien mal préparée à gérer tous ces évènements.
- Je vous en prie, répondit le major en reprenant sa contenance. C’est avec plaisir que mes hommes et moi affrontons la colère du Ladish pour une cause juste. Les colonies emportent les mondes du noyau dans une véritable révolution sous votre étendard. Il devenait urgent que la doctrine politique du Dictat s’effondre pour faire place à un système nouveau plus adaptable aux découvertes récentes afin de gérer des colonies toujours plus étendues.
- Je me félicite d’avoir frappé à votre porte. Vous parlez un langage qui me sied. Mais nous devons encore accomplir tant de choses. Les Bourtistes connaissaient les arcanes du pouvoir avant d’être écrasés sous la botte du despote. Nous aurons besoin d’apprendre de vous les turpitudes de la guerre afin d’être capables de nous protéger. Ce qui reste des Bourtistes aura grand besoin de vos connaissances sur les armes et les tactiques de combat rapproché pour passer le cap et vous emmener plus loin que la révolution. Je suis persuadé, sans parler au nom de nos Conciles, que nous saurons ensemble résister puis remporter des victoires décisives sur notre ennemi commun.
Brain se sentait totalement conquis par ce petit être. En lui faisant ainsi face, il se persuada que sous cet aspect chétif couvait une grande force qu’il suffirait d’exprimer et de canaliser pour le rendre invincible. Il ne se trompait presque jamais lorsqu’il fallait jauger une recrue.
- Je peux dès maintenant vous assurer de ma complète collaboration. Tout le Mouvement Révolutionnaire Anarchiste Corellien se trouve derrière moi et nos moyens seront à votre disposition autant que faire se peut malgré les combats qui se déroulent actuellement dans mon système.
- Asseyez-vous donc à la table, interrompit le général Quirse, que nous puissions discuter des modalités d’une si formidable alliance. Les rebelles Alderaaniens ne comptent pas non plus demeurer en dehors du coup.
II
L’ingénieur Chertry Marenko troublait son attente d’une partie de Sabacc solitaire. Son niveau d’ennui atteignait des sommets. Tython et les contemplations Bourtiste ne suffisaient pas à l’occuper bien longtemps. Son travail de scientifique lui manquait, et la technologie de l’arme ancienne ne reposait pas sur des machines ou des ordinateurs. Il ne pouvait pas les aider, seul l’esprit et la projection dans le Fluide leur ouvriraient les portes de la maitrise de cette chose. Une arme certes magnifique et dont les possibilités paraissaient vastes. Jusqu’à surement réussir à détruire un Destroyer à l’autre bout du système.
Bien que très cultivés, les Bourtistes ne comprenaient rien aux technologies. Certains s’intéressaient à ses connaissances mais Chertry avait toujours fait un bien piètre professeur. Il ne savait pas leur transmettre son savoir qu’ils ne saisissaient pas. Encore une fois, il ne se sentirait utile que lorsque ses hôtes prendraient la décision de partir pour le système de Ragoon. L’ingénieur les conduirait sans faille au travers des étoiles.
Ces gens méritaient tout de même de se battre contre une administration depuis longtemps pourrie par la corruption et les luttes de pouvoir. Lui-même issue d’une famille noble du Dictat, Marenko suivait son propre chemin de résistance en choisissant les voies de la technologie plutôt que celles de la politique. Délibérément, il refusait toujours de prendre la relève. Au grand dam de son père qui gouvernait d’une main de maître les affaires de la famille. Chertry avait tout appris des bakchichs, comprenait jusqu’à les haïr tous ces politiciens imbus de leur personne. Oui, le combat balbutiant de ces êtres exceptionnels valait qu’il apporte sa pierre à l’édifice. Mais pas comme cela, pas en regardant de son œil vide les murs humides et gris de la cellule dans laquelle son esprit tournait en boucle.
Et plus que tout, les vraies femmes lui manquaient. Il avait bien tenté de tourner autour de quelques jeunes Bourtistes survivantes. Mais elles le voyaient venir de loin, le repoussaient sans peine, se barricadant derrière leur froideur à l’épreuve de toute circonstance. Chertry ne comprenait pas comment elles résistaient à son charme, et ne voyait pas comment des gens aussi peu enclin aux sentiments pourraient sortir leur épingle du jeu sur un champ de bataille. Malgré tout, leur réaction ne le surprenait pas. Il travaillait souvent avec la congrégation, et en quelques rares exceptions, le jeune homme n’avait réussi qu’à s’en faire des amis sincères à défaut d’intimes.
