Les Derniers Jedi est un film étrange, à la fois classique et surprenant, à la fois poussif et captivant. Si je devais résumer en une phrase mon ressenti, je dirais que le film est indéniablement plus enthousiasmant que ne l'était
le Réveil de la Force mais que je suis loin d'avoir retrouvé l'émotion et la sensation d'aboutissement que m'avait procurées
Rogue One l'an dernier.
Je précise que ce qui suit contient des spoilers.
Pour moi, la grande force de ce film est l'histoire centrée sur Rey, sa relation avec Luke et le duo qu'elle forme avec Ben Solo. Bien qu'elle prenne son temps, cette histoire est de loin la plus originale et la plus audacieuse que nous a offert cette postlogie jusqu'à présent, elle redonne même de l'intérêt rétroactif à de nombreuses scènes un peu bancales du film précédent. Pourquoi audacieuse ? Parce qu'étonnamment sombre et négative par rapport à ce qu'on aurait attendu de la part de héros si emblématiques. Mais audacieuse aussi parce que cette histoire centrée sur la Force nous emmène sur des chemins bien surprenants par rapport à ce qu'on avait déjà vu : des liens psychologiques et projections astrales capables de toucher depuis l'autre bout de la galaxie notamment. Audacieuse aussi parce que le personnage de Rey, incroyablement doué, semble se satisfaire d'utiliser des pouvoirs à peine domptés comme à la limite du côté obscur. C'est audacieux car cela remet en cause toute la force et la pertinence de l'opposition entre côté obscur et côté lumineux qui animait les six films de George Lucas. Cette histoire est surprenante mais, pour un peu qu'on accepte de remettre en cause ses connaissances sur la Force, également fascinante.
Un autre point positif est le soin apporté aux décors et en particulier à la faune des planètes visitées. Là où l'Episode VII était d'une effrayante pauvreté, le soin a été mis ici de peupler toutes les planètes rencontrées d'animaux originaux et de proposer une véritable immersion dans ces nouveaux environnements. Si je suis plus réservé sur la planète de sel de la bataille finale, assez classique, il faut remarquer l'île de Luke en exil qui se voit bien enrichie ainsi que le monde-casino qui semblerait tout droit sorti de la prélogie (voire de
The Clone Wars).
Du côté des points positifs toujours, je citerais l'évolution du personnage de Finn, bien plus baroudeur que dans le précédent opus. Son nouveau duo avec Rose est une nouvelle surprise mais fonctionne bien.
Malgré tout ça, le film laisse une impression mitigée sur de nombreux points, plus ou moins importants.
Déjà, j'ai été déçu de retrouver de nouvelles redites de la trilogie originale, plutôt tirées des épisodes V et VI cette fois. En vrac : le dialogue entre Rey et Ben dans l'ascenseur du vaisseau de Snoke qui est un pur remake de la discussion entre Luke et Vador sur Endor, la scène qui suit avec Snoke continue d'ailleurs lourdement ce parallèle, la bataille sur Crait ressemble quand même comme deux gouttes d'eau à celle de Hoth, la grotte du côté obscur sur l'île de Luke rappelle bien sûr celle de Dagobah, de manière générale l'infiltration de Finn et Rose sur le vaisseau de Snoke pour désactiver le traceur en rappelle tellement d'autres que ça devient blasant... Bien sûr, on peut ressortir le coup de l'hommage mais c'était encore une fois trop.
Autre point majeur problématique pour moi, la quasi-intégralité de l'affrontement entre le Premier Empire et la Résistance est profondément inintéressante dans ce film. On assiste à une poussive poursuite en vitesse subluminique qui dure la moitié du film et à une laborieuse bataille d'égos au sein du commandement de la Résistance. De la bataille d'ouverture assez peu trépidante à l'échappée finale dont on comprend mal ce qu'elle résout (une fois le vaisseau de Snoke et son traceur détruits, se poser et guerroyer n'avait plus beaucoup de sens), en passant par le plan incroyablement foireux consistant à faire un aller-retour à perpète pour trouver un décrypteur en pleine course-poursuite, tout cet affrontement est souvent absurde et quasiment jamais passionnant.
Au nombre des soucis, je note aussi le personnage de Phasma qui réussit l'exploit d'être encore plus dispensable et accessoire que dans l'Episode VII (son unique scène est tellement dispensable qu'on aurait tout aussi bien pu la couper au montage). Je mentionnerais également Poe qui, au contraire de Finn, dégringole et passe de véritable héros surdoué dans l'épisode précédent à fanfaron complètement inutile ici, un triste sort pour un personnage principal.
Dernier point gênant : l'impression régulière qu'on assiste à un léger n'importe quoi. De Leia qui se hisse dans l'espace avec la Force au fantôme de Yoda qui déclenche la foudre, sans compter bien sûr la mort de Luke dont on peine bien à saisir la raison (l'épuisement ?) et qui semble sortir de nulle part. J'ai déjà parlé du plan foireux de Poe, Finn et Rose, j'aurais aussi pu parler de l'incapacité de la flotte de Premier Ordre à rattraper la maigre flotte de la Résistance alors qu'elle est moins nombreuse, moins armée, qu'elle a moins d'énergie et qu'elle fonce en ligne droite.
Je finirai en parlant de la réalisation de Rian Johnson qui, si elle ne brille pas dans les batailles spatiales franchement peu mémorables (à l'exception du fabuleux plan de la destruction du vaisseau de Snoke), est très au-dessus de celle de J.J. Abrams concernant la direction d'acteurs qui est, elle, de haute volée, chose très rare dans Star Wars, ainsi que dans les plans d'ensemble : les batailles sont lisibles et les paysages ont enfin une vraie ampleur.
Je n'ai pas parlé de la musique de John Williams qui capitalise plutôt bien sur les thèmes du précédent film. Le nouveau thème m'a fait penser à Jurassic Park, ce qui n'est pas très heureux, mais globalement c'était bien.
Bref, comme je le disais, un film étrange, intéressant et globalement plaisant mais avec tout de même de nombreux défauts. Il faudra sans doute voir l'Episode IX pour évaluer proprement où tout cela nous mène.