C'est un poncif de dire que cet épisode VIII était attendu par beaucoup. L'épisode VII avait été pour moi une semi-déception au premier visionnage, ne retrouvant pas mes marques par rapport aux derniers films de la Saga sortis à l'époque, à savoir la Prélogie. En effet, le manque de contexte géopolitique, de background pour certains personnages principaux et d'une forte dramaturgie comme celle de l'épisode III notamment, manquaient cruellement au Réveil de la Force qui, néanmoins, bénéficiait de nombreuses qualités (nouveaux personnages très attachants, rythme du film et réalisation impeccables, intrigues lancées pour la suite de la Saga, entre autres). Le côté "safe" du scénario si décrié comme étant une pale copie de celui d'Un Nouvel Espoir et une trop grande timidité visuelle m'avait alors poussé à fonder beaucoup d'espoirs sur cet épisode VIII. Qu'en-est-il au final ?
Rian Johnson a décidé de faire son film de la manière la plus saine qui soit : en tant qu'artiste le plus indépendant possible qui propose sa vision personnelle de ce à quoi doit ressembler l'épisode VIII de la saga Star Wars. Sans forcément chercher à prendre les Fans dans le sens du poil. En cela il me rappelle un certain G.L. Il était salutaire de prendre des risques après un épisode VII sclérosé par la nostalgie de la Trilogie Originale. Ces risques, Johnson les a pris. Et pour ça il a tout mon respect. Le souci c'est qu'il n'a pas pris les bons. Ou pas de la bonne façon. Explications.
RJ a voulu faire souffler un vent nouveau sur Star Wars, c'est évident. Il a voulu dépoussiérer une saga vieille de 40 ans,et il n'a pas pris de gants. Sa réalisation est réussie. Mais pour autant elle reste classique et sans surprises. Le montage du film est rapide quand il le faut, et on a même droit à un vrai flash-back qui ne soit pas une vision de Force, une première dans un épisode numéroté de la Saga ! Et ce même flash-back est utilisé à deux reprises et pour illustrer deux points de vue différents sur un même événement crucial de l'intrigue : le Basculement du jeune Ben Solo du côté Obscur. J'ai trouvé ces moments réussis et ce ne sont pas les seuls. Le film est beau visuellement mais malheureusement ça ne suffit pas... car le bât blesse sur un autre point très important : le scénario ou plutôt comment le scénario est mis en images, comment il prend vie.
L'histoire en elle-même est très sombre. En cela RJ ne casse pas un des codes fondamental de la saga qui veut que le deuxième acte de la tragédie/trilogie le soit, avant le troisième acte censé ouvrir vers quelque chose de plus heureux. Pourtant à aucun moment du film je n'ai vibré pour les personnages, dans un sens comme dans l'autre. Jamais je n'ai compati au sort des personnages, jamais je n'ai versé une larme et jamais je n'ai ressenti d'excitation à cause d'une situation qui créerait une tension dans le récit. Je ne suis tout simplement jamais rentré dans le film parce que ce dernier, en dépit de ce qu'il a à raconter de tout à fait digne d’intérêt m'a empêché de le faire ! Le coupable principal de cet état de fait : l'humour... ou ce qui prétend en être...
Que Johnson trolle allègrement l'épisode précédent c'est son droit après tout. Mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il ne l'a pas fait avec une très grand classe... Luke (dont le traitement global est excellent et m'a beaucoup plu par ailleurs !) est absolument replié sur lui-même au début de l'épisode, incapable de trouver en lui la moindre force, la moindre envie de reprendre un rôle majeur dans la lutte contre le Mal. Je n'ai aucune difficulté à accepter ça, mais pourquoi, pourquoi lui faire jeter son sabre que vient de lui rapporter Rey par dessus son épaule dans ce geste complètement je-m'en-foutiste ? c'est complètement contraire au personnage (je ne parle pas du Luke qu'on a laissé à la fin de l'épisode VI mais bien de celui-ci) ! il aurait suffit de le lui faire lui faire lâcher en le laissant glisser des doigts ce qui aurait été tellement plus raccord avec le Luke désabusé qu'on cherche à nous dépeindre ! TOUT aurait été préférable à CA !
Et ce n'est hélas que le début... le film va se faire un malin plaisir à mettre de l'humour bas-du-front dans toutes les scènes ruinant complètement la possibilité du spectateur de se prendre à l'histoire ou d'apprécier les personnages. Seuls Luke, Leia, Rey et Ben semblent passer entre les gouttes de ce jeu de massacre... Hux ? trollé à longueur de film dès sa première apparition, alors qu'on pensait avoir affaire à un méchant digne de ce nom. Il survit à son échec du début... Incompréhensible, sauf si c'est pour continuer à en prendre plein la tronche par la suite. Phasma ? renvoyée à son statut relevant du néant (pas un mal d'ailleurs, personne ne la regrettera). Finn ? sous-exploité au possible. Alors que c’était lui qui distillait une partie de l'humour de
TFA. C3PO en prend aussi pour son grade à la fin du film quand Poe lui coupe la parole brutalement, une façon de lui dire : ça fait un sacré bout de temps (40 ans pour être précis) que tu casses les pieds à tout le monde en palabrant donc maintenant ferme-là ! Non vraiment, cette façon qu'a le film de tout dédramatiser en permanence est juste nulle et indigne d'un film comme Star Wars. Plus que le dédramatiser, elle le désenchante ! et ça c'est vraiment très très triste...
Pourtant, le potentiel était là et si on parvient à fermer ses oreilles, à passer outre cette vulgarité, l'histoire ne manque pas d'enjeux dramatiques et de pistes extrêmement intéressantes. C'est d'autant plus rageant de ne pas pouvoir en profiter car tout est là sous nos yeux effarés : La Force, la dualité Clair/Obscur, la notion de choix, la notion d'échec et de ses conséquences, le(s) lien(s) avec la prélogie qui manquait tant au Reveil de la Force... En tant que lecteur des novélisations, j'espère que celle-ci corrigera cette fuite en avant grand-gignolesque car l'histoire est elle-même n'est pas mauvaise mais elle a été comme vidée de sa substance par cet humour ridicule qui tue tout ce qui pouvait la rendre épique (ou presque).
En conclusion, je ne peux que m’empêcher d'éprouver un sentiment d'immense gâchis face à ce drôle d'objet qu'est Les Derniers Jedi. Ryan Johnson avait toutes les cartes en main pour réaliser non seulement une grande suite au Réveil de le Force mais également un épisode majeur de la Saga. Sa stratégie du "dégagisme" des anciens personnages comme des nouveaux, mais aussi d'un certain respect du ton de la narration dans un film Star Wars, nous laissent sonnés, et quelque peu désabusés... Cet épisode réussit le tour de force de me convaincre de ne jamais avoir envie de le revoir. Un comble !