En souriant, Chertry repensa au cas particulier du Maître Kelt. Un monde séparait ce Bourtiste ; « non », « Djay-Dala » se reprit l’ingénieur, « ou quelque chose d’approchant », de son comportement ici et de celui qu’il manifestait hors de la vue de ses supérieurs. Finalement, Marenko ressentait à son endroit bien plus de points communs que la concurrence qui les opposait sans cesse. Leurs prises de bec devenaient un plaisir à l’accomplissement de ce voyage.
L’hostilité de Ragoon6 lui manquait, ainsi que le permabéton de Coruscant, ses gratte-ciels, son travail d’étude et la civilisation. Il ne ferait jamais un « Djay-machin » mais on lui offrait l’opportunité de défendre une cause juste et de redessiner les traits de son monde qui ne lui plaisait pas. Sans en être l’artiste, il participerait activement aux changements qui se profilaient à l’horizon. Enfin, lorsque ces pacifistes se décideraient à prendre des décisions et passeraient à l’action.
Il doutait d’avoir autant de patience qu’eux. Il désespérait d’en apprendre cela. Chertry se replongea dans sa partie de carte, attendant que le monde modifie ses perspectives.
*******
La réflexion s’intensifiait avec la proximité du départ des différentes missions qu’ils programmaient. Maîtres et Pawindés arbitraient, lors de longues discussions fertiles, les moyens en fonction des possibilités de chacun pour les répartir entre les mondes qu’ils visaient.
En parallèle, Lou Osem menait les débats pour construire un ordre nouveau au sein de leur congrégation pacifiste. Ils manquaient cruellement d’expérience et se devaient d’agir dans l’ombre. Tout devait être fait en même temps, construire l’ordre Djay-Shla avant d’en proposer les principes aux Doyens, organiser des missions périlleuses dans les colonies et le noyau, répartir hommes et matériels en fonction des besoins et capacités de chacun. Le jeune Pawindé y pensait nuit et jour, se reposant sur ses groupes de discussion pour rendre un peu plus vivantes les idées et les principes qui naissaient dans son imagination.
Le Pawindé Sélonien Xediver s’approcha de lui. Il se planta devant Lou en attendant qu’il sorte de ses pensées avant de livrer son message et le fruit des travaux de son groupe dont il tenait les feuillets contre son ventre.
- Lou ? Xediver paraissait intimidé bien qu’il fut son ainé. Nous avons fini d’inscrire toutes les règles que nous conservons de la congrégation et les transformations que nous y apportons. Nous y légitimons l’existence de notre nom, les Djay-Shla, comme étant les croisés du Fluide. Nous y compilons toutes les lois que nos Novices devront apprendre ainsi que tous les apprentissages Bourtistes qu’ils emploieront pour servir notre juste cause. Conformément à nos débats nous établissons le profil des éléments, qui, s’ils le souhaitent, passeront de la congrégation à l’ordre après leur noviciat pour s’insérer dans notre échelle de grade. Ils deviendront Pawindé pour être confié aux Maîtres afin de parfaire leur formation au combat avant de pouvoir voler de leurs propres ailes et obtenir le rang de Chevalier. Les meilleurs pourront ensuite former des Pawindés en arrivant au statut de Maître. Parmi ceux-ci nous avons trouvé plus confortable de garder les rangs d’Émissaire et de Conciles.
- Parfait, résuma Lou. Ainsi allégée, notre bureaucratie sera plus simple à gérer. Je ferai parvenir tout cela à la Doyenne N’adon pour qu’elle s’en imprègne et puisse présenter tout cela aux Grands Maîtres du concile Bourtiste. Dès que nous disposerons de leur aval, nous poursuivrons notre aventure et accepterons de nouvelles recrues.
Xediver lui tendit le paquet de feuilles couvertes d’une calligraphie harmonieuse en basic avec un grand sourire avant d’ajouter :
- Votre Maître, l’Émissaire Grozilier vous a également fait mander. Il vous attend dans la salle des opérations…
- La salle des opérations ?
- Oui, Pawindé Osem, les locaux qu’ils ont pris pour leur groupe de réflexion. Ils l’ont nommée ainsi puisqu’ils y planifient les futures missions, allouent des moyens, et préparent les ordres des Djay-Shla qui partiront.
Lou en resta perplexe un court instant. Trouvant l’idée plutôt bonne, il se leva et ajouta sans sourire :
- Je vais donc me rendre à cette « salle des opérations ». Merci pour cet excellent travail, félicite ton groupe et répartissez-vous à d’autres tâches. Votre aide sera appréciée où que vous alliez. Il reste tant à accomplir.
Ils se quittèrent après une brève accolade. Une telle fraternité entre deux espèces si différentes paraîtrait choquante partout dans le Dictat ailleurs qu’ici. Lou se fit la promesse de rendre caduque les anciennes lois discriminatoires. Les Bourtistes portaient des œillères, enfermés dans leurs temples à éduquer et à conseiller. Les Djay-Shla ouvriraient grands les yeux pour porter secours aux opprimés de toutes espèces et défendre la justice partout dans l’univers. Le rêve de Lou était en passe de se réaliser et de nombreux anciens Bourtistes y travaillaient. Il ne pouvait les décevoir.
*******
C’est une ruche bourdonnante d’activité qui l’accueillit. Un sourire joua sur ses lèvres en comprenant quelle frénésie de travail régnait dans ces locaux. De nombreux membres partiraient bientôt dans l’espace pour obtenir des renseignements, espionner les faits et gestes du Ladish, trouver des appuis militaires, amener la bonne parole partout, du noyau profond jusqu’aux plus lointaines colonies.
Le Pawindé Dimitril Trehom, son parrain Bourtiste, se tourna vers lui lorsqu’il sentit sa présence dans le Fluide. Il ne put lever son bras droit absent depuis son amputation pour l’accueillir. Lou lut en lui que son esprit le fit. Dimitril lança à la cantonade, l’air de rien :
- Voici notre premier Chevalier Djay-Shla !
Tous s’immobilisèrent, suspendant leurs travaux, un silence se répandit dans la salle comme s’il venait de basculer un interrupteur. Des vagues de soutien et de confiance parvinrent jusqu’à Lou dans le Fluide, émanant de tous.
L’Émissaire Grozilier se matérialisa auprès de lui.
- Félicitations, Chevalier Osem ! fit-il.
- Cela n’est pas un peu rapide dans mon cycle de formation ? demanda Lou.
- Non, répondit son Maître. Les Maîtres qui ont embrassé ta cause se sont réunis. Nous sommes tous tombés d’accord. Tu seras le premier à être promu à ce rang. Les Conciles prendront le temps d’officialiser tout cela mais il nous a parus évident que tu devais être le premier à mériter de devenir Chevalier. C’est l’emblème même de ton Ordre tout juste créé. Les notions de l’ancienne chevalerie imprègnent tous les textes que tu as fait écrire.
- J’ai encore besoin d’un Maître. Je ne suis pas encore prêt à me suffire à moi-même, remarqua Lou. Et tout cela – son bras parcourut l’assemblée figée – est l’œuvre de tout ceux qui travaillent d’arrache pied à l’édification de la résistance. Je ne suis pas seul, c’est une œuvre collective.
Daivien posa une main sur l’épaule de son ancien Pawindé, laissant s’exprimer sa douce quiétude dans le Fluide, irradiant de la bonté qui frappait tout les gens sensibles l’approchant.
- Je me tiendrai à côté de toi tant que tu en auras le besoin. Mais tes Maîtres en ont décidé et tu es le moteur de cet Ordre naissant. Ce titre te revient de plein droit même si tu as encore beaucoup à apprendre. Nous découvrons tous de nouvelles possibilités dans le Fluide et en cela nous sommes tous sur un pied d’égalité. Tout le monde t’appellera Chevalier, et c’est un insigne honneur pour moi – le maître jeta un coup d’œil sévère à Dimitril – que de te faire connaître ta promotion.
Lou resta silencieux, le regard braqué sur les yeux bleus de l’Émissaire. Il se décida enfin à parler :
- Je ne peux que l’accepter. Nous avons d’autres sujets de conversation à traiter je suppose, et bien plus urgent. Remettons-nous au travail !
Lou dompta l’immense sentiment de fierté qui l’envahissait, prêt à tout submerger. Il se lança à corps perdu dans sa tâche. Les missions devaient être peaufinées, il lui tardait d’en découdre. Il s’attacha à éplucher l’organisation de cette cellule, plus qu’un groupe de travail. Le jeune Chevalier constata l’ardeur et les complimenta pour leur résultat, émettant tout au mieux quelques conseils.
Ils s’écartèrent de la ruche bourdonnante, s’abritant dans une cellule contiguë. Son maître le briefa sur les décisions prisent :
- Accompagnée d’une douzaine de Djay-Shla, commença Daivien Grozilier, Nadidja devrait s’envoler pour Ragoon6. Ils constituent nos éléments les plus doués au corps à corps. Nous tentons actuellement de récupérer ou d’acquérir certains objets qu’il leur semble utile. Le Maître Kelt, avec son expérience des expéditions scientifiques, est d’un grand secours pour définir nos besoins. Être autonome complique notre tâche, les Émissaires tel que moi usions de l’infrastructure du Dictat pour remplir nos missions. Je n’avais pas conscience de ce que cela représentait comme démarches et comme moyens humains.
- Vous leur trouverez des bottes ? questionna Lou.
L’Émissaire eut un instant de silence.
- Nadidja m’en a parlé, s’expliqua le jeune homme. Elle y tient beaucoup, les combats à main nue demandent d’exécuter des mouvements amples et d’utiliser le Fluide pour faire des sauts… Enfin bref, les sandales ne sont pas très efficaces. Le peu de temps que j’ai passé à l’entrainement m’a permit de comprendre le problème et j’ai lancé un groupe de réflexion sur notre tenue pour redessiner cela aussi. Nous nous orientons, pour compléter les bottes, vers une veste large à capuche et un genre de sarouel pour couvrir les jambes. Nous recyclerons la matière de nos vêtements Bourtistes dont le tissu est approprié à nos besoins. Nous ne toucherons pas aux couleurs, pour le moment.
L’Émissaire reprit la parole, semble-t-il satisfait de l’information qu’il venait d’apprendre :
- Les bottes ne sont pas le plus difficile à nous procurer. Le carburant pour nos vaisseaux, les pièces de rechange pour les réparations, ainsi que les connaissances techniques nous font défaut.
- Nous avons beaucoup de pannes ?
- Très peu en fait, répondit l’Émissaire. Nous ne volons presque pas de peur d’être repérés par les senseurs de l’astroport. Mais le moindre souci technique devient vite un véritable casse tête…
Une idée lumineuse obligea Lou à interrompre son mentor :
- Avez-vous sollicité l’ingénieur Marenko ? l’autre secoua la tête. Il se sent particulièrement inutile, vous devriez lui confier quelques missions de réparation. Je sais que l’on ne peut pas lui demander de former nos gens mais ils pourraient acquérir quelques astuces à son contact.
- Nous pouvons retenter l’expérience, répondit Daivien. En le laissant un peu plus libre de ses mouvements. Les derniers essais n’ont pas été concluants, c’est un humain au caractère difficile. Il ne se sent pas du tout dans son élément ici. Mais j’irai personnellement le voir pour tenter de négocier et obtenir une participation.
Lou secoua la tête piteusement avant de remarquer :
- Nous serons forcés d’engager de la main d’œuvre afin d’appréhender les techniques que nous ne maîtrisons pas. Les Conciles lèveront surement leurs boucliers. Mais nous n’aurons pas le choix. Où en est notre expédition pour N’zoth ? Eux pourraient nous faire bénéficier de chantiers navals et ainsi déplacer le problème sur une autre planète.
- J’y reviendrai plus tard. Trois binômes partiront bientôt pour les colonies, nous devons impérativement prendre contact avec les rebelles qui se battent pour nous sur Corellia et Alderaan essentiellement mais ne pas négliger les petits mouvements. Ils sèment une pagaille qui nous apporte beaucoup en détournant les yeux du Ladish. Nous devons les soutenir et les encourager à continuer ainsi.
Un instant de silence pesa entre les deux hommes. Lou ressentit que son Maître aborderait sous peu un élément essentiel de leur dispositif, il le laissa donc reprendre :
- Nous trouvons indispensable de faire partir l’un des nôtres sur Coruscant – l’étonnement de Lou transparut dans son expression – et cela pour plusieurs raisons. Il nous faut absolument quelqu’un là-bas pour surveiller les guerres de palais qui vont s’y livrer à cause des affaires qui secouent le Dictat. Le pouvoir en place vacille et il est important que nous puissions en profiter au plus vite.
- Qui a eu cette idée lumineuse mais risquée ? demanda Lou.
- La Pawindé Latitce Sorkan nous l’a soufflée. Elle connait les professeurs de l’université Dictatoriale et pense pouvoir se joindre à l’équipe de précepteurs des enfants du Ladish. C’est une étudiante en histoire avec de bonnes connaissances politiques. Elle a longuement observé la cours des Carieda et devrait comprendre aisément ce qui s’y trame. Latitce devra également se faufiler dans le temple pour mesurer l’ampleur des dégâts, sauver ce qui peut l’être, le préparer à notre futur retour et enfin faire ses rapports en utilisant le diamant de communication.
- Voilà un bien lourd fardeau pour un rat de bibliothèque !
- Bien au contraire, c’est une belle jeune femme pleine de ressource. Elle a des idées arrêtées sur sa tâche et ne manque pas de bonnes réactions lorsqu’elle est prise au dépourvu. Une tête bien faite pour un corps qui ne l’est pas moins. Elle aura un grand avantage pour entrer en contact avec les adolescents Carieda. Elle connait des dissidents à l’université qui trouveront le moyen de la propulser dans la forteresse. Il faudra également qu’elle cache sa provenance, nous lui trouverons des toilettes civiles de rigueur. Dans la même optique, elle parviendra à Coruscant par les voies de transport classique. Nous ne possédons pas suffisamment de vaisseaux pour honorer toutes les missions et se poser sur la planète mère du Dictat représenterait un risque majeur d’essuyer une perte et de faire capoter la mission.
- Bien, il faudra que je rencontrer cette Pawindé Sorkan… Pour que vous lui marquiez autant de confiance, Maître, elle devait être proche de la fin de sa formation. – Daivien opina du chef – nous pourrions donc bien trouver le deuxième Chevalier de notre Ordre. Qu’en pensez-vous ?
Grozilier prit le temps de la réflexion avant d’affirmer :
- Je soumettrai ta proposition à mes pairs ! – Il marqua une courte pause et reprit – Pour ce qui est de notre mission, nous sommes en passe de disposer d’un sauf conduit en espace Yevethas. Nos contacts à l’astroport de Ternangoff y travaillent en toute discrétion et pensent nous fournir les codes nécessaires sous peu. Notre mission est capitale, elle pourrait nous offrir la collaboration de guerriers redoutés et de tacticiens hors paires. De plus, offrir l’indépendance à leurs mondes représente un gage de sécurité et de discrétion. Nous devrons les convaincre de notre soutien et de relations fructueuses avec le gouvernement que nous proposons de créer pour remplacer le Dictat.
- Nous pourrions même les intégrer complètement aux colonies, proposa le Chevalier Osem en fronçant les sourcils.
Le Maître secoua la tête avant de répondre :
- C’est un peuple fier et particulièrement Xénophobe. Ils ne voudront jamais d’une coopération complète avec des étrangers. Mais je sais, pour avoir personnellement servi de médiateur dans plusieurs crises, qu’ils ont des problèmes fréquents avec les troupes du Ladish à la frontière de leur système. En cela nous trouverons un terrain d’entente. Nous négocierons au moins leur tranquillité et la mise en place de routes commerciales fiables.
Les deux hommes se regardèrent. Tous les points importants avaient été abordés et Lou comprenait bien mieux la qualité du travail mené ici. Presque à l’unisson, ils se plongèrent dans le Fluide, lisant ses mouvements, entamant une transe de contemplation légère pour écouter son souffle leur murmurer les détails que leur pensée consciente aurait occultée. Calmes, en harmonie, intouchables, puisant aux sources de leur Énergie, les deux êtres effleurèrent leurs âmes. Tout cela ne dura qu’un infime instant mais leur confiance mutuelle s’éleva d’une compréhension nouvelle. Grozilier montra à son ancien Pawindé les chemins d’un entendement profond du Fluide. Quelque chose se libéra en Lou, le Fluide enroula ses torrents d’énergie autour de lui et lui révéla la force qui se cachait en lui.
Les deux Djay-Shla revinrent à la réalité, hébétés.
- Ce n’est pas aussi fort que mon passage au rang de Pawindé mais très riche en enseignements.
- Te voilà disposé à conquérir ton indépendance. Une vie entière d’apprentissage s’ouvre maintenant devant toi : chaque jour, contemplation, évènement apportera son lot. « Que le Fluide puisse te guider à jamais sur des voies lumineuses ». Certains doutaient de tes capacités encore très neuves. Tu me prouves une fois encore toute l’étendue de tes capacités.
Ils se turent un instant, ne voulant pas briser cette intime communion. Le Maître Grozilier se secoua le premier :
- Il me reste encore beaucoup de travail à accomplir et je suis persuadé que de nombreuses besognes requièrent ton attention.
Ils se séparèrent en silence. Lou reprit le rythme trépidant qui devait le mener d’un groupe de travail à un autre, fort de l’espoir que portaient en elles toutes les missions qui s’envoleraient dans toutes les directions. Ils voyaient les Djay-Shla se répandant dans le Dictat comme une armée silencieuse, libératrice, non violente, redonnant l’espoir aux opprimées, allégeant le joug qui écrasait le collier des honnêtes gens. Lou ne sut distinguer la vision de son fantasme mais il s’employa à distribuer sa ferveur nouvelle tout autour de lui.
En quête de votre intérêt et de vos suggestions, votre dévoué serviteur dans la force, AJC